Lettre *363, 1673 (Sévigné)

La bibliothèque libre.
Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 332-333).
◄  362
364  ►

1673

*363. — DU COMTE DE GRIGNAN À COLBERT.

Le 27e décembre 1673.

J’ai reçu avec tout le respect imaginable les ordres du Roi que M. de Pompone m’a fait l’honneur de m’envoyer sur le sujet de Messieurs les évêques de Marseille et de Toulon[1]. Vous jugez bien que je ne puis donner à Sa Majesté une plus parfaite marque de ma soumission que par le sacrifice du juste ressentiment que je dois avoir contre ces Messieurs, et il est certain que mon obéissance ne lui peut jamais être mieux prouvée qu’en oubliant la suite infinie des sujets de plainte qu’ils m’ont donnés, dont quelques-uns sont encore bien récents, comme j’ai eu l’honneur de vous l’écrire. J’espère, Monsieur, que vous voudrez bien me faire la grâce de rendre compte à Sa Majesté de la disposition où je suis, mais je vous supplie de remarquer qu’il me seroit impossible d’y demeurer, si Monsieur de Marseille continuoit, comme il a fait jusques ici, de me traverser en toute occasion. J’ai lieu de croire qu’ayant reçu le même ordre que moi, il se résoudra de changer de manière et d’étouffer sincèrement une fois en sa vie les mauvaises intentions dont il n’a pu donner que de foibles marques. Pour moi, Monsieur, qui n’ai jamais fait que me défendre contre ceux qui veulent faire ma charge, vous jugez bien que n’étant plus attaqué, comme je desire plus que toutes choses plaire à Sa Majesté, j’apporterai toute mon application et mes soins à la réunion qu’Elle ordonne. Je regarde comme un bonheur d’avoir pour témoin de ma conduite une personne du mérite et de l’équité de M. Rouillé[2] ; c’est à lui, Monsieur, que vous aurez raison d’ajouter une foi entière, et je suis assuré qu’il ne fera que vous apprendre la suite de tout ce que je viens de vous protester.


  1. Lettre 363. — 1. L’évêque de Marseille écrivait, de son côté, dix jours auparavant, à Colbert : « Quand il plaira à S. M. de nous prescrire notre conduite et de nous donner d’autres ordres, nous les recevrons avec le même respect et les exécuterons avec la même soumission. »
  2. 2. Intendant de Provence. Voyez la lettre suivante et celle du 12 août 1675.