Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Lorenzo COSTA

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 428-431).
Lorenzo COSTA
Peintre ferrarais, né en 1460, mort en 1535

Lorenzo Costa, de Ferrare, étant de nature disposé à la peinture et ayant appris que Fra Filippo, Benozzo et d’autres étaient célèbres en Toscane, vint à Florence pour voir leurs œuvres. Comme leur manière lui plut infiniment, il y séjourna plusieurs mois, s’efforçant de les imiter le plus qu’il pourrait, et particulièrement dans le portrait d’après original. Il y réussit si bien, quoique ayant une manière un peu sèche et tranchante, que de retour dans sa patrie il y fit plusieurs ouvrages honorables, comme on peut s’en rendre compte dans le chœur de l’église San Domenico, à Ferrare, qui est tout entier de sa main[1]. On y reconnaît l’application qu’il apportait à l’exercice de son art, et la conscience avec laquelle il exécutait ses œuvres. Dans la garde-robe du duc de Ferrare, on voit de sa main plusieurs portraits sur tableaux, peints d’après l’original, qui sont très bien faits et ressemblants. À Ravenne, dans l’église San Domenico, il peignit à l’huile le tableau de la chapelle San Bastiano, et à fresque plusieurs histoires très estimées[2]. Étant allé ensuite à Bologne, il peignit, dans la chapelle Mariscotti de l’église San Petronio, un tableau représentant un saint Sébastien attaché à la colonne et percé de flèches, avec d’autres figures[3]; cette œuvre, peinte en détrempe, fut la meilleure qu’on eût encore vue dans cette ville. Il est encore l’auteur du tableau de saint Jérôme[4] de la chapelle des Castelli et du saint Vincent[5] de la chapelle des Grifoni ; ces deux tableaux sont peints en détrempe. La prédelle du deuxième fut peinte par un de ses élèves, Ercole Grandi, qui se comporta beaucoup mieux que son maître dans son tableau. Dans la chapelle des Rossi de la même église, il peignit la Vierge entre quatre saints, à savoir saint Jacques, saint Georges, saint Sébastien et saint Jérôme[6], qui est la meilleure œuvre et dans la plus douce manière de toutes les œuvres qu’il ait jamais faites.

Étant ensuite entré au service de Francesco Gonzaga, marquis de Mantoue, il peignit pour lui, dans une chambre du palais San Sebastiano, plusieurs sujets, partie à la gouache, partie à l’huile[7]. Sur l’un d’eux, il y a la marquise Isabelle, peinte au naturel, et entourée de dames qui, chantant et jouant de diverse manière, font entendre une douce harmonie. Sur un autre est la déesse Latone qui métamorphose, selon la fable, des paysans en grenouilles. Dans le troisième, le marquis Francesco est guidé par Hercule dans le chemin de la vertu, sur la cime d’une montagne consacrée à l’éternité. Sur un autre panneau, on voit le même marquis posé sur un piédestal, en triomphateur, le bâton à la main ; autour de lui sont quantité de seigneurs et de serviteurs tenant des drapeaux et pleins de joie à la vue de sa grandeur ; parmi eux, il y a un nombre infini de portraits. Il peignit encore, dans la grande salle où sont actuellement les Triomphes de Mantegna, deux panneaux, à savoir un à chaque extrémité. Le premier, peint à la gouache, renferme des figures nues qui font des sacrifices et allument des feux en l’honneur d’Hercule ; le marquis y est représenté au naturel, avec ses trois fils, Federigo, Ercole et Ferrante, qui, depuis, sont devenus de grands et illustres seigneurs. On y voit également les portraits de quelques grandes dames. L’autre panneau, qui fut peint à l’huile plusieurs années après l’autre et qui fut une des dernières œuvres que peignit Lorenzo, représente le marquis Federigo, devenu homme, le bâton à la main, comme capitaine général de la sainte Eglise sous Léon X. Il est entouré d’une quantité de seigneurs reproduits par Costa au naturel.

À Bologne, dans le palais de Messer Giovanni Bentivoglio, il fut employé, avec d’autres maîtres, à peindre quelques chambres dont nous ne nous occuperons pas davantage, ce palais ayant été détruit[8]. De tous les travaux exécutés par Lorenzo pour les Bentivogli, il ne reste que ses peintures de la chapelle San Jacopo, faites pour Messer Giovanni, et où il représenta, en deux sujets différents, deux Triomphes très beaux[9], avec quantité de portraits.

Il fit encore, dans l’église San Giovanni in Monte, l’an 1497, pour Jacopo Ghedini, dans la chapelle où celui-ci voulut être inhumé après sa mort, un tableau[10] représentant la Vierge entre saint Jean l’évangéliste, saint Augustin et d’autres saints. À San Francesco, il peignit un tableau représentant la Nativité, saint Jacques et saint Antoine de Padoue[11]. Il commença, à San Piero, pour Domenico Garganelli, gentilhomme de Bologne, une admirable chapelle ; mais, quelle qu’en fût la raison, après avoir peint quelques figures sur la voûte, il laissa l’œuvre inachevée, qnoique y ayant beaucoup peiné.

À Mantoue, outre les peintures qu’il fit pour le marquis, il peignit, dans l’église San Salvestro[12], un tableau de la Vierge ; d’un côté San Salvestro lui recommande le peuple de la cité, de l’autre, on voit quatre saints qui sont : saint Sébastien, saint Paul, sainte Elisabeth et saint Jérôme. D’après ce que l’on sait, ce tableau fut placé dans l’église, après la mort de Costa, qui, ayant passé sa vieillesse à Mantoue, où ses descendants ont toujours demeuré, voulut avoir dans cet édifice un tombeau pour lui et les siens. Il fit encore quantité d’autres peintures, dont nous ne parlerons pas, car il suffit d’avoir fait mention des meilleures.

Il eut pour élèves Ercole de Ferrare[13], auteur de plusieurs tableaux à Ferrare, et Lodovico Malino[14] de la même ville, qui laissa un Christ disputant avec les Docteurs[15], dans une chapelle voisine de la porte principale de l’église San Francesco, à Bologne.


  1. Le chœur a été détruit.
  2. Ces peintures n’existent plus.
  3. Existe encore ; attribué également à Cossa.
  4. Existe encore.
  5. Actuellement Casa Aldovrandi.
  6. Existe encore, chapelle Bacciocchi, signée : LAVRENTIS COSTA F. 1492.
  7. Toutes ces peintures ont été détruites en 1630, lors du sac de Mantoue par les Allemands. Le Louvre possède un tableau de Costa, provenant du Studio de la marquise, et qui la représente couronnée par l’Amour.
  8. En 1507, pendant la sédition qui chassa Bentivoglio.
  9. Triomphes de la Vie et de la Mort ; existent encore, plus une grande Vierge.
  10. En place.
  11. N’existe plus.
  12. Église détruite en 1788. Le tableau est à Sant’Andrea, signé : COSTA FECIT ET DONAVIT MDXXV.
  13. 1462-1531.
  14. De son vrai nom Mazzolino, mort en 1530.
  15. Actuellement au Musée de Berlin. — Le Nécrologe de Mantoue porte, entre autres mentions de mort d’artistes :5 marzo 1535, Magister Laurentio Costa in contrata Unicorno : morite de fibra et catarro, et fuit infirmus dies 5, de eta de anni 75. Il naquit donc en 1460.