Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/GIOTTO

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 159-172).
GIOTTO
Peintre, sculpteur et architecte florentin (1266-1337)

Si de grandes obligations lient les peintres à la nature, qui leur sert continuellement de modèle, et qu’ils s’efforcent de reproduire et d’imiter, en s’inspirant de ses parties les meilleures et les plus belles, à mon avis nous sommes autant redevables à Giotto, peintre florentin. Alors qu’après tant d’années de misères et de guerres, les modes de la bonne peinture et le dessin avaient complètement disparu, lui seul, quoique né parmi des artistes imparfaits, les ressuscita, par la grâce de Dieu, et les remit dans la bonne voie. Certes ce fut un vrai miracle que cette époque, grossière et imparfaite, ait eu le pouvoir de doter Giotto si richement que le dessin, qui n’était pas connu ou bien peu par ses contemporains, revint en vie, grâce à lui. Quoi qu’il en soit, ce grand homme naquit l’an 1276, en plein pays florentin, à la villa de Vespignano, située à quatorze milles de Florence [1]. Son père, Rondone, simple laboureur et bon homme, l’appela Giotto [2], et l’éleva honnêtement, selon sa condition. À l’âge de dix ans, Giotto montrait dans ses manières encore enfantines une adresse et une vivacité d’esprit extraordinaires, qui le rendaient cher, non seulement à son père, mais à tous ceux qui le connaissaient dans le pays et au dehors. Bondone lui donna à garder quelques moutons, qu’il menait paître dans les champs ; mais, tout en les conduisant çà et là, il dessinait sur la terre, sur le sable ou sur des pierres plates, comme poussé par une inspiration de nature à dessiner, les objets qu’il voyait et les fantaisies qui lui passaient par l’esprit. Un jour, Cimabue, allant pour ses affaires de Florence à Vespignano, rencontra Giotto qui, pendant que son troupeau paissait, dessinait une de ses brebis, sur une pierre plane et polie, avec un caillou pointu, sans avoir jamais eu d’autre maître que la nature. Ce que voyant, Cimabue s’arrêta surpris, et lui demanda s’il voulait venir demeurer avec lui. L’enfant répondit que, si son père y consentait, il irait volontiers. Cimabue le demanda donc à Bondone, qui consentit avec plaisir à ce qu’il l’emmenât avec lui à Florence. Là, en très peu de temps, avec l’aide de la nature et les leçons de Cimabue, non seulement le jeune homme égala son maître, mais encore il devint si bon imitateur de la nature, qu’il abolit complètement la grossière manière des Grecs, et créa le beau style moderne, en y introduisant le portrait d’après des personnes vivantes, ce qui ne s’était pas fait depuis plus de deux cents ans ; ou plutôt, si quelqu’un l’avait tenté avant lui, personne n’avait réussi, de longtemps, aussi bien que Giotto. Entre autres portraits qu’il fit, on voit aujourd’hui, dans la chapelle du palais du Podestat, à Florence, celui de Dante Alighieri, son contemporain et grand ami, aussi illustre poète que Giotto fut peintre. Dans la même chapelle, il y a également, de sa main, les portraits de Ser Brunetto Latini, maître de Dante, et de Messer Corso Donati, grand citoyen de cette époque[3].

Il exécuta ses premières peintures dans la chapelle du maître-autel de la Badia[4], à Florence, et y représenta, entre autres belles choses, une Annonciation de la Vierge. Il y exprima avec une grande vérité la peur et l’émotion que l’archange Gabriel causa, en la saluant, à la Vierge Marie, qui paraît être remplie de crainte et vouloir, pour ainsi, se mettre en fuite. Pareillement de la main de Giotto est le tableau du maître-autel de la même chapelle : on l’a jusqu’à maintenant tenu en grande estime et il en est encore de même, plus par un certain respect pour l’œuvre d’un tel homme que pour autre chose[5]. À Santa Croce, il peignit quatre chapelles[6], trois entre la sacristie et le chœur, une de l’autre côté. Dans la première, qui appartient à Messer Ridolfo de’Bardi[7], où sont les cordes des cloches, il représenta la vie de saint François, et, dans la scène de la mort du saint, on voit un certain nombre de frères en pleurs, qui montrent remarquablement leur douleur. Dans la deuxième, qui est à la famille Peruzzi[8], sont deux épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste, à qui est dédiée la chapelle. On y voit représentées avec beaucoup de naturel la danse d’Hérodiade et la promptitude des domestiques qui servent la table. Dans cette même chapelle, sont encore deux histoires merveilleuses de saint Jean Evangéliste, à savoir quand il ressuscite Drusiana et quand il est enlevé au ciel. La troisième chapelle, qui est celle des Giugni[9] et qui est dédiée aux Apôtres, représente le martyre de plusieurs d’entre eux. Dans la quatrième, de l’autre côté de l’église, vers le nord, appartenant aux Tosinghi et aux Spinelli[10], et qui est dédiée à l’Assomption de la Vierge, Giotto peignit la Nativité, le Mariage de la Vierge, l’Annonciation, l’Adoration des Mages et la Présentation de Jésus au temple. Enfin on voit, dans la même chapelle, la Vierge expirant au milieu des apôtres et d’une foule d’anges armés de torches. Dans cette même église, la chapelle Baroncelli renferme un tableau à détrempe de Giotto, d’une exécution parfaite, et représentant le Couronnement de la Vierge, avec un grand nombre de figures de petites dimensions et des chœurs d’anges et de saints[11] ; comme il y écrivit son nom et le millésime en lettres d’or, tous les artistes qui considéreront en quel temps Giotto, sans avoir sous les yeux aucune œuvre de bon style, donna naissance à la bonne manière de dessiner et de peindre, seront forcés de le tenir en haute estime. Dans la même église de Santa Croce, il y a encore de sa main, au-dessus du tombeau en marbre de Carlo Marzuppini d’Arezzo, un Christ en croix, entre la Vierge et saint Jean, avec Madeleine au pied de la croix ; de l’autre côté de l’église, face à ce tombeau et au-dessus de celui de Lionardo Aretino, il y a, du côté du maître-autel, une Annonciation qui a été repeinte par des maîtres modernes, avec peu de jugement de la part de celui qui a fait faire ce travail[12]. Il fit également, dans le réfectoire, une Cène[13] et différents traits de la vie de saint Louis sur un arbre de la croix ; sur les armoires de la sacristie, des petits sujets tirés de la vie de Jésus-Christ et de celle de saint François[14].

Dans la chapelle de Saint-Jean-Baptiste de l’église del Carmine[15], il représenta toute la vie de ce saint en plusieurs compartiments et, dans le palais du Parti Guelfe, une histoire de la foi chrétienne peinte à fresque, dans laquelle il introduisit le portrait de Clément IV qui créa cette magistrature[16]. Bientôt après, se rendant à Assise pour achever les œuvres commencées par Cimabue, il passa à Arezzo et peignit, dans l’église paroissiale, la chapelle de saint François qui est près des fonts baptismaux, ainsi que sur une colonne, au-dessus d’un admirable chapiteau corinthien antique, un saint François et un saint Dominique, représentés au naturel. Dans le Dôme vieux, hors les murs, il fit la Lapidation de saint Étienne, dans une petite chapelle, avec un beau groupement de figures [17].

Ces œuvres terminées, il arriva à Assise, cité de l’Ombrie, où l’appelait Fra Giovanni di Muro della Marca, général des Franciscains[18]. Dans l’église supérieure, il peignit à fresque, sous la galerie intérieure qui passe sous les fenêtres, des deux côtés de l’église, trente-deux histoires représentant les faits et gestes de saint François, soit seize de chaque côté, avec une perfection qui lui attira une grande renommée [19]. De fait, on voit dans ces fresques une grande variété, non seulement dans les gestes et les attitudes des différents personnages, mais encore dans les compositions de tous les sujets, outre qu’on ne saurait trop admirer la diversité des costumes de l’époque et la merveilleuse imitation de la nature qu’il y montra : entre autres, un homme qui montre être vivement attiré par l’eau et boit à une fontaine, en se tenant complètement courbé avec une expression si naturelle qu’on croirait véritablement voir une personne vivante qui boit. On y voit bien d’autres choses dignes de remarque, dont je ne parle pas, pour être bref. Je dirai seulement que cette œuvre attira à Giotto une immense réputation, et que, par suite de ses études continuelles, il mérita d’être appelé le disciple de la nature et non d’autres maîtres.

Après avoir achevé les peintures de l’église supérieure, Giotto peignit, dans le même lieu, mais dans l’église inférieure, le pourtour du chœur et les quatre compartiments formés par la voûte[20], au-dessus du maître-autel sous lequel est déposé le corps de saint François, avec des compositions aussi belles qu’originales. Dans le premier compartiment, il représenta la Glorification de saint François entouré des Vertus, qui, seules, peuvent obtenir la grâce parfaite de Dieu. D’un côté, l’Obéissance a devant elle un moine à genoux, auquel elle pose un joug dont les liens sont tirés au ciel par des mains mystérieuses ; elle lui recommande le silence, un doigt sur les lèvres et les yeux fixés sur Jésus-Christ qui verse du sang par la plaie du côté. En compagnie de l’Obéissance se tiennent la Prudence et l’Humilité, pour montrer que là où il y a vraiment Obéissance se trouvent toujours l’Humilité et la Prudence, qui font réussir toute chose. Le deuxième compartiment est consacré à la Chasteté qui se tient dans une solide forteresse et ne se laisse pas séduire par les royaumes, les couronnes et les palmes qui lui sont présentés. À ses pieds, se voit la Pureté lavant des personnes nues et la Force qui amène des gens pour se baigner et se purifier ; à côté de la Chasteté la Pénitence chasse l’Amour ailé avec une discipline et fait fuir l’Impudicité. Dans le troisième compartiment, on voit la Pauvreté qui marche pieds nus sur des épines et poursuivie par un chien qui aboie et deux enfants, dont l’un lui jette des pierres, tandis que l’autre relève avec un bâton des ronces, de manière à lui piquer les jambes. C’est son mariage avec saint François que Jésus-Christ tient par la main, en présence de l’Espérance et de la Charité. Le dernier compartiment est consacré non sans mystère à la glorification de saint François, vêtu de la tunique blanche de diacre[21] et triomphant dans le ciel, au milieu d’une multitude d’anges qui forment un chœur et tiennent un étendard orné d’une croix et de sept étoiles ; tout en haut est le Saint-Esprit. Chacun de ces compartiments renferme des inscriptions latines qui expliquent les sujets.

Outre les peintures de la voûte, il y a celles du pourtour qu’il exécuta avec tant de perfection qu’elles se sont conservées jusqu’à nos jours dans toute leur fraîcheur. On y voit son propre portrait très bien fait, et, sur la porte de la sacristie, toujours à fresque, de sa main, un saint François recevant les stigmates, et respirant tellement l’amour divin que c’est pour moi la meilleure des peintures que Giotto fit en cet endroit[22], et qui sont toutes vraiment belles et dignes d’être louées.

Ce dernier ouvrage terminé, il revint à Florence, où il peignit, pour être envoyé à Pise, un tableau représentant saint François dans l’horrible paysage de la Vernia[23], et, outre le paysage plein d’arbres et de rochers, chose nouvelle alors, on voit dans l’attitude de saint François, à genoux, recevant les stigmates, un ardent désir de les recevoir, et l’amour infini avec lequel il regarde Jésus-Christ qui, dans les airs, environné de séraphins, les lui imprime, avec une expression si vive qu’il est impossible d’imaginer quelque chose de mieux. Au-dessous, sur la prédelle, sont trois histoires de la vie du saint, fort belles. Ce tableau, que l’on conserve aujourd’hui avec la vénération due à la mémoire d’un si grand homme, à San Francesco de Pise, sur un pilastre, à côté du maître-autel, fut cause que les Pisans chargèrent Giotto de peindre une partie de la paroi intérieure du Campo Santo, dont la construction venait d’être terminée, sur les dessins de Giovanni, fils de Niccola Pisano[24]. Comme l’extérieur de ce beau monument était tout recouvert de marbre et d’ornements sculptés très coûteux, que le toit de plomb était posé, et que l’intérieur était rempli de sarcophages et de tombeaux antiques, apportés dans la ville de diverses parties du monde, leur désir était que les longues parois intérieures fussent couvertes de nobles peintures. Giotto, s’étant donc rendu à Pise, peignit dans un des coins six grandes fresques représentant les misères et la patience de Job[25]. Comme il s’aperçut que la paroi de marbre, sur laquelle il avait à travailler, était tournée du côté de la mer, et que tous ces marbres saligni, exposés au sirocco, sont toujours humides et jettent une certaine salure, fréquente sur les bâtisses de Pise, qui, par suite, éteint et mange les couleurs, il fit faire, pour donner à son œuvre la plus longue durée possible, sur toute la longueur du mur qu’il voulait recouvrir de fresques, un enduit ou plutôt une incrustation composée de chaux, de plâtre et de brique pilée. Grâce à ce moyen, ces fresques seraient actuellement en bien meilleur état, si l’incurie de ceux qui devaient veiller à leur conservation ne les avait laissé attaquer par l’humidité[26]. Elles sont donc gâtées en divers endroits, les chairs ont poussé au noir et l’enduit est tombé par écailles, d’autant plus que le plâtre mélangé à la chaux a le défaut de se couvrir de moisissures et de s’altérer avec le temps, ruinant ainsi les couleurs, alors que l’on croit au début qu’il a bien pris. Dans ces fresques, outre le portrait de Messer-Farinata degli Uberti, il y a plusieurs belles figures et surtout certains paysans qui, apportant de mauvaises nouvelles à Job, ne pourraient pas mieux exprimer la douleur qu’ils éprouvent de la perte des troupeaux et des autres calamités qui assaillent leur maître. Aussi remarquable est un serviteur qui, d’une main, chasse avec un éventail les mouches attachées aux plaies de son maître, abandonné de tous ses amis, tandis que de l’autre main il se bouche le nez pour ne pas sentir l’odeur infecte répandue par le corps du lépreux. Toutes les têtes, tant d’hommes que de femmes, sont également belles, et les costumes, les draperies sont traités avec autant d’art qu’il n’est pas étonnant, par suite du bruit qui s’en répandit dans la ville et au dehors, que le pape Benoît XI de Trévise ait envoyé en Toscane un de ses gentilhommes pour savoir quel homme était ce Giotto, et quelles étaient ses œuvres, ayant l’intention de faire faire quelques peintures dans la basilique de Saint-Pierre[27]. L’envoyé du pape s’étant mis en route, pour aller voir Giotto et apprendre quels autres maîtres il y avait à Florence excellant en peinture et en mosaïque, passa par Sienne, où il s’aboucha avec nombre de peintres qui lui remirent des dessins. Arrivé à Florence, il se rendit un matin dans l’atelier de Giotto qu’il trouva en train de travailler, et lui exposa quelles étaient les intentions du pape. Il finit par lui demander un dessin qu’il pût envoyer à Sa Sainteté. Giotto, qui était d’un caractère enjoué, prit une feuille de papier, appuya son coude sur sa hanche, pour former une espèce de compas, et traça, avec un pinceau teint en rouge, un cercle si égal de rayon et d’épaisseur que c’était une merveille à voir. Cela fait, il dit en souriant au gentilhomme : « — Voilà le dessin demandé. » Celui-ci, se voyant joué, s’écria : « — N’aurai-je point d’autre dessin que ce rond ? » « — Il est plus que suffisant, lui répondit Giotto, envoyez-le avec les autres, et vous verrez si on en reconnaîtra l’auteur. » L’envoyé du pape, voyant qu’il ne pouvait obtenir d’autre dessin, s’en alla fort mécontent, soupçonnant qu’il avait été bafoué. Néanmoins, il envoya ce dessin avec les autres au pape, et les noms de ceux qui les avaient faits et raconta comment Giotto avait tracé son cercle, sans remuer le bras et sans compas. D’où le pape et les courtisans qui s’y entendaient comprirent combien Giotto l’emportait sur tous les autres peintres de son époque. Cette chose s’étant divulguée, il en résulta le proverbe : Tu es plus rond que l’O de Giotto, — qu’on dit fréquemment aux hommes épais de corps et d’esprit. L’équivoque roule sur le mot rond [tondo], qui, en toscan, s’emploie pour signifier tantôt un cercle, tantôt un homme lourd et épais de cerveau.

Le pape fit donc venir Giotto à Rome, où il le reçut avec de grands honneurs. On lui donna à peindre dans la tribune de Saint-Pierre cinq sujets de la vie de Jésus-Christ, et, dans la sacristie, le tableau principal[28]. Toutes ces œuvres furent si bien exécutées que ses mains ne produisirent pas de travail à détrempe plus parfait. Il en résulta que le pape, s’estimant bien servi, lui fit donner 600 ducats d’or en paiement et le combla de tant de faveurs que le bruit s’en répandit par toute l’Italie. Le pape ensuite, estimant infiniment la manière de Giotto, voulut qu’il peignît tout le pourtour de Saint-Pierre de sujets tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. Giotto commmença donc le travail et fit à fresque l’ange haut de sept brasses qui est sur l’orgue, ainsi que d’autres peintures qui ont été ou restaurées par d’autres de nos jours ou détruites dans la construction de la nouvelle église. Il est aussi l’auteur de la Navicella en mosaïque[29], qui est au-dessus des trois portes du portique de Saint-Pierre, et qui est justement admiré de tous les beaux esprits. Outre la beauté du dessin, en effet, il y a la disposition des Apôtres, qui luttent en diverses manières contre la fureur de la mer, tandis que les vents enflent une voile, laquelle est rendue avec tant de relief qu’une toile véritable ne serait pas plus naturelle, il est merveilleux d’avoir rendu avec des morceaux de verre les contrastes que l’on voit entre les blancs et les ombres d’une si grande toile, ce qu’on obtiendrait difficilement avec le pinceau. On voit de plus un pêcheur à la ligne, placé sur un rocher, qui montre par son attitude la patience extrême nécessaire à cet acte, de même que son visage reflète l’espérance et le désir de prendre du poisson. Sous cette œuvre, il y a trois arcs peints à fresque, mais je n’en dirai rien, parce que ces peintures sont ruinées pour la plus grande partie. Ayant peint sur un panneau, à la Minerva, église des Frères Prêcheurs, un grand crucifix en détrempe, qui fut alors très loué[30], Giotto revint dans sa patrie, qu’il avait quittée depuis six ans. Peu après, Clément V, ayant été élu pape à Pérouse, après la mort de Benoît XI, transporta le Saint-Siège à Avignon[31], et Giotto fut forcé d’y aller, pour faire quelques travaux[32] ; il y exécuta donc, ainsi que dans plusieurs autres villes de France, une foule de tableaux et de peintures à fresque, œuvres merveilleuses qui plurent extrêmement au Saint-Père et à tout son entourage. Ayant obtenu son congé, et richement récompensé, il revint à Florence en 1316, et y rapporta, entre autres choses, le portrait du pape, qu’il donna plus tard à Taddeo Gaddi, son élève. Mais il ne put s’arrêter longtemps à Florence. Appelé à Padoue par les seigneurs della Scala, il peignit pour eux une très belle chapelle dans l’église du Santo, édifiée depuis peu. De là il alla à Vérone, où il fit quelques peintures dans le palais de Messer Cane, et particulièrement le portrait de ce seigneur, ainsi qu’un tableau pour les Franciscains. Ces œuvres terminées, et en revenant en Toscane, il dut s’arrêter à Ferrare et faire pour les seigneurs d’Este quelques peintures que l’on voit encore dans leur palais, et à Sant’Agostino. Dante, ayant appris que Giotto était à Ferrare, parvint à l’attirer à Ravenne, lieu de son exil, et lui fit faire, à San Francesco, pour les seigneurs de Polenta, dans le pourtour de l’église, plusieurs fresques qui sont remarquables. Étant allé de Ravenne à Urbin, il y fit encore quelques peintures. Comme il passa ensuite par Arezzo, il dut se rendre aux prières de Piero Saccone, qui l’avait très bien accueilli ; il fit pour lui, sur un pilastre de la grande chapelle dans l’évêché, une fresque représentant saint Martin qui coupe son manteau et en donne une partie à un pauvre qui se tient presque nu devant lui[33]. Ayant ensuite peint, dans la Badia de Santa Fiore, un grand crucifix sur bois, et en détrempe, qui est aujourd’hui au milieu de l’église[34], il revint finalement à Florence. Là, entre autres travaux nombreux, il fit, dans le monastère des religieuses de Faenza, quelques peintures à fresque et à détrempe qui n’existent plus, ce monastère ayant été détruit.

L’an 1322, ayant perdu un an auparavant Dante, son grand ami[35], et dont la mort l’affligea profondément, il alla à Lucques, et, sur la demande de Castruccio, seigneur de cette cité, il peignit à San Martino un tableau qui représente le Christ dans les airs, ayant au-dessous de lui quatre saints protecteurs de la ville[36], à savoir San Piero, San Regolo, San Martino et San Paulino, qui ont l’air de remettre d’accord un pape et un empereur : ceux-ci, d’après l’opinion de beaucoup de gens, seraient Louis de Bavière et Nicolas V antipape. On dit aussi qu’il dessina à San Frediano, dans la même ville, le château della Giusta qui est inexpugnable [37]. Dès qu’il fut de retour à Florence, Robert, roi de Naples, écrivit à Charles, duc de Calabre, son fils aîné, qui se trouvait alors dans cette ville, de décider par tous les moyens possibles Giotto à venir à Naples. Il voulait lui faire orner de nobles peintures Santa Chiara, monastère de femmes et église royale, dont il venait d’achever la construction. Giotto, se voyant appelé par un roi d’une telle renommée, se rendit volontiers à son désir[38]. Il fit, dans plusieurs chapelles de ce monastère, de nombreuses peintures tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament [39]; on dit que les sujets de l’Apocalypse qu’on y voit lui furent suggérés par Dante, de même que ses fresques si célèbres d’Assise. Bien que Dante ne fût plus en vie à cette époque, il est possible qu’ils en eussent discuté, comme cela arrive souvent entre amis. Dans l’église dell’Incoronata et au Castello dell’Uovo[40], il exécuta un grand nombre de peintures, particulièrement dans la chapelle et dans une salle que le roi Alphonse Ier détruisit pour faire le château, et où se trouvaient les portraits de quantité d’hommes célèbres, entre autres celui de Giotto en personne.

Il quitta ensuite Naples, pour aller à Rome, et s’arrêta à Gaète, où il dut peindre à la Nunziata divers sujets du Nouveau Testament, aujourd’hui abîmés par le temps, mais pas au point qu’on n’y reconnaisse sa propre figure au pied d’un grand crucifix très beau[41]. Il ne put ensuite refuser au seigneur Malatesta de s’arrêter quelques jours à Rome, où il travailla pour lui, et de là il se rendit à Rimini dont Malatesta était seigneur. Dans cette ville, il fit à San Francesco un grand nombre de peintures qui, depuis, furent jetées à terre par Gismondo, fils de Pandolfo Malatesta, lorsqu’il reconstruisit entièrement l’église. Il peignit encore à fresque, dans le cloître qui est au coin de la façade de cette église, l’histoire de sainte Micheline, une de ses meilleures œuvres[42]. Aussi n’est-il pas étonnant que Malatesta l’ait richement récompensé et grandement loué. Giotto fit aussi, à la requête d’un prieur florentin, qui était alors à San Cataldo de Rimini, à l’extérieur de la porte de cette église, un saint Thomas d’Aquin faisant une lecture à des frères[43]. De là, il retourna à Ravenne et peignit dans une chapelle de l’église San Giovanni Evangelista des fresques très estimées[44] ; puis il revint à Florence avec grand renom et non moins de richesses et y fit en détrempe le crucifix de bois sur fond d’or, plus grand que nature, qui est à San Marco, à droite en entrant[45]. Celui de Santa Maria Novella est aussi de lui ; Puccio Capanna, son élève, y travailla avec lui, et il est toujours sur la porte principale[46], à main droite en entrant, au-dessus du tombeau des Gaddi. Dans la même église, il fit, sur la cloison transverse, un saint Louis, pour Paolo di Lotto Ardinghelli, qui est représenté à ses pieds avec sa femme[47].

L’année 1327, Guido Tarlati da Pietramala, évêque et seigneur d’Arezzo, étant mort, à Massa di Maremma, en revenant de Lucques, où il était allé rendre visite à l’Empereur, son corps fut porté à Arezzo et on lui fit les honneurs d’un apparat mortuaire considérable. Piero Saccone et Dolfo da Pietramala, frères del’évêque, décidèrent alors de lui élever un tombeau en marbre, digne de la grandeur d’un tel homme, qui avait été seigneur spirituel et temporel, ainsi que chef du parti gibelin en Toscane. Ils écrivirent donc à Giotto, lui demandant le dessin d’un tombeau, aussi riche et aussi orné qu’il fût possible, et lui envoyèrent les dimensions. Ils le priaient ensuite de leur procurer un sculpteur, le meilleur à son avis de tous ceux qui étaient en Italie, s’en remettant entièrement à son jugement. Giotto, qui était plein de courtoisie, dressa un dessin et le leur envoya : c’est suivant ce dessin que le tombeau fut exécuté, comme on le dira en son lieu[48].

Il peignit pour les frères Umiliati d’Ognissanti, à Florence, une chapelle et quatre tableaux, entre autres une vierge tenant son fils et entourée d’anges, plus un grand crucifix sur bois, dont Puccio Capanna prit le dessin et fit de nombreuses copies qu’il répandit par toute l’Italie[49], car il avait une grande habitude de la manière de Giotto. Quand ce livre fut imprimé pour la première fois, il y avait sur la cloison transverse de cette église un petit tableau à détrempe, exécuté par Giotto avec grand soin ; il représentait la mort de la vierge entourée par les Apôtres et avec le Christ qui reçoit son âme. Cette œuvre qui était très admirée par tous les peintres, particulièrement par Michel-Ange Buonarroti, a été depuis enlevée par je ne sais qui, estimant peut-être qu’on ne l’appréciait pas assez[50].

Le 9 juillet de l’an 1334, Giotto mit la main au campanile de Santa Maria del Fiore. Après avoir fouillé le sol à la profondeur de vingt brasses, il établit comme fondation une couche de pierres dures, dans la partie qu’on avait asséchée, et y posa un massif de béton haut de douze brasses qu’il termina ensuite par huit brasses en pierres de taille. À ce début ou fondation, assista l’évêque de la ville qui posa solennellement la première pierre en présence du clergé et de tous les magistrats[51]. Tandis qu’on continuait ensuite à édifier la tour dans le style tudesque [gothique] de l’époque, Giotto dessina tous les sujets qui devaient entrer dans l’ornementation, et répartit soigneusement sur le modèle les couleurs blanches, noires et rouges, à toutes les places où il devait y avoir des pierres ou des frises de ces couleurs. Le plan est un carré parfait, dont chaque face a vingt-cinq brasses, ce qui fait cent brasses de tour ; la hauteur atteint cent quarante-quatre brasses. Si l’on croit ce qu’en écrivit Lorenzo di Clone Ghiberti, Giotto non seulement fit le modèle du campanile, mais encore il sculpta en relief une partie des sujets de marbre, où sont représentés les maîtres de tous les arts. Il affirme en avoir vu des modèles en relief de la main même de Giotto, en particulier ceux de cette œuvre, ce qui est très croyable, si l’on réfléchit que du dessin et de l’invention procèdent tous les arts. Suivant le projet de Giotto, le campanile devait se terminer, à partir du point actuel de terminaison, par une flèche ou pyramide quadrangulaire, haute de cinquante brasses, mais les architectes modernes ont toujours conseillé de ne pas exécuter cet ornement gothique et suranné, trouvant l’aspect actuel meilleur en soi.

En récompense de ses travaux, la république de Florence accorda à Giotto non seulement le titre de citoyen mais encore une pension annuelle de cent florins d’or, ce qui était beaucoup pour l’époque, et le nomma provéditeur des travaux du campanile[52], dont la construction fut poursuivie après lui par Taddeo Gaddi, car il ne vécut pas assez pour la voir terminée. Tandis qu’on y travaillait, il fit un tableau pour les religieuses de San Giorgo[53], et dans la Badia de Florence, sur un arc intérieur, au-dessus de la porte de l’église, trois demi-figures, aujourd’hui passées au blanc, pour éclairer l’église. Dans la grande salle du palais du Podestat, il peignit la commune de Florence en proie aux voleurs[54]. Elle est assise sous la forme d’un juge, avec le sceptre à la main, et sur la tête des balances égales, symbole des justes sentences qu’elle a prononcées, quatre vertus l’assistent, à savoir : la Force avec le courage, la Prudence avec les lois, la Justice avec les armes et la Tempérance avec les paroles. C’est une belle peinture et une allégorie très claire.

Étant allé de nouveau à Padoue, il y peignit quantité d’objets[55], ainsi que des chapelles, et fit, dans l’Oratoire de l’Arena[56], une gloire mondaine qui lui attira autant d’honneur que de profit. Il exécuta encore à Milan différentes peintures qui sont dispersées dans la ville, et qui jusqu’à maintenant ont toujours été admirées[57].

Finalement il revint de Milan, et peu après il rendit son âme à Dieu[58], l’an 1336, après avoir fait dans sa vie tant et tant de belles œuvres et avoir été non moins bon chrétien qu’excellent peintre. Il fut extrêmement regretté, non seulement de ses concitoyens, mais de tous ceux qui l’avaient connu, ou avaient entendu parler de lui, et il fut enseveli avec de grands honneurs, comme il le méritait pour ses vertus ayant été pendant sa vie aimé de tous et particulièrement des hommes supérieurs dans n’importe quelle profession, entre autres Dante et Pétrarque. Sa tombe est à Santa Maria del Fiore, à gauche en entrant dans l’église, et une inscription de marbre blanc indique la place où repose un si grand homme.

Il eut pour élèves Taddeo Gaddi, qu’il tint sur les fonts baptismaux Puccio Capanna, Florentin, qui travailla à Assise, dans l’église de San Francesco, après la mort de Giotto, et à Pistoia, dans les églises San Francesco[59] et San Lodovico ; Ottaviano et Pace de Faenza, Guglielmo di Forli, et plusieurs autres dont nous donnerons les Vies, Pietro Laurati et Simone Memmi de Sienne, Stefano de Florence et Pietro Cavallini de Rome.

On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d’une manière si naturelle une mouche sur le nez d’une figure commencée par Cimabue, que ce maître étant de retour et voulant se remettre au travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main, avant de s’apercevoir de sa méprise. Je pourrais raconter mainte plaisanterie de Giotto, mais je me contente de celle-ci qui a quelque rapport à l’art et j’abandonne le reste à Boccace, Sacchetti et aux autres.

Finalement, pour honorer la mémoire de Giotto, transmise à la postérité non seulement par les œuvres qui sortirent de ses mains, mais encore par les louanges des écrivains de son temps, un décret public et la volonté particulière de Laurent le Magnifique de Médicis décidèrent que son buste en marbre, sculpté par Benedetto da Majano, maître excellent, serait placé à Santa Maria del Fiore, et, pour donner à tous ceux qui réussiraient dans leur profession l’espérance d’être honorés de la même façon, le divin Messer Angelo Poliziano composa et fit graver sur son tombeau l’incription qu’on y voit encore.



  1. À Colle, commune de Vespignano. Cette date doit être inexacte, si l’on s’en rapporte à des mémoires de l’époque qui disent qu’il mourut à 71 ans.
  2. Ce nom est peut-être l’abréviation d’Angelotto, ou bien d’Ambrogiotto.
  3. Ces trois portraits existent encore dans la fresque au-dessus de la place de l’autel.
  4. Peintures détruites.
  5. Tableau inconnu et perdu. Milanesi croit qu’il s’agit de l’Annonciation due à Lorenzo Monaco et qui est à l’Académie des Beaux-Arts.
  6. Deux existent encore.
  7. Peintures conservées.
  8. Ibid.
  9. Peintures détruites.
  10. La chapelle, passée au blanc, a été repeinte en 1837 par Martellini.
  11. Existe encore, signé, sans date, opus magistri jocti. On suppose que Giotto fit les peintures de Santa Croce entre 1299 et 1303.
  12. Ces deux peintures ont été détruites.
  13. Attribuée actuellement à Taddeo Gaddi.
  14. Vingt deux sont actuellement à l’Académie des Beaux-Arts de Florence, deux à Berlin, deux à Munich.
  15. Les peintures du Carmine furent détruites par l’incendie de 1771 ; il en reste quelques fragments en Angleterre et dans la chapelle Ammanati du Campo Santo, à Pise. Mais elles n’étaient pas de Giotto, ayant été commandées en 1348-1350 par Vanni Manetti.
  16. Les peintures du palais des Guelfes n’existent plus.
  17. Il ne reste à Arezzo, de toutes ces peintures que le saint François et le saint Dominique, attribués aussi à Jacopo di Casentino.
  18. Fra Giovanni fut élu général en 1296.
  19. Les cinq derniers numéros de cette série peuvent seuls être attribués à Giotto avec quelque vraisemblance. Le reste est un travail d’école.
  20. Toutes ces fresques existent encore ; mais celles de la voûte seules peuvent être attribuées à Giotto.
  21. Saint François, en effet, voulut toujours rester diacre.
  22. Peinture restituée à Pietro Lorenzetti.
  23. Actuellement au Musée du Louvre, signé OPUS JOCTI FLORENTINI.
  24. Le Campo Santo fut terminé en 1283.
  25. Ces fresques que Vasari, dans sa première édition, attribuait à Taddeo Caddi, ont été restituées à Francesco da Volterra, qui les commença en 1371. Il n’en reste plus que deux qui ont été restaurées en 1625 par Stefano Maruscelli.
  26. Pendant un certain temps, les arcades du Campo Santo furent fermées par des vitraux dont on remarque encore maintenant les trous de scellement.
  27. Giotto alla à Rome sous le pontificat de Boniface VIII.
  28. De toutes ces peintures, il ne reste que le tableau d’autel actuellement divisé en plusieurs morceaux et conservé dans la Stanza capitolare de la sacristie, à Saint- Pierre. (Commandé en 1298 par le cardinal Stefaneschi, qui y est représenté, pour la somme de 500 florins d’or.)
  29. Commandée par le cardinal Stefaneschi en 1298, en même temps que le tableau de la sacristie ; complètement restaurée. — Il reste encore, à Saint-Jean-de-Latran, un portrait du pape Boniface VIII, entre deux personnages, peint par Giotto sur un pilastre de l’église.
  30. N’existe plus.
  31. En 1305.
  32. Voyage en France controuvé. Giotto fut appelé à Avignon, après 1334, par le pape Benoît XII, pour peindre l’histoire des martyrs dans le palais pontifical, mais la mort l’empêcha de s’y rendre.
  33. Toutes les peintures mentionnées dans cette page sont détruites.
  34. Existe encore.
  35. Dante mourut le 14 septembre 1321.
  36. Ce tableau a disparu.
  37. Fondé par Castruccio en juin 1322.
  38. Giotto est mentionné à Naples en 1329 et 1332.
  39. Recouverte de stuc au siècle dernier, Santa Chiara, fondée par le roi Robert en 1310, avait été terminée en 1328.
  40. Les fresques de l’Incoronata existent encore ; on les regarde comme étant de l’école de Giotto. Celles du château n’existent plus.
  41. Peintures détruites.
  42. Ces peintures n’existent plus. Elles n’étaient pas de Giotto, puisque sainte Micheline ne mourut qu’en 1356.
  43. Peinture détruite.
  44. On voit encore maintenant sur la voûte de cette chapelle les quatre évangélistes et les quatre docteurs de l’Église.
  45. Actuellement au-dessus de la porte principale de l’église.
  46. Ce crucifix est toujours en place.
  47. Cette peinture a disparu avec la cloison.
  48. Voir la Vie d’Agostino et d’Agnolo.
  49. Il ne reste des peintures de Giotto à Ognissanti que le crucifix actuellement dans la chapelle Gondi Dini. Le tableau de la Vierge a été transporté à l’Académie des Beaux-Arts.
  50. C’est peut-être le tableau du musée de Chantilly.
  51. Le 18 juillet, dit Villani, livre XI, chap. XII.
  52. Le 12 avril 1334, nommé à la haute direction des travaux de Santa Reparata, ainsi que tous les travaux de fortification et d’édilité.
  53. Peinture perdue.
  54. Peinture détruite.
  55. Les peintures du palais della Ragione ont été détruites par l’incendie de 1420.
  56. Construit par Enrico Scrovegno en 1303. Les peintures de Giotto existent encore.
  57. Une Vierge, au musée de Brera, signée opus magistri jocti florentini.
  58. Le 8 janvier 1336 (style ordinaire 1337), d’après Villani (livre XI, chap. XII). Il épousa Ciuta (abréviation de Ricevuta) di Lapo del Pela, et eut huit enfants.
  59. Peintures découvertes 1882, mais en mauvais état, elles représentent la vie de saint François.