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Les loisirs du chevalier d'Éon/1/Pologne/I

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TABLEAU
HISTORIQUE & POLITIQUE
DE LA

République de Pologne.



Libertas, salus populi, decus regis.


CHAPITRE PREMIER.

Description Historique de la Pologne.

1°. Le royaume de Pologne se divise deDivision générale de la Pologne nos jours en terres de la couronne & en terres du grand duché de Lithuanie, qui faisoient autrefois deux états Souverains & distincts.

2°. Jagellon fut le premier duc de Lithuanie, qui en 1386, monta sur le trône de Pologne par son mariage avec Edwige, à laquelle les Polonois avoient déféré la couronne, quoiqu’elle ne fût que la seconde fille de Louis roi de Hongrie neveu de Casimir le grand de Pologne.

3°. Jagellon ne fut reconnu roi, que sous les conditions d’embrasser le christianisme, & d’unir ses biens héréditaires à la monarchie. Il remplit la première & prit au baptême le nom de Ladislas : mais le désir de conserver à sa postérité le domaine qu’il tenoit de ses ancêtres, & peut-être de se ménager une retraite, lui fit éluder d’accomplir la seconde. Il régna & mourut dans ce système, sans que cela empêchât son fils ainé de lui succéder. Cet héritier eut sans doute les mêmes sentimens, puisqu’en 1440, son frère ayant été élu grand duc de Lithuanie, par les soins de Nicolas Radzivil, le monarque désapprouva, mais souffrit sa conduite, & cette alliance eut de grandes difficultés avant que de s’effectuer. En vain les deux états assemblés à Grodek sur la Bug, parurent-ils d’accord sur cette union en 1443, quelque désirée qu’elle fût, elle n’eut lieu que sous Sigismond Auguste.

4. C’est donc de cette dernière époque, qu’on peut dater la division générale de la Pologne, en royaume de ce nom & en grand duché de Lithuanie. Etat particulier Pologue. 5. La vaste région, connue sous le nomÉtat particulier de la Pologne. de Pologne, étoit autrefois habitée par les Sarmates Européens, les Bastames, les Jaziges & les Gélons ; peuples belliqueux dont les habillemens & les armes se voient sur la colonne Trajane & sur différentes médailles romaines, comme autant de monumens consacrés à leur gloire.

6. Les terres du royaume se divisent en grande & en petite Pologne, auxquelles on ajoute la Prusse royale & la Russie rouge.

7. Ce qui compose la grande & petitePologne propre. Pologne tire son nom de la beauté, de la richesse & de la fertilité des campagnes qui s’y trouvent. Ses provinces méridionales jouïssent d’un air tempéré, qui est extrêmement froid dans les parties septentrionales & malsain vers l’orient, à cause des eaux qui s’amassent & croupissent dans les marais qui sont dans les déserts.

Prusse8. La Prusse, autrefois habitée par les Vandales & les Pruthéniens venus de Scythie, fut conquise par les Chevaliers Teutoniques qui, énorgueillis de cette aquisition, n’épargnèrent rien pour subjuguer la Pologne : mais ces voisins inquiets s’étant rendus par leur tyrannie, odieux à leurs sujets, plusieurs villes cherchèrent un remède à leurs maux, en se mettant sous la protection de la Pologne. Les chevaliers eux-même bientôt victimes de ces discordes, se reconnurent vassaux de ce royaume qu’ils avaient si longtems envié. Enfin Albert de Brandebourg, leur dernier grand-maître, ayant embrassé les opinions de Luther, céda la Prusse royale à Sigismond Roi de Pologne, à condition que ce monarque lui donneroit l’investiture de la Prusse Ducale.

Russie.9. La Ruffie rouge est ainsi nommée pour la distinguer des Russies noire & blanche, qui font la Moscovite & la Lithuanique. Cette province, que Jagellon unit à la petite Pologne, s’étend depuis les frontières de la Lithuanie jusques à l’embouchure du Niéper, fleuve qui la sépare de la Moscovie, ainsi que les monts krapachs le sont de la Hongrie.

Lithuanie10. La Lithuanie qui, comme la Pologne, faisoit partie de l’ancienne Sarmatie Européenne, étoit habitée par les Vénedes, que les historiens nous représentent comme les peuples les plus superstitieux & les plus barbares de leur tems. Sans guides, ils ne vivoient pour la plupart que du fruit des courses qu’ils faisoient sur leurs voisins. Le Duc de Kiovie arma contre eux, les vainquit & les força à lui payer un tribut, auquel ils surent bientôt se soustraire sous la conduite d’un chef, que la nécessité leur avoit fait choisir. Ils ne se soumirent pas avec plus de patience aux armes victorieuses des Chevaliers Teutoniques : & quelqu’engagement que Jagellon eût pris pour les unir à la Pologne, ce ne fut que du consentement libre des Seigneurs que se consomma cette alliance, qui conserve encore de nos jours aux Lithuaniens leurs loix, leurs privilèges, & tous les grands officiers civils & militaires qui peuvent constater un état allié, libre & souverain.

11. Les premiers chefs des Lithuaniens eurent le nom de Ducs, & si Innocent IV donna celui de roi à Mingod, pour récompenser sa conversion à la religion chrétienne, ce prince lui-même le perdit par sa rechute dans l’idolâtrie. Le titre de Grand Duc ne fut ensuite pris par les souverains de Lithuanie, que pour dénoter la puissance qu’ils avoient sur les Duchés qui se trouvoient enclavés dans leurs états, & qui étoient ordinairement l’apanage des cadets de leur maison.

12. Le pays que les Lithuaniens occupent est d’une vaste étendue, mais rude & couvert de forêts & entrecoupé de marais. Les villes qui s’y trouvent sont assez belles & bien bâties, mais les hameaux sont mal construits, & les paysans y sont plus esclaves qu’en Pologne, puisqu’ils n’y possédent rien que le seigneur ne puisse prendre à sa volonté.