Les Poètes du terroir T I/C. de La Fayette

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Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 120-122).

OLIVIER CALEMARD DE LA FAYETTE

(1877-1906)


Petit-fils de Charles Calemard de la Fayette, député et auteur de divers ouvrages, entre autres le Poème des champs, Olivier naquit au Chassagnon, par Langeac (plateau voisin de la vallée de l’Allier), le 27 août 1877. Il appartenait à une vieille famille du Velay. Ses études brillamment achevées dans un collège provincial, il vint à Paris, suivit les cours de la Faculté des lettres et, en 1901, obtint le diplôme de licencié. Sa carrière fut brève. Apres un voyage en Allemagne (Strasbourg, Heidelberg, Erfurt), il débuta dans les jeunes revues et fit paraître un unique volume de vers : Le Rêve des Jours (Paris, Sansot, 1904, in-18) simple bouquet semé sur le chemin de la tombe. D’une santé précaire, au retour d’une saison passée à Baden, il ressentit les premières atteintes du mal qui devait l’emporter. Il mourut d’une fièvre typhoïde, le 13 octobre 1906, dans la maison qui l’avait vu naître et grandir. Il n’avait point atteint sa trentième année.

Ses derniers poèmes, pour la plupart recueillis dans des revues, font la matière d’un ouvrage posthume qui, sous ce titre La Montée, paraîtra prochainement. Olivier de la Fayette est un disciple des poètes symbolistes ; mais il a ajouté à « l’hermétisme » de ses modèles une tendresse où s’allient l’amour des choses de la nature et un souvenir souvent poignant des paysages de son pays. On l’a dit : « C’est aux confins de l’Auvergne et du Velay, de ce Velay qu’il devait si souvent et si amoureusement chanter, que se déroula l’enfance d’Olivier Calemard de la Fayette, à l’ombre du château familial du Chassagnon, près de Saint-Georges-d’Aurac et de la ville morne du Puy… L’héritage ancestral lui a transmis l’amour du ciel natal et le goût du terroir… Le « vieux sol de lave », les « labours d’argile rouge ou brune », les « orgues de pierres » et la « senteur d’ozone et de terre mouillée, de végétaux froissés, d’orage et de blé noir, » qui monte, sous le vent de Limagne, des vallons des Estrels aux pics de Mézenc, lui sont, comme à son aïeul, des choses familières. » (L. Bauzin, Olivier de la Fayette.)

Olivier de la Fayette a collaboré à Velay-Revue (1901-2), à la Revue Forézienne (1904-5), à la Revue Périgourdine (1903-4), à l’Anthologie-Revue (1904), aux Écrits pour l’Art (1905), à La Plume, à L’Ermitage (1904), et au Mercure de France (1905-7).

Bibliographie. — Lucien Bauzin, Olivier de la Fayette, Mercure de France, 1er  sept. 1907. — Olivier C. de la Fayette (opinions de la presse), Le Puy, impr. Peyrillou, 1907, gr. in-8o.



HIEMS NOVA


Pour fêter le retour normal de l’âpre hiver,
J’ai gravi, dès le jour, ma montagne rouillée.
Le vent du nord-ouest a soufflé tout hier.

J’en voulais savourer la rafale mouillée,
Jeux de pluie aux clartés du ravin partiel,
Sur le treillis brumeux des branches dépouillées.

La lumière est instable aux décors irréels
Des vallons d’ombre ensoleillés de claire brume
Où se joignent, pour fuir, des lambeaux d’arc-en-ciel.

Le roc ruisselle et luit et les pics d’argent fument.
Sous le vent brusque obstinément ailé de nuit,
Et l’aile sombre éteint le rayon qui s’allume ;

Et tout le paysage pâle tourne et luit,
dépendant qu’au taillis fauve des petits chênes
Chaque feuille légère et plaintive bruit.

VA le mont tout entier pleure des larmes vaines.


Ah ! fuyez, derniers étourneaux, par bandes souples !
Virez, dans le brouillard, d’un miroitement d’ailes,
Pour qu’en votre étain mat vibre quelque étincelle !

Déjà les corbeaux tournoyants voltent par couples,
À contre-vent, là-bas, presque légers et grêles
Sur l’abîme, perdus aux remous des nuages.

Et boivent le désir de leurs amours sauvages.


L’hiver ! l’hiver ! la chambre tiède où l’on va suivre,
À travers le poème obscur et doux du livre,
Aux songes des carreaux que le frimas fait vivre,
La fougère ou le lys qui s’inscrivent en givre !

VENT DE LIMAGNE
Pour Henri Cellerier.

J’aime la brise incertaine et frivole
Dont le frôlis n’émeut que les corolles
Légères, les frisselis doux des folioles
Au faîte gris des trembles grêles,
Et la ronde ténue et frêle qui s’envole,
Des éphémères sur les prêles…

— J’aime avec toi, surtout, le vent large et puissant.
Je n’ai pas tes sapins dans les sables, tes landes,
Tes horizons barrés de vols éblouissants,
Ni l’or de tes sous-bois alourdis de lavande ;

Mais la sève frémit en mon vieux sol de feu,
Mes prés touffus et verts s’étoilent de narcisses,
Mes terreaux mordorés font des pétales bleus,
Et de hauts boutons d’or penchent leurs lourds calices.

Pour garder mes labours d’argile rouge ou brune,
J’ai des orgues de pierre en prière, où s’unit
L’extase de la vague à l’orgueil du granit,
La grâce de la houle aux splendeurs de la dune.

Et tu croirais qu’aux jours des fusions premières,
Le vent de mes sommets a durci brusquement
Les laves qui roulaient leur clair bouillonnement
Hors du rose cratère aux vapeurs de lumière.

J’ai de jaunes iris qui flambent dans les joncs.
J’ai des roseaux géants jaillis de l’eau rouillée ;
Mes printemps font gonfler de monstrueux bourgeons,
Mes automnes des fruits pesants par corbeillées.

Oui, j’aime le grand vent sur tout cela, le soir,
Le vent du nord-ouest chargé de pluie et d’ombre
Qui pousse sur nos monts, d’un bref coup d’aile noir.
Avec des vols obscurs, la Fécondité sombre !

(Le Rêve des Jours.)