Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint13

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 83-84).
De la peinture : chapitre XIII

Chapitre XIII. — Comment on exécute les grotesques sur le stuc.


Les grotesques sont une espèce de peintures fantaisistes et risibles que les Anciens faisaient pour orner les vides, dans les lieux où l’on ne pouvait représenter que des choses en l’air. Ils y figuraient toutes sortes de monstres, tels que la petitesse du lieu le permettait et que la fantaisie des artistes l’imaginait. On ne suit aucune règle, attachant par exemple à un fil extrêmement ténu un poids qu’il ne pourrait porter, donnant à un cheval des jambes de feuillages, à un homme des pattes de grue, et entremêlant le tout de rubans et de petits oiseaux. L’artiste dont l’imagination avait été la plus vagabonde passait pour avoir le mieux réussi. Ce genre de peintures reçut ensuite des règles ; on les disposa le long de frises ou dans des compartiments en admirables arabesques, et on mélangea ces peintures aux ornements de stuc. Elles furent d’un usage si constant, qu’à Rome et dans tout autre endroit où les Romains ont séjourné, on en trouve encore quelque vestige. En vérité, rehaussées d’or et de stucs en relief, elles forment une œuvre gaie ou agréable à voir. On les exécute de quatre manières différentes. La première consiste à travailler le stuc simple. Dans une autre, on fait les ornements seuls en stuc ; on peint des sujets dans les vides, et des grotesques sur les frises. La troisième consiste à faire les figures partie découpées en stuc et partie peintes en blanc et noir, imitant ainsi les camées et d’autres pierres. De cette espèce de grotesques et de stucs, on a vu, et on en voit tant d’œuvres exécutées par les Modernes qui s’en sont servi, avec une grâce et une beauté extrêmes, pour orner les constructions les plus remarquables de toute l’Italie, que les Anciens ont été largement devancés. La dernière manière est un travail d'aquarelle sur du stuc qui forme le fond de l’œuvre, les ombres étant faites avec diverses couleurs. De toutes ces sortes de grotesques qui résistent très bien au temps, on voit des exemples antiques dans une infinité d’endroits, à Rome et à Pouzzoles, près de Naples. On peut aussi très bien exécuter la dernière manière avec des couleurs solides à fresque, en laissant le stuc blanc comme fond, et l’on obtient ainsi des œuvres qui, en vérité, ont en elles une grâce parfaite. On y mélange des paysages qui leur donnent de la gaîté, ainsi que des sujets composés de petites figures en couleur. Il y a actuellement en Italie quantité de maîtres qui exercent cet art et qui y sont excellents.