Lettre sur le progrès des sciences/Article 2

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Patagons.

Ce n’eſt point donner dans les viſions ni dans une curioſité ridicule que de dire que cette terre des Patagons, ſituée à l’extrémité auſtrale de l’Amérique, mériteroit d’être examinée. Tant de relations dignes de foi nous parlent de ces géans, qu’on ne ſauroit guère raiſonnablement douter qu’il n’y ait dans cette région des hommes dont la taille eſt fort différente de la nôtre. Les Tranſactions philoſophiques de la Société royale de Londres parlent d’un crâne qui devoit avoir appartenu à un de ces géans, dont la taille, par une comparaiſon très-exacte de ſon crâne avec les nôtres, devoit être de dix ou douze pieds. À examiner philoſophiquement la choſe, on peut s’étonner qu’on ne trouve pas entre tous les hommes que nous connoiſſons, la même variété de grandeur qu’on obſerve dans pluſieurs autres eſpèces : pour ne s’écarter que le moins qu’il eſt poſſible de la nôtre, d’un ſapajou à un gros ſinge il y a plus de différence que du plus petit Lappon au plus grand de ces géans dont les voyageurs nous ont parlé.

Ces hommes mériteroient ſans doute d’être connus : la grandeur de leur corps ſeroit peut-être la moindre choſe à obſerver ; leurs idées, leurs connoiſſances, leurs hiſtoires ſeroient bien encore d’une autre curioſité.