Les Trois Dames de la Kasbah/XXXIV

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Calmann Lévy (p. 64-65).
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XXXIV


Longtemps encore ils marchèrent sans plus rien voir.

Et puis ils entendirent un grand bruit qui partait d’une maison fermée : une musique d’enfer, et des cris et des rires.

Ils écoutèrent. On parlait français là-dedans, — et même on parlait breton !…

Ils frappèrent. — On n’ouvrit pas.

Alors ils enfoncèrent la porte à coups d’épaule. — On les accueillit à bras ouverts.

Un bouge à moitié arabe. Quatre nègres tout nus jouant des castagnettes de cuivre et battant du tambour, sur un rythme nubien.

Et, au son de cet orchestre, une dizaine de couples de zouaves et de matelots dansaient entre eux, en se tenant par la taille ; gravement ; — des zouaves qui avaient mis des chemises de matelot, des matelots qui avaient mis des bonnets de zouave.

Et, quand les quatre nègres exténués faisaient mine de s’arrêter, les danseurs leur montraient le poing, et ils continuaient, enrageant de leur impuissance…

Alors ils voulurent, eux aussi, habiller un zouave, pour en faire un frère. Un grand blond s’y prêta de bonne grâce, et chacun des trois Bretons lui donna pour le transformer une pièce de son costume.

Ensuite ils sortirent ensemble, sur le minuit, après avoir bu, sans le payer, un litre d’une eau-de-vie poivrée qui brûlait comme du feu.

Ils étaient quatre maintenant, avec cette recrue nouvelle, et ils recommencèrent à errer, plus ivres que jamais.