Lotus de la bonne loi/Chapitre 25

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Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 268-275).
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CHAPITRE XXV.

ANCIENNE MÉDITATION DU ROI ÇUBHAVYÛHA.

f. 234 b.Ensuite Bhagavat s’adressa ainsi à l’assemblée tout entière des Bôdhisattvas : Jadis, ô fils de famille, dans le temps passé, à une époque depuis laquelle se sont écoulés des Kalpas plus innombrables que ce qui est sans nombre, dans ce temps et à cette époque, parut dans le monde le bienheureux Tathâgata Djaladhara-gardjitaghôchasusvara-nakchatrarâdja-sam̃kusumitâbhi­djña, vénérable, doué de science et de conduite, dans le Kalpa Priyadarçana, dans l’univers Vâirôtchanaraçmi-pratimaṇḍita. Pendant que ce bienheureux Tathâgata enseignait, il existait un roi nommé Çubhavyûha ; ce roi, ô fils de famille, avait une femme nommée Vimaladattâ, et deux fils, l’un nommé Vimalagarbha, l’autre Vimalanêtra. Ces deux fils étaient doués d’une puissance surnaturelle, de sagesse, f. 235 a.de vertu, de science ; ils étaient appliqués à l’accomplissement des devoirs imposés aux Bôdhisattvas ; par exemple, à la perfection de l’aumône, à celle de la morale, à celle de la patience, à celle de l’énergie, à celle de la contemplation, à celle de la sagesse, à celle de l’habileté dans l’emploi des moyens ; ils étaient pleins de charité, de miséricorde, de contentement, d’indifférence ; ils avaient accompli d’une manière parfaite jusqu’aux trente-sept conditions qui constituent l’état de Bôdhi(235 a). Ils étaient arrivés au terme de la méditation Vimala (pure), de la méditation Nakchatratârârâdjâditya (le soleil roi des étoiles et des constellations), de la méditation Vimalanirbhâsa (la splendeur sans tache), de la méditation Vimalabhâsa (l’éclat sans tache), de la méditation Alam̃kârasûra (le soleil des ornements), de la méditation Mahâtêdjôgarbha (l’essence de la grande splendeur). Or, en ce temps-là et à cette époque, le bienheureux Tathâgata enseignait l’exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, par compassion pour les créatures et pour le roi Çubhavyûha. Alors les deux jeunes princes Vimalagarbha et Vimalanêtra, s’étant rendus au lieu où se trouvait leur mère, lui dirent, les mains réunies en signe de respect : Nous irons, chère mère, en la présence du bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, f. 235 b.vénérable, pour le voir, pour l’honorer, pour le servir. Pourquoi cela ? C’est que le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, explique d’une manière développée l’exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, en présence du monde formé de la réunion des hommes et des Dêvas ; nous irons entendre son enseignement. Cela dit, Vimaladattâ, la femme du roi, répondit ainsi à Vimalagarbha et à Vimalanêtra : Votre père, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha, est favorable aux Brâhmanes ; c’est pourquoi vous n’obtiendrez pas la permission d’aller voir le Tathâgata. Alors les deux jeunes princes Vimalagarbha et Vimalanêtra, réunissant leurs mains en signe de respect, parlèrent ainsi à leur mère : Nés dans une famille qui suit la fausse doctrine, nous sommes devenus les fils du Roi de la loi. Alors Vimaladattâ, la femme du roi, dit à ses deux enfants : Bien, bien, ô fils de famille ; par compassion pour le roi Çubhavyûha votre père, faites paraître quelque prodige, pour qu’il vous témoigne de la bienveillance, et que, par suite de ce sentiment, f. 236 a.il vous accorde la permission d’aller voir le bienheureux Tathâgata Djaladhara……bhidjña, vénérable.

Alors, ô fils de famille, les deux jeunes princes Vimalagarbha et Vimalanêtra, s’étant élevés en l’air à la hauteur de sept empans(236 a), par compassion pour le roi Çubhavyûha leur père, accomplirent les prodiges que le Buddha leur permit de faire. Tous deux suspendus en l’air, ils s’y assirent, ils y marchèrent, ils y soulevèrent de la poussière. Tantôt de la partie inférieure de leur corps s’échappait un courant d’eau, et de la partie supérieure s’élançait une masse de feu ; tantôt c’était de la partie supérieure que jaillissait l’eau et de la partie inférieure que sortait le feu. Tantôt ils grandissaient au milieu des airs, et devenaient ensuite comme des nains ; tantôt, après être devenus comme des nains, ils grandissaient tout à coup. Ils disparaissaient du milieu des airs, et s’étant plongés sous terre, ils s’élançaient de nouveau dans le ciel. Tels furent, ô fils de famille, les prodigieux effets de leur puissance surnaturelle, lesquels convertirent le roi Çubhavyûha leur père. Le roi, en effet, ayant vu les miracles opérés par ses deux fils, content, satisfait, ravi, l’esprit transporté, plein de joie, de satisfaction et de plaisir, f. 236 b.tenant ses mains jointes, parla ainsi à ses enfants : Quel est, ô fils de famille, votre maître, et de qui êtes-vous les disciples ? Alors les deux jeunes princes parlèrent ainsi au roi Çubhavyûha : Il y a, ô grand roi, il existe un bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable ; assis sur le trône de la loi, auprès d’un arbre Bôdhi fait de substances précieuses, il explique d’une manière développée l’exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, en présence du monde réuni aux Dêvas. Ce bienheureux est notre maître, et nous sommes, ô grand roi, ses disciples. Alors le roi Çubhavyûha dit aux deux jeunes princes : Nous verrons nous-mêmes, ô fils de famille, votre maître ; nous irons nous-mêmes en la présence du Bienheureux.

Ensuite, ô fils de famille, les deux jeunes princes étant descendus du haut des airs, se rendirent au lieu où se trouvait leur mère, et après avoir réuni leurs mains en signe de respect, ils lui parlèrent ainsi : Notre père vient d’être converti à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, nous avons rempli à son égard l’office de maîtres ; c’est pourquoi tu peux maintenant nous laisser aller ; nous irons, en présence du bienheureux Tathâgata, embrasser la vie religieuse. Ensuite les deux princes adressèrent à leur mère les deux stances suivantes :

f. 237 a.1. Daigne consentir, chère mère, à ce que nous entrions dans la vie religieuse en quittant la maison ; nous allons devenir religieux, car un Tathâgata est aussi difficile à rencontrer

2. Que le fruit de l’Udumbara(237 a) ; le Djina est même plus difficile à obtenir. Après avoir abandonné la maison, nous allons entrer dans la vie religieuse ; car le bonheur d’un moment n’est pas facile à rencontrer.

Aussitôt Vimaladattâ, femme du roi, reprit en ces termes :

3. Je vous laisse aller aujourd’hui, partez, mes enfants, c’est bien ; et nous aussi nous entrerons dans la vie religieuse ; car c’est un être difficile à rencontrer qu’un Tathâgata.

Ensuite les deux jeunes gens, après avoir prononcé les deux stances précédentes, s’adressèrent ainsi à leurs père et mère : Bien, chers père et mère, réunis avec vous, nous irons tous ensemble auprès du bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, pour voir ce Bienheureux, pour l’honorer, pour le servir et pour entendre la loi. Pourquoi cela ? C’est que c’est une chose difficile à rencontrer que la naissance d’un Buddha, aussi difficile à rencontrer que la fleur de l’Udumbara, que l’introduction du col d’une tortue(237 a 2) dans l’ouverture d’un joug formé par le grand océan. Elle est difficile à rencontrer, ô chers père et mère, l’apparition des bienheureux Buddhas. Aussi est-ce pour nous un mérite suprême d’être nés en ce monde au temps de la prédication d’un Buddha. Laissez-nous donc partir, chers père et mère ; nous irons embrasser la vie religieuse sous l’enseignement du bienheureux f. 237 b.Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable. Pourquoi cela ? C’est que c’est une chose difficile à obtenir que la vue d’un Tathâgata. C’est une chose difficile à rencontrer, au temps d’aujourd’hui, qu’un tel Roi de la loi, une chose extrêmement difficile à rencontrer qu’un être décoré de telles marques de perfection(237 b).

Or en ce temps-là, ô fils de famille, les femmes au nombre de quatre vingt-quatre mille, dont se composait le gynécée du roi Çubhavyûha, devinrent capables de recevoir l’exposition de la loi du Lotus de la bonne loi. Le jeune Vimalanêtra s’exerça sur cette exposition de la loi, et le jeune Vimalagarbha pratiqua, pendant plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas, la méditation Sarvasattvapâpadjahana (l’abandon du péché par la totalité des créatures), en disant : Comment faire pour que toutes les créatures renoncent à toute espèce de péchés ! La mère de ces deux jeunes princes, Vimaladattâ, femme du roi, acquit la connaissance de l’accord des discours de tous les Buddhas et l’intelligence des passages mystérieux de toutes leurs lois. Ensuite, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha fut converti par ses deux fils à la loi du Tathâgata ; il y fut introduit, mûri complètement avec la foule de tous ses serviteurs ; et la femme du roi, Vimaladattâ, avec la suite de tous ses gens, et les deux jeunes princes, fils du roi Çubhavyûha, avec quarante-deux millef. 238 a. êtres vivants, avec leurs gynécées et leurs ministres, réunis tous ensemble, s’étant rendus au lieu où se trouvait le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, après avoir adoré ses pieds en les touchant de leur tête, et avoir tourné sept fois autour de lui en le laissant à leur droite, se tinrent debout à l’écart.

Alors le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, voyant que le roi Çubhavyûha était arrivé avec sa suite, l’instruisit complètement, l’éclaira(238 a), l’excita et le remplit de joie par un entretien relatif à la loi. Alors, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha fut bien et complètement instruit, éclairé, excité et rempli de joie par l’entretien relatif à la loi qu’avait eu avec lui le bienheureux Tathâgata. En ce moment, content, ravi, l’âme transportée, plein de joie, de satisfaction et de plaisir, après avoir attaché sur la tête de son jeune frère la bandelette royale, et l’ayant établi roi, Çubhavyûha, suivi de ses fils et de ses gens, puis Vimaladattâ, la reine, également suivie de la troupe de toutes ses femmes, et ses deux fils avec quatre-vingt-quatre mille êtres vivants, réunis tous ensemble, pleins de foi dans l’enseignement f. 238 b.du bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, quittèrent leur maison pour entrer dans la vie religieuse ; et après qu’ils y furent entrés, le roi Çubhavyûha, avec la suite de ses gens, passa quatre-vingt-quatre mille années dans l’application, occupé à contempler, à méditer, à approfondir cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi. Ensuite le roi Çubhavyûha, parvenu au terme de ces quatre-vingt-quatre mille ans, acquit la méditation nommée la Série des ornements de toutes les qualités, et aussitôt qu’il eut acquis cette méditation, il s’éleva dans les airs à la hauteur de sept empans(238 b). Alors, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha, se tenant suspendu en l’air, parla ainsi au bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable.

Mes deux fils que voilà, ô Bhagavat, sont mes maîtres ; car c’est par les miracles, effets de leur puissance surnaturelle, que j’ai été détaché de cette grande foule de fausses doctrines, que j’ai été établi dans l’enseignement du Tathâgata, que j’ai été mûri et introduit dans cette loi et excité à voir et à honorer le Tathâgata. Ce sont de vertueux amis, ô Bhagavat, que ces deux jeunes gens qui sont nés f. 239 a.dans ma maison comme mes fils, c’est à-dire pour rappeler à mon souvenir l’ancienne racine de vertu qui était en moi.

Cela dit, le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, parla ainsi au roi Çubhavyûha : C’est, ô grand roi, comme tu le dis toi-même ; car pour les fils ou pour les filles de famille, ô grand roi, en qui se sont développées des racines de vertu, et qui sont nés dans les lieux où se sont accomplies la naissance et la mort d’un Bienheureux, il est facile d’obtenir des amis vertueux, qui remplissent à leur égard l’office de maîtres. Des amis vertueux sont des précepteurs, des introducteurs, des conducteurs qui mènent à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. C’est une noble position, ô grand roi, que l’acquisition d’amis vertueux, laquelle procure la vue d’un Tathâgata. Vois-tu, ô grand roi, ces deux jeunes gens ? Le roi répondit : Je les vois, ô Bhagavat ; je les vois, ô Sugata. Le Bienheureux reprit : Eh bien, ces deux fils de famille, ô grand roi, rendront un culte à des Tathâgatas bienheureux, vénérables, en nombre égal à celui des sables de soixante-cinq Ganges ; ils posséderont cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, par compassion pour les créatures livrées à de fausses doctrines, et pour faire naître, f. 239 b.dans les créatures livrées à l’erreur, un effort vers la bonne doctrine.

Alors, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha, étant descendu de l’atmosphère, réunissant ses mains en signe de respect, parla ainsi au bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable : Bien, bien, que le Tathâgata consente à m’enseigner de quelle science il faut que le Tathâgata soit doué, pour qu’on voie briller sur sa tête l’éminence qui la distingue, pour que le Bienheureux ait les yeux purs, pour que brille entre ses deux sourcils un cercle de poils dont l’éclat ressemble à la blancheur du disque de la lune, pour qu’une rangée de dents unies et serrées brille dans sa bouche, pour qu’il ait les lèvres comme le fruit de la plante Bimbâ et qu’il ait de beaux yeux. Ensuite, ô fils de famille, le roi Çubhavyûha ayant loué par cette énumération de ses qualités le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, etc., et l’ayant célébré en chantant cent mille myriades de kôṭis d’autres mérites qui le distinguaient, parla ainsi dans cette occasion au bienheureux Tathâgata : C’est une chose merveilleuse, ô Bienheureux, combien l’enseignement du Tathâgata produit de grands avantages ; de combien de qualités qui échappent à l’imagination, est douée la discipline de la loi, exposée par le Tathâgata ;f. 240 a. combien l’instruction donnée par le Tathâgata arrive heureusement à son but. À partir de ce jour, ô Bienheureux, nous n’obéirons plus en esclaves à notre esprit, nous n’obéirons plus en esclaves aux fausses doctrines, nous n’obéirons plus en esclaves à la production des pensées de péché. En possession ô Bienheureux, de telles conditions vertueuses, je ne désire plus quitter la présence du Bienheureux.

Après avoir salué, en les touchant de la tête, les pieds du bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, le roi, s’élançant dans le ciel, se tint debout. Ensuite le roi Çubhavyûha et sa femme Vimaladattâ jetèrent du haut des airs, sur le Bienheureux, un collier de perles de la valeur de cent mille [pièces d’or] ; et ce collier ne fut pas plutôt jeté, qu’un édifice élevé, fait de colliers de perles, s’arrêta au-dessus de la tête du Bienheureux, supporté sur quatre bases, ayant quatre colonnes, régulier, bien construit, beau à voir. Et au sommet de cet édifice parut un lit recouvert de plusieurs centaines de mille de pièces d’étoffes précieuses ; et sur ce lit se montra une forme de Tathâgata, ayant les jambes croisées et ramenées sous son corps. Alors cette réflexion vint à l’esprit du roi Çubhavyûha : Il faut que la science du Buddha ait une grande puissance, et que le Tathâgata soit doué de qualités qui échappent à la pensée, pour qu’au sommet de cet édifice ait apparu f. 240 b.cette forme de Tathâgata aimable, agréable à voir, douée de la perfection d’une beauté supérieure. Alors le bienheureux Tathâgata Djaladhara……abhidjña, vénérable, s’adressa ainsi aux quatre assemblées : Voyez-vous, ô Religieux, le roi Çubhavyûha se tenant suspendu en l’air et faisant entendre le rugissement du lion ? Les Religieux répondirent : Nous le voyons. Eh bien, reprit Bhagavat, le roi Çubhavyûha, ô Religieux, après être devenu Religieux sous mon enseignement, sera dans le monde le bienheureux Tathâgata Çâlêndrarâdja, vénérable, doué de science et de conduite. Il naîtra dans l’univers Vistîrṇavatî, et le Kalpa dans lequel il paraîtra portera le nom d’Abhyudgatarâdja. Ce bienheureux Tathâgata, vénérable, ô Religieux, aura une assemblée immense de Bôdhisattvas, une assemblée immense de Çrâvakas. L’univers Vistîrnavatî qu’il habitera, sera uni comme la paume de la main, et reposera sur un fonds de lapis-lazuli. C’est ainsi qu’il deviendra un Tathâgata, vénérable, tel que l’esprit ne peut l’imaginer. Pourrait-il, après cela, ô fils de famille,f. 241 a. rester encore en vous quelque incertitude, quelque perplexité, quelque doute ? Il ne faut pas vous imaginer que ce fut un autre [que Padmaçrî] qui en ce temps-là et à cette époque était le roi nommé Çubhavyûha. Pourquoi cela ? C’est que c’est le Bôdhisattva Padmaçrî qui dans ce temps-là et à cette époque était le roi Çubhavyûha. Pourrait-il après cela, ô fils de famille, rester encore en vous quelque incertitude, quelque perplexité ou quelque doute ? Il ne faut pas vous imaginer que ce fût un autre [que Vâirôtchana……dhvadja] qui en ce temps-là et à cette époque était Vimaladattâ, femme du roi Çubhavyûha. Pourquoi cela ? C’est que c’est le Bôdhisattva Mahâsattva nommé Vâirôtchana……dhvadja, qui dans ce temps-là et à cette époque était Vimaladattâ la femme du roi. C’est par compassion pour le roi Çubhavyûha et pour les créatures, qu’il avait pris le rôle de femme du roi Çubhavyûha. Pourrait-il, après cela, ô fils de famille, rester en vous quelque incertitude, quelque perplexité ou quelque doute ? Il ne faut pas vous imaginer que ce fussent deux autres hommes [que Bhâichadjyarâdja et Bhâichadjyasamudgata] qui dans ce temps-là et à cette époque étaient ces deux jeunes princes. Pourquoi cela ? C’est que c’étaient Bhâichadjyarâdja et Bhâichadjyasamudgata qui dans ce temps-là et à cette époque étaient les deux fils de Çubhavyûha. f. 241 b.C’est ainsi que les deux Bôdhisattvas Bhâichadjyarâdja et Bhâichadjyasamudgata, doués, ô fils de famille, de qualités qui échappent à l’imagination, et qui ont fait croître les racines de vertu qui étaient en eux, sous plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Buddhas ; c’est ainsi que ces deux hommes vertueux sont doués de mérites inconcevables. Ceux qui se rappelleront le nom de ces deux hommes vertueux, deviendront tous dignes de respect dans le monde réuni aux Dêvas.

Or, pendant que ce récit de l’ancienne méditation [du roi Çubhavyûha] était exposé, quatre-vingt-quatre fois cent mille êtres vivants acquirent, dans toutes les lois, la perfection de la vue de la loi pure et sans tache.


Notes du chapitre XXV

CHAPITRE XXV.

f. 235 a. Trente-sept conditions qui constituent l’état de Bôdhi.] Le texte ne nous apprend pas quelles sont ces trente-sept conditions que l’on nomme bôdhipakchika, c’est-à-dire, « qui sont du côté de la Bôdhi ; » je ne pourrais dire non plus si ce sont les trente-sept perfections, sattatim̃sa pâramiyô, dont parle un texte du Rasavâhinî publié par Spiegel[1] ; les trente-sept conditions jouent cependant un certain rôle dans l’histoire de la vie ascétique du Buddha Çâkyamuni, puisqu’elles sont rappelées par une légende de la vie de Çâkya dont Klaproth a inséré des fragments étendus dans les notes du Foe koue ki ; malheureusement Klaproth a rendu ce passage d’une manière peu intelligible, et il ne l’a fait suivre d’aucun éclaircissement[2]. Le nom qu’il donne à ces conditions de l’état de Bôdhi est exprimé ainsi : « les trente-sept classes de doctrine ; » ce sont certainement les Bôdhipakchika dharma de notre Lotus. Ces trente-sept conditions ne paraissent pas former une série continue ; elles se composent au contraire de sept catégories dont plusieurs reparaissent ailleurs, et notamment dans le Lalita vistara et dans le Vocabulaire pentaglotte. Les voici d’après la traduction de Klaproth qui aurait certainement besoin d’être revue : 1o les quatre stases d’idées du mens ; 2o les quatre interruptions du mens ; 3o les quatre suffisances spirituelles ; 4o les cinq racines ; 5o les cinq forces ; 6o les sept mens intelligents ; 7° les huit actions droites. On n’a pas de peine à reconnaître les quatre confiances dans les quatre suffisances spirituelles ; les cinq indriyâni du Vocabulaire pentaglotte dans les cinq racines, savoir : çraddhêndriya, « l’organe de la foi ; » vîryêndriya, « l’organe de la vigueur ; » smrĭtîndriya, « l’organe de la mémoire ; » samâdhîndriya, « l’organe de la méditation ; » pradjñêndriya, « l’organe de la sagesse[3]. » Les cinq forces sont également celles du Vocabulaire pentaglotte, c’est-à-dire, çraddhâbala, « la force de la foi, » et ainsi de suite comme pour les organes[4]. Les sept mens intelligents, comme dit Klaproth, sont les sept bôdhyag̃gas sur lesquels je me suis expliqué ailleurs[5]. Enfin les huit actions droites sont les huit voies de rectitude du Vocabulaire pentaglotte qui commencent par samyagdrĭchi, et qui sont « la vue droite, la volonté droite, la parole droite, l’action droite, la vie droite, l’application droite, la mémoire droite et la méditation droite[6]. » Quant aux deux premières catégories qui ouvrent cette série des trente-sept conditions de l’état de Bôdhi, il se peut qu’elles répondent aux sections xxv et xxvi du Vocabulaire. La première de ces sections a pour titre, selon la version d’A. Rémusat, « les quatre réflexions sur les trente-sept secours de la loi. » Mais les quatre termes dont elle est formée sont caractérisés par le mot upasthâna, l’action de se tenir dans, » comme il suit : kâyasmrĭtyupasthâna, « l’action de se tenir dans le souvenir du corps ; » vêdanâsmrĭtyapasthâna. « l’action de se tenir dans le souvenir de la sensation ; » tchittasmrĭtyupasthâna, « l’action de se tenir dans le souvenir de la pensée ; » dharmasmrĭtyupasthâna, « l’action de se tenir dans le souvenir de la loi. » Le terme exposant d’upasthâna est assez bien représenté par la stase de Klaproth. Je ne puis être aussi affirmatif en ce qui touche la section xxvi à laquelle A. Rémusat donne ce titre : « Les quatre efforts ou les quatre sortes d’application. » L’éditeur chinois y a fait dix articles de ce qui n’en doit former que quatre, par suite de la division arbitraire de quelques phrases ; c’est un point sur lequel j’aurai probablement occasion de revenir. Quant à présent, je suis très-porté à admettre que les « quatre interruptions du mens » de Klaproth, sont comprises dans la section xxvi du Vocabulaire pentaglotte.

f. 236 a.À la hauteur de sept empans.] Lisez « de sept Tâlas, » ou de sept palmiers.

f. 237 a.St. 2. Que le fruit de l’Udumbara.] Voyez sur cette figure destinée à exprimer la rareté de l’apparition d’un Buddha, la note du chap. II, f. 24 a, p. 352 et 353.

L’introduction du col d’une tortue, etc.] J’avoue que je ne comprends pas encore ce que cette figure veut dire ; voici les paroles mêmes du texte : mahârṇava yuga tchtchhidra kûrma grîvâ pravêçavat. C’est une de ces impossibilités comme il paraît que les Buddhistes aiment à s’en représenter, quand ils veulent parler de quelque chose d’absolument inexécutable. Ainsi, dans le Lalita vistara, on trouve cette autre impossibilité, lômnâtcha sâgaradjalañtcha samuddharêd yaḥ, « celui qui à l’aide d’un poil épuiserait l’eau de l’Océan[7]. »

f. 237 b.Décoré de telles marques de perfection.] J’ai traduit ainsi le lakchana sampat du manuscrit de la Société asiatique ; mais les deux manuscrits de M. Hodgson ont kchaṇa sampat, de sorte qu’avec cette leçon il faudrait traduire : « une chose extrêmement difficile à rencontrer que le bonheur d’un moment si favorable. » C’est là probablement la vraie leçon, car cette idée s’est déjà présentée dans la même circonstance, à la fin de la stance 2.

f. 238 a.L’instruisit complètement, l’éclaira, etc.] Le texte se sert ici d’une formule spéciale que voici : dharmakathayâ sam̃darçayati samâdâpayati samuttêdjayati sampraharchayati[8] ; à cette formule répond en pâli cette phrase que le Mahâpadhâna sutta met dans la bouche de Çâkyamuni : dhammiyâtcha kathâya sandassêmi samâdapêmi samuttêdjêmi sampal am̃sêmi[9].

f. 238 b.À la hauteur de sept empans.] Lisez, « à la hauteur de sept Tâlas. »


  1. Anecdota pâlica, p. 25.
  2. Foe koue ki, p. 286.
  3. Vocab. pentagl. sect. XXVIII.
  4. Ibid. sect. XXIX.
  5. Vocab. pentagl. sect. XXX, et Appendice, no XII.
  6. Vocab. pentagl. sect. XXXI.
  7. Lalita vistara, f. 175 b, man. A.
  8. Conf. Sahasôdgata avadâna, dans Dîvya avad. f. 154 b ; Svâgata avad. ibid. f. 89 b.
  9. Kûṭadanta sutta, dans Dîgka nikâya, f. 37 b ; Mahâpadhâna sutta, ibid. f. 75 b ; Mahâparinibbâna sutta, ibid. f. 84 b, 86 b, 89 a et 92 b.