Les Romans de la Table ronde (Paulin Paris)/Lancelot du lac/47

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Léon Techener (volume 4.p. 3-4).


XLVII.



Lancelot ne pouvait vivre longtemps éloigné de la reine sans tomber dans une tristesse profonde, et sa mélancolie ne pouvait échapper à l’attention de Galehaut. « Cher compain, lui dit-il un jour, je sens que je me meurs. — Ah ! Lancelot, j’ai deviné la cause de votre malaise, elle est à Logres : il faudrait, pour vous conforter, la vue de votre dame ; travaillons donc à nous rapprocher d’elle. Nous pouvons envoyer à la cour un message que nous confierons à Lionel : Lionel sait nos pensées, il les rendra mieux que personne. »

Lionel fut appelé : « Écoute, bel ami, lui dit Galehaut, nous allons t’envoyer à la cour du roi Artus. Tu demanderas d’abord la noble dame de Malehaut, de la part de son ami, le seigneur des Îles lointaines. Quand tu seras seul avec elle, tu lui diras de te conduire à la reine et quand tu seras devant cette rose de toutes les beautés, ce parangon de toutes les dames, tu lui apprendras que tu es fils du roi Bohor et cousin de Lancelot. Elle demandera des nouvelles de son ami ; tu répondras que loin d’elle il ne peut être en bon point, et que, tous les deux, nous craignons d’être mis en oubli, lui par elle, moi par ma dame de Malehaut. Si elles veulent nous rendre heureux comme au temps où nous étions près d’elles, elles trouveront facilement un moyen de nous rappeler. »

Lionel se disposa à fournir le message. Quand il fut au monter, Galehaut lui recommanda de ne confier à personne au monde le secret de son voyage : la moindre indiscrétion pouvait causer de grands maux. « Avant, dit Lionel, d’en rien laisser deviner, on m’arrachera la langue. »

Il prit la voie qui conduisait le plus droit à la cour du roi Artus. Mais son voyage est tellement lié à la quête entreprise par messire Gauvain, que nous devons, avant de le suivre, raconter ce qui advint au neveu d’Artus, quand il eut franchi le carrefour des Sept voies.