Les mausolées français/Kellermann

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KELLERMANN.



Dans ce double sarcophage, adossé à une petite colline, au bord d’un chemin plante d’arbres, sont déposés les restes du maréchal Kellermann, duc de Valmy, et de la duchesse de Valmy, son épouse. Il est peu de noms auxquels se rattachent de plus glorieux souvenirs, et qui soient illustrés par autant de qualités brillantes et de services éminents.

Sur la première partie du monument, à gauche, on remarque le buste du maréchal sculpté en marbre blanc, et cette inscription en lettres d’or, sur un fond de marbre noir :

LE MARÉCHAL DE KELLERMANN
DUC DE VALMY, PAIR DE FRANCE,
né à strasbourg, le xxviii mai mdccxxxv, mort a paris, le xiii septembre mdcccxx


A gauche, au-dessus d’une urne cinéraire en marbre blanc, qui surmonte le deuxième sarcophage, est gravé de même sur un fond de marbre noir :


ici repose en paix
marie BARBE épouse de françois-christophe DE KELLERMANN, DUC DE VALMY,
maréchal de l’empire, sénateur, membre du grand-conseil et grand-aigle de la
légion-d’honneur, grand-croix de l’ordre royal de wurtemberg,
grand-croix de l’ordre de la fidélité, de bade,
décédé le x janvier mdcccxii.
tendre épouse, mère excellente, amie dévouée, sa bonté, son esprit,
son caractère égal, noble, et ses vertus aimables, répandirent le
bonheur sur tout ce qui l’entourait, elle y laisse un deuil et des regrets éternels.




Le maréchal Kellermann naquit, à Strasbourg, d’une famille distinguée dans la magistrature, prit, de bonne heure, le parti des armes, fit la guerre de sept ans, et se distingua dans toutes les affaires où il se trouva. Envoyé en Pologne pendant les années 1765, 1766 et 1771, il prit une part glorieuse à la guerre de l’indépendance, et s’associa aux valeureux efforts des Valesky, des Branirsky et de tous les généraux chers à ce pays. Revenu en France après le premier partage, il devint rapidement lieutenant-colonel, colonel, maréchal de camp, lieutenant-général, et déploya dans toutes les circonstances un dévouement ardent pour son pays et une grande habileté dans les camps. En 1792, ses sages dispositions sur la Sarre lui méritèrent la confiance entière de Louis XVI, le cordon rouge et la commission de général en chef. Bientôt ses succès sur le duc de Brunswick, entre en France à la tête d’une armée formidable, et la célèbre victoire de Valmy qui préserva la France d’une invasion imminente, mirent le sceau à sa réputation.

En 1793, il commanda en chef l’armée des Alpes et de l’Italie, prit part malgré lui au siège de Lyon ; mais, rappelé presque aussitôt aux frontières par l’irruption des armées piémontaises, il put cueillir de nouveaux lauriers qui ne furent point teints du sang français. Accusé de trahison et incarcéré pendant treize mois à l’abbaye par ordre du comité de salut public, il ne recouvra sa liberté qu’après le 9 thermidor, voulut être jugé, et fut acquitté au milieu des applaudissements unanimes ; rendu à ses fonctions, et oubliant l’injure qu’il avait reçue, il se signala de nouveau dans les Alpes, sur la rivière de Gènes, sut toujours tenir l’ennemi éloigné des frontières, et, sacrifiant ses intérêts particuliers à ceux de la patrie, seconda franchement les opérations du général Bonaparte, qui, parvenu tout-à-coup au commandement en chef de l’armée d’Italie, ne laissait plus que l’armée des Alpes sous ses ordres. Bonaparte sut apprécier cette conduite et s’en montra toujours reconnaissant.

Successivement président du sénat, membre du grand conseil de la légion d’honneur, maréchal de France, honoré du titre de duc Valmy en mémoire de cette victoire importante, Kellermann prit encore une part glorieuse aux opérations des armées françaises sur le Rhin, aux Pyrénées, sur la Meuse, etc. Servir son pays était un besoin pour lui, et l’âge ne put ralentir son zèle et son activité. Nommé, depuis la restauration, au gouvernement de la 5e division militaire, il a terminé, à l’âge de 85 ans, une vie toute remplie d’actions honorables.

La médiocrité de sa fortune atteste son désintéressement dans l’exercice des hautes fonctions qui lui furent confiées. Aussi recommandable par les qualités de son cœur que par ses talents militaires, ses compagnons d’armes ont pu dire avec quel soin, quelle prévoyance, il s’occupait de leurs besoins, et les peuples, soit français, soit étrangers, avec quelle touchante humanité il s’appliquait à adoucir pour eux les malheurs inévitables de la guerre.