Les filles de Loth et autres poèmes érotiques/04
CERTIFICAT DE BOTANIQUE
Un matin, ouvrant ma boutique,
Je m’dis : C’est pas tout ça, mon vieux,
Faudrait passer ta botanique,
Mets-en un coup et un fameux.
J’m’en fus d’un trait à la Sorbonne,
Dire aux chieurs d’encre : Inscrivez-moi,
J’r’garde pas au prix, combien qu’faut qu’j’donne,
L’tout c’est d’y arriver ma foi !
J’achève un Daguillon,
Puis Leclerc du Sablon,
J’culott’ mon Monnier tous les soirs,
Mêm’ qu’à la fin, ça d’v’nait un rasoir ;
J’bûch’ comme un négro
Les faisceaux libéro —
Ligneux, l’liber, l’aubier.
Mieux qu’l’opium, ça m’f’sait roupiller !
Gai z’et content,
Je m’disais, nonobstant :
— Il faut évidemment,
Tenter la chan… an, an, ce !
Y a plus qu’six semaines,
Travaille et prends d’là peine ;
Du culot et d’la veine,
Vas : d’confian… ance !
Durant un mois, j’pos’ guèr’ ma chique,
Vrai c’que j’en ai mis nom d’un chien,
J’suivais tous les travaux pratiques,
Mêm’ que l’chef, m’disait : Ça c’est bien !
Sur des coup’s, j’mettais d’là peinture,
Je r’gardais dans l’ventre aux p’tit’s fleurs ;
À la loup’ j’contemplais la hure
Des ovair’s de tout’s les couleurs !
Prenant l’horizon d’un trait,
Viv’ment j’f’sais leur portrait,
Pleine d’zèle autant qu’d’ardeurs sublimes,
J’numérotais les étamines,
L’préparateur content,
M’disait ; C’est épatant,
Sûr qu’vous allez passer,
Même en pétant, ça c’est forcé !
Puis au jardin,
Notant sur mon cal’pin,
J’potassais, plein d’entrain,
Sous les charmi… i… i…lles ;
Géraniacées,
Clusicées, Buxacées,
Et Saxifragacées,
Ah ! les fami… illes !
Le grand jour v’nu, j’prends l’train, je l’rate,
L’tram reste en pann’ j’arriv’ c’pendant
En r’tard… la tangente a’ la hâte,
M’engueul’ d’abord sans ménag’ment,
Puis Molliard m’dit : Qu’est-ce qu’i vient foutre ?
Voyons, faudrait lir’ votr’ machine :
Plus d’écrit, d’pratiqu’, passez outre
E’ v’nez pour l’oral, lundi prochain !
V’s’avez, héros glorieux,
Rentré les Boch’s chez eux,
Combattu dans l’Nord et dans l’Aisne,
E’ conquis l’Alsace et la Lorraine,
Vous fich’riez s’il fallait,
Sur la gueule aux Anglais,
Aussi le Président,
Vous en tient quitte pour deux crans !
Sans hésiter,
Je m’suis dit : Faut cal’ter,
S’il allait s’rétracter,
Quelle infortu… u… une !
Vif comm’ l’anguille,
Ébauchant un quadrille,
J’ai r’pris Champ-d’Mars-Bastille,
Plus un d’mi bru… une !
À’ l’oral, Blaringhem m’invite,
À’ lui causer sur les orchis,
— Les orchis, qu’i m’dit, pas orchite,
Ça n’se trouv’ pas dans l’même logis !
J’m’en tir’, Bonnier, la crèm’ des crèmes,
M’dit : — Jeune homm’ sans vous commander,
Dit’s-moi quéqu’ chos’ des méristèmes ?
J’y ai servi ça sans plus tarder.
Combes d’un air posé,
M’demand’ les Composées,
J’lui dis : — Les composées, ma foi,
Ça s’rait loin d’être simpl’ d’après moi.
— Très bien, très bien, qu’il fait,
C’est juste, exact, parfait,
J’y ai sorti mon rouleau,
Et fait des imag’s au tableau !
Gai z’et content,
M’v’là r’çu c’est l’important,
Ah ! qu’est-c’ que c’est, pourtant,
Quand on turbi… i… ine !
J’me r’pose une heure,
Puis sans r’proche et sans peur,
J’en r’mets pour êtr’ docteur,
Ça m’turlupi… i… ine !