Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Pietro LAURATI

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 180-182).
Pietro LAURATI
Peintre siennois, né ...... , mort vers 1350

Pietro Laurati [1], excellent peintre siennois, éprouva quel bonheur peuvent avoir de leur vivant les grands artistes, qui voient leurs œuvres appréciées à leur valeur, aussi bien dans leur patrie qu’au dehors, et qui se savent désirés de tous. Durant toute sa vie, en effet, il fut appelé çà et là en Toscane, et reçu partout avec de grands honneurs, s’étant tout d’abord fait connaître par ses fresques de la Scala, hôpital de Sienne [2]. Il y imita la manière de Giotto, désormais populaire en. Toscane, en sorte qu’on le jugea devoir surpasser, comme cela arriva ensuite, et Cimabue et Giotto et les autres artistes qui l’avaient précédé. D’une part, le groupe de la Vierge, quand elle monte les degrés du temple, accompagnée de Joachim et de sainte Anne, et qu’elle est reçue par le grand-prêtre, d’autre part, le mariage de la Vierge offrent autant de beauté et de simplicité dans la disposition des draperies que de majesté dans le port des têtes et d’admirable ordonnance dans le groupement des figures. Pendant qu’il travaillait à cette œuvre, par laquelle il introduisit la bonne manière de peindre à Sienne, montrant ainsi la voie à tous ces beaux génies qui ont fleuri dans sa patrie de tout temps, il fut appelé à Monte Oliveto di Chiusuri, où il peignit un tableau en détrempe[3], qui est aujourd’hui dans le local appelé le Paradis, sous l’église. Il peignit après à Florence, face à la porte de gauche de l’église Santo Spirito, au coin où habite aujourd’hui un boucher, un tabernacle[4], qui, pour la délicatesse des têtes et pour la douceur de l’ensemble, mérite d’être hautement loué par tout artiste qui s’y entend. Étant ensuite allé à Pise, il représenta au Campo Santo, sur la paroi qui est à côté de la porte principale, toute la vie des saints Pères[5], avec des sentiments si vivement rendus, et de si belles attitudes qu’il égala Giotto, et en retira un grand renom, ayant exprimé, dans quelques têtes, par le coloris et le dessin, toute l’énergie dont était capable la manière de peindre de ces temps-là.

De Pise, il se rendit à Pistoia et fit à San Francesco un tableau à détrempe représentant la Vierge entourée d’anges d’une belle venue ; la prédelle qui forme la partie inférieure de ce tableau renferme quelques sujets remplis de petites figures si promptes et si vives que ce fut une merveille pour l’époque[6]. Aussi, pour sa satisfaction et celle des autres, voulut-il y mettre son nom de la manière suivante :

PETRUS LAURATI DE SENIS[7]

L’an 1355[8], il fut appelé à Arezzo par Messer Guglielmo, archiprêtre, et par les fabriciens de l’église paroissiale, qui étaient alors Margarito Boschi et autres, pour travailler dans cette église, qui avait été élevée sur un plan et une disposition infiniment meilleurs que tout ce qu’on avait fait jusqu’alors en Toscane, et que Margaritone, comme on l’a dit, avait ornée de pierres de taille et d’ornements sculptés Il y peignit à fresque la tribune et toute la grande niche de la chapelle du maître-autel, y représentant douze sujets tirés de la vie de la Vierge, avec des figures en grandeur naturelle, qui commencent à l’expulsion de Joachim du temple et vont jusqu’à la nativité du Christ[9]. On reconnaît dans ces peintures presque la même composition que dans celles de Giotto, son maître, ainsi que les contours, le port des têtes et les attitudes des figures qui étaient particulièrement propres à ce dernier. Bien que toute l’œuvre soit très belle, incontestablement la meilleure partie est la voûte de cette niche, sur laquelle il représenta la Vierge montant au ciel. Outre qu’il fit les apôtres hauts de quatre brasses, montrant ainsi la grandeur de son esprit, et cherchant le premier à hausser la manière il donna une si belle physionomie aux têtes, et tant d’élégance aux draperies qu’à cette époque on n’aurait pas pu désirer mieux. Il figura, de même, une joie vraiment angélique et divine sur les visages des anges qui volent en chantant autour de la Madone, ou dansent avec de gracieux mouvements ; tandis que les anges jouent de divers instruments, ils ont les yeux attentifs et fixés sur un autre chœur d’anges, qui, soutenus par une nuée en forme d’auréole, portent la Vierge au ciel. Cette œuvre qui plut infiniment et avec raison, fut cause qu’on le chargea encore de peindre en détrempe le tableau du maître-autel[10]. Les figures des cinq panneaux sont de grandeur naturelle et représentées jusqu’au genou ; le panneau du milieu renferme la Vierge tenant l’enfant Jésus ; les quatre autres sont occupés par saint Jean-Baptiste et saint Mathieu d’un côté, saint Jean évangéliste et san Donato, de l’autre. Quantité de petites figures couvrent la predelle et le cadre du tableau, toutes vraiment belles et d’une exécution parfaite. Ce travail terminé, Pietro Laurati exécuta, à Saint-Pierre de Rome, plusieurs œuvres qui furent détruites pour édifier la nouvelle basilique. Il travailla encore à Cortone et à Arezzo, outre les œuvres déjà citées, en particulier dans l’église Santa Fiora et Lucilla, monastère des moines noirs, où il fit, entre autres choses, dans une chapelle, un saint Thomas mettant le doigt dans la plaie du côté de Jésus-Christ[11]. Ses peintures datent de 1350 environ.

  1. Frère d’Ambrogio Lorenzetti, tous deux fils de Lorenzo ou Lorenzetto, Mentionné pour la première fois, comme peintre, en 1305. Pietro était probablement l’aîné.
  2. Ces fresques, qui furent détruites en 1720, étaient l’œuvre des deux frères et portaient l’inscription suivante: HOC OPVS FECIT PETRVS LAVRENTII ET AMBROSIVS EIVS FRATER MCCCXXXV
  3. Ce tableau est perdu.
  4. Cette peinture n’existe plus.
  5. Ces fresques existent encore ; attribuées également à Antonio Veneziano.
  6. Actuellement aux Offices ; la prédelle a disparu.
  7. Inexact. L’inscription est : (en lettres majuscules) Petrus Laurentii de Senis me pinxit anno Domini MCCCXL.
  8. En 1345.
  9. Ces peintures n’existent plus.
  10. Commandé le 17 avril 1820 à Pietro par Guido Tarlati, évêque d’Arezzo, pour 160 livres pisanes : ce tableau est actuellement près de l’autel de la Miséricorde signé PETRUS LAURENTII HANC PINXIT DEXTRA SENIS. La prédelle a disparu.
  11. Peinture détruite.