Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint8
Quand les artistes veulent peindre à l’huile sur un mur sec, ils
peuvent opérer de deux manières : ou le mur a été blanchi soit à la
fresque, soit d’une autre façon, et il faut le gratter ; ou bien il est resté
lisse sans être blanchi, simplement crépi. Dans ce cas, on le couvrira
de deux ou trois couches d’huile bouillie et cuite, en continuant d’en
remettre jusqu’à ce que le mur ne veuille plus en absorber. Le mur une
fois sec, on y met l’enduit ou l’imprimure, comme il a été dit dans le
chapitre précédent. Cela fait et le mur bien sec, les artistes peuvent
décalquer ou dessiner dessus, et conduire l’œuvre à fin, comme s’il
s’agissait d’un tableau. Il faut continuellement mélanger aux couleurs
un peu de vernis, pour n’avoir pas à vernir l’œuvre, quand elle est
terminée. Dans le premier cas, l’artiste fait un crépi soigné, composé
ou de stuc de marbre, ou de brique finement pilée, et il le râcle avec
le tranchant de la truelle, pour que le mur n’offre pas d’aspérités. Il le
couvre ensuite d’une couche d’huile de graine de lin, et il fait dans un pot un mélange de poix grecque, de mastic et de gros vernis, qu’il
étend, après l’avoir fait bouillir, sur le mur avec un gros pinceau. Il
l’égalise ensuite avec une truelle rougie au feu, bouchant ainsi les trous
du crépi, et donnant au mur une surface plus unie. Quand c’est bien
sec, on y met l’enduit ou l’imprimure, et l’on continue dans le mode
ordinaire de la peinture à l’huile que nous avons exposé. Comme
l’expérience de plusieurs années m’a appris comment il faut peindre
à l’huile sur un mur, en dernier lieu et pour peindre les salles,
chambres et autres pièces du palais du duc Cosme, j’ai suivi le procédé
dont je me suis fréquemment servi ces temps-ci, et que j’exposerai
brièvement de la manière suivante : ayant posé le crépi sur lequel il
faut faire l’enduit de chaux, de brique pilée et de sable, on laisse bien
sécher. Le deuxième enduit sera composé de chaux, de brique pilée
bien tamisée et de laitier de fer. Ces trois produits, mélangés par
parties égales, et au besoin avec du blanc d’œuf battu et de l’huile de
graine de lin, donnent un stuc d’un grain tellement serré, qu’on
ne saurait en désirer de meilleur. Je dois avertir qu’on ne doit pas
abandonner le crépi tant que la matière est fraîche, sans cela il
fendrait sur plusieurs points. Il est au contraire nécessaire, si l’on
veut qu’il reste bon, de continuellement le râcler avec la truelle,
jusqu’à ce qu’il ait été parfaitement égalisé sur toute sa surface,
comme il doit l’être. Le crépi une fois sec, on y pose l’enduit ou
l’imprimure, et l’on peut être assuré que les figures et les sujets
s’exécuteront parfaitement, comme les peintures du palais en question,
et quantité d’autres, peuvent clairement le montrer à qui veut s’en
rendre compte.