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Les cavaliers de Miss Pimbêche/05

La bibliothèque libre.
George E. Desbarats, éditeur (p. 43-46).

CONCLUSION.


Voilà une singulière histoire, me dis-je, en achevant la lecture de ce « Journal »… Mais quelle en est la conclusion… ? Mon vieil ami me le dira.

Le lendemain je causais avec lui.

— Et qu’est-il advenu de ce mariage ?

— C’est une triste affaire, me répondit-il, mais puisque vous semblez y prendre intérêt, je vous la raconterai en quelques mots.

— Votre ancienne amie semble avoir conclu ce mariage avec une précipitation étrange et les yeux fermés.

— C’est vrai, et ce fut un résultat logique de la trop grande indulgence que lui témoigna toujours sa mère. J’ai très-bien connu cette pauvre Emmelina,… (c’était son nom.) Elle est morte aujourd’hui, morte après dix ans d’un ménage malheureux. À une certaine époque, je l’aurais aimée sincèrement ; nous avions été élevés ensemble, ou, plutôt, je l’avais vue grandir, car j’étais son aîné d’une douzaine d’années. Je ressentais pour elle une véritable affection,… mais, sans me dédaigner, elle appréciait fort peu mes sentiments. Elle avait pris l’habitude d’admirer la jeunesse dorée. Vous avez dû voir, par ses écrits, quelle jugeait bien la classe d’hommes à laquelle appartenait son mari. Mais l’orgueil l’emporta. Elle voulut primer dans la société, elle atteignit ce but au prix de son bonheur. Pendant les premières années de son mariage, elle s’étourdit par le bruit des plaisirs. Sa maison était le rendez-vous de tous les dandys des deux sexes… Elle donnait les fêtes les plus magnifiques ; son mari y trouvait son compte, car il fut toujours et il est encore ambitieux. Or on se fatigue de ce genre de vie : elle tomba malade au bout de trois ans de joies vides et turbulentes. Le cercle de ses relations une fois restreint, M. Séraphin retourna à ses anciens amis. Il redevint vieux garçon, et vécut en conséquence. Emmelina pleurait en silence. Elle n’avait point d’enfants pour se consoler… Elle s’éteignit lentement. —

Trois jours avant sa mort elle me fit demander.

— Tenez, dit-elle, en me remettant ce volume, gardez ces pages en souvenir de moi. Et, lorsqu’une de vos filles devra se marier, veuillez, par amitié pour elle, et pour le bien de mon âme, lui en lire quelques passages. Elle y verra, bien qu’en dise le monde, que les mariages auxquels président la Vanité et l’Intérêt sont rarement, je dirai même ne sont jamais heureux !

FIN
DES
« CAVALIERS DE MISS PIMBÊCHE. »