Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint6

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 75-76).
De la peinture : chapitre VI

Chapitre VI. — De la peinture à détrempe, ou à l’œuf, sur panneau et sur toile ; comment on peut s’en servir sur un mur sec.


Avant Cimabué, et depuis cette époque, on a toujours vu des œuvres peintes par les Grecs, à détrempe sur des panneaux et quelquefois sur mur. Ces vieux maîtres avaient l’habitude, quand ils voulaient plâtrer leurs panneaux, de peur qu’ils ne s’ouvrissent dans leurs joints, de les recouvrir tout d’abord d’une toile de lin fixée avec de la colle animale, puis de plâtrer cette toile pour peindre dessus ; ils délayaient les couleurs destinées à ce travail avec du jaune d’œuf, ou de la détrempe dont voici la composition : ils prenaient un œuf, ils le battaient et ils y broyaient un rameau tendre de figuier, de manière que le suc de cette plante se mêlât à l’œuf et donnât la détrempe des couleurs avec lesquelles ils exécutaient leurs œuvres. Pour peindre ces panneaux, ils employaient des couleurs minérales, qui sont en partie créées par les chimistes, et en partie extraites de la mine. Pour cette espèce de travail, toutes les couleurs sont bonnes, sauf le blanc que l’on emploie pour peindre sur un mur enduit de chaux, et qui serait trop fort. C’est de cette manière qu’étaient exécutées leurs œuvres et leurs peintures, et ils appelaient ce procédé peinture à détrempe. Seuls les bleus étaient délayés dans de la colle animale, parce que le jaune d’œuf les ferait devenir verts, tandis que la colle les maintient dans leur couleur naturelle, ce que fait également la gomme. Le même procédé s’applique aux panneaux plâtrés et à ceux qui ne le sont pas. Il en est de même des murs secs ; on y étend une ou deux couches de colle chaude, et ensuite on exécute la peinture avec des couleurs délayées dans cette colle. Celui qui voudrait délayer des couleurs dans de la colle le ferait aussi facilement en suivant le procédé qui a été indiqué pour la détrempe. Les couleurs n’en sont pas plus mauvaises pour cela, et l’on a vu de la main de nos anciens maîtres des peintures à détrempe qui se sont conservées des centaines d’années, avec une beauté et une fraîcheur extrêmes. Certes, on voit encore des œuvres de Giotto, dont quelques-unes sont sur panneau, qui ont plus de deux cents ans d’existence, et qui se sont très bien conservées. La peinture à l’huile est venue ensuite, qui a fait mettre de côté, par quantité de peintres, le procédé de la détrempe, bien qu’aujourd’hui on voit encore des panneaux et d’autres œuvres d’importance qui ont été peints et que l’on peint encore continuellement dans cette manière.