Lettres de la Vendée/I/15
LETTRE XV.
Tout est préjugé, mon amie, un
hôpital n’est point une si fâcheuse demeure.
Je suis soignée, arrangée, gâtée ; des bonnes sœurs s’occupent de la jeune femme du gendarme ; on
m’a fait un rempart avec des rideaux
blancs, on m’a apporté un grand fauteuil
pliant où je suis mieux que dans
un lit ; si je pouvois boire deux pintes
de bouillon et de caffé au lait, je les
aurois tous les matins ; les confitures
arrivent de toutes parts à mon malade ;
nous recevons des visites des bonnes
ames de la ville ; mon aventure chez la vieille loueuse de livres a fait du
bruit ; les dames me regardent avec
intérêt et admiration ; je crains seulement
qu’il n’apprenne toute cette
ridicule histoire. Sa blessure n’est pas
dangereuse, à ce qu’ils disent ; c’est
une balle dans le bras, mais qui n’a
pas pénétré bien avant ; il a peu de
fièvre, et l’on m’assure, qu’avant
quinze jours, il sortira sain ; ma
chère, c’est ce qu’il faut que tu souhaites à
ta pauvre amie de l’hôpital.