Les Principes de 89 et le Socialisme/Livre 3/Chapitre 26

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CHAPITRE XXVI


La politique socialiste.



I. — La guerre. — Les travaux d’approche. — La morale professionnelle socialiste. — Les heures de travail. — Leur limitation, moyen de révolution. — Définition de la politique socialiste. — Les prud’hommes ouvriers. — Les bourses du travail. — Tyrannie des syndicats. — Haine des socialistes contre les travailleurs. — Les seize explosions de dynamite du Nord et du Pas-de-Calais.

II. — L’exprorpié par persuasion. — Êtes-vous pour ou contre la propriété ? — Résolution du Congrès du Havre de 1880. — Déclaration du neuvième Congrès ouvrier de la Fédération du Centre. — Apologie de la force. — Serment de Vaillant sur les tombes d’Eudes et de Blanqui. — Démonstration de l’impuissamce de toutes les méthodes pacifiques. — M.Gabriel Deville « et les ressources de la science. » — M. Chausse et le système d’avant-garde. — Vive la chimie !


I. — En attendant la Révolution sociale, le « chambardement final », il faut le préparer par des travaux d’approche, des sapes, des escarmouches, des embuscades, des combats d’avant-postes ; et pour cette besogne, tous les moyens sont permis, toutes les ruses sont bonnes. C’est la guerre ; et à la guerre, il n'y a qu’une morale : faire du mal à l’ennemi ; il n’y a qu’un but : le succès.

Des possibilistes, les opportunistes du socialisme, MM. Brousse, Prudent-Dervilliers, Harry, Levy, Paulard, signaient en 1881 un programme dans lequel ils disaient :

Considérant que le prolétariat en lutte doit faire usage de tous les moyens en son pouvoir… : résistance économique (grève), vote et force selon les cas.

Le bon socialiste fait parade de manquer à la morale professionnelle, de gâcher la matière première, « d’en faire le moins possible » de « carotter le singe » Que le patron soit propriétaire ou débiteur de son capital, peu importe. Le capital est un voleur. « Faire rendre gorge à un voleur », dit M. Guesde, est de toute justice. Donc, tout ce que le bon socialiste prend sur lui est de bonne prise. Quand les socialistes désavouent Martinet, ils sont illogiques ou plutôt hypocrites.

Les socialistes demandent la limitation des heures de travail, d’un côté, par respect pour la théorie du surtravail de Karl Marx ; d’un autre côté, parce que, comme dit Benoît Malon : « La diminution des heures de travail est le moyen le plus sûr de révolutionner la classe ouvrière, c’est-à-dire de la ranger sous le drapeau socialiste[1]. »

C’est une victoire immédiate, facile, avec la complicité des bons bourgeois qui « veulent faire quelque chose pour les ouvriers ; » les socialistes ont une telle confiance dans leur naïveté qu’ils annoncent tout haut à ces braves gens le rôle de dupes qu’ils veulent leur faire jouer.

On leur a déjà donné la réglementation du travail des femmes, des filles mineures, des enfants. Du moment qu’on règle le travail des femmes adultes, le principe de l’ingérence est établi : donc, on élimine d’abord les femmes de certains métiers ; dans ceux où la femme et l’homme collaborent, le travail des femmes, devra être abaissé au niveau de celui des hommes. Des sénateurs, comme M. Maxime Lecomte, le proposeront, et il sera appuyé même par de braves gens qui se diront que onze heures de travail, c’est long, et ne verront pas les répercussions résultant d’une pareille ingérence de l’État.

Réduction des heures de travail, soit : mais maintien du salaire ! et s’il est réduit, grèves, comme à Amiens ; envahissement d’ateliers, de manufactures, destruction des objets fabriqués, sentiments de haine. Toutes les relations de la vie sont imbibées d’un pétrole moral qui, à la moindre étincelle, prend feu et fait explosion.

La politique socialiste essaye de mettre toutes les forces sociales des communes, de l’État, au profit des salariés dociles aux chefs socialistes contre les patrons, chefs d’ateliers petits ou grands, propriétaires, tous ceux qui, ingénieurs, directeurs à un titre quelconque, font partie du capitalisme.

Comme instruments de cette politique, les socialistes se servent des conseils de prud’hommes, dans lesquels les juges ouvriers ont pour mandat impératif de toujours donner tort aux patrons. C’est ainsi qu’ils comprennent l’impartialité et la justice. Leurs élections faites dans ces conditions sont annulées par le Conseil de Préfecture et par le Conseil d’État, il est vrai ; mais pendant six ou huit mois, ils ont fait comparaître devant eux des patrons, les ont traités avec grossièreté et les ont condamnés.

Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit, dans la Tyrannie socialiste, sur la Bourse du travail, mais si la Bourse du travail a été fermée à Paris, les établissements de ce genre se sont multipliés dans les départements.

En juillet 1891, il n’y avait que douze Bourses de travail, dix-neuf en novembre 1892. Aujourd’hui on en compte trente-deux dans les trente et une villes, (Bordeaux possède deux Bourses du travail) dont voici la liste : Agen, Aix, Alger, Angers, Angoulème, Béziers, Boulogne-sur-Mer, Bordeaux, Cahors, Carcassonne, Cette, Châtellerault, Cholet, Cognac, Cours, Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Nîmes, Rennes, Roanne, Saint-Étienne, Saint-Girons, Saint-Nazaire, Toulon, Toulouse, Tours.

La plupart continuent les mêmes errements que la Bourse du travail de Paris. Ce sont des agences électorales et des foyers de révolution sociale. Les succès électoraux inattendus qu’a préparés, aux frais des contribuables, cette institution, ont redoublé l’ardeur de ceux qui exploitent ce genre d’établissements.

La tyrannie des syndicats s’affirme de plus en plus. Défense à un patron de prendre des ouvriers non syndiqués ou mise en interdit de sa maison, défense de prendre des apprentis. Ceux qui ont à souffrir de cette tyrannie, ce sont les travailleurs qui ont l’outrecuidance de faire honneur à leur métier et de ne pas se plier aux exigences de gens qu’ils redoutent et méprisent. Les tyrans de chantier et d’atelier non seulement menacent en paroles les ouvriers qui ne veulent pas les suivre, mais dans toutes les grèves, on a vu des malheureux assaillis de coups, assommés, les jambes et les bras cassés, car ils étaient coupable du crime de « vouloir travailler. »

C’étaient contre eux qu’étaient dirigées les tentatives d’attentats à la dynamite qui ont eu lieu pendant la grève du Pas-de-Calais et du Nord 1893 : le 18 octobre, deux explosions, l’une à Bruay, l’autre à Monticourt ; destruction par la dynamite d’une partie de la voie ferrée des mines de Lens au Pont-l’Abbaye ; le 20 octobre, quatre cartouches à Bulley-Grenay, placées en face des maisons d’ouvriers non grévistes. Une cinquième, lancée dans une autre maison, en brisant un carreau ; la mèche allumée mit le feu à des vêtements déposés sur une voiture d’enfants ; le 23, violente explosion de dynamite placée contre la maison d’un mineur à Roost-Varendin. Le 30 octobre, quatre explosions de dynamite, au même moment, dans les corons de la fosse 8 des mines de Lens, située sur le territoire de Verdin-le-Vieil ; les cartouches avaient été introduites dans les soupiraux des caves. Le 1er novembre, une explosion à Bruay, une autre à Buissière, une troisième à Oustan, entraînant des dégâts matériels considérables, mais sans accidents de personnes.

Seize ! et j’en oublie probablement, et en outre, menaces d’accidents prémédités dans le fond de la mine ! Un éboulement volontaire qui écrase les membres d’un camarade est si facile !

La grève est le grand instrument de guerre. Ce n’est point, pour les socialistes, un acte économique. C’est le combat d’avant-garde, destiné à aguérir les troupes, à user et à fatiguer l’ennemi.

En 1880, quand une grève éclata dans l’industrie textile du Nord, à Tourcoing, à Lille, à Halluin, à Armentières, le Révolté de Genève disait :

« Cette grève prenait au commencement des allures assez sérieuses ; il s’agissait d’employer la dynamite.[2] »

« Même une grève vaincue, dit Benoît Malon, a son utilité si on ne s’en sert, comme le recommande Lafargue, avec tant de raison, que comme un moyen d’ébullitionner les masses ouvrières[3] ».

Quoique imprimé, ce conseil fait partie du socialisme ésotérique, mais, avec raison, les prêtres du socialisme se disent qu’ils n’ont pas à se gêner ; que les initiés seuls connaissent leurs vrais projets, car leurs adversaires ne se donnent pas la peine de les étudier ; et, en effet, ils ne se gênent pas. Ils ont une merveilleuse impudence dans l’hypocrisie. Oubliant qu’ils ont déclaré eux-mêmes que la grève était une arme de guerre entre leurs mains, et rien de plus, aussitôt qu’ils sont parvenus à en fomenter une, ils s’écrient que les patrons l’ont provoquée ; ils se répandent en jérémiades de mendiants : ils geignent sur les injustices dont ils se prétendent victimes ; ils essayent d’apitoyer les passants sur leur sort ; ils jouent aux Clopin Trouillefou et autres malandrins de la Cour des Miracles ; ils se lamentent en public sur des infirmités factices et dans le secret, préparent des embûches contre le naïf qui, se laissant attendrir, s’engagera à leur suite.

II. — Ces partisans de l’expropriation doivent approprier leurs moyens d'action au but poursuivi.

M. Goblet, dans son manifeste du 21 novembre 1892, appelait à lui tous les socialistes « si hardies que paraissent leurs idées » et il publiait dans la Petite République tous les manifestes de tous les groupes socialistes révolutionnaires.

Mais il s’était gardé prudemment une porte de sortie. Il acceptait les théories les plus hardies, mais il « repoussait la violence ».

Qu’est-ce donc que la violence ? Consiste-t-elle seulement en coups de poignard ou de fusil, ou en explosions de dynamite ? N’y a-t-il pas des violences légales ? Quand l’esclavage était consacré par la loi, l’esclave n’était-il donc pas la victime d’une violence ? Il y a eu des lois régulièrement votées par la Convention en 1793, telle que la loi du 22 prairial sur les suspects : n’était-ce donc pas une violence ? Il peut y avoir des lois de confiscation : parce que je serai volé légalement, en serai-je moins volé ? M. Goblet a déposé sa proposition de loi portant confiscation des mines : la prend-il pour une loi bénigne ?

Il faut donc laisser de côté cette habileté hypocrite de la politique de certains socialistes. Quoi qu'ils disent et veuillent faire, leur politique est violente de son essence, parce qu’elle est la contrainte ; elle ne se présente pas, comme devant donner plus de justice et de liberté à tous : elle se présente comme oppressive et spoliatrice à l’égard de la plus grande partie de l’humanité.

M. Goblet veut donner pour compagnon, au guillotiné par persuasion, l’exproprié par persuasion. L’un et l’autre ont de la méfiance.

Quand le Fra Diavolo classique menaçait le voyageur également classique de son escopette et que celui-ci s’empressait de dire : — « Voici ma bourse », Fra Diavolo ne manquait pas de répondre avec un aimable sourire : — « Je savais bien qu’entre gens d’esprit, on peut toujours s’entendre. »

Êtes-vous pour ou contre la suppression de la propriété ?

Voilà la question.

Si vous répondez : Oui, vous êtes un voleur, collectif ou individuel, peu importe. Car du moment que je ne veux pas vous donner ma propriété, vous me menacez de la prendre par la force.

Or, la résolution du quatrième Congrès national ouvrier, tenu au Havre, en novembre 1880, disait :

« Le Congrès national ouvrier socialiste du Havre déclare nécessaire l’appropriation collective, le plus vite possible et par tous les moyens, du sol, du sous-sol, instruments de travail, cette période étant considérée comme une phase transitoire vers le communisme libertaire. »

Elle fut adoptée par 48 voix contre 7.

La politique socialiste est la guerre sociale. Les Congrès, les théoriciens, les orateurs socialistes n’ont cessé de le proclamer, non seulement en Allemagne, mais en France.

Le neuvième Congrès ouvrier de la fédération du Centre a fait précéder ses résolutions de la déclaration suivante.

« Il est nécessaire que le prolétariat s’organise sur le terrain de la lutte des classes sans compromission aucune en vue de la Révolution sociale, car malgré le bien fondé des mises en demeure faites par les travailleurs conscients à la classe possédante et dirigeante, cette dernière ne cédera que devant la force. »

La Question sociale de Bordeaux exprime ainsi l’opinion des socialistes sur la révolution qu’ils préparent :

Quant à faire de la prochaine transformation sociale une révolution pacifique et non violente, cela dépend exclusivement de la classe capitaliste, selon qu’elle sera assez aveugle pour opposer une résistance acharnée aux revendications du prolétariat socialiste, ou qu’elle sera assez prudente pour faire en temps voulu les concessions nécessaires et se soumettre — c’est-à-dire se démettre.

La plupart des membres de l’Union socialiste de MM. Goblet et Millerand sont collaborateurs de l’Almanach de la question sociale pour 1894, dont nous pourrions multiplier les citations :

La révolution que nous prônons et que nous voulons c’est celle de 93, celle des hébertistes, celle de 71, celle des communaux, celle qui fauche, qui désagrège tout ce qui lui résiste, qui va droit au but et ne se laisse pas arrêter par les singeries sentimentales et mystiques.

Citoyens, pensez bien à cela pour qu’au jour arrivé vous ne reculiez pas devant l’horreur des moyens et que droit vous alliez au but. — J.-L. Breton.

Tous les ans, le 28 mai, les collectivistes et socialistes révolutionnaires et possibilistes vont au Père-Lachaise célébrer quoi ? les exploits de la Commune, et proclamer sa revanche.

Est-ce donc une revanche en douceur que rêvaient les socialistes lorsqu’ils évoquaient les hauts faits de Blanqui et du général Eudes, à qui le conseil municipal de Paris a accordé une concession de terrain pour les services qu’il a rendus à la Révolution sociale, et applaudissaient aux paroles de M. Vaillant (10 septembre 1893) :

Et sur les tombes d’Eudes et de Blanqui, sur le champ de sépulture des fédérés de la Commune, nous, membres du comité révolutionnaire central, fédérés de ce grand parti socialiste, nous pouvons jurer de nouveau que nous poursuivrons le combat de la classe ouvrière et du socialisme jusqu’à l’anéantissement du capitalisme, jusqu’à la victoire de la République socialiste et de la Révolution.

Le théoricien mystique du socialisme français, M. Benoît Malon, disait dans son programme : le Nouveau parti :

La force est l’accoucheuse des sociétés nouvelles.

M. Gabriel Deville, le théoricien du marxisme français et du guesdisme, a consacré, dans son Aperçu sur le socialisme scientifique, qui précède une traduction d’un résumé du Capital de Karl Marx, tout le chapitre V à développer cette proposition qui en forme le titre : Impuissance de toutes les méthodes pacifiques.

La seule transformation à poursuivre est la transformation du mode de propriété.

Par quels moyens ? L’instruction ? Oui. Mais pourquoi ?

Si l’éducation de la classe ouvrière peut la pousser à employer la force pour hâter la solution nécessaire, elle est incapable de suppléer à cet emploi.

De même le suffrage universel. À quoi doit-il servir ?

Si l’on doit user du suffrage universel, puisqu’il existe, il ne faut lui demander que ce qu’il peut donner. Qu’il serve à réparer le mal causé par la fusion politique du prolétariat et de la bourgeoisie, en formant, en dehors de tous les partis bourgeois, l’armée de la révolution sociale.

Le moyen de hâter, à l’aide du suffrage universel, cette formation de l’armée ouvrière, c’est la candidature de classe, continuant en politique la guerre de classe.

M. Gabriel Deville termine son chapitre en disant :


Bien que conforme aux conditions économiques du moment, une transformation sociale telle que l’abolition du prolétariat actuellement chez nous, ne s’opère pas sans perturbation violente : tout enfantement est accompagné d’effusion de sang.

Le chapitre suivant a pour titre : Notre Révotution. Il commence par ces mots, dont nous reconnaissons la justesse :

Une caste propriétaire ne se dépossède pas spontanément.

Et alors il continue :

Le grand révolutionnaire Auguste Blanqui, en France, et Marx, en Allemagne, sont les premiers à avoir affirmé qu’une entente n’était pas possible, et que la rénovation sociale se fera non avec, mais contre la bourgeoisie.

M. Gabriel Deville l’engage à faire des concessions aux socialistes, afin que ceux-ci puissent s’en servir contre-elle :

Tout au plus celle-ci, acculée dans ses derniers retranchements, accordera-t-elle quelques réformes afin d’apaiser des revendications alarmantes. Et ce ne sont pas les socialistes qui la verraient de mauvais œil entrer dans cette voie.

C’est avec joie qu’ils accueilleraient, par exemple, la limitation des heures de travail. Les heures exténuantes employées à enrichir les capialistes pourraient être alors utilisées pour l’action politique et la propagande socialiste, auxquelles est physiquement réfractaire l’ouvrier maintenu des douze et quinze heures dans des bagnes industriels…

Accorder des réformes, c’est nous jeter des armes, c’est nous rendre plus forts contre nos adversaires devenant chaque jour plus faibles à mesure que nous le sommes moins. L’appétit vient en mangeant. Plus on obtient plus on exige : aussi les réformes effectuées, au lieu d’enrayer le mouvement révolutionnaire, pousseraient à lutter, en même temps qu’elles fourniraient des hommes plus aptes à la lutte. Les socialistes seront donc heureux de toute réforme. Seulement ces réformes, conquêtes de détail, ne sauraient faire l’économie du combat final, parce que, quels que puissent être les amoindrissements successifs de ses privilèges par elle consentis sous la pression des événements, la bourgeoisie voudra toujours en garder quelque chose.

Qu’on le déplore ou non, la force est le seul moyen de procéder à la rénovation économique de la société.

Le parti ouvrier n’est encore que la minorité consciente du prolétariat, et, néanmoins, il fait appel à la force. Quel aveuglement ! s’écrie-t-on. En le critiquant sur ce point, on oublie que la plupart des révolutions sont l’œuvre de minorités dont la volonté tenace et courageuse a été secondée par l’apathie de majorités moins énergiques.

La première chose à faire est de déloger la bourgeoisie du gouvernement. Les révolutionnaires n’ont pas plus à choisir les armes qu’à décider du jour de la Révolution. Ils n’auront, à cet égard, qu’à se préoccuper d’une chose, de l’efficacité de leurs armes, sans s’inquiéter de leur nature. Il leur faudra, évidemment, afin de s’assurer les chances de victoire, n’être pas inférieurs à leurs adversaires et, par conséquent, utiliser toutes les ressources que la science met à la portée de ceux qui ont quelque chose à détruire.

Voilà la stratégie du parti socialiste nettement et clairement exposée ; et la dernière phrase indique qu’il ne fait point de sensiblerie à propos des moyens.

Il est vrai que, depuis l’explosion du 9 décembre 1893 à la Chambre des députés, M. Gabriel Deville prétend que « parmi les ressources que la science met à la portée de ceux qui ont quelque chose à détruire, » ne sont pas compris les explosifs. Il a envoyé des témoins à M. de La Berge, pour le sommer d’avoir à le reconnaître[4] ! Mais de quelles ressources peut-il donc être question ? M. Chausse, franchement, lui, à la salle Favié, le 1er mai 1892, appelait les procédés de Ravachol « un système d’avant-garde ».

Dans la même réunion, un collectiviste, plus prudent, conseilla « d’imiter les jésuites, de jouer à la sagesse, quitte, plus tard, si l’on ne veut pas écouter les réclamations du prolétariat, à user des moyens que la science met à notre disposition. »

Des cris de : « Vive la Chimie ! » éclatant, au milieu de nombreux applaudissements, prouvèrent qu’il avait été compris.


  1. Benoît-Malon. Le Nouveau parti p. 89.
  2. Cité par la Grande Revue, 12 janv. 92.
  3. Benoît Malon. Le Nouveau parti, p. 90.
  4. Petite République du 29 décembre 1893.