Les Pierres qui tombent du ciel/05

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LES PIERRES QUI TOMBENT DU CIEL

On a vu dans notre précédent article, que les météorites constituent des roches aussi variées que les roches terrestres. Or, supposons que sur un autre astre, on recueille des échantillons des diverses roches terrestres, exactement comme nous recueillons ici des météorites. La question qui se pose est celle-ci ? Ces roches terrestres ont-elles dans leur substance des caractères tels qu’on en puisse conclure qu’elles dérivent d’un gisement commun ? Si l’on veut, pourrait-on conclure de leur étude qu’elles ont eu ensemble des relations stratigraphiques ?

Remarquons tout de suite qu’il ne suffirait pas de trouver des échantillons rigoureusement identiques entre eux pour qu’on fût autorisé à dire qu’ils sont compatriotes. Il n’y aurait en effet qu’à supposer l’exercice des mêmes causes dans des points différents de l’espace pour rendre compte de l’identité de masses qui pourraient n’avoir eu aucunes relations mutuelles. Mais, parmi la série des roches terrestres, on trouverait bien vite, outre les roches homogènes, des masses bréchoïdes, c’est-à-dire formées par la cimentation de divers fragments appartenant à des espèces différentes de roches monogéniques. Et l’étude de ces brèches serait au point de vue qui nous occupe, extrêmement instructive. Ainsi, on trouve dans les Pyrénées une brèche dont les fragments agglomérés se rapportent à des espèces lithologiques très-différentes les unes des autres. Dans un échantillon moins gros que le poing on reconnaît aisément du granite, du talcschiste, du phyllade, du calcaire, etc., le tout à l’état de fragments anguleux fortement cimenté par une substance argileuse.

Il est bien évident que le géologue extra-terrestre qui étudierait cette brèche serait assuré qu’elle provient d’une localité où existaient à l’état de formations distinctes du granite, du talcschiste, du phyllade et du calcaire. Il aurait la preuve du même coup que dans ces localités où les diverses roches se seraient formées, il y aurait eu développement des actions géologiques que nécessite la formation des brèches ; c’est-à-dire, concassement de ces diverses roches, charriage et mélange de leurs débris, puis enfin cimentation de ceux-ci. Ces conclusions seraient bien justes, n’est-ce pas, puisque nous voyons dans les Pyrénées, où nous pouvons aller, que cette brèche est réellement en relation avec les assises de roches dont les débris ont concouru à sa formation. Cette même découverte de relations stratigraphiques de roches non observées en place pourrait résulter aussi de ce fait qu’il existerait entre des types très-nettement différents, des passages minéralogiques insensibles. De ce que, par exemple, le granite passe au gneiss par les transitions les plus ménagées, il résulte que ces deux roches se sont formées dans des conditions très-voisines et doivent se trouver en contact : c’est ce qui a lieu. Enfin, pour borner nos exemples aux cas les plus saillants, il est clair que si notre géologue reconnaissait qu’il peut par certaines manipulations de nature à être reproduites dans la nature, transformer certains types de roches en d’autres types, il en conclurait que ces derniers dérivant des autres, supposent l’existence antérieure de ceux-ci et proviennent conséquemment du même gisement. Ainsi, trouvant que la craie blanche peut sous l’action de la chaleur passer à l’état de marbre blanc comme celui d’Antrim, il serait sûr que celui-ci est le produit d’une transformation de la craie et en conclurait de la manière la plus indubitable que la craie et le marbre proviennent du même gisement, ce qui est vrai.

Eh bien, ces différentes circonstances se sont présentées dans l’étude des météorites et, comme nous allons essayer de le montrer, on est en droit de dire que celles-ci sont des fragments qui, malgré la grande distance qui les sépare, ont été jadis en relations stratigraphiques. En effet, beaucoup de météorites sont bréchiformes. Celle que représente la figure 1, tombée le 30 novembre 1866 à Cangas de Onis, près de Santander en Espagne, est dans ce cas. Les fragments blancs qu’elle renferme en si grand nombre sont formés de la roche oolithique que nous citions l’autre fois comme étant tombée à maintes reprises et par exemple à Montréjeau (Haute-Garonne), en 1868 ; la partie sombre dans laquelle ces fragments sont empâtés est identique à la roche tombée entre autres circonstances à Limerick (Irlande). D’après ce que nous disions des brèches terrestres, il est clair que la météorite de Cangas de Onis démontre les relations stratifiques pour les roches représentées respectivement par les chutes de Montréjeau et de Limerick ; et comme les trois types de Cangas, de Montréjeau et de Limerick comprennent chacun un grand nombre de chutes différentes qui les ont fournis à diverses reprises, on voit que beaucoup de météorites regardées jusqu’ici comme distinctes, se relient les unes aux autres.

Mais l’exemple de Cangas de Onis n’est qu’un cas entre autres. Il est des météorites bréchiformes, telle que celle recueillie en 1866, à Saint-Mesmin, dans le département de l’Aube, qui renferment des fragments non plus de la roche oolithique de Montréjeau, mais de la roche finement grenue dont le type est tombé lors de l’explosion historiquement célèbre de Lucé (1768), et qu’un nombre considérable de chutes ont fourni depuis. Dans ces brèches la roche de Lucé est associée, comme tout à l’heure celle de Montéjean, à la pierre sombre de Limerick, et cette identité des pâtes ferait déjà pressentir les relations mutuelles de ces deux groupes de brèches, si d’autres observations n’étaient là pour les démontrer.

Un fait beaucoup plus frappant encore est fourni par l’étude de la météorite tombée le 28 février 1857, à Parnalléa, dans l’Inde. Cette roche fournie d’ailleurs par d’autres chutes se présente comme une espèce de poudingue, dont les grains se rapportent à au moins sept types lithologiques distincts et parfaitement caractérisés. Trois de ces types sont représentés, entre autres, par les chutes de Tadjera, Algérie (1866), de Chassigny (Haute-Marne, 1815) et de Bishopville (États-Unis, 1843). Les quatre autres n’ont pas encore été signalés à l’état de météorites distinctes et ont, par conséquent, ce très-vif intérêt de nous permettre de pressentir l’arrivée plus ou moins prochaine de types qui n’ont pas été observés jusqu’à présent. D’un autre côté, les passages minéralogiques cités tout à l’heure, comme indiquant les rapports stratigraphiques de roches terrestres, se retrouvent parmi les météorites et démontrent des liaisons analogues. Ainsi, les roches déjà mentionnées de Lucé et de Montréjeau, qui diffèrent surtout l’une de l’autre par la structure globulaire de cette dernière, trouvent dans la pierre de Forsyth, aux États-Unis, un intermédiaire ménagé. Cette transition entre les météorites libres se retrouve entre les brèches qu’elles peuvent donner et la météorite trouvée à Assam, dans l’Inde, en 1846, se rapproche autant des brèches du type de Cangas de Onis que de celles du type de Saint-Mesmin. De même la météorite tombée à Ohaba, dans le Siebenbourg, en 1857, établit un passage entre les pierres du Montréjeau et de Limerick ; de même la météorite de Dolgowola, en Volhynie (26 juin 1864), relie entre elles les masses d’Aumale, Algérie et de Lucé, etc.
Fig. 1. — Brèche météoritique tombée, le 30 novembre 1866, à Cangas de Onis, province de Santander, en Espagne, et consistant en fragments blancs de montrésite cimentés par une pâte foncée de limerickite. (Deux tiers de la grandeur naturelle.)

Tout à l’heure, à propos des roches terrestres, nous citions comme décelant des relations stratigraphiques la transformation artificielle de certaines pierres en d’autres pierres. Cette transformation que l’on appelle métamorphique peut se reproduire parmi les météorites où elle donne lieu aux mêmes conséquences.

Le premier fait connu de ce métamorphisme météoritique a démontré, d’après les considérations précédentes, la relation stratigraphique de trois types extrêmement importants de roches extraterrestres. Le premier, représenté par la chute d’Aumale (Algérie), consiste en une roche grise, cohérente, très-dure, dont la cassure rappelle celle de certains grès. On y distingue de petites grenailles métalliques, surtout sur les surfaces polies, et l’analyse y décèle l’existence de minéraux magnésiens, les uns solubles dans les acides, comme le péridot, les autres insolubles, comme le pyroxène ou l’amphibole. Le deuxième type est représenté, par exemple, par la pierre tombée en Vendée, à Chantonnay, le 5 août 1812. C’est encore une roche grise, mais traversée en tous sens par de larges marbrures parfaitement noires, dont l’étude a longtemps préoccupé les chimistes et que Vauquelin avait analysées sans succès. La composition chimique de ce type est semblable à celle du précédent malgré la différence d’aspect. Enfin le troisième type se distingue encore bien davantage de la pierre d’Aumale. C’est une pierre, tout à fait noire compacte, très-dure, prenant bien le poli. D’ailleurs, l’analyse fournit ici encore les mêmes résultats que précédemment. Ce type est tombé à Tadjera (Algérie) en 1867. Eh bien des expériences très-simples ont montré que la pierre du Tadjera n’est autre chose que le résultat du métamorphisme de la pierre d’Aumale, exactement comme le marbre d’Antrim est le résultat du métamorphisme de la craie. Prenez un morceau de la pierre grise d’Aumale et, à l’abri du contact de l’air, portez-le à la chaleur rouge ; au bout d’un temps convenable, et après refroidissement, vous constaterez qu’il s’est transformé dans la pierre noire de Tadjera, avec tant de perfection qu’il est impossible de l’en distinguer, de quelque manière que l’on s’y prenne.

Cela posé, il est évident que la roche de Tadjera n’a pu se produire que là où il y avait déjà de la roche d’Aumale et, par conséquent, que ces deux types proviennent d’un même gisement originel où ils se trouvaient en relations stratigraphiques. Quant à la pierre de Chantonnay, avec ses marbrures noires, on s’assure qu’elle représente le produit du métamorphisme incomplet de la roche d’Aumale. Celle-ci chauffée, comme il vient d’être dit, avant d’être entièrement métamorphosée en pierre de Tadjera, passe par l’état de pierre de Chantonnay ; et l’on voit que cette dernière pierre démontre les relations stratigraphiques des deux autres types de deux manières différentes, savoir : en décrivant de l’un d’eux, par transformation métamorphique, puis en établissant entre eux un de ces passages minéralogiques qui nous occupaient tout à l’heure.

Ce que nous venons de dire, pour les trois roches compactes d’Aumale, de Chantonnay et de Tadjera, nous pourrions le répéter mot à mot, pour les trois roches oolithiques de Montréjeau, de Belaja-Zerkwa et de Stawropol ; la seconde est le résultat du métamorphisme incomplet de la première ; l’autre est le résultat de son métamorphisme total.
Fig. 2. — Brèche de filon météoritique, découverte en 1866 dans la Cordillère de Deesa, au Chili. Elle consiste en une masse métallique ayant les caractères du fer de Caille, préalablement fondu, empâtant des fragments anguleux de la roche noire, qui est tombée à Tadjera (Algérie) sous forme de météorite, et qui résulte du métamorphisme de la roche grise représentée, par exemple, par la météorite d’Aumale (Algérie). — (Deux tiers de la grandeur naturelle).

Il faut remarquer, à cet égard, que les expériences sur le métamorphisme météorique ont permis de réaliser, pour la première fois la reproduction artificielle de certains types de météorites : les pierres de Chantonnay et de Tadjera, d’une part et les pierres de Belaja-Zerkwa et de Stawropol, d’autre part, ont été imitées dans tous leurs détails, les premières au moyen de la pierre d’Aumale et les autres au moyen de la pierre de Montréjeau, Nous verrons que depuis et toujours dans la même voie, on est arrivé à reproduire la pierre de Tadjera, au moyen d’une roche terrestre appelée serpentine.

C’est à la fois à l’examen des brèches et à la découverte du métamorphisme météoritique que se rattache l’étude d’un fer très-remarquable, reproduit dans notre figure 2 et qui a fourni des données très-précieuses pour la stratigraphie des roches extra-terrestres. C’est le fer découvert en 1866 dans la cordillère de Deesa, près de Santiago du Chili. Comme on le voit, par la figure, c’est une masse métallique renfermant à l’état de dissémination des fragments anguleux d’une roche noire de nature essentiellement pierreuse : c’est donc une brèche, mais d’un genre tout différent de celles qui nous occupaient il n’y a qu’un instant.

Une étude minutieuse de ce fer montra que les fragments pierreux sont rigoureusement identiques à la roche de Tadjera, citée déjà tant de fois. Pour le fer, le résultat fut un peu plus compliqué ; chimiquement ce fer est semblable de tous points au fer de Caille, figuré dans un précédent numéro, mais pour la structure il n’en est pas du tout de même. Traité suivant la manière indiquée on ne peut pas en obtenir les figures de Widmannstætten, que le fer Caille donne si nettement, comme on se le rappelle : à ce point de vue le fer de Deesa, malgré sa composition qui admet du nickel, et les autres éléments météoritiques, se comporte plutôt comme le fer terrestre. D’un autre côté, on fait disparaître complètement la différence en question, si avant de soumettre le fer de Caille à l’expérience de Widmannstætten, on le fait fondre pour le laisser ensuite refroidir très-lentement. Par suite de cette fusion, le fer météorique, sans changer de composition, perd sa structure reconnaissable aux acides et acquiert dès lors tous les caractères du fer de Deesa. C’est une espèce de métamorphisme. De façon que, dans le fer de Deesa, les fragments pierreux résultent du métamorphisme de la pierre d’Aumale et le fer du métamorphisme du fer de Caille. À part les conséquences qui résultent de ces faits, quant aux relations stratigraphiques, il faut bien remarquer qu’ils nous révèlent parmi les météorites des actions géologiques dont on était bien loin de se douter et qui établissent entre ces roches et les masses minérales terrestres une analogie intime.

En effet, il n’y a qu’une manière d’expliquer la formation du fer de Deesa, dont la nature complexe et les détails de structure sont si remarquables. C’est d’y voir le premier échantillon qui ait été signalé d’un filon éruptif extra-terrestre tout semblable, à la nature près, aux dykes de porphyre et de basalte que renferme en si grand nombre l’écorce de notre globe. Évidemment du fer de Caille, préalablement fondu, a été injecté au travers d’assises superposées et fracturées de roche d’Aumale qui, sous l’influence de la chaleur, s’est transformée en roche de Tadjera et s’est trouvée empâtée en fragments dans la pâte métallique, comme des débris de gneiss, par exemple, sont si souvent empâtés dans les filons de granite.
Fig. 3. — Failles rejetées les unes par les autres dans la météorite tombée, le 4 juin 1812, à Aumières (Lozère). (Demi-grandeur naturelle.)

Nous allons revenir sur ces faits importants qui montrent dans le gisement originel des météorites tant d’analogies avec la terre elle-même, mais avant, et pour résumer ce qui précède nous dirons que dès aujourd’hui il y a plus de vingt types distincts de roches météoritiques pour lesquels est faite la preuve des relations stratigraphiques. Les méthodes qui ont concouru à cette démonstration et sur lesquelles nous ne pouvons insister, sont très-nombreuses et leur conclusion commune est d’autant moins attaquable.

Il en résulte que l’on est en droit de constituer à proprement parler une géologie des météorites, qui, dès maintenant, a fourni des données intéressantes. Elle consiste à déterminer le rôle géologique de divers types météoritiques comparés aux roches terrestres, et, comme résumé de ces études, à tenter la restauration du globe d’où proviennent les roches cosmiques.

Déjà nous venons de voir, par l’exemple du fer de Deesa, qu’il y a des météorites éruptives. Et notons en passant, que les fers, d’ailleurs assez nombreux, qui ne donnent pas de figures par l’expérience de Widmannstætten peuvent être considérés, d’après ce qui précède, comme des échantillons de filons entièrement métalliques. D’un autre côté des études spéciales ont montré que la pierre de Chantonnay représente à l’inverse un type de filons complètement pierreux. Il y a donc parmi ces filons cosmiques au moins autant de variété que parmi les filons terrestres. Sur la terre, les éruptions de roches supposent toujours l’existence antérieure de failles, c’est-à-dire de fentes mettant en communication l’intérieur du globe avec l’atmosphère. Ces failles se reconnaissent souvent au rejet qu’elles ont fait subir aux roches qui constituent leurs deux parois ; ces roches d’abord en continuité, sont écartées verticalement de quantités qui peuvent être considérables. De plus la surface de ces failles montre les traces de frictions énergiques ; elle est polie, cannelée et striée. De même les météorites présentent, dans une foule de cas, des failles véritables avec rejets et polissage. La figure 3 montre par exemple un fragment de la chute d’Aumières (Lozère, 4 juin 1842), où une faille en recoupe une autre, qu’elle rejette de plusieurs centimètres. Cette seconde faille se présente en haut, à gauche de la figure, dans une situation à peu près horizontale, et se continue en bas, à droite, parallèlement à sa première direction, mais descendue par la grande faille oblique, à plus de cinq centimètres. La pierre d’Aumières est constituée justement par cette roche grise dont nous avons parlé, comme fournie par la chute d’Aumale, et qui jouit de la curieuse propriété de devenir noire sous l’influence de la chaleur. Or, on conçoit que les glissements qui ont eu lieu le long des failles et en ont poli les surfaces, ont dû développer de la chaleur : il en résulte que les points voisins de ces surfaces ont subi un vrai métamorphisme qui, de gris qu’ils étaient, les a colorés en noir. Aussi les failles apparaissent-elles, de loin, comme de fines lignes noires tracées à la plume. En comparant divers échantillons on voit que plus les rejets sont considérables, et par conséquent plus l’effort mécanique a été grand, plus la ligne noire est épaisse. Son épaisseur permet donc de se faire une idée de l’énergie des actions dynamiques subies par la pierre ; et la roche grise d’Aumale et d’Aumières nous apparaît comme une sorte de thermomètre extrêmement sensible de nature à rendre de grands services dans l’étude des météorites.

Par exemple, nous avons vu, dès le début de ces études, que l’intérieur des masses météoritiques est extrêmement froid, imprégné du froid de l’espace. Eh bien, grâce aux remarques précédentes, relatives au métamorphisme météoritique on peut se demander si la mesure de la température, jusqu’ici inconnue de l’espace, n’est pas de nature à devenir l’objet d’une mesure expérimentale. Les météorites, en effet, permettraient peut-être d’en faire un cas particulier de la méthode des mélanges. Il suffirait de les refroidir assez pour qu’une application subite de chaleur à l’extérieur reproduisît la croûte noire et mince, pour qu’on fût en mesure d’apprécier la température qui règne dans les régions interplanétaires. Mais ce sujet est encore trop vague pour que nous y insistions davantage.

Revenons aux phénomènes géologiques dont les météorites nous offrent des traces. Les failles terrestres sont très-fréquemment remplies par des minéraux concrétionnées dont l’ensemble constitue les filons métallifères. Chez les météorites, on retrouve des filons de même nature, filons qu’il ne faut pas confondre avec les filons éruptifs cités tout à l’heure. Le fer de Pallas, représenté dans un précédent article, constitue un type des plus nets de filon météoritique concrétionné. Il contient, comme on se le rappelle, des cristaux de péridot, noyés dans une sorte d’éponge métallique. Quand on scie cette météorite pour la soumettre ensuite à l’expérience de Widmannstætten, on reconnaît que la matière métallique s’est concrétionnée lentement autour des cristaux pierreux, exactement comme dans certains filons terrestres où l’on voit de la galène déposée peu à peu sur des cristaux entiers ou brisés de barytine.

Un autre exemple, peut-être plus instructif encore, est fourni par le fer du désert d’Atacama, en Bolivie, qui consiste aussi en une éponge ferrugineuse enveloppant des fragments pierreux. Ici, ces fragments ne sont plus des cristaux, ce sont des débris irréguliers de la roche que nous avons citée sous le nom de dunite, et qui consiste dans le mélange du péridot granulaire avec le fer chromé. Cette météorite, au point de vue des actions auxquelles elle est due, et du mécanisme de sa formation, est la reproduction rigoureuse de certains filons du Harz, appelés par les mineurs filons en cocardes, et qui consistent dans des fragments irréguliers de roches schisteuses, enveloppées de couches concentriques de divers minéraux concrétionnés tels que le quartz et la galène.

Enfin, c’est aussi sur les failles que prennent naissance, dans l’écorce terrestre, les phénomènes volcaniques. Sans affirmer qu’il y ait eu, parmi les météorites, de véritables volcans, on ne peut contester qu’il n’y ait plusieurs roches cosmiques identiques à celles qui sur la terre ne se rencontrent que parmi les éjections de bouches ignivomes. Du nombre sont les météorites alumineuses, comme celle de Juvinas et de Jonzac, tout à fait identiques à certaines laves et, par exemple, à celles de certains volcans islandais. — On peut citer aussi la météorite singulière tombée en 1855, à Igast, en Livonie, et qui est semblable à une ponce quartzifère. — On peut citer la météorite de Chassigny, Haute-Marne (1815), tout à fait pareille à la dunite, si fréquente à l’état de fragments empâtés dans les basaltes de l’Ardèche et de l’île Bourbon. — Enfin, on peut ajouter que les météorites charbonneuses manifestent des analogies intimes avec certaines matières bitumineuses d’origine volcanique.

En résumé, les météorites offrent au géologue :

Des roches normales ;
Des roches clastiques (brèches) ;
Des roches métamorphiques ;
Des roches éruptives ;
Des roches filonniennes concrétionnées.
Des roches volcaniques.

On ne peut qu’être frappé de l’analogie que présente tout cet ensemble avec celui des roches terrestres. En outre, comme conséquence nécessaire de ce rapprochement, on est conduit à se demander si les masses cosmiques, dont nous venons d’étudier les principaux caractères, n’occupaient pas, dans ce gisement commun d’où elles dérivent, des positions relatives analogues à celles qu’affectent les roches terrestres dans l’épaisseur de notre globe. Mais c’est là un nouveau sujet d’étude qui demande à être traité à part et que nous n’aborderons pas aujourd’hui.

Stanislas Meunier.