Les anciens couvents de Lyon/35.1. Bellecour

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Emmanuel Vitte (p. 582-591).

SAINTE-MARIE DE BELLECOUR



IL y avait peu de temps que le monastère de la Visitation d’Annecy était fondé, quand un jour on vit s’arrêter, à la porte du couvent, un carrosse, d’où descendirent, pour le visiter, quatre voyageuses qui devaient avoir sur la congrégation naissante une grande influence ; c’étaient : Mme de Gouffier, originaire de la Saintonge ; Mme d’Auxerre, veuve d’un lieutenant général au bailliage de Forez ; Mme Chandon, dont le mari venait d’entrer dans un couvent de capucins, et Mme Colin, jeune veuve d’une très grande piété ; ces trois dernières habitaient Lyon. La mère de Chantal les reçut avec une cordialité maternelle, et les visiteuses furent si émerveillées de ce qu’elles virent qu’après douze jours de séjour Mme de Gouffier ne put se résoudre à quitter cette sainte maison, où elle ne tarda pas à revêtir l’habit de novice, et que les trois autres, moins libres, mais ayant au cœur ce même désir, partirent avec la résolution bien arrêtée de s’employer de tout leur pouvoir à fonder à Lyon un second monastère de la Visitation.

À peine arrivée, en effet, Mme d’Auxerre acheta une maison dans la rue du Griffon, et la meubla à peu près comme celle d’Annecy. Mais alors s’éleva un obstacle de premier ordre. Dieu ne fait-il des merveilles que par Mgr de Genève ? Mme d’Auxerre, dont la vertu était bien connue, ne pouvait-elle faire à Lyon ce qu’avait fait à Annecy Mme de Chantal ? D’autres évêques ne peuvent-ils fonder des congrégations aussi parfaites et aussi bien réglées ? Hélas ! ces objections furent écoutées, et Mgr de Marquemont, archevêque de Lyon, prit la résolution de créer dans sa ville épiscopale la congrégation de la Présentation, comme Mgr de Genève avait institué à Annecy la congrégation de la Visitation. On réunit quelques personnes dans la maison achetée par Mme d’Auxerre, on dressa des constitutions, on établit un costume, un ordre nouveau était fondé. Non. En résumé, ce n’est pas très difficile d’acheter une maison et de la meubler, de faire des constitutions et d’établir des règles, de choisir la couleur d’un vêtement et d’en tailler la forme ; ce n’est pas ce qui fait un ordre religieux. Il faut l’esprit de famille et d’unité, sint unum ! Aussi la nouvelle congrégation, à laquelle, par obéissance, s’était prêtée Mme d’Auxerre, ne tarda pas, tiraillée en tous sens et brisée en morceaux, à expirer dans la division. C’est alors que Mme d’Auxerre, comprenant la volonté de Dieu, alla, baignée de larmes, se jeter aux pieds de l’archevêque de Lyon, le suppliant de vouloir bien permettre qu’on appelât à Lyon les religieuses de la Visitation d’Annecy. Mgr de Marquemont y consentit et promit même d’écrire à l’évêque de Genève, ce qu’il fit en effet dans les termes les plus pressants.

Tous les obstacles étant levés, saint François de Sales chargea la mère de Chantal d’aller faire la fondation de Lyon, et lui adjoignit les mères Favre, de Châtel, de Blonay et la sœur de Gouffier, qui s’appelait alors Marie-Elizabeth. « L’entreprise est grande, disait saint François de Sales, il faut y envoyer la crème de notre congrégation. » M. Ménard, vicaire général, vint chercher les sœurs à Annecy, et la sainte colonie arriva à Lyon le 1er février 1615. Mme d’Auxerre reçut les voyageuses avec une grande joie ; aussitôt elle se démit de son autorité, et le lendemain, jour de la Purification, elle prit, ainsi que ses deux compagnes, le saint habit des novices. Dès ce moment, dit la mère de Chantai, nous marchâmes dans le train ordinaire de nos exercices.

Mais toute difficulté n’avait pas disparu. Saint François de Sales, en établissant son institut, voulait créer des religieuses qui sortiraient de leurs couvents pour aller dans les greniers et les mansardes du pauvre. Ce projet, qui nous paraît très simple aujourd’hui, et qui fut exécuté un peu plus tard par saint Vincent de Paul, instituant les filles de la Charité, fut alors considéré comme très hardi. C’était la première fois qu’on parlait d’un ordre religieux sans clôture, et cette idée épouvanta l’archevêque de Lyon, qui n’y voulut jamais consentir ; il voyait pour l’ordre une diminution de dignité et pour les membres de l’institut un danger permanent. Et puisque par la clôture, concluait-il, les visites aux pauvres et aux malades seraient supprimées, le titre de Visitation ne signifiait plus rien et devait être remplacé par celui de Présentation.

Il y eut alors entre les deux évêques une longue, quoique amicale, contestation, sur laquelle je n’insiste pas, mais qui se termina par une heureuse entente. L’insistance de l’archevêque de Lyon et le caractère doux et condescendant de notre saint le déterminèrent à faire des concessions. La clôture fut imposée à l’ordre nouveau, et le nom de Visitation lui demeura, « Jamais fille n’entrera à la Visitation Sainte-Marie que premièrement elle n’ait élu en son cœur une visite de la sacrée Vierge », avait dit saint François de Sales à la cérémonie de prise d’habit de Mlle Hiéronyme de Villette, sa parente.

Mais les humbles filles de la Visitation étaient assez mal logées dans leur modeste demeure, elles songèrent à s’installer mieux : elles acquirent une maison située rue Sainte-Hélène et appartenant à Amable Thierry, ancien échevin, et la vente fut stipulée au prix de trente mille francs. Mgr de Marquemont se porta caution et prêta par avance trois mille francs sans intérêts. Le 14 juin 1617, on vint habiter le nouveau monastère qui dès lors s’appela la Visitation Sainte-Marie de Bellecour. Cette même année, la mère Favre, supérieure, acheta une petite maison et un jardin adjacents, fit élever des murs de clôture et planter un verger. Les bulles d’institution furent délivrées en 1618, et les Constitutions imprimées à Lyon pour la première fois.

Dès cette époque, le manuscrit de la fondation du monastère de Sainte-Marie signale la visite d’augustes personnages : c’est la princesse Christine de France, qui, en 1619, se rendant en Piémont, se rend au monastère, que dirigeait alors la mère de Blonay ; c’est le duc de Nemours, qui va visiter saint François dans l’humble logette qui l’abritait ; au milieu de la conversation, une petite fille, celle du portier, vint baiser la croix pastorale du saint évêque, quel gracieux sujet pour un peintre ! Ce sont Louis XIII et la Reine et la cour qui, le 8 septembre 1632, assistent à la vêture de Louise-Catherine Vernat, appelée à devenir plus tard supérieure de Sainte-Marie-des-Chaînes. C’est Robert Arnauld d’Andilly, fils d’Antoine Arnauld, et frère de l’abbesse de Port-Royal. Ce sont surtout sainte Chantal et saint François de Sales, qui y vinrent plusieurs fois. C’est là que l’évêque de Genève rendra son âme à Dieu, et sera conservé son cœur.

Les bâtiments de la Visitation furent achevés un peu après la mort de saint François. Il n’y avait point de maisons du côté de Bellecour, et c’était là que la milice s’exerçait au tir du canon. Les bâtiments nouveaux furent bénis par le comte de Laforge, père spirituel du monastère, et par Mgr Berthelot, évêque de Damas, suffragant de Lyon.

L’église de Sainte-Marie de Bellecour n’avait de remarquable que le tabernacle du grand autel ; c’était le modèle de celui qu’on devait exécuter en marbres choisis et en bronze doré. Le modèle était de Ferdinand Delamonce. Au grand autel, il y avait un beau tableau représentant la Visitation de Notre-Dame, par Ch. Lagou.

Mgr Camille de Neuville réduisit à cinquante le nombre des religieuses dans chaque monastère. Il excepta pourtant de cette règle les religieuses de Sainte-Marie, et leur permit d’aller jusqu’au nombre de quatre-vingts. En 1656, d’après Chappuzeau, c’était le nombre des sœurs.

La maisonnette où mourut saint François de Sales était hors de la clôture, mais ce lieu était devenu trop cher aux Visitandines pour qu’elles ne fissent pas tous leurs efforts pour l’enfermer dans leur enclos. Elles y réussirent vers l’année 1694. Mon érudit confrère, M. l’abbé Reure, a bien voulu me communiquer ce détail trouvé dans un manuscrit de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour. Ce manuscrit retrace en abrégé la vie et les vertus de la très honorée sœur Marie-Hélène de Lévi de Châteaumorand, il s’exprime ainsi : « À seize ans, elle reçut notre saint habit. Mais sa profession fut retardée pour un temps. Voici quel en fut le sujet. Il s’agissait de renfermer dans notre enclos le pauvre logement sanctifié par le séjour qu’y fit notre saint fondateur en son dernier voyage en cette ville, dans lequel il rendit l’esprit. Nous souhaitions depuis longtemps d’en être dépositaires ; mais les murs de clôture qu’il fallait élever, les autres dépenses nécessaires en arrêtaient l’exécution… Notre très-chère sœur se chargea généreusement des frais de l’entreprise, mais pour avoir la liberté de disposer en notre faveur de la somme nécessaire pour un si saint projet, il fallait attendre trois ans et par conséquent différer sa profession… »

Le couvent de Sainte-Marie de Bellecour fut vite florissant et servit à la fondation de plusieurs autres maisons : Montferrand, Valence, Saint-Étienne, Avignon, Paray-le-Monial, Condrieu, le Puy, Mâcon, Villefranche, Bordeaux, Agen, Varsovie, virent successivement arriver des colonies de Visitandines lyonnaises. À Lyon, comme nous le verrons bientôt, on fut obligé de créer deux autres monastères, l’un à l’Antiquaille, l’autre sur le bord de la Saône, vers Serin.

Le bonheur n’a pas d’histoire, dit-on. La calme et monotone uniformité de la vie religieuse n’inscrit sur les tablettes du temps que ce qui vient la troubler. Plus loin je parlerai de la terrible peste de 1628, qui décima le monastère de l’Antiquaille et qui força les religieuses de cette maison à aller chercher un asile protecteur contre le fléau à Sainte-Marie de Bellecour. J’ai hâte d’arriver aux jours terribles de la grande Révolution et de suivre, dans leurs aventures diverses, les pérégrinations, sur la terre d’exil, des pauvres religieuses proscrites de leur cher monastère de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour. Je m’arrête un peu sur ces jours néfastes, car en faisant l’histoire de ces persécutions contre le couvent de la Visitation à Bellecour, je ferai l’histoire de tous les autres couvents qui eurent à passer par les mêmes épreuves.

On commença par demander aux couvents des sommes assez fortes pour venir en aide à la Patrie ; le monastère de Bellecour livra une grande partie de l’argenterie de la sacristie, et notamment un buste d’argent de saint François de Sales ; plus tard, on décréta que tous les biens ecclésiastiques de France appartenaient à la nation, puis on publia le décret qui prononçait la suppression des vœux solennels. Il fut signifié à la supérieure de Bellecour le 17 novembre 1789 ; enfin un dernier décret, en date du 13 février 1790, proclama la suppression totale de l’état religieux. Ce décret conservait cependant aux membres des divers ordres religieux le droit de vivre et de mourir dans leurs couvents, mais il donnait aussi à tous ceux qui les habitaient la liberté d’en sortir et de jouir de pensions déterminées en proportion des revenus de la maison où l’on avait fait profession. Les pensions assignées aux religieuses du monastère de Bellecour qui en voulaient profiter étaient de sept cents livres pour les professes de chœur et de trois cent cinquante livres pour les sœurs domestiques.

On espérait voir en masse les religieux et les religieuses déserter leurs pieux asiles, il n’en fut rien, ce C’est qu’ils ignorent leur droit à la liberté, ce se dirent les puissants du jour, et ils s’arrangèrent pour le faire connaître à tous. Ils ordonnèrent que les officiers municipaux iraient dans chaque monastère pour y lire le fameux décret, en présence des communautés assemblées, et pour y recevoir en particulier la déclaration de chacun. Cette pénible visite eut lieu au monastère de Bellecour le 14 juin 1790. Cette provocation à la désertion resta sans résultat. De ce moment les vexations devinrent continuelles : on vint faire au monastère l’inventaire des meubles et des papiers ; on venait mesurer le local comme si on en devait disposer bientôt ; on procédait à de fréquents interrogatoires, qui avaient tout le caractère d’une mise en accusation. Et pendant ce temps-là, sous les murs de la clôture, la populace hurlait des chants horribles et obscènes.

Après avoir mis la main sur les revenus et les biens des couvents, le gouvernement rendit un décret chargeant les officiers municipaux de procéder à une nouvelle élection de toutes les supérieures et économes. Cette réélection eut lieu à la fin de janvier 1791 ; à la tête des officiers municipaux se trouvait le fameux Roland, le promoteur le plus ardent des vexations religieuses, qui devint plus tard ministre sous la Convention, et qui finit par se donner la mort pour éviter l’échafaud, où monta sa trop célèbre épouse. Il voulut interroger chacune des religieuses en particulier, même une bonne ancienne de quatre-vingts ans, pour laquelle on lui demandait des égards, « Êtes-vous contente ? lui demanda-t-il. — Oui. Il n’y a qu’une seule personne dont je suis mécontente. » Rolland tressaille, il croit que ses désirs vont être satisfaits, « Est-ce de votre supérieure ? — Oh ! non, certainement. — Et de qui donc ? — Eh ! monsieur, c’est de moi-même. » Rolland tourna le dos, et on l’entendit murmurer : « Que de vertus ! que de vertus ! » — On procéda à l’élection de la supérieure et de l’économe, et celles qui occupaient ces charges furent renommées à l’unanimité.

Mais la Révolution ménageait tous les jours de nouvelles surprises ; après la vente des immeubles et la confiscation des titres, on en vint aux personnes. Les chanoines furent chassés de leurs églises, l’office public fut suspendu, les prêtres furent emprisonnés, la Constitution civile du clergé fut mise à exécution. C’est le moment où Lamourette, évêque constitutionnel, fait son entrée à Lyon. Alors, pour les religieuses de la Visitation, placées entre l’autorité municipale qu’il ne faut pas irriter, et ce fantôme intrus d’autorité ecclésiastique, dont il faut se préserver, commença un nouveau genre d’épreuves. Elles ne se firent pas attendre.

Le monastère était situé sur la paroisse d’Ainay. MM. les chanoines de cette église avaient chaque année l’habitude de venir en procession à la Visitation de Bellecour pour la bénédiction des Rameaux. Quand les chanoines furent chassés, ils furent remplacés par un curé et des vicaires qui tous prêtèrent le serment. Ils vinrent au monastère demander l’autorisation de continuer les traditions des chanoines, mais à toutes leurs demandes et à toutes leurs argumentations, ils ne reçurent que cette invariable réponse : « Nous ne pouvons ni ne voulons avoir aucune communication avec vous. » La procession vint cependant au jour marqué, et grâce à la protection énergique d’un intrépide chrétien, tout se passa à peu près tranquillement, sans compromission de la part des religieuses.

Pour la fête du Saint Sacrement, les religieuses de la Visitation avaient l’habitude d’ériger, devant la porte du monastère, un autel qui servait de reposoir et où l’on donnait la bénédiction. En 1792, dans ces tristes circonstances que je signale, elles refusèrent absolument et la construction de l’autel, et les ornements, et les fleurs, et les lumières. Elles en furent quittes pour entendre, pendant plusieurs heures, les coups redoublés de pierre et de bâton que donnait à la porte la troupe de vauriens qui était à la solde de la municipalité. Bientôt les schismatiques, ne mettant plus de frein à leurs désirs, voulurent posséder le cœur de saint François de Sales ; ils firent jouer tous les ressorts et usèrent de toutes les influences ; l’évêque, la municipalité invoquèrent des ordres. Les religieuses traînèrent l’affaire en longueur jusqu’au moment de la dispersion ; alors elles le cachèrent et le sauvèrent.

Et, malgré toutes ces persécutions, il ne faudrait pas croire que la ferveur des fidèles diminuât ; quarante prêtres disaient tous les jours la messe dans l’église de Sainte-Marie de Bellecour, on y accourait en foule, et les confessionnaux y étaient assiégés. Le 29 janvier 1792, l’église, la cour, la rue étaient remplies de personnes venant vénérer le cœur de saint François. Pendant le carême qui suivit, on vint des parties les plus reculées du diocèse, et même de diocèses éloignés, pour s’y confesser et communier. Et cependant, à la porte des églises, se trouvaient souvent des bandits qui attendaient les femmes pieuses pour les flageller publiquement. Ces horribles scènes furent un prétexte pour faire fermer les églises ; celle de Sainte-Marie fut fermée le dimanche de la Passion, et transformée en magasin de guerre ; elle fut comblée de barils de vinaigre, à l’exception du sanctuaire qui fut encore réservé pour les religieuses. Les alarmes allèrent croissantes jusqu’au 10 août, le dernier jour de la royauté. Alors on décréta la vente des monastères, et on signifia aux religieuses du monastère de Sainte-Marie de Bellecour l’ordre d’en livrer les clefs le 30 septembre. Jusqu’à cette date eurent lieu des vexations sans nombre. Des hommes de la lie du peuple — étaient-ce bien des hommes ? — vinrent enlever les vases sacrés, des sentinelles furent placées autour de la maison, des hommes armés pénétraient, quelquefois au milieu de la nuit, dans le monastère ; des femmes de mauvaise vie se ruaient sur le couvent et y faisaient des perquisitions insolentes. C’est le terme, il ne faut plus songer à disputer le monastère à ces farouches patriotes ; c’est le moment de la dispersion.

Mais Dieu n’abandonna pas ses courageuses épouses. Dès le mois de janvier 1791, des pourparlers s’étaient engagés entre la mère Isabelle de Sales de Fosières, supérieure du monastère de Vienne en Autriche, et Sa Majesté l’empereur Léopold II, pour la fondation d’un monastère de la Visitation à Mantoue. Les négociations traînèrent en longueur, mais elles aboutirent enfin, et les religieuses de Lyon se préparèrent à partir pour l’Italie. C’était difficile. Après mille obstacles, ces nobles persécutées y parvinrent cependant (1793) avec l’insigne relique de leur fondateur, le cœur de saint François de Sales, échappé par miracle aux perquisitions et réquisitions multipliées des autorités locales. De Mantoue, les religieuses de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour furent obligées, à cause de l’invasion du Piémont et du Milanais (1796), de s’éloigner du théâtre de la guerre. Elles séjournèrent successivement à Gurk, à Krumau, puis Mantoue étant réunie à la République cisalpine, et Venise cédée à l’Empereur d’Autriche, elles allèrent définitivement s’établir à Venise, où elles sont encore et où les a suivies le cœur de leur saint fondateur.

L’ancien couvent de Sainte-Marie de Bellecour fut plus tard affecté à diverses destinations ; pendant quelques années il servit à l’emplacement d’un manège. Mais en 1833, lorsque l’institution de la Martinière fut installée au couvent des Augustins, la gendarmerie, qui y était casernée depuis le 18 germinal an V, reçut alors en échange un monument tout à fait approprié à sa destination. Il fut élevé sur une partie de l’ancien monastère. M. Gay en donna les dessins et dirigea les travaux. Aujourd’hui il ne reste de cette vie passée que le titre de Saint-François-de-Sales donné à une paroisse de Lyon, et à une petite rue qui longe la caserne de gendarmerie.

À l’angle de cette rue et de la rue Sainte-Hélène, se trouvait la petite maison du jardinier du couvent où vint mourir l’illustre évêque de Genève. En 1858, on plaça à l’angle de la caserne une plaque en marbre qui porte cette inscription en lettres d’or : À la gloire de Dieu et à la mémoire du bienheureux saint François de Sales, protecteur et patron de cette paroisse, mort en ce lieu même le XXVIII décembre MDCXXII, dans l’humble demeure du jardinier du monastère de la Visitation de Sainte-Marie de Bellecour, autrefois recluserie de Sainte-Hélène. M. le curé et MM. les membres du conseil de fabrique, ne voulant pas que ce souvenir se perdît avec le temps, ont demandé et obtenu de replacer ce simple monument sur Vemplacement de la maison où le saint évêque rendit son âme a Dieu. XXX mai MDCCCLVIII.

Pour nous, tout en comprenant de quelle religion les Visitandines de Venise entourent le cœur de leur saint fondateur, nous regrettons et regretterons à jamais que cette relique pieuse ne soit plus à Lyon. Lyon a possédé le cœur de saint François de Sales, elle possède le cœur de saint Vincent de Paul ; Lyon est la ville du cœur, elle remonte par saint Jean jusqu’au Cœur de Jésus.