Lettres de Mme de La Fayette à Mme de Sablé

La bibliothèque libre.


Lettres à Mme de Sablé.
Madame de La Fayette

vers 1663 – 1665



Lettres de Mme de La Fayette à Mme de Sablé1.

I

Ce mardy au soir2.

Vous ne songez non plus à moy qu’aux gens de l’autre monde, et je songe plus à vous qu’à tous ceux de celui-cy. Il m’ennuie cruellement de ne vous point voir, j’ay esté quinse jours à la campagne3, c’est ce qui m’a empeschée d’aller un peu vous empescher de m’oublier. Si vous vouliez demain de moy, j’yrois disner avec vous, à condition qu’il n’y aura ny poulet, ny pigeon d’extraordinaire4. Si vous avez affaire demain, donnés-moi un autre jour.

II

Ce jeudy au soir5.

Voilà un billet que je vous suplie de vouloir lire, il vous instruira de ce que l’on demande de vous. Je n’ay rien à y adjouster, sinon que l’homme qu’il l’escrit6, est un des hommes du monde que j’ayme autant, et qu’ainsi, c’est une des plus grandes obligations que je vous puisse avoir que de luy accorder ce qu’il souhaitte pour son amy. Je viens d’arriver à Fresne, où j’ay esté deux jours en solitude avec madame du Plessis7 ; en ces deux jours-là, nous avons parlé de vous deux ou trois mille fois ; il est inutile de vous dire comment nous en avons parlé, vous le devinés aisement. Nous y avons leu les Maximes de M. de La Rochefoucauld8 : Ha Madame ! quelle corruption il faut avoir dans l’esprit et dans le cœur, pour estre capable d’imaginer tout cela ! J’en suis si espouvantée, que je vous asseure que si les plaisanteries estoient des choses sérieuses, de telles maximes gasteroient plus ses affaires que touts les potages qu’il mangea l’autre jour chez vous9.

III10

Vous me donneriés le plus grand chagrin du monde, si vous ne me montriés pas vos Maximes11. Madame du Plessis m’a donné une curiosité estrange de les voir ; et c’est justement parce qu’elles sont honnestes et raisonnables que j’en ay envie, et qu’elles me persuaderont que toutes les personnes de bon sens ne sont pas si persuadées de la corruption générale que l’est M. de La Rochefoucauld. Je vous rends mille et mille grâces de ce que vous avés faict pour ce gentilhomme12, je vous en irai encore remercier moy-mesme, et je me serviray toujours avec plaisir des prétextes que je trouveray pour avoir l’honneur de vous voir ; et si vous trouviés autant de plaisir avec moy que j’en trouve avec vous, je troublerois souvent vostre solitude.

IV13

Il y a une éternité que je ne vous ai veue, et si vous croyés, Madame, qu’il ne m’en ennuye point, vous me faittes une grande injustice. Je suis résolue à avoir l’honneur de vous voir quand vous seriés ensevelie dans le plus noir de vos chagrins ; je vous donne le choix de lundy ou de mardy, et de ces deux jours là, je vous laisse à choisir l’heure, despuis huit du matin jusques à sept du soir. Si vous me refusés après toutes ces offres là, vous vous souviendrés au moins que ce sera par une volonté très déterminée que vous n’aurés voulu me voir, et que ce ne sera pas ma faute14.

Ce dimanche au soir.

Ce mardy au soir.

De peur qu’il n’arrive quelque changement à la bonne humeur où vous estes, j’envoye vistement sçavoir si vous me voulés voir demain, j’yray chés vous incontinent, après disné, car je vous cherche seule ; et si vous envisagés des vissittes, remettés-moy à un autre jour : il est vrai qu’il faut que vous ayés de grands charmes ou que je ne sois guère sujette à m’offenser, puis que je vous cherche après tout ce que vous m’avés fait.

VI16

Ce mardy.

Vous devés me haïr de ne vous avoir pas escrit, dès hier au matin que Madame17 m’a commandé expressement de vous faire des compliments de sa part, et de vous dire que si elle ne fust point sortie si tard des Carmélites, elle auroit esté vous faire une vissitte. Je lui dis tout ce que vous m’aviés ordonné. Madame de Saint-Loup18 ne luy avoit point parlé de vostre grande lettre ny de vostre billet ; voilà, ce me semble, ce que vous m’aviés ordonné de sçavoir. Si vous me commandiés autre chose, vous verriés avec quelle exactitude je vous obéirois.

VII19

Je ne voulois rien que vous voir, Madame ; mais je me plains bien que vous ne me regardiés que comme une personne qu’il ne faut voir que dans la joye, et quy n’est pas capable d’entrer dans les sentiments que donne la perte d’une amie ; il s’en faut peu que je ne sois offencée contre vous, et je croys que je le serois si je ne sçavois qu’en l’estat où vous estes, il faut plustot vous plaindre que se plaindre de vous ; je vous asseure que je vous plains aussi autant que vous le devés estre, et que je comprends à quel point la perte de madame la comtesse de Maure vous est douloureuse20. Si vous revoyés cette personne, ayés la bonté de la faire souvenir de parler à l’autre ; il ne me paroist pas qu’on luy ait encore rien dit.

VIII21

Ce lundy au soir.

Je ne pus hier respondre à vostre billet, parce que j’avois du monde, et je croys que je n’y respondray pas aujourd’huy, parce que je le trouve trop obligeant. Je suis honteuse des louanges que vous me donnés, et d’un autre costé, j’ayme que vous ayés bonne opinion de moy, et je ne veux vous rien dire de contraire à ce que vous en pensés. Ainsi, je ne vous respondray qu’en vous disant que M. le comte de Saint-Paul22 sort de céans, et que nous avons parlé de vous une heure durant, comme vous sçavez que j’en sçay parler. Nous avons aussi parlé d’un homme que je prends toujours la liberté de mettre en comparaison avec vous pour l’agrément de l’esprit23. Je ne sçay si la comparaison vous offense ; mais quand elle vous offenseroit dans la bouche d’une autre, elle est une grande louange dans la mienne, si tout ce qu’on dit est vray. J’ay bien veu que M. le comte de Saint-Paul avoit ouy parler de ces dits-là, et j’y suis un peu entrée avec luy ; mais j’ay peur qu’il n’ait pris tout sérieusement ce que je luy en ay dit. Je vous conjure, la première fois que vous le verrés, de lui parler de vous-mesme de ces bruits-là. Cela viendra aisément à propos, car je lui ay donné les Maximes, il vous le dira sans doute ; mais je vous prie de luy en parler bien comme il faut, pour le mettre dans la teste que ce n’est autre chose qu’une plaisanterie24. Je ne suis pas assez asseurée de ce que vous en pensés pour respondre que vous dirés bien, et je pense qu’il faudroit commencer par persuader l’ambassadeur. Néanmoins, il faut s’en fier à vostre habileté ; elle est au-dessus des maximes ordinaires, mais enfin persuadés-le ; je hays comme la mort que les gens de son âge puissent croire que j’ay des galanteries25. Il me semble qu’on leur paroist cent ans dès que l’on est plus vielle qu’eux, et ils sont touts propres à s’estonner qu’il soit encore question des gens ; et de plus, il croiroit plus aisément ce qu’on luy diroit de M. de la R. F.26 que d’un autre. Enfin, je ne veux pas qu’il en pense rien, sinon qu’il est de mes amis, et je vous suplie de n’oublier non plus de luy oster de la teste, si tant est qui le l’eût, que j’ay oublié vostre message. Cela n’est pas généreux de vous faire souvenir d’un service en vous en demandant un autre.

 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  

Je ne veux pas oublier de vous dire que j’ay trouvé terriblement de l’esprit au comte de Saint-Paul.


1. Nous ne donnons pas ces lettres pour inédites, loin de là : nous prouverons en effet tout à l’heure qu’elles sont connues et ont été publiées bien avant l’époque où l’écrivain qui pensa les avoir découvertes commença leur réputation par quelques extraits qu’il en donna. Les originaux existent au département des Manuscrits de la bibliothèque impériale, dans un des quatorze portefeuilles que le docteur Valant, ami de madame de Sablé, avoit formés avec les lettres qu’elle lui laissoit recueillir parmi celles qu’on lui écrivoit chaque jour. Ces portefeuilles, auxquels la passion d’étude dont notre époque s’est prise à juste raison pour le XVIIe siècle a donné tant de prix, furent déposés par Valant à la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, d’où ils passèrent, pendant la Révolution, à la bibliothèque de la rue de Richelieu, où ils font partie du fonds appelé Résidu de Saint-Germain. Celui où se trouvent les huit lettres qui vont suivre porte le nº 4. Dès l’année 1821, un très-ardent dépisteur de manuscrits et d’autographes curieux, J. Delort, mit la main sur le précieux paquet et le publia tout, en y joignant un facsimilé, dans le tome I, p. 217–223, de son livre bizarre Mes Voyages aux environs de Paris. Personne ne seroit allé certainement les chercher dans ce coin, où, publiées, elles étoient moins en vue que, manuscrites et inédites, dans les portefeuilles de la bibliothèque impériale. C’est là que les retrouva M. Sainte-Beuve, pour qui, comme pour tout le monde, la découverte et la publication de Delort étoient non avenues. Plusieurs lettres de cette adorable paresseuse dont madame de Grignan disoit à sa mère : « Elle ne vous écriroit pas dix lignes en dix ans ; » dont madame de Sévigné écrivoit : « Elle est fatiguée de dire bonjour et bonsoir ; » et qui disoit elle-même : « C’est assez que d’être ! » Des lettres de madame de La Fayette ! quelle bonne fortune ! M. Sainte-Beuve se hâta donc de copier, et de publier, avec quelques extraits des autres, la plus longue et la plus importante dans son article sur madame de La Fayette (Portrait, 1842, in-18, p. 71–73). Il ne manqua pas de dire, ce qu’il croyoit sincèrement, que le tout étoit inédit. M. Gérusez le pensa de même, et, reproduisant dans sa notice de madame de La Fayette et au tome IV du Plutarque français, p. 304, note, la lettre donnée par M. Sainte-Beuve, il eut soin de lui faire honneur de la découverte. Depuis est venu M. V. Cousin, avec son livre sur madame de Sablé, où les lettres avoient leur place tout naturellement marquée d’avance. Les citations faites par M. Sainte-Beuve le gênèrent. S’il eût su que la découverte et la première publication étoient de Delort dès 1821, il eût été plus à l’aise et ne se fût pas privé de la principale lettre, qu’il évita de peur d’avoir l’air d’emprunter quelque chose à M. Sainte-Beuve. Il crut se dédommager en publiant quelques-unes de celles que le fin critique n’avoit pas complétement reproduites, ou qu’il avoit simplement effleurées. Il les donna comme inédites, bien que Delort les eût aussi publiées. Aujourd’hui nous donnons à notre tour tout le paquet. On y trouvera les lettres citées par M. Sainte-Beuve, celles aussi qu’a citées M. Cousin, et de plus celles que Delort seul a reproduites. Comme lui, nous les transcrirons toutes avec la véritable orthographe de madame de La Fayette, à laquelle MM. Sainte-Beuve et Cousin ont substitué la leur.

2. Cette lettre, dont nous ne savons pas la date, n’a été reproduite ni par M. Cousin ni par M. Sainte-Beuve.

3. Elle y alloit souvent passer ainsi des quinzaines, « pour être, dit madame de Sévigné, comme suspendue entre le ciel et la terre. » En 1672, c’est à Fleury-sous-Meudon qu’elle se retiroit, sans doute dans la maison qui, depuis, appartint à Panckoucke.

4. Chez madame de Sablé, même lorsqu’elle fut dans sa retraite voisine de Port-Royal, à Paris, la cuisine étoit des plus fines. « Elle tenoit école de friandise, » dit M. Cousin, qui le prouve par quelques extraits des lettres de La Rochefoucauld, un des gourmets de cette table, un des élèves de madame de Sablé en l’art de la marmelade et des confitures. Madame de Sablé, 2e édit, p. 105. — Il sera parlé tout à l’heure des potages que La Rochefoucauld mangeoit chez Mme de Sablé. D’Andilly avoit donné à la marquise la recette d’un des plus délicats. On la trouve dans ses lettres manuscrites, à la Bibliothèque impériale, sous ce titre : Pour faire une écuellée de panade. M. P. Paris, dans son édition de Tallemant, t. III, p. 122, a reproduit cet échantillon de la gourmandise à Port-Royal.

5. Cette lettre, des plus importantes, a, je ne sais comment, échappé à M. Cousin et à M. Sainte-Beuve.

6. C’est-à-dire qui l’écrit. Cette fois, madame de La Fayette n’avoit pas écrit elle-même, elle avoit dicté, à qui ? je ne sais, mais c’étoit assez souvent son habitude, et toute main alors lui étoit bonne.

7. Madame du Plessis-Guénégaud, chez laquelle madame de Sévigné, madame de La Fayette, Arnaud d’Andilly, etc., alloient souvent dans ce beau château de Fresnes, près de Meaux, illustré plus tard par Daguesseau. V. Lettre de Sévigné, 1er août 1667.

8. Elles étoient encore manuscrites. L’auteur les avoit communiquées à madame de Sablé, qui, à son tour, sans avoir l’air d’agir en son nom, les communiquoit à ceux ou à celles qui lui paraissoient le plus capables d’en juger. V. les Lettres de La Rochefoucauld dans l’édit. de ses Œuvres. Blaise, 1818, in-8º, p. 220 et suiv. « Mme de Sablé exigeoit, dit M. Cousin (p. 149), que l’on n’en tirât pas de copie et qu’on lui envoyât par écrit son opinion, puis elle montroit toutes ces lettres à La Rochefoucauld. » Que dut-il dire de celle-ci, où se trouve le jugement le plus violent qu’on ait certainement porté alors contre son livre, même dans le camp des femmes, dont les critiques sur ce point étoient pourtant unanimes, avec plus ou moins de vivacité dans la forme ? M. Cousin, se faisant fort d’une phrase qu’on trouvera vers le milieu de la lettre suivante, décide, contre Aimé Martin, que madame de La Fayette, loin d’approuver le système de La Rochefoucauld, lui étoit absolument contraire, et déclare que, par conséquent, les notes, presque toujours admiratives, qu’on trouve aux marges d’un exemplaire qui appartint à M. de Cayrol, ne peuvent avoir été écrites par elle. (Madame de Sablé, 2e édit., p. 174.) Si, après ce que dit l’éloquent écrivain, le doute pouvoit être encore permis, il tomberoit devant la lettre reproduite ici, et qu’il est si regrettable que MM. Sainte-Beuve et Cousin n’aient pas connue. C’est la meilleure de leurs armes qu’ils ont laissée échapper.

9. M. de La Rochefoucauld étoit en effet, nous l’avons dit, très-friand des potages de Mme de Sablé, et de ses ragoûts. Sans cela même, pas de maximes ! Il lui falloit un potage par paragraphe. « Voilà, lui écrit-il un jour en lui envoyant son manuscrit, voilà tout ce que j’ai de maximes ; mais, comme on ne fait rien pour rien, je vous demande un potage aux carottes, un ragoût de moutons, etc. » Ces potages gâtoient les affaires du moraliste, s’il faut en croire madame de La Fayette ; mais quelles affaires ? et près de qui ? Affaires d’amour et près d’elle-même. Nous verrons tout à l’heure que la liaison s’engageoit alors entre madame de La Fayette et La Rochefoucauld. En dépit des potages et des maximes, elle fut bientôt nouée. Les maximes même, qui pouvoient la rompre, y servirent par les occasions de discussions qu’elles amenèrent entre l’auteur et sa spirituelle adversaire, entre le corrompu à convertir et l’aimable prêcheuse : « C’est, dit fort bien M. Sainte-Beuve, c’est cette idée de corruption générale qu’elle s’attacha à combattre en M. de La Rochefoucauld, et qu’elle rectifia. Le désir d’éclairer et d’adoucir ce noble esprit fut sans doute un appât de raison et de bienfaisance pour elle, aux abords de la liaison étroite. »

10. Cette lettre a été publiée tout entière par M. Cousin, La Marquise de Sablé, 2e édit., p. 173. M. Sainte-Beuve, Portrait, 1842, in-18, p. 75, n’en a donné que la première moitié.

11. Comme celles de La Rochefoucauld, elles étoient manuscrites et parurent bien plus tard, quelques mois après la mort de madame de Sablé. En voici le titre : Maximes de madame la marquise de Sablé, et Pensées diverses de M. L. D. Paris, 1678, in-12.

12. Celui dont il est parlé dans la lettre précédente, à qui elle l’avoit dictée.

13. Ce billet a été donné par M. Cousin, p. 103, note.

14. La marquise se faisoit celer ainsi très-hermétiquement pour tout le monde. Ces jours-là, l’abbé de la Victoire l’appeloit, dit Tallemant, « feu madame la marquise de Sablé » (t. II, p. 329) ; et La Rochefoucauld lui écrivoit : « Je ne sais plus d’invention pour entrer chez vous, on m’y refuse la porte tous les jours.... »

15. Billet reproduit aussi par M. Cousin, p. 103, note.

16. Ce billet n’a pas été cité par M. Cousin.

17. Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans, dans l’intimité de laquelle madame de La Fayette vécut longtemps, et dont elle a écrit la vie.

18. C’étoit une demoiselle de La Rocheposay, qui avoit épousé le partisan Le Page, et qui s’étoit appelée madame de Saint-Loup, d’une terre achetée en son nom, par son mari, dans le Poitou. Elle étoit de la cour d’Henriette d’Angleterre, et fort galante. M. de Vardes fut son premier attachement, puis vint le tour de Candale. « Mais, dit un jour celui-ci à Saint-Évremont, qui nous l’a rapporté, elle avoit été aimée et avoit aimé, et, comme sa tendresse s’étoit épuisée dans ses premiers amours, elle n’avoit plus de passion véritable. Ses affaires n’étoient plus qu’un intérêt de galanterie, qu’elle conduisoit avec un grand art, d’autant plus qu’elle paroissoit naturelle, et faisoit passer la facilité de son esprit pour une naïveté de sentiment. » Saint-Évremont, Œuvres, 1806, in-8º, t. II, p. 309. — Elle finit par se convertir en de curieuses circonstances qu’a racontées Tallemant. Édit. P. Paris, t. III, p. 44, 141.

19. M. Sainte-Beuve et M. Cousin n’ont pas parlé de ce billet.

20. Anne Doni d’Attichy, comtesse de Maure, qui avoit longtemps été une des filles d’honneur de la reine-mère, étoit la plus intime amie de madame de Sablé, dans le voisinage de laquelle elle étoit venue loger au faubourg Saint-Jacques. Elle mourut à la fin d’avril 1663, date précieuse pour nous, puisqu’elle nous sert à préciser à peu près quelle peut être celle de ces billets, qui durent se suivre à un assez court intervalle, sauf, toutefois, celui qu’on va lire, et qui est sans doute de deux années plus tard.

21. C’est cette lettre que M. Sainte-Beuve trouve si curieuse, comme fixant l’époque où la liaison de M. de La Rochefoucauld et de madame de La Fayette dut s’engager, à bas bruit, avec ces demi-soins qui s’efforcent de tenir encore à l’écart l’indiscrétion et de dépister les clairvoyants.

22. Fils de madame de Longueville, né le 29 janvier 1649, à l’hôtel de ville, et qui avoit pour cela le nom de Paris dans ses prénoms. Il fut tué au passage du Rhin en 1672. À l’époque où fut écrite cette lettre, il ne pouvoit, d’après ce que dit de lui madame de La Fayette, avoir moins de seize ou dix-sept ans, ce qui nous amène à l’année 1665, date admise par M. Sainte-Beuve, et qui correspond à celle où furent publiées les Maximes.

23. On devine qu’il s’agit de La Rochefoucauld.

24. Madame de La Fayette tient à son idée sur le peu de sérieux des Maximes (V. le billet nº 2). Maintenant surtout qu’il y a pour elle intérêt de cœur à ce que M. de La Rochefoucauld ne puisse être accusé de sécheresse d’âme, elle cherche à faire croire et à se persuader que les Maximes, dont cette sécheresse railleuse et sceptique est le principal défaut, ne sont qu’une plaisanterie.

25. M. Sainte-Beuve a fort bien remarqué que ces mots charmants répondent exactement à cette pensée de la princesse de Clèves : « Madame de Clèves, qui étoit dans cet âge où l’on ne croit pas qu’une femme puisse être aimée quand elle a passé vingt-cinq ans, regardoit avec un extrême étonnement l’attachement que le roi avoit pour cette duchesse de Valentinoy. » Cette idée-là, dit M. Sainte-Beuve, « étoit, comme on voit, familière à madame de La Fayette. Elle craignoit surtout de paroître inspirer la passion à cet âge où d’autres l’affectent. Sa raison délicate devenoit une dernière pudeur. Elle n’avoit que trente-deux ans alors, La Rochefoucauld en avoit cinquante-deux. »

26. Elle n’ose plus écrire le nom tout entier. C’est une nuance infinitésimale qui n’a pas été conservée dans la transcription de M. Sainte-Beuve, ce qui nous étonne de sa rare délicatesse.