Les Romanesques/Acte II
ACTE DEUXIÈME
Même décor : le mur a disparu. Les bancs qui lui étaient adossés ont été repoussés à droite et à gauche. Menus changements, massifs de fleurs, kiosques de treillages, faux marbres prétentieux, serre. À droite, table de jardin, chaises.
Au lever du rideau, Pasquinot, assis sur le banc de gauche, lit sa gazette. Blaise, au fond, ratisse.
Scène I
Donc, Monsieur Pasquinot, ce soir vient le notaire ?…
Hé ! voici bien un mois que ce mur est par terre
Et que vous vivez tous ensemble. Il était temps ;
Nos petits amoureux doivent être contents !
Ça fait bien sans ce mur, hein, Blaise ?
C’est superbe !
Oui. mon parc a gagné. Cent pour cent.
Est mouillée !… On a donc arrosé ce matin ?…
Il ne faut arroser que le soir, vieux crétin !
C’est Monsieur Bergamin qui m’en a donné l’ordre.
Ah ?… Ce bon Bergamin !… Il ne veut pas démordre
De son idée !… Il croit qu’arroser sans repos
Vaut mieux qu’arroser peu, mais bien, mais à propos !
Enfin !…
Vous sortirez les plantes de la serre.
Ouf !… On leur donne d’eau juste le nécessaire !
Ce qui leur fait du bien, c’est ce superflu-là !
Hein, mon vieux, tu mourais de soif ?… Tiens, en voilà,
De l’eau… tiens, en voilà ! Moi, j’aime ça, les arbres.
Oui, mon parc a gagné… Très jolis, ces faux marbres
Très, très…
Apercevant Pasquinot.
Bonjour.
Pas de réponse.
Bonjour ! !
Pas de réponse.
Bonjour ! !!
Pasquinot lève la tête.
Eh bien, j’attends ?
Oh ! mon ami, mais nous nous voyons tout le temps !
Ah ? — bien !…
Veux-tu rentrer ces plantes !
Chaque jour je sortais, furtif, de ma demeure…
Je filais de chez moi, subreptice et léger…
C’était très amusant !
Le secret !
Le danger !
Il fallait dépister Percinet ou Sylvette
Chaque fois qu’on venait tailler une bavette !
On risquait, chaque fois qu’on grimpait sur le mur,
La casse d’une côte, ou le bris d’un fémur.
Nos conversations monoquotidiennes
Ne se pouvaient qu’au prix de ruses indiennes !
Il fallait se glisser sous les buissons épais…
C’était très amusant !
Et, le soir, aux genoux, ma culotte était verte !
L’un de l’autre il fallait, sans fin, jurer la perte…
Et dire un mal affreux…
C’était très amusant !
Bergamin ?
Pasquinot ?
Ça nous manque, à présent.
Non, voyons !…
Ce serait la revanche, ici, du Romanesque ?…
Son gilet est toujours veuf de quelque bouton !
C’est crispant !…
Qui virevolte, avec ses basques pour élytres.
Il louche, quand il lit, ainsi que font les pitres
Après leur papillon.
Il siffle !… c’est un tic !
Ne sifflote donc pas toujours, comme un aspic.
Nous distinguons le brin d’éteule aux yeux des autres
Et nous ne sentons pas la solive en les nôtres !
Vous avez bien vos tics…
Moi ?
Vous reniflez sans fin, Roi des Enchifrenés,
Le nez toujours noirci d’un vain sternutatoire,
Vous contez six-vingts fois par jour la même histoire
Mais…
Sans balancer le pied comme un gros encensoir ;
À table, vous roulez votre mie en boulettes…
Maniaque, mon cher, ah ! non, ce que vous l’êtes !
Oui, comme maintenant on s’ennuie à moisir,
De m’inventorier vous avez le loisir ;
Vous dénombrez mes tics, vous en dressez la liste,
Mais la vie en commun, cette grande oculiste,
Me désaveugle aussi ! Je vous vois ladre, faux,
Égoïste, et chacun de vos menus défauts
Grossit, — comme la mouche amusante et gentille
Devient un monstre affreux, Monsieur, sous la lentille.
Ce dont je me doutais, maintenant j’en suis sûr !
Quoi ?
Le mur te flattait.
Tu perds beaucoup sans mur.
De te voir tous les jours tu calmas mon envie !
Depuis un mois, Monsieur, ce n’est plus une vie !
C’est bien, Monsieur, c’est bien. Ce que nous avons fait,
Ce n’était pas pour nous, n’est-ce pas ?
En effet !
C’était pour nos enfants !…
Souffrons donc en silence, et supportons la perte
De notre liberté, sans soucis apparents.
Car, se sacrifier, c’est le sort des parents !
Chut ! voici les Amants !
Semblent-ils pas marcher dans une apothéose ?
Depuis que l’aventure exauça tous leurs vœux,
Ils sentent des rayons mêlés à leurs cheveux !
C’est l’heure où, copiant les attitudes lentes
Des Pèlerins d’Amour dans les Fêtes Galantes,
Ils viennent chaque jour, avec componction,
Sur le lieu du combat faire une station !
Voici nos pèlerins.
Coutumier, cela vaut d’être écouté !…
Scène II
Je t’aime !…
Je vous aime…
À l’endroit illustre nous voici !
Oui, c’est ici qu’eut lieu la chose. C’est ici
Que tomba lourdement la brute transpercée !
Là, je fus Andromède !
Et là, je fus Persée !
Combien donc étaient-ils contre toi ?
Dix !
Vingt au moins, sans compter ce grand dernier qui vint,
Et dont tu corrigeas l’humeur récalcitrante.
Oui, vous avez raison, ils étaient au moins trente.
Ah ! redis-moi comment, dague au poing, flamme aux yeux.
Tu les frappas dans l’ombre, ô mon Victorieux !
Je ne sais si ce fut en sixte, ou bien en quarte…
Mais ils tombaient, pareils aux capucins de carte !
Ami, si vos cheveux avaient été moins blonds,
J’aurais cru voir le Cid !
Oui, nous nous ressemblons.
Il manque à nos amours d’être mis en poème.
Sylvette, ils le seront !
Je vous aime.
Je t’aime !
C’est du rêve vécu !… Je m’étais tant juré
D’épouser le héros follement rencontré,
Et pas le bon petit fiancé des familles !..
Ah ?
Le doux Monsieur que cherche à marier sa sœur,
Ou quelque digne abbé, son vague confesseur.
Tu n’aurais surtout pas épousé, que j’espère,
L’inévitable fils d’un ami de ton père !
Ah ! non !… Remarques-tu que mon père et le tien
Sont depuis quelques jours d’une humeur ?…
Oui, de chien
Hum !
Et je sais pourquoi leur bonne humeur s’altère…
Ah ?
Je respecte beaucoup mon père, — et ton auteur ;
Mais ce sont bons bourgeois pas très à la hauteur.
Notre éclat les relègue un peu dans les ténèbres.
Hein ?
Les voilà passés pères d’amants célèbres !
Mon panache excessif leur devient importun.
Ton père a devant toi la gêne obscure d’un…
Je ne sais si je peux dire ?
Tu peux, espiègle
D’un canard ayant fait la couvaison d’un aigle !
Ho ! ho !
Comme il se joua d’eux !…
Hé ! hé !
Joint toujours les Amants par d’imprévus méandres,
Et le hasard se fait le Scapin des Léandres !
Ha ! ha !
Le signer !
Et je vais mander les violons !
Allez vite !
Je cours !
Et je vais vous mener, Monsieur, jusqu’à la grille
Nous égalons, je crois, les plus fameux Amants.
Oui, nous serons parmi ces Immortels Charmants :
Roméo, Juliette, — Aude et Roland…
Et son pâtre !
Pyrame et Thisbé !
Encore…
Et Paolo…
Pétrarque et Laure…
As-tu fini ?
Scène III
Le succès de ton plan, Monsieur l’homme sagace,
Répond à ton espoir, et même il le dépasse !
Résultat qui sans doute était prévu par vous,
Cher maître : nos enfants sont complètement fous !
Il est clair que ta fille est assez énervante
Avec son fameux rapt, que sans cesse elle vante !
Et ton fils, qui se croit un héros, prend des airs
Qui ne me portent pas moindrement sur les nerfs !
Mais le plus irritant, c’est qu’ils nous représentent
Comme deux bons bourgeois dupés, qu’ils nous plaisantent
Sur notre aveuglement voulu, sur ce que nous
Ne surprîmes jamais un de leur rendez-vous !
C’est bête, si tu veux, mais enfin ça m’agace.
Avais-tu prévu ça, Monsieur l’homme sagace ?
Grâce à toi, ton moutard tient d’insanes propos,
Et se croit le premier des moutardiers papaux.
Moutardier dont au nez me monte la moutarde !
Je vais tout leur conter, sans plus tarder.
Il ne faut pas aller leur dire tout de go ;
On parlera sitôt après le conjungo ;
Jusqu’aux derniers accords des nuptiales harpes,
Sachons leur opposer un mutisme de carpes.
Soit, mais nous voilà pris nous-mêmes dans nos rêts,
Grâce à ton fameux plan.
Mon cher, tu l’admirais !
Ah ! il était joli, ton plan !
Il m’exaspère !
Scène IV
Bonjour, mon cher papa. Bonjour, futur beau-père !
Bonjour, future bru !
Oh ! comme vous avez ce matin l’air bourru !
C’est Pasquinot qui me… qui me…
Je viens comme la paix, — et j’agite une palme !
Vous vous boudez encore un peu ? C’est bien permis :
Pouvez-vous vous aimer comme deux vieux amis ?
Ironie !…
Qu’on ne peut…
Oh ! quand je me souviens de ce que vous disiez
De papa, bien souvent, là, parmi vos rosiers,
Sans vous douter que moi j’entendais tout, assise
Derrière le bon mur…
Elle est d’une bêtise !
Car je venais ici chaque jour, vous savez,
Retrouver Percinet ! — Dire que vous n’avez
Jamais eu de soupçons !
Si…
Nous venions pourtant toujours à la même heure.
Ha ! ha ! J’entends encor Percinet vous crier,
Le jour même du rapt : « Je veux me marier
De la façon la plus romanesquement folle ! »
Eh ! dame, dites donc, il a tenu parole !
Vraiment ?… Et vous croyez que si j’avais voulu ?…
Ta ! la ! ta ! Je le sais, pour l’avoir cent fois lu :
Les rêves des Amants toujours se réalisent,
Et les pères, toujours, tôt ou tard, s’humanisent,
Contraints par quelque étrange et fol événement
Qui force, à point nommé, leur attendrissement.
Qui force, à point nommé ?… Non, non, laissez-moi rire !
Mais, nous l’avons prouvé !…
Si je voulais vous dire…
Quoi ?
Rien !
Alors, pourquoi prenez-vous cet air fin ?
Mais, parce que…
Ho !… c’est agaçant, à la fin !
Quand on pourrait d’un mot…
Mais gardons le mystère !
Quand on n’a rien à dire, il le faut bien, se taire !
Rien à dire ! La folle ! Alors, vous croyez ça,
Que tout se passe ainsi que cela se passa ?
Qu’on envahit les parcs malgré les bonnes grilles ?…
Vous croyez qu’on enlève encor les jeunes filles ?
Si je crois ? Que dit-il ?
Assez ! Qu’il était temps que tout se dévoilât !…
Oui, depuis que le monde est monde entre les mondes,
Le succès fut toujours pour les perruques blondes ;
Bartholo, dont la haine en secret s’aviva,
Dut toujours s’incliner devant Almaviva ;
Mais l’heure du triomphe et des justes revanches
Vient enfin de sonner pour les perruques blanches !
Mais…
Cassandre, Orgon, Géronte, Argante, n’est-ce pas ?
Vous en êtes restée à ces vieilles badernes ?…
Mais on n’en trouve plus chez les pères modernes !
Les dupés d’autrefois sont dupeurs à leur tour.
L’ordre donné par nous de vous aimer d’amour,
Ni vous ni Percinet n’eussiez voulu l’entendre ?
Ce fut donc bien joué que de vous le défendre !
Mais alors, vous saviez peut-être…
Sûrement !
Nos duos ?
J’écoutais leur doux susurrement !
Les bancs où nous grimpions ?…
Tout exprès nous les mîmes
Le duel ?
Simple jeu !
Les spadassins ?
Des mimes !
Mon rapt ? — Oh ! ça, c’est faux !…
J’ai la facture, là, de votre enlèvement !
Ah ! donnez !…
Un faux rapt, mis en scène, afin que l’on fiance !… »
Ah ! — « Huit sombres manteaux à cinq francs le manteau ;
Huit masques… »
Nous avons, je crois, parlé trop tôt !
« Une chaise à porteurs, soignée, à coussins roses,
Création nouvelle… »
On a bien fait les choses !
Elle n’est pas fâchée ?
Mais c’est beaucoup d’esprit bien inutilement ;
Cher Monsieur Bergamin, croyez-vous que si j’aime
Mon Percinet, c’est grâce à votre stratagème ?
Elle le prend très bien.
Vous le prenez très bien !
Mais alors… on peut dire à Percinet ?…
Non, ne lui dites rien !… Les hommes, c’est si bête !
Quel bon sens ! voyez-vous cette petite tête !…
Et moi qui la croyais…
Allons nous préparer…
Bons amis ?…
Comment donc !
Vous ne m’en voulez pas du tout ?
Je vous l’atteste.
Ce Monsieur Bergamin, comme je le déteste !…
Scène V
Ah ! vous êtes encore ici ?… Je comprends ça.
Vous ne pouvez quitter l’endroit où se passa
Toute cette aventure inouïe !…
En effet !
Vous me vîtes combattre, ainsi qu’un Amadis,
Ces trente spadassins…
Mais non, ils étaient dix.
Chère, mais qu’avez-vous ? Mais quoi donc vous attriste ?
Ces yeux, où du saphir fond dans de l’améthyste,
Ils semblent obscurcis par quelque ennui, ces yeux ?
Son langage est parfois un peu prétentieux.
Ah ! tenez, je comprends tout ce qu’en vous suscite
De regrets attendris, cet adorable site !…
Vous pleurez le vieux mur aux feuillages grimpeurs,
Témoin de nos espoirs, jadis, et de nos peurs ;
Mais il n’est pas détruit, la gloire le couronne…
Est-ce qu’il est détruit, le balcon de Vérone ?…
Ah !
Ce balcon toujours blanc, trembler sans fin, auprès
D’un grenadier jamais défleuri, son échelle
Inusable, que dore une aurore immortelle ?
Oh !
C’est pourquoi, démoli, le mur se dresse encor,
Sur lequel a poussé, folle pariétaire,
Notre amour merveilleuse…
Il ne va pas se taire !
Mais le vœu fut par vous tout à l’heure exprimé
De voir sur notre histoire un poème rimé…
Donc, ce poème…
Eh bien ?
Moi-même je le rime.
Tu sais faire des vers ?
Écoute mon début, que j’ai fait en marchant.
« Les Pères Ennemis. » Poème.
Oh !…
Premier chant !
Oh !…
Qu’as-tu ?
Le bonheur… les nerfs… une faiblesse.
Laissez-moi me remettre, un instant.
Je vous laisse.
Un jour comme aujourd’hui, ce trouble est naturel !
Notons toujours mes vers.
Feint de choir, transpercé d’une lame ignorante, —
Habit froissé : dix francs ; amour-propre : quarante. »
Qu’est cela ?
J’ai failli me trahir. Prenons garde !
Ho ! — ho ! — ho !
Que dites-vous ?
Moi ? rien, rien !
Son erreur me navre
C’est pour ça qu’on n’a pas retrouvé le cadavre !
Il a l’air de bouder. Rapprochons-nous de lui.
Vous ne m’avez rien dit de ma robe aujourd’hui ?
Le bleu ne vous va pas. Je vous préfère en rose.
Le bleu ne me va pas… Saurait-il quelque chose ?
Mais la facture, au fait, j’ai dû la mettre là !
Qu’avez-vous à tourner, voyons, comme cela ?
Rien…
Un papier, le vent quelquefois le dérobe.
Rien… je tournais pour voir comment me va ma robe !…
Je saurai bien s’il l’a trouvée.
Dire tantôt des vers sur nos amours ?
Dis-les.
Ah ! non !
Dis-les, ces vers…
Non !
Sur notre aventure !
Ils sont mauvais, tu sais… Je n’ai pas…
La facture ?
Non, je n’ai pas la fact…
Pardon, mais…
Mais, pardon..
Ah ! mais elle sait donc ?…
Il sait donc ?
Tu sais donc ?
Ha ! ha ! ha !…
N’est-ce pas que c’est drôle ?
Très drôle !
Non, vraiment, on nous fit jouer un rôle…
Un rôle !
Nos pères étaient donc bons amis ?
Bons voisins.
Ma parole, ils devraient être même cousins.
J’épouse mon cousin !
J’épouse ma cousine !
C’est gentil !…
C’est classique !
Des mariages plus… Mais c’est si bon de voir
Que l’on conciliait l’amour — et le devoir !
Et l’intérêt ! Car ces deux parcs, leurs dépendances…
Excellent mariage, enfin, de convenances.
Elle est loin, notre pauvre idylle sur le mur !
Il ne faut plus parler d’idylle, c’est bien sûr !
Je rentre dans le rang banal des jeunes filles.
Je suis le bon petit fiancé des familles…
Et c’est en Roméo, Sylvette, que je plus !
Ah ! Roméo, c’est clair que vous ne l’êtes plus !
Est-ce que vous croyez être encor Juliette ?
Vous devenez amer.
Dame ! et vous… aigrelette.
Si vous avez été ridicule, eh ! mon Dieu !
Est-ce ma faute à moi ?
Je ne le fus pas seul !…
Ah ! mon pauvre Oiseau Bleu, bien déteintes, vos plumes !
Ha !… un simili-rapt !
De pseudo-coups d’estoc !…
Fi ! la fausse enlevée !
Ah ! notre poésie était une risée !
C’est ainsi qu’en crevant, belle bulle irisée,
Tu n’es plus, disparue à nos yeux étonnés,
Qu’un peu d’eau de savon qui nous pleut sur le nez !
Donc, Amant dont je fus le plus vil des émules,
Amante dont, indigne, elle chaussa les mules,
Ô pâle et noble couple, ô couple shakspearien,
Nous n’avions avec vous de commun rien, rien…
Rien !
Donc, au lieu de jouer le cher et divin drame,
Nous en avons joué la parodie infâme !
Donc, c’était un serin que notre rossignol !
Donc, il était, le mur immortel, un Guignol !
Et quand nous y venions, chaque jour, apparaître,
Chaque jour, à mi-corps, nous étions, au lieu d’être
Deux parangons d’amour aux types éternels,
Deux pantins qu’animaient les gros doigts paternels !
C’est vrai ! Mais nous serions grotesques davantage
Si nous nous aimions moins !
Nous sommes obligés de nous aimer, d’abord !
Mais, nous nous adorons !…
Le mot n’est pas trop fort !
L’amour peut consoler très bien d’un tel désastre !…
N’est-ce pas, mon trésor ?
Certainement, mon astre !
Bonjour donc, ma chère âme !
Et bonsoir, ma beauté !
Je vais rêver à vous, mon cœur, — de mon côté !
Et moi du mien. Bonjour !
Bonsoir !
Ah ! l’on me traite ainsi !… Mais quel est, dans cet ample
Manteau, qui laisse voir cet étrange pourpoint,
Ce Monsieur moustachu que je ne connais point ?…
Scène VI
Qu’est-ce ?
C’est pour toucher une petite somme.
Un fournisseur ?
Dire à votre papa que j’attends.
Votre nom ?
Mon nom est Straforel.
Ah ! non ! ceci devient par trop intolérable !
Tiens, tiens ! vous savez donc, jeune homme ?
C’était toi !
Mon Dieu ! oui, c’était moi : per Baccho !
Oh ! rencontrer cet homme ! Oh ! je fuirais jusqu’au
Bout du monde…
Que la citation, il me semble, s’impose :
Les gens que vous tuez se portent…
Tu vas voir !
La main haute !… le pied en dehors ! n’en savoir
Pas plus long à votre âge, eh ! Monsieur, c’est un crime !
Quoi ! vous cessez déjà votre leçon d’escrime ?
Ah ! je pars !… On me traite en enfant : bien ! j’aurai
Ma revanche ! J’aurai du roman, et du vrai !
Je vais, par des amours et des duels sans nombre,
Scandaliser, ô Don Juan, jusqu’à ton ombre !
Et je vais enlever des filles d’opéra !
Très bien !… Mais, maintenant, est-ce qu’on me paiera ?
Scène VII
Hé ! là-bas ! arrêtez !… En voici bien d’une autre !
Voici votre perruque !
Ouf ! Et voici la vôtre !
Vous comprenez qu’après de pareils procédés !…
Voici votre jabot…
Que revivre avec vous serait un sacrifice
Trop grand pour qu’au bonheur de mon fils je le fisse !
Ma fille !… Cachons-lui d’abord ce qu’il en est !…
Scène VIII
Papa, je ne veux plus épouser Percinet !…
Les témoins !… le notaire !… Au diable !
Hein ?
Ces paroles !…
Ma facture !… payez !… quatre-vingt-dix pistoles !…
Les violons !… Au diable !
Eh bien !… Je tends la main ?
Parlez à Pasquinot !
Parlez à Bergamin !
« Un faux rapt mis en scène afin que l’on fiance… »
Ils sont défiancés ! Donc, cela me dispense
De payer.
Mais, Monsieur…
Maintenant que tout est rompu ? — Vous êtes fol !
Mon fils !… parti !…
Parti ?…
Tiens ! tiens !
Courez ! en chasse !
Parti !
Ensemble ces mignons… eh ! peut-être…
Ah ! ça c’est un peu fort !
Pour te faire payer tes nonante pistoles,
Ce mariage, il faut que tu le rafistoles !