Les Voleurs (Vidocq)/dico1/D

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D

DABE-esse, s. — Roi, reine.

DABOT, s. m. — Préfet de police.

* DABUSCHE, s. m. — Roi.

DALLE, s. m. — Écu de six francs.

DAIM HUPPÉ, s. m. — Homme qui paraît avoir les poches pleines.

DARD, s. m. — Membre viril.

DARDANT, s. m. — Amour.

daron-onne ; s. — Père, mère.

DARON DE LA RAILLE, DE LA ROUSSE, s. m. — Préfet de police.

DARONNE DU DARDANT, s. f. — Vénus.

DÉBACLER, v. a. — Ouvrir.

DÉBINAGE, s. f. — Médisance, calomnie.

DÉBINER, v. a. — Médire, calomnier.

DÉBOUCLER, v. a. — Ouvrir à un prisonnier les portes de son cabanon.

DÉBOUSCAILLER, v. a. — Décrotter.

DÉBOUSCAILLEUR-euse, s. — Décrotteur, décrotteuse.

débrider, v. a. — Ouvrir.

DÉBRIDOIR, s. f. — Clé.

DÉCADENER, v. a. — Déchaîner, ôter de la chaîne.

DÉCARRADE, s. f. — Sortie.

DÉCARRER, v. a — Partir, quitter les lieux où l’on se trouve.

DÉCARRER DE BELLE, v. a. — Sortir de prison sans avoir passé en jugement.

DÈCHE, s. — Dépense, déficit.

DÉCLOUER, v. a. — Dégager, retirer des effets du Mont-de-Piété.

DÉDURAILLER, v. a. — Déferrer.

DÉFARGUEUR-euse, s. — Témoin à décharge.

DÉFLEURIR LA PICOUSE, v. a. — Voler le linge étendu sur les haies.

DÉFOURAILLER, v. a. — S’enfuir, s’évader.

DÉFRIMOUSSER, v. a. — Défigurer, gâter la figure.

DÉFRUSQUER, v. a. — Déshabiller.

DÉGUI, s. m. — Dominos.

DELIGE, s. f. — Voiture publique, diligence.

DÉMAQUILLER, v. a. — Défaire.

DEMI-AUNE, s. m. — Bras.

DEMI-STROC, s. m. — Demi-setier.

DÉMORGANER, v. a. — Démordre, se rendre à une observation.

DENAILLE (Saint), s. — Saint Denis.

DÉPLANQUER, v. a. — Découvrir, retirer des objets d’une cachette.

DESENTIFLAGE ; s. m. — Divorce, désunion.

DESENTIFLER, v. a. — Divorcer.

DESVIERGER, v. a. — Dépuceler.

DÉTAFFER, v. a. — Aguerrir, rendre quelqu’un hardi, audacieux, entreprenant.

DÉTAROQUER, v. a. — Démarquer, enlever la marque de l’épaule, du linge.

détourneur-euse, s. m. — Voleurs dans l’intérieur des boutiques. On ne saurait, dans le commerce, prendre de trop minutieuses précautions, l’on objecterait en vain que la méfiance est un vice, pour ma part je suis de l’avis du proverbe qui dit que la méfiance est la mère de la sûreté ; il est encore une considération qui doit, si je ne me trompe, lever les scrupules des ames timorées qui croiraient, en se tenant continuellement sur leurs gardes, blesser la susceptibilité des individus avec lesquels elles peuvent se trouver en relation, cette considération peut être formulée en peu de mots : la loi punit le crime, mais elle ne le prévient pas ; le législateur a voulu, sans doute, laisser ce soin aux particuliers. Combien, à l’heure qu’il est, y a-t-il, dans les bagnes et dans les prisons, de malheureux qui jamais n’auraient succombé, si l’incurie et la négligence n’avaient pas pris le soin d’écarter tous les obstacles qui pouvaient les embarrasser.

Ces réflexions devaient naturellement trouver place ici ; mais, pour être conséquent, il faut de suite pouvoir indiquer le remède propre à combattre le mal que l’on signale ; voici, au reste, les précautions qu’il faut prendre pour éviter les vols que tous les jours encore les Détourneurs et Détourneuses commettent dans l’intérieur des magasins.

Lorsqu’il se présente une femme, il faut examiner avec soin si, immédiatement après elle, et au même comptoir, il n’en vient pas une ou deux autres pour faire diversion ; s’il en est ainsi, la première entrée demande toujours des marchandises placées dans des rayons élevés ; elle examine et pousse de côté la pièce destinée à sa compagne, qui marchande de son côté, observe et saisit le moment propice pour escamoter une pièce et la faire adroitement passer par l’ouverture d’une robe à laquelle sont jointes, sur le devant, des poches dont la capacité peut facilement contenir deux pièces de taffetas ou de toute autre étoffe du même genre, de 25 à 30 aunes ; ces robes, on le pense bien, sont presque toujours très-amples ; ainsi l’ampleur excessive d’une robe à poches est un diagnostic qui trompe rarement.

L’hiver le manteau de ces femmes leur sert à exécuter la même manœuvre.

D’autres femmes ne volent que des dentelles ou malines, et quelque difficile qu’elle paraisse, voilà cependant leur manière de procéder : tout en marchandant, elles laissent, ou plutôt font tomber une ou deux pièces de dentelles qu’elles ramassent avec le pied et savent cacher dans leur soulier qui est un peu grand et sans cordons autour de la jambe, le bout du bas est coupé, ce qui forme une sorte de mitaine. Ces femmes se servent du pied avec une dextérité vraiment étonnante ; la première qui imagina ce genre de vol, que l’on nomme grinchir à la mitaine, la grande Dumiez, était douée d’une adresse extraordinaire.

Quoique ces femmes soient ordinairement vêtues avec une certaine élégance, avec de l’attention et la clé de leur individualité, il n’est pas difficile de les reconnaître ; elles prononcent souvent ces mots dans la conversation, coquez ou servez (prenez). Quelquefois aussi, si l’une d’elles remarque de l’attention de la part du commis qui la sert ou de quelqu’autre, elle prononce celui-ci : rengraciez (ne faites-rien, on regarde) ; ou bien elle affecte une sorte de crachement, cherchant à imiter celle qui aurait de la peine à expectorer.

D’autres voleuses de dentelles, voiles, foulards, etc., procèdent de la manière suivante. L’une d’elles arrive seule, et tandis qu’elle marchande, une femme d’une mise propre, mais quelque peu commune, arrive, tenant un enfant entre ses bras ; au même instant la première arrivée laisse tomber devant elle l’objet destiné à l’arrivante, celle-ci se baisse pour poser son enfant à terre, ramasse l’objet et le cache sous les jupes de l’enfant, qu’elle pince instantanément ; il crie, elle le relève avec une phrase ad hoc, et sort après avoir montré un échantillon qu’on ne peut lui assortir. Ainsi, si, contre toute attente, on venait à s’aperçevoir du vol qui vient d’être commis, celle qui reste n’a rien à craindre.

D’autres Détourneuses se servent d’un carton à double fond, qu’elles posent sur l’objet qu’elles convoitent, quoique ce carton paraisse toujours très-bien fermé, il peut néanmoins s’ouvrir très-facilement.

Les hommes qui exercent le métier de Détourneurs sont beaucoup plus faciles à reconnaître que les femmes, quoiqu’ils agissent d’une manière à-peu-près semblable. Beaucoup disent qu’ils viennent acheter pour une dame très-difficile, mais très-souvent ils travaillent de complicité avec une femme. Bon nombre de voleurs sont vêtus à la mode des gens de province, ou en marchands forains. Les Détourneuses les plus adroites sont évidemment celles qui ont été surnommées Enquilleuses, elles savent placer à nu entre leurs cuisses une pièce d’étoffe de vingt à vingt-cinq aunes, et marcher sans la laisser tomber et sans paraitre embarrassées, si ce n’est pour monter ou descendre un escalier.

Il faut être bien convaincu que les voleurs que je viens de faire connaître ont continuellement les yeux attachés sur la proie qu’ils convoitent, et qu’ils ne laissent pas échapper l’occasion lorsqu’elle se présente ou qu’ils l’ont fait naître ; on ne saurait donc exercer sur tous ceux qui se présentent dans un magasin, une trop grande surveillance. Il ne faut pas non plus se laisser éblouir par une mise recherchée, voire même par un équipage : les voleurs savent se procurer tous les moyens d’exécution qui leur paraissent nécessaires ; un excellent ton n’indique pas toujours un homme comme il faut, donc examinez comme les autres, et peut-être plus que les autres, celui qui se ferait remarquer par l’excellence de ses manières.

Lorsqu’ils auront conçu quelques soupçons sur un acheteur, le maître de la maison et l’inspecteur devront dire assez haut pour être entendus : Donnez-la sur les largues, ou bien : Allumez la Daronne et le Momacque, si ce sont des femmes du genre de celles qui ont été signalées.

Remouchez le Rupin et la Rupine, si ce sont des hommes ou des femmes vêtus avec élégance.

Débridez les chasses sur les Cambrousiers, si ceux que l’on soupçonne ressemblent à des marchands forains ou gens de la campagne.

On peut même, lorsque l’on soupçonne les personnes qui sont à un comptoir, venir dire au commis chargé de les servir : Monsieur, avez-vous fait les factures de M. Détourneur et de Mme  l’Enquilleuse, cela suffira ; et si les soupçons étaient fondés, les voleurs se retireront presque toujours après avoir acheté. La mise en pratique de ces conseils, qui sont dictés par une vieille expérience, ne peut manquer de prouver leur sagesse.

Il y a parmi les Détourneurs de nombreuses variétés, entre lesquelles il faut distinguer ceux qui ont été surnommés les Avale tout cru ; ces voleurs sont presque toujours vêtus avec élégance, ils portent des lunettes a verres de couleur, du plus bas numéro possible, afin de passer pour myopes.

Ils se présentent chez un marchand de diamans et de perles fines, et demandent à voir de petits diamans ou de petites perles. Ces pierres sont ordinairement conservées sur papier ; le marchand leur présente ce qu’ils demandent ; comme ils sont myopes ils examinent la carte de très-près et savent, avec leur langue, enlever une certaine quantité de perles ou de diamans qu’ils conservent dans la bouche sans paraître gênés : ces voleurs sont rarement pris, et gagnent beaucoup.

Après les Avale tout cru, viennent les Aumôniers, ces derniers, comme ceux dont je viens de parler, sont toujours vêtus avec élégance ; ils entrent dans la boutique d’un joaillier, et demandent des bijoux que le marchand s’empresse de leur présenter ; tandis qu’ils les examinent, un mendiant ouvre la porte du magasin, et demande la caristade d’une voix lamentable, l’Aumônier, généreux comme un grand seigneur, jette une pièce de monnaie, le mendiant se baisse, et avec elle il ramasse soit une bague, soit une épingle de prix que l’Aumônier a fait tomber à terre. L’Aumônier se retire après avoir acheté quelque bagatelle ; mais si avant son départ le marchand s’est aperçu du vol qui a été commis à son préjudice, il insiste pour être fouillé, et ne sort que lorsque le marchand croit avoir acquis les preuves de son innocence.

DEVIDAGE, s. m. — Long discours.

DÉVIDAGE A L’ESTORGUE, s. f. — Accusation.

DÉVIDER, DÉVIDER A L’ESTORGUE, v. a. — Parler long-temps, mentir.

DÉVIDEUR-euse, s. — Causeur-euse.

DIGUE-DIGUE, s. f. — Attaque d’épilepsie.

DIJONNIER, s. m. — Moutardier.

DIMASINE, s. f. — Chemisette.

DINGUER, v. a. — Tomber.

DOMINOS, s. f. — Dents.

DONNER (Se la), v. pr. — S’enfuir ; s’évader.

DONNER DE L’AIR (Se), v. pr. — S’enfuir, s’évader.

DORANCHER, v. a. — Dorer.

dossière, s. f. — Fille publique du dernier étage.

DOSSIÈRE DE SATTE, s. f. — Chaise.

DOUBLE CHOLETTE, s. m. — Litre.

DOUBLES VANTERNES, s. f. — Lunettes.

DOUCE, s. f. — Soierie.

DOUCETTE, s. f. — Lime.

DOUILLES, s. m. — Cheveux.

DOUILLES SAVONNÉS, s. m. — Cheveux blancs.

DOUILLETS, s. m. — Crins.

DOUILLURE. — Chevelure.

DRAGUEURS, s. m. — Escamoteurs, charlatans, banquistes.

DRING-GELT, s. m. — Argent mennoyé que l’on envoie aux détenus. Terme des voleurs israélites de l’Allemagne.

DROGUERIE, s. f. — Demande.

DURE A BRICKMONT, s. f. — Pierre à briquet.

DURE A RIFLE, s. f. — Pierre à feu.

DURE, DURAILLE, s. f. — Pierre.

DURE, s. f. — Terre.

DUREME, s. m. — Fromage.

DUR, s. m. — Fer.

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