Les Patins d’argent/XV
Il se fit enfin un mouvement sur le lit, très-léger, mais suffisant pour les faire tous tressaillir. Le docteur se pencha vivement sur le malade.
Encore un mouvement : la large main de Brinker s’agita, puis se porta lentement vers son front.
Elle y palpa les bandages, non pas d’un mouvement machinal, comme il eût pu le faire la veille, mais comme l’eût fait un autre malade qui aurait voulu se rendre compte de leur présence autour de sa tête. Le docteur lui-même osait à peine respirer. Cependant les yeux de Brinker s’ouvrirent petit à petit, puis ses lèvres. Il allait parler.
« Doucement, doucement, dit une voix qui résonna étrangement aux oreilles de Gretel. Relevez un peu ce mât, camarades ! Maintenant jetez la terre. Les eaux montent vite. Pas de temps à… »
Dame Brinker s’élança en avant comme une panthère, saisit les mains de son mari et se penchant vers lui, lui cria :
« Raff ! Raff ! mon ami, parlez-moi.
— Est-ce vous, Meitje ? demanda-t-il d’une voix faible. Que m’est-il arrivé ? Il me semble que j’ai été blessé et que j’ai dormi. Où est le petit Hans ?
— Me voici, père, cria Hans, à moitié fou de joie. »
Mais le docteur le retint.
« Il se rappelle, il nous reconnaît ! s’écria dame Brinker. Grand Dieu ! Il nous reconnaît enfin ! Gretel, Gretel, venez voir votre père ! »
En vain le docteur ordonna de faire silence et s’efforça de les éloigner, ce fut impossible.
Hans et sa mère étaient penchés sur le lit du malade, si nouvellement réveillé à la vie. Gretel ne disait rien, elle se retenait de respirer, mais elle voyait ; mais de ses yeux tout grands ouverts, coulaient de grosses larmes silencieuses. Son père parlait d’une voix si faible. Qui donc aurait été rompre le silence si nécessaire pour qu’on pût l’entendre ?
« Est-ce que le kindje dort, Meitje ?
— Le kindje, répéta dame Brinker. Oh ! Gretel, c’est de vous qu’il parle ! Son second mot est pour le second de ses enfants, car son garçon, il l’appelait le petit Hans ! Dix ans endormi ! Oh ! mynheer, vous nous avez sauvés tous. Il y avait dix ans qu’il ne connaissait plus rien. Enfants, pourquoi ne remerciez-vous pas le docteur ? »
La bonne femme était folle de joie. Le docteur ne répondit pas, mais ses yeux allèrent au-devant des siens, et du doigt il lui montra le ciel ! Quelle noble tête il avait dans ce moment-là, le rude docteur Boekman. Il était transfiguré. Dame Brinker, Hans, Gretel et son assistant lui-même regardaient son grave et beau visage attendri comme on regarderait celui d’un saint du paradis.
Ils s’agenouillèrent tous autour du lit. Dame Brinker, tout en priant, avait pris la main de son mari. La tête du docteur était baissée sur sa poitrine dans l’attitude du recueillement.
« Pourquoi êtes-vous tous en prières ? murmura le père. Est-ce donc le jour du Seigneur ? »
Oh ! oui, c’était le jour du Seigneur !
La femme fit un signe de tête affirmatif. Elle ne pouvait parler.
« Il faudrait alors nous lire un chapitre, dit Raff Brinker qui parlait lentement et avec difficulté ! Je ne sais pas comment cela se fait, mais je me sens… je me sens bien faible. »
Gretel atteignit sa grosse bible sur sa planche sculptée. Le docteur prit le livre de ses mains et le passant à son élève :
« Lisez, murmura-t-il, il faut calmer ces pauvres gens, ou l’homme mourra. »
Lorsque le chapitre fut terminé, dame Brinker fit un signe mystérieux à l’effet d’apprendre à tout le monde que son mari dormait.
« Maintenant, dame Brinker, dit le docteur à voix basse, tout en remettant ses grosses mitaines de laine, il lui faut un repos absolu ; je dis absolu, vous comprenez ? Je reviendrai demain. Ne donnez pas à manger au malade aujourd’hui. »
Et, saluant vivement, il quitta la chaumière, suivi de son élève.
Son superbe carrosse n’était pas loin ; le cocher n’avait cessé de faire marcher doucement les chevaux, du haut en bas du canal, pendant tout le temps que le docteur était resté dans la cabane.
Hans sortit aussi.
« Que Dieu vous bénisse, mynheer, lui dit-il tremblant et rougissant. Je ne pourrai jamais reconnaître assez un tel service, mais si…
— Si, vous le pouvez, mon enfant, répliqua le docteur d’un air de mauvaise humeur, aiguisez un peu votre esprit pour le moment où le malade se réveillera. Toutes ces émotions seraient capables de tuer un homme bien portant ; que doit-ce être pour celui qui est encore sur le bord de la tombe ! Si vous voulez que votre père en réchappe, obtenez de votre mère, de votre sœur qu’elles ne fassent rien pour l’agiter, rien pour remuer vivement son cœur ni son esprit. »
Après avoir ainsi parlé, le docteur tourna le dos à Hans, sans ajouter une seule parole et se dirigea vers sa voiture, laissant Hans planté là, yeux et bouche grands ouverts, n’ayant qu’une seule pensée en tête : « Je n’ai pas su le remercier. »
Hilda fut sévèrement réprimandée ce jour-là pour être arrivée à la classe longtemps après que la cloche avait sonné. Il faut dire qu’après avoir vu entrer Gretel dans la cabane elle n’avait pas eu la force de s’en aller sans savoir si les choses avaient bien ou mal tourné pour ceux qui l’habitaient. Elle était restée tout auprès jusqu’à ce qu’elle eût entendu Hans s’écrier : « Me voici, père ! » Alors seulement elle était retournée à ses leçons et n’avait pu les réciter. Comment aurait-elle pu dire par cœur un long verbe latin, alors que ce cœur était tout entier à cette pensée unique : « Les braves gens, je crois qu’ils sont sauvés. »
Le lendemain de leur retour, le réveil de nos cinq écoliers avait été fort pénible. Chaque coup de cloche avait éprouvé la sensibilité de leurs nerfs de la façon la plus désagréable.
« La cloche se trompe, murmurait le gros Poot en enfonçant sa tête dans ses oreillers, afin de ne plus l’entendre, elle se trompe ! Il est trop tôt ; la nuit ne fait que commencer. Se taira-t-elle enfin ? »
Maître Ludwig avait eu plus d’esprit ; il ne s’était pas éveillé du tout et continuait son somme sans remords. Soyez tranquilles ; quelqu’un viendra bien les réveiller tout à l’heure. Ce n’est pas en Hollande que le plaisir de la veille peut autoriser la paresse du lendemain.
Karl, horriblement maussade, ne parvenait pas à trouver ses vêtements. Il avait déjà pris deux fois son habit pour ses chausses.
Lambert s’était exécuté tant bien que mal.
Quant à Peter, il ne se ressentait plus de la fatigue du voyage, et prêt avant l’heure, il s’était imposé de battre le rappel à la porte de chacun des hommes de sa petite troupe de la veille. Grâce à lui, chacun avait fini par pouvoir dire : « présent » à l’entrée de l’école.
Quand, à midi sonnant, la foule des élèves qui de la classe se déversait sur le canal y fit irruption, nul ne put se dire avec plus de raison que nos cinq voyageurs des jours passés, qu’il est dur d’avoir à travailler après qu’on s’est trop amusé.
Peter seul était de la meilleure humeur possible. Il avait appris par Hilda que Gretel avait cessé de pleurer et que Hans avait crié joyeusement : « Me voici ! » Il ne lui fallait pas d’autres preuves que Raff Brinker était guéri. Et, de fait, la nouvelle s’en était répandue à plusieurs milles à la ronde. Les gens qui ne s’étaient jamais auparavant souciés de Raff Brinker ou n’en avaient parlé qu’en haussant les épaules et en souriant d’un air de dédain, paraissaient aujourd’hui extrêmement familiers avec son histoire. Il n’y avait pas de fin aux étranges versions qui circulaient sur ce sujet.
Hilda, dans l’excitation du moment, s’était arrêtée un instant pour échanger quelques mots avec le cocher du docteur, pendant qu’il était près de ses chevaux, battant la semelle et se donnant des coups de poings dans la poitrine pour se réchauffer. Son cœur affectueux débordait. Elle ne put s’empêcher de dire à cet homme grelottant et à l’air fatigué, que le docteur ne tarderait pas à sortir : elle lui donna même à entendre qu’elle croyait – elle ne faisait que croire – qu’il avait accompli une cure merveilleuse : rendre l’esprit à un homme qui depuis dix ans l’avait perdu ! Elle en était même sûre, puisque l’homme était aussi vivant que n’importe qui, et peut-être – qu’en savait-on – assis et causant comme un avocat.
Tout cela était très-indiscret. Hilda le sentait sans pouvoir s’en repentir.
C’est une délicieuse chose que d’avoir à répandre de bonnes et surprenantes nouvelles ! Il en est tant qui préféreraient semer de mauvais bruits.
La jeune fille trottait le long du canal, bien décidée à se rendre de nouveau coupable de ce péché « ad infinitum », et de raconter son histoire à tous les garçons et à toutes les filles de l’école.
En même temps, un personnage inévitable dans ces sortes d’aventures – celui-ci s’appelait Janzoon Kolp – arrivait sur les lieux, tout en patinant. En moins de deux secondes, il s’était campé en face du cocher qui rassemblait les rênes, tout en grondant ses chevaux.
Janzoon l’accosta :
« Dites donc ? Qu’est-ce qui se passe dans la cabane de l’idiot ? Est-ce que vot’ patron y est ? »
Le cocher fit un signe de tête mystérieux.
« Ouist ! siffla Janzoon en se rapprochant encore. Le vieux Brinker mort, hein ? »
Le cocher se sentit gonflé d’importance et garda un silence gros de nouvelles.
« Parlez un peu, vieille pelote ; je retournerais à la maison, là-bas, et je vous rapporterais un bon chignon de pain d’épice, si je croyais que vous pouvez ouvrir la bouche. »
La « vieille pelote » appartenait au genre humain. De longues heures d’attente l’avaient affamé comme un loup. À cette insinuation de Janzoon il donna des signes de faiblesse.
« C’est bien, mon vieux, continua son tentateur, dépêchons-nous. Quelles nouvelles ? Le vieux Brinker mort, hein ?
— Non, guéri ! Recouvré ses sens, » dit le cocher en lançant ces mots un à un comme des balles.
Et comme des balles (parlant au figuré) elles frappèrent Janzoon. Il sauta en l’air, comme si on l’avait fusillé.
« Goede Gunst ! C’est pas possible ! »
Il aperçut au même moment un groupe d’écoliers à quelque distance. Oubliant cocher, pain d’épice, tout, excepté la nouvelle étonnante, il courut vers eux.
Il en résulta que, avant le coucher du soleil, on sut dans tout le pays environnant que le docteur Boekman, passant par hasard auprès de la cabane de « l’idiot, » avait administré à Brinker une dose énorme de médecine aussi noire que de l’encre ; que six hommes avaient été obligés de le tenir pendant qu’on la lui entonnait. L’idiot avait immédiatement sauté sur ses jambes, en pleine possession de toutes ses facultés, et cela si brusquement que le docteur avait roulé par terre. L’ex-malade s’était enfin assis et avait adressé la parole à tout le monde, ni plus ni moins qu’un homme de loi. Après cela, il s’était retourné et avait parlé à sa femme et à ses enfants en confidence d’une façon admirable. Dame Brinker avait tant ri de ses propos, qu’elle en avait eu une violente attaque de nerfs. Quant à Hans, il avait dit : « Me voici, père ! votre fils bien-aimé. » Et Gretel avait dit : « Me voici, père, votre fille bien-aimée. »
Puis on avait vu le docteur couché dans le fond de sa voiture, blanc comme un mort.
Lorsque le docteur arriva le lendemain à la cabane des Brinker, il ne put s’empêcher de remarquer l’air de joyeux confort qui y régnait. Une atmosphère de bonheur l’enveloppa aussitôt qu’il posa les pieds sur le seuil. Dame Brinker, radieuse, tricotait près du lit, pendant que son mari reposait tranquillement et que Gretel pétrissait, sans bruit, sur un coin de la table, de la farine de seigle pour faire du pain.
Le docteur ne resta pas longtemps ; il fit quelques questions, parut satisfait des réponses, et dit, après avoir tâté le pouls au malade :
« Ah ! très-faible encore, dame Brinker, très-faible en vérité. Il lui faut de la nourriture. Vous pouvez commencer à lui donner à manger. Hem ! pas trop ; mais que ce que vous lui donnerez soit nourrissant et de première qualité.
— Nous avons du pain noir, mynheer, et du gruau, répliqua gaiement dame Brinker, cette nourriture lui a toujours convenu.
— Ta, ta, ta ! fit le docteur en fronçant le sourcil, rien de tout cela. Il lui faut du jus de viande fraîche, du pain blanc sec et grillé, de bon vin de Malaga, et… hem, hem ! Il a l’air d’avoir froid. Couvrez-le davantage, quelque chose de chaud et de léger. – Où est le garçon ?
— Hans est allé à Broek pour chercher de l’ouvrage, mynheer. Il ne sera pas longtemps. Le docteur veut-il s’asseoir ? »
Soit que le tabouret dur et poli qui lui fut offert ne le tentât pas ou que la dame Brinker elle-même lui fît peur, parce qu’une expression de tristesse inquiète s’était glissée sur son visage, l’excentrique docteur jeta autour de lui des regards embarrassés et ne voulut pas s’asseoir. Il marmotta quelque chose comme ceci : « Le cas est extraordinaire, » puis salua et disparut avant que dame Brinker eût le temps d’ajouter une parole.
Il était étrange que la visite de leur bienfaiteur eût jeté une ombre dans la cabane : il en fut ainsi cependant. Gretel fronçait le sourcil et pétrissait le pain d’un mouvement violent. Dame Brinker courut au lit de son mari, se pencha sur lui et se mit à pleurer silencieusement.
Hans ne tarda pas à rentrer.
« Eh bien, mère, dit-il d’un ton alarmé, qu’as-tu ? Est-ce que le père va plus mal ? »
Elle tourna vers lui son visage tremblant d’émotion, sans essayer de cacher sa détresse.
« Oui. Il meurt de faim. Le meester l’a dit. »
Hans pâlit.
« Qu’est-ce que cela signifie, mère ? Il faut lui donner à manger tout de suite. Gretel, Gretel, apportez-moi le gruau.
— Non, non ! cria la mère à moitié folle, mais sans élever la voix, cela pourrait le tuer ; notre pauvre nourriture est trop pesante pour lui. Oh ! Hans ! il mourra ! le père mourra si nous le traitons ainsi. Il faut qu’il ait de la viande, du vin doux et un édredon. Oh ! Que faire ? que faire ? ajouta-t-elle en sanglotant et en se tordant les mains. Il n’y a pas un stiver à la maison ! »
Les larmes de Gretel coulaient une à une dans la pâte.
« Le meester a-t-il dit qu’il fallait que le père eût toutes ces choses, mère ?
— Oui, il l’a dit.
— Eh bien, mère, ne pleurez pas. Il les aura. Je lui apporterai de la viande et du pain, avant ce soir. Prenez la couverture de mon lit, je puis dormir dans la paille.
— Oui, Hans, mais elle est lourde, toute mince qu’elle soit. Le docteur a dit qu’il lui fallait quelque chose de léger et de chaud. Il mourra ! Notre provision de tourbe s’épuise, Hans ; le père l’a bien gaspillée, en la jetant dans le feu pendant que je ne regardais pas, pauvre homme !
— N’importe, mère, murmura Hans gaiement, nous pourrons couper le saule et le brûler si c’est nécessaire. Je rapporterai quelque chose ce soir. Il doit y avoir de l’ouvrage à Amsterdam, bien qu’il n’y en ait pas à Broek. Ne craignez rien, mère, le plus triste est passé ; nous pouvons tout endurer maintenant que le père a retrouvé la raison.
— Ah ! dit dame Brinker avec un sanglot, tout en s’essuyant les yeux, c’est vrai cela.
— Certainement. Regardez comme il dort paisiblement. Pensez-vous que Dieu permettrait qu’il mourût de faim juste au moment où il vient de nous le rendre ? Mais, mère, je suis certain de me procurer tout ce qu’il faut au père ; aussi certain que si ma poche craquait sous le poids de l’or. Allons, ne pleurez pas. »
Et l’embrassant à la hâte, Hans prit ses patins et se glissa hors de la chaumière.
Pauvre garçon ! Désappointé dans ses recherches du matin, à moitié malade de la nouvelle de ces complications, il faisait néanmoins contre mauvaise fortune bon visage et essayait de siffler tout en s’éloignant avec la ferme résolution de remédier au mal.
Le besoin ne s’était jamais fait si vivement sentir dans la famille Brinker. Leur provision de tourbe était presque épuisée, et le reste de la farine avait servi à faire la pâte que Gretel pétrissait. C’est à peine s’ils avaient pensé à manger depuis quelques jours, à peine s’ils avaient songé à leur dénûment. Dame Brinker était si sûre qu’elle et ses enfants gagneraient quelque chose avant d’en arriver au pire, qu’elle avait tout oublié dans la joie de la guérison de son mari. Elle n’avait même pas dit à Hans que les quelques pièces d’argent enfermées dans le vieux gant étaient dépensées.
Hans se reprochait maintenant de n’avoir pas appelé le docteur lorsqu’il l’avait vu monter le chemin d’Amsterdam.
« Il y a peut-être quelque erreur, » pensa-t-il. Le docteur sait bien que nous ne pouvons nous procurer ni viande ni vin doux, et cependant le père a l’air bien faible. Il faut que je trouve de l’ouvrage. Si Mynheer van Holp était venu de Rotterdam, je n’en manquerais pas. Mais le jeune M. Peter m’a recommandé de m’adresser à lui dans le cas où nous aurions besoin d’un service. Je vais aller le trouver. Oh ! si nous étions seulement en été ! »
Hans, tout en se parlant ainsi, courait vers le canal. Ses patins furent bientôt mis et il effleura vivement la glace dans la direction de la demeure de Mynheer van Holp.
« Il faut que le père ait de la viande et du vin tout de suite, murmurait-il. Mais comment pourrai-je gagner l’argent à temps pour qu’il ait tout cela aujourd’hui ! « Il n’y a pas d’autre moyen que d’aller, comme je l’ai promis, trouver M. Peter. Que lui coûterait à lui un présent de viande et de vin ? Lorsque le père aura mangé, je courrai à Amsterdam et je gagnerai l’argent nécessaire à la provision de demain.
Puis vinrent d’autres pensées qui lui firent battre le cœur et couvrirent ses joues de rougeur.
« Cela s’appelle mendier, cela. Les Brinker n’ont jamais demandé l’aumône. Serai-je donc le premier ? Mon pauvre père, en revenant à lui, apprendra-t-il que sa famille a mendié ; lui qui s’est toujours montré si sage et si économe ? Non ! s’écria Hans tout haut, mieux vaut cent fois se défaire de la montre. Je puis du moins emprunter de l’argent dessus à Amsterdam, dit-il en se retournant, il n’y aura pas de honte à cela. Il est possible que je trouve de l’ouvrage tout de suite et alors je pourrai la racheter. Mais je puis en parler au père lui-même peut-être ? »
Cette, dernière pensée le fit sauter de joie. Pourquoi donc ne parlerait-il pas au père ? « C’est un être raisonnable maintenant. Il peut s’éveiller tout frais et reposé, il peut bien nous dire que cette montre est sans importance et qu’on peut la vendre. Hoezzee ! »