Les mausolées français/Saint-Morys

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DE SAINT-MORYS.



Ce mausolée, qui a quelque ressemblance avec les retables d’autel que le mauvais goût des artistes du dix-septième siècle multiplia dans nos anciennes églises, est principalement orné de fragments de bas reliefs anciens représentant des trophées militaires, ajustés dans les panneaux du soubassement, et de plusieurs inscriptions dont le choix bizarre donne au monument un caractère de singularité remarquable.

Sur deux tables parallèles de marbre noir, fixées à la partie principale, est gravé en lettres d’or :

ici repose
When e’en last, the solmen hour shall come,
celui dont la vie fut dévoué a son roi ;
And wing my mistic flight to future worlds
l’époux, le père le plus tendre ;
I cheerful will obey, there, with new powers
celui dont l’ame pure et noble
Will rising Wonders sing :
ne pouvait comprendre le vice ;
I cannot go where universal love smiles {not arround
celui enfin, qui, victime de la méchanceté des hommes,
m’aimait encore la vie que pour leur faire du bien ;
charles-étienne-bourgevins vialart,
lorsqu’enfin arrivera l’meurs suprême
comte de saint-morts, maréchal du camp,
ou dieu ordonnera mon vol mystique
lieutenant des gardes-du-corps du roi,
vers les demeurs éternelles
chevalier de saint-louis,
j’obéirai avec joie ; la, dans mon nouvel essor.
officier de l’ordre royal de la légion-d’honneur,
je chanterai les merveilles ravissantes
mort a l’age de 45 ans, le 21 juillet 1817.
qui apparaitront devant moi.
Ces vers furent choisis par lui-même, long temps
avant sa mort, pour être gravés sur son tombeau


Au-dessous de ces deux tables dans un petit panneau :

séchez vos larmes, calmez votre douleur,
car j’ai trouvé dans la tombe une nouvelle vie
de gloire et de félicité.
jesu fili david miserere mei


Enfin, dans la partie supérieure, au-dessus de l’entablement, on lit :

diligis omnia quæ sunt…
parcis omnibus
quoniam tua sunt domine
qui amas animas.

La mémoire de M. le comte de Saint-Morys, mort victime d’un préjugé que la philosophie et la religion condamnent, eût peut-être été mieux honorée par moins de faste et plus de candeur.



M. de Saint-Morys, né à l’Ile de France d’une famille noble et opulente,

reçut une éducation digne de son rang et de sa fortune. A l’époque de la révolution française, il embrassa vivement la cause royale, s’enrôla à 17 ans dans la légion de Mirabeau, devint aide de camp du maréchal de Broglie, et servit sous les ordres du prince de Condé. Après la dissolution des armées royales, il se livra à l’étude, et consacra ses loisirs aux sciences et aux arts, voyagea dans le nord de l’Europe, le crayon et la plume à la main, décrivant les beautés de la nature et recueillant les productions des artistes.

Il publia à Londres, conjointement avec M. Bellanger, peintre français, un voyage pittoresque en Angleterre ; en 1801, un voyage en Scandinavie depuis le détroit du Sund jusqu’à Torneo sur le golfe de Dothnie et au cap du nord. Rentré en France sous le règne de Napoléon, il continua ses occupations et consacra une partie des débris de son ancienne fortune à recueillir quelques monuments anciens échappés à la hache des révolutionnaires et à faire dessiner exactement ceux qu’il ne pouvait avoir ainsi que les édifices curieux menacés d’un autre genre de dévastation non moins déplorable[1], et dont il se proposait de publier des recueils. L’agriculture et l’histoire naturelle furent aussi l’objet de ses études, et les cultivateurs du département de l’Oise lui doivent des préceptes et des exemples utiles. Enfin il est auteur d’un aperçu sur la politique de l’Europe public en 1815 et d’un écrit en faveur de l’abolition de la traite des nègres.

En 1814 il se prononça vivement pour la défense de la légitimité, fut nommé, par le Roi, lieutenant des gardes du corps, suivit S. M. à Gand, revint avec la cour après la deuxième abdication de Napoléon, et donna des marques non équivoques de son dévouement. Mais, au milieu de l’effervescence des esprits, si ordinaire après les revirements politiques, la vivacité de ses sentiments et la chaleur avec laquelle il manifestait ses opinions, lui suscitèrent une affaire d’honneur dans laquelle il a succombé, et qui a attaché à son nom une sorte de célébrité par les circonstances qui l’ont accompagnée et les poursuites judiciaires que sa famille a cru devoir diriger contre son adversaire[2].

  1. Les spéculations de la bande noire et les préjugés des architectes sur les constructions du moyen âge.
  2. Voir les mémoires et les journaux du temps.