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Lettres à Lucilius/Lettre 104

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Lettres à Lucilius
Traduction par Joseph Baillard.
../Hachettevolume 2 (p. 367-374).
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LETTRE CIV.

Une indisposition de Sénèque. Tendresse de sa femme pour lui. Les voyages ne guérissent point les maux de l’âme. Vivre avec les grands hommes de l’antiquité.

J’ai fui dans ma terre de Nomentanum... devine quoi ? « La ville ? » Non, mais la fièvre qui s’annonçait. Déjà elle mettait la main sur moi : je fis bien vite préparer ma voiture, malgré ma Pauline, qui voulait me retenir. « Le mal est à son début, disait le médecin, le pouls agité, inégal, troublé dans sa marche naturelle. » Je m’obstine à partir : je donne pour raison ce mot de mon honoré95 frère Gallio qui, pris d’un commencement de fièvre en Achaïe, s’embarqua aussitôt en s’écriant : « Ce n’est pas de moi, c’est du pays que vient le mal. » Voilà ce que je répétais à ma Pauline qui est cause que ma santé a plus de prix pour moi. Oui, comme je sais que sa vie tient à la mienne, je commence, par égard pour elle, à m’écouter un peu ; et aguerri par la vieillesse sur bien des points, je perds sur celui-ci le bénéfice de mon âge. Je me représente que dans ce vieillard respire une jeune femme qu’il faut ménager ; et comme je ne puis gagner sur elle d’être aimé avec plus de courage, elle obtient de moi que je m’aime avec plus de soin. Il faut condescendre à nos légitimes affections ; et quelquefois, quand tout nous presserait de mourir, à la pensée des siens il faut, même au prix de la souffrance, rappeler à soi la vie et retenir le souffle qui s’exhale. L’honnête homme doit rester ici-bas, non tant qu’il s’y plaît, mais tant qu’il y est nécessaire. Celui qu’une épouse, qu’un ami ne touchent point assez pour l’arrêter plus longtemps sur la terre et qui s’obstine à mourir, est un égoïste. Vivre est aussi une loi à s’imposer quand l’intérêt des nôtres l’exige ; eussions-nous souhaité, commencé même de rompre avec la vie, n’achevons pas et prêtons-nous encore à leur tendresse96. Généreuse est l’âme que son dévouement pour autrui rattache à l’existence ; plus d’un grand homme a fait ainsi. Mais la plus haute preuve de sensibilité, à mon sens, c’est quand la vieillesse, malgré son immense avantage de moins s’inquiéter du corps et d’user de la vie avec moins de regrets, devient plus attentive à se conserver, si elle sait que tel est le bonheur, l’utilité, le vœu de quelqu’un des siens. D’ailleurs cela porte avec soi sa joie et son salaire qui, certes, est assez doux. Quoi de plus agréable, en effet, que d’être chéri d’une épouse au point d’en devenir plus cher à soi-même ? Aussi ma Pauline peut compter que j’éprouve ses craintes pour moi, en outre des miennes.

Tu veux savoir si cette résolution de partir m’a bien ou mal réussi ? À peine eus-je quitté la lourde atmosphère de la ville et cette odeur des cuisines qui, toutes fumantes, toutes en travail, vomissent mêlé à la poussière tout ce qu’elles engouffrent de vapeurs infectes, j’ai senti dans mon être un changement subit. Juge combien mes forces ont dû croître quand j’ai pu atteindre mes vignes ! J’étais le coursier qu’on rend à la prairie, qui vole à sa pâture. Je me suis donc enfin retrouvé : j’ai vu disparaître cette langueur suspecte, qui ne promettait rien de bon ; déjà toute mon ardeur me revient pour l’étude. Non qu’un lieu y fasse beaucoup plus qu’un autre, si l’esprit ne se possède, l’esprit qui se crée, s’il veut, une retraite au sein même des occupations. Mais l’homme qui choisit telle contrée, puis telle autre, et veut saisir le repos à la course, trouvera partout de nouveaux tiraillements. Quelqu’un se plaignait à Socrate que les voyages ne lui avaient servi de rien ; le sage, dit-on, lui repartit : « Ce qui vous arrive est tout simple ; vous voyagiez avec vous. » Heureux certains hommes, s’ils se sauvaient loin d’eux-mêmes ! Mais non : on est à soi-même son premier persécuteur, son corrupteur, son épouvantail.

Que gagne-t-on à franchir les mers, à errer de ville en ville ? Veux-tu fuir le mal qui t’obsède ? Il n’est pas besoin que tu sois ailleurs ; sois autre. Suppose-toi débarqué à Athènes, débarqué à Rhodes ; choisis à ton caprice toute autre ville : que te font les mœurs de ces pays97 ? Tu y portes les tiennes. La richesse te semble-t-elle le bonheur ? Tu trouveras ton supplice dans ta pauvreté, dans la pire de toutes, la pauvreté imaginaire. Car en vain possèdes-tu beaucoup ; quelque autre possédant davantage, tu te crois en déficit de tout ce dont il te surpasse. Places-tu le bonheur dans les dignités ? Tu souffriras de l’élection de tel consul, de la réélection de tel autre : quel dépit, si tu lis plusieurs fois le même nom dans nos fastes ! Dans ton ambitieuse démence, tu ne verras plus ceux que tu dépasses, dès qu’un seul te devancera. Le plus grand des maux, penses-tu, c’est la mort ? Mais il n’y a de mal en elle que ce qui la précède, la peur. Tu t’effrayeras et du péril et de l’ombre du péril ; des chimères t’agiteront sans cesse. Car que te servira

   D’avoir franchi tant d’hostiles cités,
Tant de bords dangereux par le Grec habités[1] ?


La paix même sera pour toi fertile en alarmes. Ton âme une fois découragée, l’abri le plus sûr n’aura pas ta confiance ; et dès que le sentiment irréfléchi de la peur tourne en habitude, il paralyse jusqu’à l’instinct de la conservation. Il n’évite pas, il fuit : et l’on donne plus de prise aux dangers en leur tournant le dos. Tu croiras subir une bien grave infortune lorsque tu perdras quelqu’un que tu aimes : en quoi tu montreras autant d’inconséquence que si tu pleurais quand les arbres riants qui ornent ta demeure sont abandonnés de leurs feuilles. Tous les êtres qui réjouissent ton cœur, vois-les comme tu vois ces feuilles alors qu’elles verdoient ; car enfin, aujourd’hui l’un, demain l’autre, leur sort est de tomber ; mais de même qu’on regrette peu la chute des feuilles parce qu’elles se reproduisent, ainsi dois-tu prendre la perte de ceux que tu aimes et qui, dis-tu, font le charme de ta vie : ils se remplacent, s’ils ne peuvent renaître. « Mais ce ne seront plus les mêmes ! » Et toi, n’auras-tu pas changé ? Chaque jour, chaque heure fait de toi un autre homme[2] ; et ce larcin du temps, visible chez autrui, s’il ne l’est pas chez toi, c’est qu’il s’opère à ton insu. Les autres semblent emportés de vive force, nous sommes furtivement dérobés à nous-mêmes.

Mais ces réflexions ne seront point les tiennes ; tu n’appliqueras pas ce baume à ta plaie ; toi-même sèmeras ta route d’inquiétudes sans fin, tantôt espérant, tantôt découragé. Plus sage, tu tempérerais l’un par l’autre : tu n’espérerais point sans méfiance, tu ne te méfierais point sans espoir.

Jamais changement de climat a-t-il en soi profité à personne ? Il n’a pas calmé la soif des plaisirs, mis un frein aux cupidités, guéri les emportements, maîtrisé les tempêtes de l’indomptable amour, délivré l’âme d’un seul de ses maux, ramené la raison, dissipé l’erreur. Mais comme l’enfant s’étonne de ce qu’il n’a jamais vu, pour un moment un certain attrait de nouveauté nous a captivés. Du reste l’inconstance de l’esprit, alors plus malade que jamais, s’en irrite encore, plus mobile, plus vagabonde par l’effet même du déplacement. Aussi les lieux qu’on cherchait si ardemment, on met plus d’ardeur encore à les fuir et, comme l’oiseau de passage, on vole plus loin, on part plus vite qu’on n’était venu98. Les voyages te feront connaître des peuples et voir de nouvelles configurations de montagnes, des plaines d’une grandeur insolite pour toi, des vallons arrosés de sources intarissables, des fleuves offrant à l’observateur quelque phénomène naturel, soit le Nil, qui gonfle et déborde en été ; soit le Tigre, qui disparaît tout à coup pour se frayer sous terre un passage dont il sort avec toute la masse de ses eaux ; soit le Méandre, sujet d’exercice et de fiction pour tous les poètes, qui se replie en mille sinuosités et souvent, lorsqu’il approche de son lit, se détourne encore avant d’y rentrer : mais tout cela ne te rendra ni meilleur ni plus sage99. C’est à l’étude qu’il faut recourir et aux grands maîtres de la sagesse, pour apprendre leurs découvertes, pour chercher ce qui reste à trouver. Ainsi l’âme se rachète de son misérable esclavage et ressaisit son indépendance. Tant que tu ignores ce que tu dois fuir ou rechercher, ce qui est nécessaire ou superflu, ce qui est juste, ce qui est honnête, tu ne voyageras pas, tu ne feras qu’errer. Tu n’as point d’aide à espérer de tes courses sans nombre ; car tes passions cheminent avec toi, car ton mal te suit. Et puisse-t-il ne faire que te suivre ! Il serait à quelque distance : mais il est en toi, non à ta suite. Aussi t’obsède-t-il partout ; partout ton malaise est également cuisant. Il faut des remèdes au malade plutôt que des déplacements. L’homme qui s’est cassé la jambe ou donné une entorse ne monte ni sur une voiture ni sur un navire : il fait appeler le médecin pour rejoindre l’os rompu, pour replacer le muscle démis. Eh bien donc, croiras-tu qu’une âme foulée et fracturée sur tant de points se rétablisse par le changement de lieux ? L’affection est trop grave pour céder à une locomotion. Ce n’est pas à courir le monde qu’on devient médecin ou orateur : il n’y a de lieu spécial pour l’apprentissage d’aucun art ; et la sagesse, de tous le plus difficile, se ramasserait sur les grandes routes ? Il n’est point de voyage, crois-moi, qui te sorte de tes passions, de tes dépits, de tes craintes ; s’il en était, le genre humain tout entier se lèverait pour l’entreprendre. Tes passions ne lâcheront point prise : elles déchireront sur la terre et sur l’onde leur proie fugitive aussi longtemps que tu emporteras le principe de tes maux.

Tu t’étonnes de fuir en vain ? Ce que tu fuis ne t’a pas quitté. C’est à toi-même à te corriger ; rejette ce qui te pèse et mets à tes désirs au moins quelque borne. Purge ton âme de toute iniquité : pour que la traversée te plaise, guéris l’homme qui s’embarque avec toi. L’avarice te rongera tant que tu auras commerce avec des cœurs avares et sordides : ta morgue te restera tant que tu hanteras des superbes100 ; ton humeur implacable ne se perdra pas dans la compagnie d’hommes de sang ; tes accointances avec les débauchés raviveront tes feux adultères. Si tu veux dépouiller tes vices, fuis au plus loin les vicieux exemples. L’avare, le séducteur, l’homme cruel, l’artisan de fraudes, si contagieux par leur seule approche, sont en toi. Passe au camp des hommes vertueux. Vis avec les Catons, avec Tubéron, avec Lælius, ou, s’il te prend envie de visiter aussi les Grecs, avec Socrate, avec Zénon. L’un t’enseignera à mourir quand la nécessité l’exigera ; l’autre, à prévenir même la nécessité. Vis avec un Chrysippe, un Posidonius. Ceux-là te transmettront la science des choses divines et humaines ; ceux-là te prescriront d’agir, de n’être pas seulement un habile discoureur qui débite ses phrases pour le plaisir des oreilles, mais de te faire une âme vigoureuse et inflexible à toutes menaces. Car l’unique port de cette vie agitée, orageuse, c’est le dédain de tout ce qui peut advenir ; c’est la lutte résolue, à découvert, qui reçoit en face les traits de la Fortune, sans l’esquiver, sans la marchander. La nature nous donne la passion des grandes choses ; et comme les animaux reçurent d’elle, les uns la férocité, les autres la ruse, d’autres l’instinct de la crainte, ainsi l’homme lui doit cette fierté et cette élévation du cœur qui cherchent la vie la plus honorable, non la plus exempte de péril : car en lui tout respire le ciel, modèle et but dont il se rapproche autant que peuvent le faire les pas d’un mortel. Il appelle le grand jour, il aime à se croire devant ses juges et ses approbateurs. Roi de l’univers, supérieur à tout ici-bas, devant quoi s’humilierait-il ? Rien lui semble-t-il assez accablant pour qu’il courbe sa noble tête ?

Ce couple affreux à voir, la souffrance et la mort[3],


ne l’est nullement pour qui ose l’envisager d’un œil fixe et percer de trompeuses ténèbres. Mainte fois les terreurs de la nuit se changent au matin en objets de risée101.

Ce couple affreux à voir, la souffrance et la mort,


dit si bien Virgile, et non point affreux en réalité, mais seulement à voir ; il entend que c’est pure vision, que ce n’est rien. Qu’y a-t-il là, répétons-le, d’aussi formidable que ce qu’en publie la renommée ? Qu’y a-t-il, je te prie, Lucilius, pour qu’un homme de cœur craigne la souffrance, un mortel la mort ?

Je ne vois que gens qui réputent impossible ce qu’ils n’ont pu faire[4] ; et puis nos doctrines sont trop hautes, disent-ils, elles passent les forces de l’homme, Ah ! combien j’ai d’eux meilleure opinion qu’eux-mêmes ! Eux aussi peuvent, mais ils ne veulent pas. L’essai qu’on leur demande a-t-il jamais trahi ceux qui l’ont tenté ? N’a-t-il pas toujours paru plus facile à l’exécution ? Ce n’est point parce qu’il est difficile que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas, qu’il est difficile. D’ailleurs, s’il vous faut un exemple, prenez Socrate, vieillard éprouvé par tous les malheurs, poussé sur tous les écueils, et que n’ont vaincu ni la pauvreté, aggravée encore par ses charges domestiques, ni les fatigues des camps qu’il dut subir aussi, ni les tracasseries de famille dont il fut harcelé, soit par une femme aux mœurs intraitables, à la parole hargneuse, soit par d’indociles enfants qui ressemblaient plus à leur mère qu’à leur père. Quelle vie passée presque toute ou à la guerre, ou sous la tyrannie, ou sous une liberté plus cruelle que la guerre et que les tyrans ! Après vingt-sept ans de combats, la fin des hostilités fut l’abandon d’Athènes à la merci de trente tyrans, la plupart ennemis de Socrate. Pour calamité dernière, une condamnation le flétrit des imputations les plus accablantes. On l’accusa d’attenter à la religion et de corrompre les jeunes gens qu’il soulevait, disait-on, contre les dieux, contre leurs parents et la république : puis vinrent les fers et la ciguë. Tout cela, bien loin de troubler son âme, ne troubla même pas son visage. Il mérita jusqu’à la fin l’éloge admirable, l’éloge unique que jamais nul ne le vit plus gai ni plus triste que de coutume : il fut toujours égal dans ces grandes inégalités du sort.

Veux-tu un second exemple ? Prends M. Caton, ce héros plus moderne, que la Fortune poursuivit d’une haine encore plus vive et plus opiniâtre. Traversé par elle dans tous les actes de sa vie, et jusque dans celui de sa mort, il prouva néanmoins qu’un grand cœur peut vivre et mourir en dépit d’elle. Son existence se passa toute soit dans les guerres civiles, soit à une époque déjà grosse de guerres civiles ; et l’on peut dire de lui, comme de Socrate, qu’il vécut dans une patrie esclave, à moins qu’on ne prenne Pompée, César et Crassus, pour les hommes de la liberté. Personne ne vit changer Caton, quand la république changeait sans cesse : toujours le même dans toute situation, préteur ou repoussé de la préture, accusé ou chef de province, au forum, aux armées, à l’heure du trépas. Enfin, au milieu de toute cette république en détresse, quand d’un côté marchait César appuyé des dix plus braves légions, de tant d’étrangers ses auxiliaires, et quand de l’autre était Pompée, Caton seul suffit contre tous. Quand ceux-là penchaient pour César, ceux-ci pour Pompée, Caton lui seul forma un parti à la liberté. Embrasse dans tes souvenirs le tableau de ces temps, tu verras d’une part le petit peuple et tout ce vulgaire enthousiaste des choses nouvelles ; de l’autre, l’élite des Romains, l’ordre des chevaliers, tout ce qu’il y avait dans l’État de vénéré, de distingué ; et, délaissés au milieu de tous, la république et Caton. Ah ! sans doute, tu considéreras avec admiration

Agamemnon, Priam, et terrible à tous deux

Achille…[5];


car il les improuve tous deux, il les veut désarmer tous deux. Voici comme il juge au sujet de l’un et de l’autre : « Si César triomphe, je me condamne à mourir ; si c’est Pompée, je m’exile. » Qu’avait-il à craindre celui qui, défait ou vainqueur, s’infligeait les peines qu’on n’attend que du plus implacable ennemi ? Il mourut donc, selon son propre arrêt. Vois si l’homme peut supporter les travaux : il conduisit à pied son armée à travers les solitudes de l’Afrique ; s’il est possible d’endurer la soif : Caton, sur des collines arides, dépourvu de bagages, traînant après lui les débris de ses légions vaincues, souffrit la disette d’eau sans quitter sa cuirasse, et chaque fois que s’offrait l’occasion de boire, il but toujours le dernier102. Vois si l’on peut mépriser et les honneurs et les affronts : le jour même où on lui refuse la préture, il joue à la paume sur la place des comices. Vois si l’on peut ne pas trembler devant des puissances supérieures : il provoque à la fois César et Pompée, quand nul n’osait offenser l’un que pour gagner les bonnes grâces de l’autre. Vois si la mort peut se dédaigner aussi bien que l’exil : Caton s’imposa l’exil ou la mort, et pour prélude la guerre. Nous pouvons donc contre pareil sort avoir même courage : il ne faut que vouloir soustraire sa tête au joug. Or avant tout répudions les voluptés : elles énervent, elles efféminent, elles exigent trop de choses, et toutes ces choses, c’est à la Fortune qu’il les faut mendier. Ensuite méprisons les richesses, ce salaire de tant d’esclavages103. Renonçons à l’or, à l’argent, à tout cet éclat qui pèse sur les heureux du siècle : sans sacrifice point de liberté ; et qui tient la liberté pour beaucoup doit tenir pour bien peu tout le reste.


LETTRE CIV.

95. Au texte : Domini mei Gallionis. Domini, terme de respect : Gallio était son ainé.

96. Sénèque, Lettre Lxxviii, nous apprend que dans sa jeunesse l’excès de ses souffrances physiques l’avait porté au suicide, mais que la vieillesse d’un père qu’il chérissait l’avait retenu.

97. Voir Tranquill. de l’âme, ii ; Lettres ii, xxviii. Horace, Odes, I. II, 16 ; II, I, 37 ; Ép., l. I, ii.

Cet ennui que tu fuis est au fond de ton cœur,
Tu ne saurais le fuir qu’en te fuyant toi-même.
Change de lieu, si tu veux, tous les jours ;
Cours la terre et la mer dans ton chagrin extrême :
Ton ennui te suivra toujours.
En vain , pour excuser ton bizarre caprice ,
Tu veux injustement en accuser les lieux ;
Ton pauvre esprit a la jaunisse,
Et tout paraît jaune à tes yeux.
Le repos que tu te proposes
Ne s’acquiert point à force de courir.
Apprends, apprends à te souffrir :
On vient à bout par là de souffrir toutes choses.

(Desmarets de Saint-Sorlin.)

Le char léger du fat qui vole en un instant
De l’ennui qui le chasse à l’ennui qui l’attend.

( Delille, Jard., ch. ii.)

Rarement à courir le monde
On devient plus homme de bien. (J. B. Rousseau.)

100. « Qui touche de la poix en sera gâté , et qui se joint au superbe deviendra superbe. » (Eccles., xiii, v. 1.)

La mort, la pauvreté, l’obscurité que j’aime ,
Pour les ambitieux pire que la mort même ,
Ces maux, exagérés par une lâche erreur,
De leur masque effrayant vont perdre la terreur ;
Le sage, qui de loin redoutait leur menace,
Apprend à les braver s’il les regarde en face.

(Delille , Imagination.)

102. Trait cité aussi par Lucain , IX, 591. Ainsi firent David, Alexandre, Bonaparte en Égypte, etc.

103. Serviet æternum quia parvo nesciet uti. (Horace, I, Ép. x.)

  1. Énéide, III, 383.
  2. Voy. Lettre LXVIII.
  3. Énéid., IV, 277.
  4. Voy. Lettres XCVIII, CXVI. De la Colère. I, XII.
  5. Énéide, I, 458.