Louÿs – Poésies/La forêt des Nymphes 12

La bibliothèque libre.
Slatkine reprints (p. 156).

TOMBEAU DE BAUDELAIRE



La tombe enfin l’exalte, et le vol des harpies
Tourne autour de sa main ténébreuse, où fleurit
Dans son papier sanglant le mortel manuscrit
Comme un autre cadavre habillé de charpies.

Sa Joie et sa Douleur le gardent, accroupies,
Et, les seins dans les mains devant lui qui sourit,
Se touchent, corps de pourpre et chair de son esprit,
Très précieux remords de ses jours très impies.

Mais lui, dieu de lui-même, unique, et sans aïeul,
Il songe à la beauté qui porte pour lui seul
Une flamme à son front ceint de verveine et d’ulve,

Succube qui descend dans le lac des péchés,
Et sous le voile noir de ses cheveux penchés
Parmi tous les iris cueille la sombre vulve.