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Les carrosses à cinq sols/02

La bibliothèque libre.
Imprimerie de Firmin Didot (p. 23-28).


LES CARROSSES
À CINQ SOLS,
OU
LES OMNIBUS
DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.


I.

EXTRAIT
DES REGISTRES DU PARLEMENT,
9e vol. des Ordonnances de Louis XIV,
RRR. f° 28, recto. (Archives judiciaires du royaume.)

Établissement de Carrosses en la ville de Paris, en faveur des sieurs duc de Roanès, marquis de Sourches et marquis de Crénan.


LOUIS, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nostre très cher et bien amé cousin, le duc de Roanès, pair de France, gouverneur et nostre lieutenant général de nostre province de Poitou, et nos chers et amez les marquis de Sourches, chevalier de nos ordres, grand prévost de nostre hostel, chevalier et marquis de Crénan, grand échanson de France ; nous ayant très-humblement supplié de leur vouloir accorder la permission de faire un establissement dans la ville et faubourgs de Paris, pour la commodité d’un grand nombre de personnes peu accommodées, comme plaideurs, gens infirmes et autres qui, n’ayant pas le moyen d’aller en chaises ou en carrosse, à cause qu’il en couste une pistole ou deux écus[1] pour le moins par jour, pourront estre menez en carrosse pour un prix tout à fait modique, par le moyen de l’establissement de carrosses qui feroient tousjours les mesmes trajets de Paris d’un quartier à autre ; sçavoir les plus grands pour cinq sols marquez, et les autres à moins, et pour les fauxbourgs à proportion, et partiroient toujours à heures réglées, quelque petit nombre de personnes qui s’y trouvassent auxdites heures, et mesme à vuide, quand il ne s’y presenteroit personne, sans que ceux qui se serviroient de ladite commodité fussent obligez de payer plus que leurs places ; nous aurions sur le placet qu’ils nous en auroient présenté, renvoyé l’affaire à nostre conseil, le vingt-cinquiesme novembre dernier, pour donner son avis sur le contenu en iceluy ; sur quoy nostre dit conseil ayant par son résultat du dis-neufviesme janvier, mois présent, cy attaché sous nostre contre scel, déclaré que nous pouvons accorder à nostre dit cousin le duc de Roanès, et auxdits marquis de Sourches et de Crenan, la permission et concession d’establir des carrosses publics dans la ville et fauxbourgs de Paris, à l’instar des coches de la campagne, et qu’à cet effet toutes lettres nécessaires peuvent estre expédiées. À ces causes désirans reconnoistre les services de nostre dit cousin le duc de Roanès et desdits marquis de Sourches et de Crenan, qui nous sont en très particulière recommandation, et faciliter autant qu’il nous est possible la commodité de nos sujets, de nostre grace spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons donné et octroyé, donnons et octroyons à nostre dit cousin le duc de Roanès et aux dits marquis de Sourches et de Crenan, par ces présentes signées de notre main, la faculté et permission d’establir en nostre dite ville et fauxbourgs de Paris, et autres de notre obéissance, tel nombre de carrosses qu’ils jugeront à propos, et aux lieux qu’ils trouveront le plus commode, qui partiront à heures réglées pour aller continuellement d’un quartier à autre, où chacun de ceux qui se trouveront auxdites heures ne payera que sa place, pour un prix modique comme il est dit cy-dessus ; pour jouir dudit privilège par nostre dit cousin le duc de Roanès et marquis de Sourches et de Crenan, leurs successeurs et ayant causes, pleinement et paisiblement et à tousjours ; faisant très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, de faire, ni souffrir estre fait, aucun establissement de carrosses, coches, ou autres voitures différentes, sous prétexte qu’elles fussent d’autre forme, figure, nombre de chevaux, et autres différences, ni de toutes autres sortes de voitures roulantes généralement quelconques, qu’on voudroit faire aller à l’instar des coches de la campagne, et à l’imitation du présent establissement, dans nostre bonne ville de Paris et autres, sans la permission de nostre dit cousin le duc de Roanès et des dits marquis de Sourches et de Crenan, ou de ceux qui se trouveront estre valablement autorisez d’eux ou de leurs successeurs et ayant cause, à peine contre les contrevenans de trois mil livres d’amende et de confiscation de leurs chevaux, carrosses et autres voitures. Si donnons en mandement à nos amez et féaux conseillers, les gens tenant nostre cour de Parlement de Paris, et autres qu’il appartiendra, que ces présentes ils fassent enregistrer et du contenu en icelles jouir et user nostre dit cousin le duc de Roanès et marquis de Sourches et de Crenan, leurs successeurs et ayant cause, pleinement et paisiblement et à toujours, cessant et faisant cesser tous troubles et empeschements au contraire, car tel est notre plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, au mois de janvier l’an de grace mil six cent soixante deux, et de nostre règne le dix-neufviesme. Signé Louis, et sur le reply, de par le Roy, de Lomenie, et scellé du grand sceau de cire verte.

Registrées, ouy et ce consentant le procureur général du Roy, pour jouir par les impetrans de l’effet et contenu en icelles aux modifications portées par l’arrest de ce jour, à Paris, en Parlement, le sept février mil six cent soixante deux.

Collationné à son original,
Signé Du TILLET.
  1. La pistole, équivalente à la pièce de vingt-quatre livres d’aujourd’hui, valoit alors onze livres, et l’écu d’or cinq livres quatorze sols. (Voyez le Traité historique des monnoies de France, de Le Blanc. Amsterdam, 1692, p. 306.)