Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 33

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Chappitre XXXIIIe
D’une contesse qui chascun jour vouloit oïr III messes


Je vouldroye que vous eussiez bien retenu l’exemple d’une bonne contesse qui tous les jours vouloit ouïr trois messes. Si aloit en pelerinaige ; sy va cheoir l’un de ses chappelains d’un cheval à terre et se meshaigna si qu’il ne peut chanter. Sy fut la bonne dame à trop grant meschief de perdre l’une de ses messes. Si se complaignoit moult humblement à Dieu et devotement, et Dieux lui envoya un angele ou un saint en guise d’un prestre ; mais, quand il ot chanté et il fut desvestu, l’en ne sceut qu’il advint, pour serchier que l’en sceust faire. Sy pensa bien la bonne dame que Dieux le luy avoyt envoyé et l’en mercia moult humblement. Et pour ce a cy exemple comment Dieux pourvoit ceulx qui ont devocion et amour en son saint service et à luy, et je pense qu’il y ait pou de femmes aujourd’uy qui bien ne se passent a moins de trois messes ouir, et leur souffist bien d’une, tant ont petite amour et devocion en Dieu et en son service ; car ouir son service repute sa propre personne. Car qui l’aime et craint, il le vuelt souvent veoir et ouir sa sainte parole ; et aussy du contraire, qui n’y a bien le cuer s’en passe ligierement, comme plusieurs font aujourd’uy, qui ont plus le cuer au siècle et au delit de la char que à Dieu.