Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589/L’Amour dont je tiens la vie

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ODE.



L’Amour dont je tiens la vie
N’est que la mesme douceur
Qui par le ciel recueillie

Se loge autour de mon cœur.

Ceux qui pressez de paresse
Ne sçavent que c'est d'aimer,
S'il voyoient l’œil qui me blesse
Il viendroyent s'y consumer.

S'il avoyent senti sa flame
Qui les feroit vivre heureux,
Ils hazarderoyent leur ame
En ces flambeaux amoureux.

Car ceste flame divine
Conduit à l'eternité,
Quiconque dans sa poitrine
Fait place à sa deité.

Sa beauté n'est pas semblable
A l'apparence d'embas,
Qui rend le cœur miserable
Sujet à mille trespas.

Sa force n'est point martyre
Et jamais ne le sera,
Car qui pour elle souspire
Heureux & content vivra.

S'elle monstre quelque peine
La douleur n'en sera rien
Car une si douce gesne
Est cause de plus grand bien.

Si je puis donc tout mon aage

Vivre sans me repentir,
Et sans changer de courage,
J'auray plaisir à mourir.
Beni soit donq le moment
Que je mourray en l'aymant.