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Louis Aubery, fondateur des Ecoles charitables de Moulins, 1682-1730

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LOUIS AUBERY
FONDATEUR
des
Écoles charitables de Moulins
1682-1730.
SA VIE. SON ŒUVRE. SON RÈGLEMENT DES ÉCOLES.
PAR
J.-J. MORET,
Licencié en théologie.
Curé-doyen de Saint-Menoux (Allier).
Séparateur
MOULINS
Imprimerie A. Ducroux & Gourjon Dulac
1893.

À mes premiers Maîtres

les Frères des Écoles chrétiennes

de Commentry,

Hommage reconnaissant.

DOCUMENTS UTILISÉS

Manuscrits.



1o Aux Archives départementales de l’Allier :

Règlement concernant la conduite et la direction des écoles charitables établies en la ville de Moulins, sous le tiltre et la protection du Saint Enfans Jésus (11 novembre 1711). Cahier grand in-8º de cinquante pages.
Dessain pour l’établissement des Ecoles publiques dans la paroisse de Saint-Laurens de la ville de Marseille (1705). Série D., Liasse 146.
Information de commodo et incommodo pour l’établissement des écoles charitables de Moulins. Noms des personnes notables favorables au dit établissement.
Ordonnance royale de Louis XIV qui autorise les dites écoles (Juin 1717).
Inventaire de tout ce qui s’est trouvé dans la maison des écoles charitables (15 Novembre 1728).
Contrat du 1er Janvier 1697, entre Louis Aubery et les sœurs de la Congrégation de la Croix. (Registre B. 746, fol. 385-387).

2o Aux Archives de la ville de Moulins :

Lettre de Louis Aubery aux maire et échevins de la ville de Moulins (16 février 1727). Liasse 103.
Acte de décès de Louis Aubery. (Paroisse de Saint-Pierre des Menestreaux (15 mai 1730). — Registre des décès, no  469.
Nomination du sieur Labanche, successeur de Louis Aubery. (Liasse 103).

3o Aux Archives de Mâcon :

Mémoire sur les écoles charitables de Moulins

4o À la Mairie d’Iseure :

Registres des paroisses Saint-Jean et Saint-Bonnet.

5o Dans nos Archives :

Estat ou histoire raisonnée de l’église d’Iseure, église et paroisse matrice de la ville de Moulins, capitale du Bourbonnois et de ses environs, et continuée jusqu’en l’année 1789.


Imprimés.
Société en faveur des pauvres-honteux, et non mandians, ou Mémoire instructif à l’usage des assemblées de charité de la paroisse de S. Pierre de Moulins, par M. Charles L’Hérondet, docteur en Sorbonne, curé de Moulins (1732).
Archives historiques du Bourbonnais (A. Vayssière) tome II. Armorial pour la généralité de Moulins (édit de Novembre 1696).
État de l’instruction primaire dans l’ancien diocèse d’Autun, pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, par M. Anatole de Charmasse, secrétaire de la société éduenne.
Le Bienheureux de la Salle, fondateur de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes, par Armand Ravelet.
Annales de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes (1679-1725).
Vie du vénérable J.-B. de la Salle, par un membre de cet Institut.
Écoles charitables de Moulins, par M. E. Bouchard, rapport de 8 pages lu au congrès de La Rochelle, le 25 août 1882.
Vie du vénérable J.-B de la Salle, par M. l’abbé Blain.
LOUIS AUBERY
FONDATEUR DES ÉCOLES CHARITABLES DE MOULINS
SA VIE, SES TRAVAUX, SES LUTTES
(1646-1730).

« Aujourdhuy seizième may mil sept cent trente, a esté inhumé, dans l’église Saint-Pierre, messire Louis Aubery[1], ancien vicaire de la dite église et directeur des écoles charitables de cette ville, agé d’environ quatre-vingt-quatre ans, décédé d’hyer, muni de tous ses sacrements[2] ».

Ces quatre lignes mentionnent bien sommairement le décès d’un homme, qui, pendant un demi siècle, s’employa tout entier, avec un dévouement que peut seule inspirer la religion, à la plus utile de toutes les œuvres, à l’instruction des enfants pauvres de la ville de Moulins, depuis 1680 jusqu’à 1730.

Tirer de l’oubli la mémoire de cet homme de bien, raconter ses luttes, ses sacrifices, ses travaux, et d’autre part, le succès toujours croissant de son œuvre et son triomphe, définitif, nous a paru un devoir, à une époque surtout où l’on ne cesse de dire que, jusqu’à nous, le peuple a grandi dans l’ignorance, et que notre régime actuel est le premier à lui avoir mis des livres entre les mains.

C’est une sotte calomnie qu’il faut absolument combattre, non par des phrases, mais par des faits. Nous ne contestons pas ce que l’on réalise, depuis quelques années, pour l’instruction primaire ; nous admettons même qu’il y a eu, de la part d’un grand nombre, le désir du bien, une certaine somme de dévouement ; mais nous voulons montrer aussi, que, bien longtemps avant que l’État songeât à l’instruction des enfants du peuple, l’Église, qu’on accuse aujourd’hui, s’en était occupée ; qu’elle avait ouvert des écoles, imaginé des méthodes, écrit des livres, dicté des règlements, établi des institutions, formé des maîtres et créé de toutes pièces cet enseignement populaire dont ses adversaires veulent aujourd’hui s’attribuer l’initiative et se réserver le monopole[3].

Nous en avons une preuve à Moulins même, dans cet humble vicaire de Saint-Pierre des Ménestreaux, dont nous allons parler, et que l’on pourrait justement comparer au Bienheureux de la Salle, son contemporain et son ami, parce qu’il reproduisit chez nous son zèle et ses vertus.

En l’an 1675, discrète et vénérable personne, messire Gaspard de Savignac, bachelier de Sorbonne, était curé de la paroisse d’Iseure « Saint-Pierre des Ménestreaux », la principale de la ville, qu’il administrait avec le concours de quatre vicaires.

L’un d’eux était Me Louis Aubery, prêtre très pieux, très austère, rempli de zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Le même souffle de grâce qui avait, en 1682, passé sur le Bienheureux de la Salle et l’avait déterminé à s’occuper de l’éducation des enfants pauvres, avait passé aussi sur l’abbé Aubery.

En cette même année, au moment où le Bienheureux de la Salle ouvrait sa maison aux maîtres d’école, l’abbé Aubery qui n’avait pas encore entendu parler de l’œuvre de Reims, recevait dans sa demeure des enfants pauvres et se mettait à leur faire la classe.

En 1686, l’abbé Aubery commençait à donner son bien aux pauvres et remettait sa maison au curé d’Iseure, à charge pour celui-ci d’y faire tenir les petites écoles. Or, c’était précisément l’année même où le Bienheureux de la Salle faisait un sacrifice du même ordre. Il y a là une analogie qui ne saurait échapper au regard de l’historien, et qui honore grandement notre compatriote[4].

C’est ainsi que du nord au midi, l’instruction des pauvres occupait alors les âmes saintes, et des établissements analogues prenaient partout naissance. La raison qui stimulait toutes les volontés était toujours la même.

« Les enfants d’honnête famille reçoivent l’instruction dans les maisons par leurs parents, dans les écoles par les maîtres qu’ils payent, et dans les colléges par les professeurs que la ville a fondés. Mais les pauvres ne pouvant avoir ces secours, demeurent dans une ignorance extrême de Dieu qu’ils sont obligés de connoître, d’aimer et de servir, s’ils veulent avoir part à son royaume[5] ».

Pour répondre à ce besoin, l’abbé Aubery commença à réunir chez lui tous les petits garçons pauvres que sa charité pouvait attirer, s’appliquant à leur enseigner non seulement les vérités de la foi, mais encore à lire, écrire, compter et chanter. Les enfants ne quittaient l’école qu’après l’époque de leur première communion et ils « estoient un sujet d’édification par leur retenue, leur modestie, et d’instruction pour leurs parents par la lecture de quelques bons livres ».

La transformation de ces pauvres enfants, jusque-là abandonnés, fut un grand sujet d’admiration dans la ville de Moulins, aussi les encouragements ne manquèrent point au zélé fondateur.

Le 8 mai 1698, Mgr Bertrand de Senault, évêque d’Autun, le nomme recteur perpétuel des écoles charitables de Moulins. C’était la plus haute approbation qu’il put recevoir. Deux ans après, en juillet 1700, « pour le bien et utilité publique », le maire et les échevins de Moulins accordent un morceau de terrain sur lequel se trouvait autrefois le mur d’enceinte de la ville, pour y élever de nouvelles constructions et agrandir la maison qu’il avait achetée, lui vicaire, de ses propres deniers, rue Corroirie, le 5 octobre 1686.

De généreux bienfaiteurs lui ouvrent leur bourse.

Ce sont : Dame Estiennette Chrétien, veuve de Messire Philippe Bardon, ancien trésorier de France à Moulins, — le bourgeois Pierre Compost, — Marguerite Vialet, veuve de Messire Charles Legendre, seigneur de Saint-Aubin, conseiller au grand conseil, — M. Claude de Vilhardin et sa femme, Elisabeth Harel, veuve de Jacques Girault, sieur de Changy, — M. Pierre Perrin, doyen des conseillers du présidial.

L’ère des difficultés allait commencer, ou pour mieux dire, l’œuvre des écoles charitables, comme toutes les œuvres qui ont pour but de sauver les âmes et de régénérer le monde, devait être marquée par la croix et passer par tous les genres d’épreuves.

« Ne pouvant suffire seul à cette tâche de recteur des écoles, Louis Aubery chercha des auxiliaires et n’en trouva point. Partout les maîtres faisaient défaut. Il s’associa deux jeunes ecclésiastiques, dont le zèle ne tarda pas à se lasser, et, en 1699, l’école, établie au prix de tant d’efforts, dut être fermée faute de maîtres.

L’abbé Aubery ne se découragea pas. Il profita de cette interruption pour réparer sa maison, l’agrandir et l’approprier au but auquel il la destinait ; puis, en 1701, il rouvrit son école et fit lui-même la classe. Cent cinquante enfants répondirent sur le champ à son appel : il continua ainsi pendant plusieurs années.

En 1709, il était allé à Paris pour tacher d’obtenir des lettres patentes en faveur de son école. Il descendit au séminaire de Saint-Sulpice, où il entendit parler du Bienheureux de la Salle, avec lequel il s’empressa d’entrer en rapports. Dieu mettait enfin devant lui l’homme et l’œuvre qu’il cherchait depuis vingt-sept ans. De retour à Moulins, il s’entoura de renseignements sur les écoles tenues par les Frères. On lui envoya de Marseille, entre autres, un rapport qui constatait les merveilleux résultats de leur enseignement. Depuis l’arrivée des Frères, en mars 1706, était-il dit dans ce rapport, l’école tenue par eux ne pouvait plus contenir absolument le grand nombre d’enfans qui se présentaient, et il estoit nécessaire d’avoir une seconde salle ». — Le 6 avril de la même année, les fondateurs des écoles charitables de Marseille réunis en assemblée générale, avaient fait mander le nouveau Directeur, le frère Albert de l’Enfant-Jésus, « pour le féliciter des progrès que les écoles fesoient sous luy par la grâce de Dieu, et pour l’exhorter et l’encourager de faire de mieux en mieux et de s’attacher principalement à eslever les enfans dans la crainte de Dieu, et de les instruire de tous les devoirs de chrétiens, ce que le dit Frère avait promis avec beaucoup de modestie, moyennant l’assistance du Seigneur »[6].

Louis Aubery écrivit alors au Bienheureux pour le prier de lui envoyer au moins deux Frères, ce qui fut fait.

Les Frères arrivèrent à Moulins en 1710 et commencèrent aussitôt leurs classes. Là, comme partout, le succès dépassa leurs espérances. Ils comptaient plus de trois cents enfants. Les locaux furent insuffisants, il fallut construire de nouveau. Pour presser les travaux, Louis Aubery et les deux Frères travaillaient comme des manœuvres, dans les intervalles que leur laissaient les écoles et leurs exercices de piété. Il employa à cet agrandissement des fonds de rentes qu’il avait sur les Etats de Bourgogne, dont M. l’abbé Languet, pour lors grand vicaire à Moulins, plus tard archevêque de Sens, lui procura le remboursement.

Ici se place un fait qui est tout à l’avantage des auxiliaires que Louis Aubry s’était choisis.

Le grand vicaire, dont nous venons de parler, Jean-Joseph Languet de Gergy, « official de l’évêque d’Autun au détroit de Moulins », avait remarqué, dans les principes de méthodologie des nouveaux maîtres, la facile et féconde application que l’on pouvait en faire aux catéchismes des paroisses.

Cette idée ne resta point stérile en son esprit. Ayant convoqué dans l’église de Saint-Pierre des Ménestraux, tous les jeunes clercs et les autres catéchistes de Moulins, il fit faire devant eux le catéchisme à tous les enfants réunis, par un des Frères des écoles charitables, qui, paraît-il, excellait dans cet enseignement. Cette leçon publique, qui fut renouvelée une autre fois, fut tellement goûtée que le vicaire général félicita publiquement le Frère, et enjoignit aux catéchistes d’apprendre sa méthode et de s’y conformer [7].

Cette méthode est exposée tout au long, au no 65 du réglement que nous donnons ci-après. Il y a, entre autres, ce principe essentiellement pratique : Le maître doit avoir un programme et le suivre, « afin de ne pas s’exposer à répéter toujours la même chose ; il s’appliquera à faire comprendre aux élèves, par jugement et par esprit, ce qu’il leur enseigne autrement ils n’apprennent les choses nécessaires au salut et les vérités de la religion que par mémoire, ce qui est la cause ordinaire qu’ils oublient facilement ce qu’ils ont appris ». Apprendre aux enfants, non pas des mots, mais des choses, en ne leur donnant que ce qu’ils peuvent comprendre et retenir, peu à la fois, suivant la portée de leur intelligence et l’ouverture de leur esprit, avec une exposition brève, simple, lumineuse, qui va du connu à l’inconnu, telle a été et telle sera toujours la meilleure méthode d’enseignement. Les Frères « ignorantins » l’avaient trouvée avant nos pédagogues modernes.

Malgré l’arrivée des Frères, l’abbé Aubery était resté le recteur de l’école. C’était lui qui continuait à la soutenir et à l’administrer ; c’était lui qui en dirigeait l’enseignement. En 1711, il rédigea un réglement qu’il est intéressant de comparer avec la conduite du Bienheureux de la Salle, sur laquelle il est en partie calqué, mais dont il s’écarte en quelques points. Il comprend 70 articles et a pour titre : « Réglement concernant la conduite et la direction des écoles charitables établies en la ville de Moulins, sous le tiltre et la protection du Saint-Enfans Jésus ». Il nous a paru si complet et si sagement combiné, que nous n’avons pas hésité à le publier dans son entier, dans la présente étude. Aujourd’hui, on s’occupe beaucoup de pédagogie ; on a écrit des volumes sur ce sujet. Or, de l’aveu des pédagogues eux-mêmes, « la meilleure pédagogie est celle qu’on se fait à soi-même, et non celle qu’on apprend dans les livres ». (Compayrė). — Combien la méditation qui commence chacune des journées du religieux, frère, jésuite ou mariste, etc., est de nature à lui inspirer les meilleurs procédés pour faire du bien aux enfants ! — « Le cœur est la meilleure des directions pédagogiques ». (Marion). — Or, quel maître aimera davantage les enfants, même les plus délaissés, que celui qui voit en eux Notre-Seigneur-Jésus-Christ lui-même ? — « Le tact, le sens avec le cœur, peuvent tenir lieu de toute la pédagogie ». — C’est ce qui fait encore la supériorité des éducateurs religieux. Ils ont du tact, la prospérité de leurs maisons le prouve assez ; et ils ont du cœur, c’est-à-dire la vraie charité, car ils aiment pour Dieu et avec Dieu, ils aiment en pères, et rien n’est plus sincère dans la bouche des enfants que ce nom de pères qu’ils donnent à leurs maîtres, car ceux-ci n’ont renoncé aux joies de la famille que pour mieux se donner à leurs « chers enfants », à leur famille adoptive.

On trouve dans le réglement de Louis Aubery pour les écoles charitables de Moulins, ces qualités maîtresses de tact, de bon sens et de cœur. L’enfant y est traité avec fermeté sans doute, mais avec beaucoup de respect et de bonté. Louis Aubery, ainsi que le Bienheureux de la Salle, s’était pénétré de cette affirmation de Jésus-Christ : « Si quelqu’un reçoit en mon nom un enfant tel que ceux-ci, c’est moi-même qu’il reçoit…[8] » Il voyait Notre-Seigneur dans la personne de ces pauvres petits, et cette pensée de la foi soutenait son zèle et rendait sa charité infatigable. De là, le 33e article de son réglement :

« Les maîtres doivent, sur toutes choses, concevoir et toujours conserver un grand zèle pour le salut et l’avancement de leurs écoliers, avoir une charité égale pour tous, souffrir avec douceur et patience leurs imperfections, éviter toutes aversions et inclinations particulières, ne leur disant aucune injure et ne leur parlant jamais avec colère, chagrin, ni mépris, évitant même de les tutoyer, regardant toujours Notre-Seigneur Jésus-Christ en la personne de ces pauvres. »

Le 12 novembre 1711, Jean-Joseph Languet, docteur en Sorbonne, vicaire général de l’évêque d’Autun et son official au détroit de Moulins, « étant d’ailleurs parfaitement informé des avantages que le public avait reçus et recevait chaque jour des dites écoles ; pour perfectionner, fixer et perpétuer une chose si saintement entreprise, et déjà si avancée pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, le saint nom de Dieu invoqué, ordonnait que lesdites écoles charitables seraient tenues et continuées à perpétuité, en la manière qu’elles se faisaient, pour l’utilité des pauvres et la gloire de Dieu ; approuvait à cet effet, les réglements contenant 70 articles ; établissait un bureau perpétuel pour maintenir leur observation, pourvoir au bon ordre desdites écoles et à la conservation des revenus destinés au paiement des maîtres, et désignait les membres de ce bureau, savoir : trois directeurs ecclésiastiques, les sieurs curés de Saint-Pierre et de Saint-Jean, nommés à vie, et Louis Aubery confirmé dans son titre de recteur perpétuel desdites écoles ; puis deux directeurs laïques, Me Estienne Baugy, seigneur de Rochefort, président-trésorier de France en la généralité de Moulins, et Me Sébastien Maquin, bourgeois dudit Moulins, y demeurant. » Ces deux laïques étaient nommés pour six ans et rééligibles.

Du côté de l’autorité ecclésiastique, l’œuvre des écoles charitables était en règle. Il ne lui manquait plus que les lettres patentes du roi. Nous avons dit qu’elles avaient été déjà sollicitées en 1709, lors du voyage à Paris de Louis Aubery. Elles furent enfin accordées, au mois de juin 1717, grâce à l’apostille chaleureuse de tous les fonctionnaires royaux et de toutes les personnes notables de la ville de Moulins, mais grâce surtout à l’intervention de l’abbé de Sept-Fonts, Dom Joseph Hargenvillers, qui se trouvait alors à Paris[9].

Les lettres patentes obtenues, c’était un grand pas de fait. Mais il fallait les faire enregistrer, et c’est alors que les difficultés surgirent de tous côtés. Les maire et échevins de la ville, les directeurs des hôpitaux, et jusqu’au curé qui avait succédé à M. Gaspard de Savignac, « semblaient s’être tous soulevés de concert contre cet établissement[10] »

Une enquête ou information de commodo et incommodo fut demandée et ordonnée par un arrêt de la cour. Dans cette enquête on recueillit 12 oppositions contre 21 dépositions favorables aux écoles.

Voici les noms des opposants avec leurs dires :

Brisson, prestre, ancien directeur, dit l’établissement nuisible aux hôpitaux.
De Loüan de Fontaviol, approuve à condition de modérer le pouvoir d’acquérir 3,000 livres de revenus.
Bezas, prestre chanoine, sortant d’être directeur, dit que l’établissement ne peut avoir que de mauvaises suites, en faisant des libertins. — L’expérience de près de 40 ans est une preuve toute contraire à Moulins et de tout temps ailleurs.
Beraud, fils d’autre Beraud cy-après nommé, formellement opposé à l’établissement, dit que les écoles causent du dérangement.
Beraud, père du susnommé, ancien directeur, dit que l’établissement des écoles, et cela en général, est préjudiciable à l’Etat et aux villes, la ruine des arts et métiers, la source des faussaires, des chicaneurs et des fripons.
Jean-Michel Perrotin, sieur des Moreaux, dit les écoles préjudiciables aux écoles et aux pauvres.
Renanger, prestre chanoine, dit l’établissement inutile et nuisible aux pauvres.
Jean Trochereau, advocat du Roy, approuve l’établissement et borne le temps qu’ils iront à l’école à l’âge de dix ans. — Il est à remarquer qu’on les renvoye aussitôt après leur première communion qui se fait de douze à treize ans.
Gabriel Griffet de la Baume, trésorier de France, approuve l’établissement : il s’en tient à ce qu’il a signé dans le certificat des notables.
Jean Ripoud, marchand de la ville de Moulins, ancien directeur, dit l’établissement inutile.
Soccard, trésorier de France : il n’a demeuré que quelques années à Moulins. Il dit l’établissement inutile, que la lecture et écriture sont nuisibles aux artisans.
Nicolas Tridon, conseiller du Roi, élu en l’élection de Moulins, ancien directeur. Il dit l’établissement inutile et préjudiciable aux artisans qui n’ont pas besoin d’autres instructions que de celles de messieurs leurs curés.

Les 21 qui approuvèrent l’établissement étaient :

Nicolas de Villaines, conseiller au présidial et trésorier de France, ancien directeur.
Cantat, notaire.
Michelet, doyen des procureurs, ancien directeur.
Antoine de la Chaise, conseiller au présidial, ancien directeur.
Thibaut.
Decamp, prestre, l’un des douze de Saint-Pierre.
Perret, ancien élu, ancien directeur.
Estienne Baugy, écuyer, seigneur de Rochefort, conseiller du Roy, président trésorier de France en la généralité de Moulins.
Derisseau, prestre, chanoine de Notre-Dame.
Charbon, prestre et chanoine.
François de Culant, écuyer, seigneur de Laugère, conseiller du Roy, président des trésoriers de France, ancien directeur des écoles.
Bigorne, prestre, docteur de Sorbonne.
Girault de Mimorin, maistre des eaux et forests.
Durand, docteur en médecine.
Labanche, prestre.
Pierre Chervain, conseiller du Roy et son procureur au grenier à sel de Moulins.
Jacques Hérault, écuyer, conseiller du Roy, lieutenant en la prévôté générale de Moulins, seigneur de Chantemillan
Jacques Vernin, conseiller du Roy, assesseur civil et criminel, ancien maire et ancien directeur.
Gaspard de Savignac, ancien curé.
Sébastien Charbonnier, docteur en médecine à Moulins.
Carré, commissaire de police.
Il y avait eu déjà, avant 1705, une pétition en faveur des écoles charitables de Louis Aubery, signée par les personnages les plus notables de la ville de Moulins.
Outre les noms déjà cités de François de Culant, Vernin, de Villaines, Baugy de Rochefort, Antoine de la Chaise, Girault de Mimorin, Jacques Hérault, Peret, Michelet, Cantat, Pierre Chervain et Carré, nous y relevons les noms suivants :
Nicolas du Buisson, écuyer, seigneur du Beyrat, conseiller du Roy, président au présidial de Moulins.
Bernard de Champfeu, écuyer, conseiller du Roy, ancien maire de la ville de Moulins.
Jacques Faverot de Neufville, écuyer, lieutenant de messieurs les maréchaux de France, à la sénéchaussée du Bourbonnois.
Jean-François Palierne, écuyer, sieur de l’Ecluse.
N., Palierne de la Brene, gentilhomme.
Sébastien Maquin, bourgeois, sieur de Panlou.
Michel, lieutenant à la châtellenie, directeur des écoles.
Fouchier, président à l’élection, directeur en charge.
L’Heureux, président au grenier à sel, directeur en charge.
Gilbert Alarose, procureur du Roy en la chambre du domaine de Bourbonnois.
Pierro Vilhardin, avocat au présidial de Moulins.
Pierre-François Bazin, notaire royal.
Gilbert Michel, procureur.
N., Perret, ancien échevin, maistre des pauvres, ancien directeur.
Henri Mégret, conseiller du Roy et son procureur en l’élection.
N., Gaulme, élu en l’élection de Moulins.
Nicolas Landois, procureur en la sénéchaussée et siège présidial de Moulins et concierge du château dudit Moulins.
Dugour, procureur de la sénéchaussée et siège présidial, et concierge au château de Moulins.
Amy, notaire royal.
Decamp,      id.
Guippon,     id.
Taillefer, marchand grossier, lieutenant de bourgeoisie.
Etienne, huissier.

« Enfin, est-il dit au bas de la pétition, on se lassa de faire signer tous ceux qui y auroient voulu signer ».

Parmi les personnages ci-dessus dénommés, dix-neuf avaient été directeurs des dites écoles. Leur témoignage valait bien celui des cinq directeurs qui figuraient sur la liste d’opposition.

L’Hôpital général de Moulins, qui avait d’abord consenti à la fondation, se ravisa. Il voulait absorber l’œuvre nouvelle, et, pour faire échouer le projet de l’abbé Aubery, il épuisa toutes les ressources de la chicane. Il entraîna dans son parti jusqu’à la ville elle-même, qui conclut à ce que l’abbé Aubery n’eût plus le droit de tenir une école. Le procès dura dix ans et coûta plus de mille livres. Enfin, l’abbé Aubery l’emporta. Les lettres patentes furent enregistrées au mois de mars 1728.

Louis Aubery était à Paris quand fut rendu l’arrêt du Parlement pour l’enregistrement des lettres patentes. Il écrivit aussitôt cette lettre qui est aux archives de la ville de Moulins :

V : J : en M :
(Vive Jésus en Marie !)
26 février 1727.

« Messieurs,

Dieu, par sa bonté pour votre ville, aïant fait qu’après dix ans de procédures, l’établissement des écoles charitables y ait été confirmé par arrest du Parlement, qui vient d’être rendu contradictoirement, et que, conjointement avec M. le curé de Saint-Pierre, vous êtes condamnés aux dépens, il me donne l’honneur de vous écrire pour savoir de vous, si, pour éviter la dépense de vingt pistoles qu’on dit que coûtera la taxe de ces dépens, vous les voulez païer à l’amiable, en les faisant taxer par les procureurs. J’attendray votre réponse sur cela, si vous jugez à propos de m’en faire part. Votre silence me les feroit taxer. J’ay l’honneur d’être, avec tout le respect possible en Notre-Seigneur,

Messieurs,

Votre très humble et très obéissant serviteur,
AUBERY.

A Paris, ce 16 février 1727. »

Malgré cette lettre si modérée, le maire et les échevins de la ville de Moulins ne voulurent pas s’exécuter. Condamnés le 18 juillet 1727 à payer à Louis Aubery la somme de 460 livres 4 sols 10 deniers, ils ne lui avaient encore rien donné trois ans après. Ce fut alors que Louis Aubery s’adressa à M. de Vanolles, intendant en la généralité de Moulins[11], pour être payé de cette somme, en faisant valoir « les dépenses immenses qu’on luy avoit causées pour faire juger une si mauvaise contestation ». L’intendant fit droit à cette demande le 20 mars 1730, et l’abbé Aubery fut enfin payé.

L’enregistrement des lettres patentes donna un nouvel essor aux écoles charitables. Jusqu’en 1728, il n’y avait eu que deux classes et trois frères. Les classes regorgeaient d’élèves, et les maîtres étaient accablés de besogne. Louis Aubery adressa une nouvelle requête au roi, pour être autorisé à acquérir « plus tôt une maison bâtie où il y auroit peu de réparations à faire, qu’un emplacement pour bâtir deux classes nouvelles ».

Ces deux classes devaient être placées « dans un lieu plus à portée du peuple, où les pères et mères suivroient des yeux leurs enfans pour prévenir et arrêter leur dissipation. L’ouverture de ces deux classes procureroit un avantage sensible à la ville, en ce que les artisans, pour la majeure partie étant extrêmement pauvres, étoient dans l’impuissance de faire instruire leurs enfans. Or, ces enfans étant privés d’une instruction suivie, quand même ils se perfectionneroient dans leur art, n’ont pas le même avantage que ceux qui savent lire et écrire : car ils ne peuvent pas tenir les mémoires nécessaires pour leurs ouvriers, non plus que les mémoires des ouvrages qu’ils délivrent, ce qui les met dans le cas d’avoir des contestations dont les suites sont toujours onéreuses, ou bien à perdre partie de ce qui leur est dû, ou bien, lorsqu’ils ont des prix faits et arrêtés, de ne pouvoir se dispenser de les passer devant notaires, ce qui diminue le bénéfice qu’ils peuvent faire de leur travail et de leur industrie.

De plus, lorsque les enfans ne sont pas assujettis de bonne heure à se rendre à l’école, et qu’ils sont hors d’état, par rapport à leur âge, de travailler avec leur père, ils se livrent bien plus facilement à la dissipation, et ont ensuite beaucoup plus de répugnance à s’accoutumer au travail[12] ».

On le voit, les enfants pauvres de Moulins avaient dans l’abbé Aubery un avocat toujours prêt à plaider leur cause.

Veut-on savoir maintenant le traitement qu’on faisait aux Frères qui étaient devenus les auxiliaires de Louis Aubery, pour le rude labeur qu’ils accomplissaient chaque jour, en instruisant près de 300 enfants ? Un document qui se trouve aux archives de Mâcon, va nous l’apprendre :

« Il y a eu plusieurs années, à Moulins, trois Frères à qui le bureau paioit 550 livres de pension. Il en mourut un, il y a plusieurs années, et depuis ce tems, ils ne sont plus que deux, qui ont ordinairement chacun 140 écoliers dans leur école. Elles se font gratuitement : un point des réglemens est de ne rien recevoir des enfans ni de leurs parens. Ils s’y conforment si exactement qu’ils se feroient scrupule de recevoir une poignée d’herbes pour mettre au pot, et ils sont obligés de tout acheter.

Ils n’ont cependant pour tous les deux que 400 livres de pension, sur quoi ils payent pour leurs habits, au procureur de l’institut, 30 livres par an. Il faut qu’ils s’entretiennent de souliers, de linge, de bois, de charbon et des ustensiles de leur petit ménage ; ils sont chargés de fournir les livres pour les deux écoles, d’entretenir les vitres, etc. Tout cela pris sur les 400 livres, il ne leur reste pas de quoi subsister, surtout depuis quelques années que les denrées ont été très chères, quoique la vie qu’ils mènent soit des plus frugales, pour ne pas dire des plus dures[13] ».

Plus heureux que le Bienheureux de la Salle, l’abbé Aubery avait pu voir le succès de ses efforts ; son école était reconnue légalement, son œuvre était assurée. Il avait alors quatre-vingt-deux ans. Sentant la mort venir, il voulut donner à ses chères écoles tout ce qui lui restait.

Le 7 octobre 1728, il fit donation : 1o d’une rente de six mille livres en principal sur l’Hôtel-de-Ville de Paris, produisant annuellement cent cinquante livres ; 2o d’une autre rente, sur le même Hôtel-de-Ville, de mille livres en principal, produisant par an vingt-cinq livres ; 3o d’une maison, rue Corroierie, joignant d’un côté les écoles et par derrière le cours d’Aquin.

Un mois après, le 15 novembre 1728, il léguait ses pauvres meubles et sa bibliothèque composée d’une centaine de volumes.

Il occupait deux chambres dans le bâtiment des écoles : une chambre à coucher, et un cabinet de travail où se trouvait sa bibliothèque. Dans la chambre à coucher, l’inventaire[14] relève les meubles suivants : « deux petits chenets avec une pelle et les tenailles, plus six grandes chaises de paille à la capucine, en bois tourné de couleur brune ; plus, un fauteuil à bras de la même qualité des dites chaises ; plus, une table de bois de chêne sur quatre pieds ; plus, une petite armoire de chêne à deux volets, ferrée, fermant à clef, qui sert à mettre les papiers des dites écoles ».

Présent à l’inventaire, l’abbé Aubery déclare « que le lit dans lequel il couche actuellement appartient, en quoi qu’il consiste, aux sœurs religieuses de la Croix, de cette dite ville, aussi bien que tout le linge qui est à son usage, comme lui ayant été prêté, et que ses habits appartiennent pareillement aux dites religieuses, aussi bien que les rideaux des fenêtres, et que le petit lit qui est dans le cabinet, qui est à la gauche en entrant dans la chambre, est aussi aux dites religieuses ».

Ainsi, le vénérable fondateur des écoles de Moulins, s’était dépouillé de tout, puisqu’il devait ses vêtements, son linge, son lit et jusqu’aux rideaux des fenêtres, à la charité des sœurs de la Croix.

Trois tableaux, dont un de saint Louis, son patron, ornaient sa chambre à coucher.

Dans son cabinet de travail, l’inventaire mentionne : « une petite table très ancienne, sur laquelle il y avait un crucifix, un écritoire ; plus une pendule avec sa caisse, plus une petite armoire de bois de noyer ferrée, très ancienne, à quatre volets ; plus les livres de la bibliothèque du dit sieur Aubery, ainsi qu’ils sont cy-après expliqués ». Nous en donnons la liste, parce qu’il peut être intéressant pour le lecteur, de connaître les ouvrages qui composaient la bibliothèque d’un saint prêtre, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

La sainte Bible et la Concordance. — Aurifodina universalis. — Les Œuvres de S. Bonaventure. — Guillelmi Parisiensis opera. — Sancti Optati opera. — Divini Dionysii Commentarium. — Petri Avendii CorireiNote de Wikisource de concordia Ecclesiarum. — Sancti Thomæ Aquinatis opera. — Divæ Hieronimi epistoli. — Breviarium Romanum. — La Morale chrétienne sur l’Oraison Dominicale. — L’Année pastorale. — La fréquente communion. — Les actes de l’Église de Milan. — L’ouvrage de Monsieur de Soissous. — Les cas de conscience de Sainte B. — Cabatius. — De signis prædestinationis. — Gelinetas atticæ (?) — Sacra institutio baptizandi. — Septem tubæ sacerdotales. — Réponse au libelle de Mgr l’évêque de… — La Pénitence publique. — Essais de sermons. — Considérations sur les Évangiles. — Avent du P. Tessier. — Le Pasteur apostolique. — La théologie morale de Grenoble. — Éclaircissement de la morale chrétienne. — Défense de la Pénitence. — Pratique de la Pénitence. — Histoire de la Bible. — Somme de saint Thomas. — Salien, de la Pénitence. — Idée du Sacerdoce. — Règle de la discipline ecclésiastique. — Ordonnance de Mgr de Reims. — Recueil de panégyriques, par Bourru. — Saint Cyran. — Notitia Conciliorum. — Breviaire romain. — Vie spirituelle. — Jésus-Christ enseignant les hommes. — Catéchisme d’Amiens. — Catéchisme de Paris. — Histoire de Paris. — Sommaire des décrets du Concile de Trente. — Prières de la journée. — Censures de Mgr d’Arras. — Théologie de Bonald. — Traité de la Comédie. — L’innocence opprimée. — Les épitres de saint Paul. — Règle de saint Augustin. — Imitation de Jésus-Christ. — Solitude intérieure. — Controverses familières, en parchemin. — Les messes paroissiales. — Enchiridion piarum meditationum. — Le devoir chrétien. — Traité des libertés de l’Église gallicane. — Défense des chrétiens contre les accusations des gentils. — Instructions de saint Charles. — Instruction chrétienne sur l’humilité. — Cours de la théologie morale. — Opera Tertuliani. — Div. Bernardi opera. — Huit petits livres et un Diurnal romain.

Après la sainte Bible, les œuvres de Tertulien, de saint Jérôme, de saint Bonaventure, de saint Thomas d’Aquin, de saint Bernard ; quelques traités de théologie alors en usage ; l’histoire des Conciles et les décrets du Concile de Trente ; quelques catéchismes ; mais surtout un grand nombre d’ouvrages ascétiques concernant la perfection et les vertus chrétiennes, l’humilité, la pénitence, la fréquente communion, la prière, voilà quels étaient les livres, et, après Dieu et les enfants, les amis du saint prêtre de Moulins. S’il est vrai de dire : on reconnaît l’homme à son style, on peut dire également : on reconnaît le prêtre à ses livres.

De l’inventaire qui fut fait des écoles charitables, le 15 novembre 1728, il résulte que tout ce qui s’y trouvait, y compris « deux petits lits garnis où couchaient les Frères desdites écoles, avec les autres meubles ou ustensiles dont ils se servaient, ainsi que les livres et les bans », venait de Louis Aubery et avait été cédé par lui au profit des écoles.

L’abbé Aubery vécut encore près de deux ans, achevant de se sanctifier par la prière, par le détachement des choses d’ici-bas et par son dévouement toujours acquis à toutes les œuvres de charité. Nous savons, par un contrat qu’il avait passé avec les sœurs de la Congrégation de la Croix, que son zèle rayonnait en dehors de ses écoles, non seulement à Moulins, mais jusque dans les villes voisines du diocèse d’Autun.

Dans ce contrat, qui est du 1er janvier 1697, il avait fait d’importantes donations aux sœurs de la Croix, « à condition qu’elles s’emploieraient, au lieu dit du Chambon-Coulombeaux, à Moulins, à donner à perpétuité les secours spirituels et temporels aux filles, femmes et veuves, et à soulager les pauvres malades, mesme les seigner, penser, médicamenter selon leurs besoins ; plus, qu’elles tiendraient pareillement une maison, pour y demeurer et y faire le mesme bien, à Bourbon-Lancy, au bas de la paroisse de Saint-Léger, et dans la ville de Souvigny, ainsi que dans les villes et bourgs considérables où elles seroient demandées. »

Dans la maison du Chambon-Coulombeaux, il avait fait faire « plusieurs constructions, augmentations et réparations, et mis plusieurs ustancilles, une appotiquairerie garnie de médicamens, vaisseaux, mortiers, presses et allemby, et autres choses pour servir, à son intention, au soulagement des malades[16] ».

On le voit, sa charité s’étendait à tous les besoins, à ceux du corps comme à ceux de l’âme, mais principalement en faveur de la classe ouvrière. Il trouvait toujours de quoi donner, parce qu’il se dépouillait lui-même avant d’intéresser les riches à ses œuvres charitables. Ceux-ci lui donnaient volontiers, car on ne sait rien refuser à celui qui se fait pauvre pour secourir les pauvres, nous en avons une preuve dans la vie de saint Vincent de Paul qui distribua en aumônes plusieurs millions.

Louis Aubery rendit son âme à Dieu le 15 mai 1730. Il avait quatre-vingt-quatre ans. Ami du peuple, il avait consacré cette longue vie et employé toute sa fortune au service des pauvres et à l’instruction des enfants, ne recherchant que leur amélioration et la gloire de son divin Maître.

La ville de Moulins prit part à ses funérailles et rendit hommage à ce bienfaiteur insigne. Mais le spectacle le plus touchant fut de voir les trois cents enfants de son école « marchant deux à deux, les mains jointes et le chapelet à la main, derrière la croix de la paroisse et la clochette de la charité, avec les deux frères précepteurs et les directeurs en exercice. »

L’œuvre essentiellement moralisatrice et chrétienne de l’abbé Aubery, solidement assise et sagement conduite, dura jusqu’à la tourmente révolutionnaire ; alors elle disparut comme le navire le mieux bâti disparaît au milieu de la tempête.

Dans des notes concernant les établissements religieux de Moulins en 1793, nous trouvons ces lignes :

« Il y avait encore à Moulins, sur la paroisse Saint-Pierre des Menestreaux, des maisons dites des Ecoles charitables, confiées à des frères dénommés frères ignorantins ». Ils faisaient beaucoup de bien par l’enseignement de la lecture et de l’écriture. La Révolution, par le même effet, les a dispersés et détruits »[17].

Le 15 juillet 1817, c’est-à-dire 24 ans après l’orage révolutionnaire, le conseil municipal de Moulins, voulant fonder dans la ville une école gratuite « en faveur des enfants dont les parents étaient peu fortunés », émit le vœu que la direction en fût confiée aux Frères des Ecoles chrétiennes. L’Institut manquait de sujets ; il fallut attendre quatre ans pour obtenir les trois Frères qu’on demandait.

Ce ne fut qu’au mois de mai 1821 que s’ouvrit, à Moulins, l’école gratuite dirigée par les Frères des Ecoles chrétiennes. L’œuvre de Louis Aubery était reprise, et l’âme du saint prêtre dut tressaillir au ciel d’une joie nouvelle.

Une deuxième école de Frères fut ouverte l’année suivante (1822) et ces deux écoles durèrent de 1822 à 1879, l’une située rue Saint-Jacques et l’autre rue du Bas-de-Bec. Elles donnèrent les meilleurs résultats à tous les points de vue.

Expulsés de ces deux écoles en 1879, uniquement parce que le cléricalisme est, paraît-il, le plus grand danger qui menace la France (la France des loges maçonniques, bien entendu), les Frères ouvrirent aussitôt, rue de l’Oiseau, une école libre, aux trais de la charité chrétienne. Ils y continuent, avec le même dévouement, l’œuvre commencée, il y a 200 ans, par le vicaire de Saint-Pierre des Menestreaux, Louis Aubery, et continuée avec lui, à partir de 1710, par les premiers compagnons du Bienheureux de la Salle.

Si l’on compte maintenant de 1710 à 1892, en exceptant la période de 28 ans pendant laquelle les Frères furent absents de Moulins, par suite de la Révolution, il y a donc cent cinquante-quatre ans que ces dévoués éducateurs du peuple, que le prince de Galles appelait, il y a quelques années, les premiers éducateurs du monde, donnent aux enfants de la classes ouvrière de Moulins, le double bienfait de l’instruction et de l’éducation. Cent cinquante-quatre ans de dévouement aux enfants du peuple, dans une même ville, cela donne bien droit de cité !

Il est temps de terminer notre travail et de conclure.

Par son œuvre admirable qui dura de l’an 1682 à l’an 1793, Louis Aubery a été l’un des hommes les plus méritants du Bourbonnais. Le faire connaître était un devoir de justice autant que de reconnaissance, à une époque où l’on tire de l’oubli les moindres célébrités. Telle a été la pensée qui a inspiré ce travail.

Nous ajouterons ce dernier mot. Puisqu’aujourd’hui l’instruction primaire est à l’ordre du jour, une municipalité intelligente et libre, vraiment acquise aux idées de justice et d’égalité, reconnaissant les services rendus au pays, d’où qu’ils viennent, s’honorerait grandement en érigeant sur une des places de Moulins, à celui qui, pendant un demi-siècle, instruisit gratuitement plusieurs milliers d’enfants pauvres, un monument avec cette inscription :

au fondateur des écoles charitables
LOUIS AUBERY
LA VILLE DE MOULINS RECONNAISSANTE
1682-1793.


L’ŒUVRE DE LOUIS AUBERY

SON IMPORTANCE.


Après les troubles religieux du xvie siècle et l’anarchie de la Ligue, il y avait en France un désir universel d’ordre et de règle. Sur bien des points, une restauration était nécessaire. Quoique l’instruction primaire fût loin d’être une chose nouvelle, elle manquait de règle, de surveillance et de soutien. Les enfants du peuple, dans les villes surtout, étaient généralement négligés. Leurs parents, pauvres ou peu soigneux de leur éducation, leur laissaient mener une vie vagabonde, libertine et toute pleine de vices. » [18] Dans une « remonstrance à MM. les abbez, doyens et chanoines du diocèse d’Autun, » il était dit :

« L’importance des écoles chrétiennes ne peut être ignorée que par ceux à qui la piété n’inspire aucun sentiment du bien public ; nous voyons, au contraire, que les personnes zélées pour le salut des âmes soupirent depuis longtems après un établissement si propre à procurer la gloire de Dieu.

Nous voyons tous les jours, dans les rues, des fainéans et des vagabons qui ne sachant que boire et manger, et mettre au monde des misérables, produisent cette fourmilière de gueux qui nous accablent ; ces pères des pauvres enfans ayant été mal élevés, et souvent dans une vie libertine, cherchent les moyens de vivre avec leur enfans sans se soucier de leur apprendre à bien vivre et de les instruire des devoirs du christianisme.

Ainsi ces jeunes gens mal élevés tombent dans la fainéantise, source de l’impureté, de l’ivrognerie, des larcins, du libertinage et de toutes sortes de maux. De là naît la difficulté de trouver des serviteurs fidels et de bons ouvriers : car ceux qui manquent à leurs devoirs envers Dieu s’acquittent mal de leurs devoirs envers leurs maîtres.

« Les écoles chrétiennes finiroient ces désordres : on éleveroit ces jeunes plantes dans une juste crainte des jugemens de Dieu, on leur inspireroit une fidèle obéissance à leurs maîtres ; on leur feroit connaître les suites funestes de la fainéantise, la nécessité du travail pour subsister… En leur apprenant à lire, à écrire, à chiffrer et à chanter, on les rendrait capables de se perfectionner dans tous les arts. On verrait par là diminuer le nombre des pauvres fainéans et libertins. »

On éprouvait partout le besoin d’avoir des écoles charitables pour les enfants du peuple, et l’on cherchait des maîtres pour les tenir.

C’était le problème de l’enseignement gratuit qui se posait déjà, mais avec un plus grand besoin qu’aujourd’hui. Il fut résolu sans contrainte, par le seul effort de la charité, grâce aux sentiments de dévouement d’un côté, de respect de l’autre, qui unissaient alors les pauvres et les riches. La religion qui avait fortement pénétré dans les esprits, entretenait entre ces deux classes une bienveillance mutuelle qui profitait au bien de tous. Les pieux laïques des XVIIe et XVIIIe siècles qui mettaient tout leur temps, tous leurs biens, au service de la religion, étaient moins rares qu’aujourd’hui, et le peuple, en s’adressant à eux dans ses besoins, était toujours assuré de se voir secouru. Nous en avons un touchant exemple dans la lettre suivante adressée, en 1705, par les « pauvres de Dijon » aux notables de cette ville, pour obtenir la fondation d’écoles charitables. Ce document mérite d’être cité en entier :

« Vous savez, Messieurs, combien cette ville est remplie de pauvres et dépourvue de personnes zélées pour veiller à l’instruction et à la bonne éducation de nos enfants : ce qui est cependant, comme chacun en convient, l’œuvre la plus nécessaire, tant pour le public que pour les particuliers. C’est ce qui nous fait recourir avec une grande confiance à votre charité que nous supplions humblement de vouloir seconder les desseins de la Providence qui vous fournit une occasion favorable d’élever nos enfants chrétiennement et de procurer leur salut.

Vous êtes, Messieurs, notre ressource et notre appui dans le grand bien qu’on veut nous procurer à perpétuité, mais qui va tomber, si vos mains charitables ne le soutiennent. Nous attendons cette grâce de votre solide religion et de votre ardente charité ; notre espérance est d’autant mieux fondée que nous avons l’honneur d’être unis à vous par une même foi, d’être vos compatriotes, vos voisins, de voir nos pauvres domiciles unis aux vôtres. Nous sommes tous, pour ainsi dire, enfants d’une même mère, la sainte Eglise, les brebis d’un même troupeau, les disciples d’un même maître, Jésus-Christ, notre même Pasteur ; nous participons tous au même pain paroissial, à la même parole de Dieu, aux mêmes saints offices, aux mêmes sacrements, à la même table du Seigneur, à la même Pâque, et nous espérons nous voir tous un jour réunis dans l’héritage de notre commun Père céleste, peut-être à cause de ce saint établissement. Enfin, nous sommes, pour ainsi dire, les sentinelles et les gardes de vos maisons, pour la défense desquelles nous sommes prêts à sacrifier nos vies.

Que tous ces motifs vous engagent donc, Messieurs, à ne point nous abandonner dans une occasion si importante. De notre part, nous osons vous assurer, Messieurs, que nous allons tous redoubler nos prières et nos vaux pour demander au Seigneur qu’il vous comble, vous et vos familles, de toutes sortes de bénédictions spirituelles et temporelles, et qu’il prolonge des jours auxquels sont attachés à perpétuité la gloire de Dieu, le retranchement de l’ignorance, de la fainéantise et de tant d’autres vices de la jeunesse, l’emploi de son temps, la paix et la tranquillité des parents dans la maison, et du public dans les églises et dans les rues, l’entretien de ces Frères dont la vie est si régulière et si utile au public, le salut de tant de pauvres familles qui n’ont pas de quoi payer des mois aux maîtres d’école et qui emploieraient plus volontiers leur argent à payer leur taille ou à d’autres besoins de leurs maisons, enfin l’instruction et l’éducation de tant de pauvres enfants, pour ainsi dire abandonnés, et l’édification générale de toute la ville. Heureux, si, par ces mar- ques sincères de notre juste reconnaissance, nous pouvons vous témoigner avec quel respect et quelle soumission nous avons l’honneur d’être,

Messieurs,

Vos très humbles, très soumis et très obéissants serviteurs,

Les pauvres de Dijon. »

Le concours demandé fut accordé, on donna tout l’argent qu’il fallait, et les écoles de Dijon furent fondées. C’était en 1705.

À Moulins, nous l’avons dit, ce fut un humble prêtre, Louis Aubery, simple vicaire à la paroisse Saint-Pierre des Ménestreaux, qui prit en main les intérêts des enfants pauvres de la ville. « Touché de l’ignorance et du libertinage du menu peuple, après avoir reconnu qu’elle procédoit du défaut d’éducation et d’instruction dans leur enfance, qu’ils passoient dans l’oisiveté, qui est la mère de tous les vices, » il fonda à Moulins des écoles charitables où l’on instruisait gratuitement les enfants pauvres des faubourgs. Il réussit pleinement, car ses écoles comptèrent bientôt plus de trois cents élèves. Lui-même ne descendit dans la tombe, qu’après avoir travaillé pendant un demi siècle, de 1682 à 1730, à cette œuvre de premier ordre !

Pour ces écoles chrétiennes, spécialement destinées aux enfants du peuple, il fallait des maîtres d’un zèle et d’un dévouement absolus, qui travailleraient non pas pour le salaire, mais pour Dieu, pour les âmes, pour donner à la France une génération honnête, suffisamment éclairée, bien instruite de tous ses devoirs, foncièrement bonne.

Le Bienheureux de la Salle répondit à ce besoin, en établissant, avec une opportunité dont l’Eglise a le secret, l’institut des Frères des Ecoles chrétiennes. Pour élever ces instituteurs d’un nouveau genre, à la somme de dévouement qu’il voulait d’eux, il les jeta dans le moule de la perfection évangélique. Il leur demanda de renoncer à leur nom, à leur famille, à leur fortune, à leur volonté même, pour se donner plus complètement à l’enfance. Lui-même leur en donna l’exemple en quittant les honneurs du monde, où sa naissance et ses talents l’appelaient, pour entrer dans l’Eglise. Dans l’Eglise même, il renonça aux dignités qui s’offraient à lui, pour y choisir cette profession dédaignée. Tout d’abord chanoine de Reims, il devint maître d’école et se fit le chef de cette famille qui compte actuellement d’innombrables enfants, et qui a donné des écoles non seulement à la France, mais au monde entier ! »[19]

À cette même époque, Louis Aubery cherchait des auxiliaires pour ses écoles charitables. Ayant entendu parler des Frères du « vertueux prestre M. de la Salle, » il voulut avoir des renseignements sur les écoles qui venaient de leur être confiées. Il écrivit à plusieurs endroits, notamment à Marseille d’où il reçut un rapport qui constatait les merveilleux résultats de leur enseignement. À ce rapport était annexé « le règlement journalier des Frères des Ecoles chrétiennes, avec la manière dont ils devaient se comporter dans l’école. » Ce document qui est aux Archives départementales de l’Allier, avec une note de Louis Aubery, est d’un grand intérêt. Nous le donnons intégralement, car il est à propos de faire connaître quelle était et quelle est encore la vie austère de ces hommes qu’une presse sans vergogne, aussi injuste que sotte dans ses attaques, persiste à salir et à ridiculiser.

I. Règlement journalier des Frères des Écoles chrétiennes.

On se lèvera en tout temps à 4 heures 1/2. Les Frères auront un quart d’heure pour s’habiller et mettre leur lit en état.

A 4 h 3/4, les Frères se rendront dans la chambre des exercices, où chacun lira en particulier dans l’Imitation de Jésus-Christ, pendant le temps qui luy restera.

A 5 heures, on fera un petit quart d’heure de prières vocales, et, en suitte, oraison jusqu’à 6 heures.

Depuis 6 heures jusqu’à 7 heures 1/4, les Frères assisteront à la saincte Messe, et s’exerceront à l’escriture pour s’y perfectionner selon qu’il sera réglé par le Frère Directeur, et selon l’ordre qu’il en aura reçu du Supérieur de l’Institut.

A 7 heures 1/4. les Frères desjeuneront dans le réfectoire, et pendant ce temps, on fera lecture dans un livre d’instruction.

Après le déjeuner, tous iront dans l’oratoire où ils réciteront les litanies du saint Enfant Jésus, pour se disposer à aller aux écoles et demander à Nostre-Seigneur Enfant son esprit, afin de le pouvoir communiquer aux enfans dont ils ont la conduite.

Après les litanies du saint Enfant Jésus, les Frères qui feront l’école dans la maison diront à genoux les trois premières dixaines du chapelet. Ceux qui tiendront les écoles deshors sortiront pour y aller, et diront le chapelet en allant et en revenant, tant le matin qu’après midy.

Les écoles commenceront à 8 heures et ne finiront qu’à 14 heures, y compris le tems de la saincte Messe et de la prière, après laquelle on renvoyera les écoliers deux à deux, esloigniés les uns des autres de la longueur d’une pique.

A 11 heures 1/2, on fera l’examen particulier, après lequel on fera l’accusation des deffauts, et puis on dinera.

Pendant le diner, on fera lecture : 1o du Nouveau Testament, des Evangiles ou des Actes des Apostres, et on lira ces livres de suitte l’un après l’autre ; 2o de la vie d’un saint en abrégé ; 3o d’un livre de piété. Et sur la fin, on lira quelques lignes du livre de l’Imitation de Jesus-Christ jusqu’au quatrième livre qu’on ne lira pas.

Après le disner, tous feront ensemble récréation jusqu’à 1 heure.

A 1 heure, les Frères s’assembleront dans l’oratoire pour réciter les litanies de saint Joseph, patron de la communauté, afin de demander son esprit et son assistance pour l’éducation chrestienne des enfans.

En suitte, les Frères qui font l’école dans la maison, diront à genoux les trois dernières dizaines du chapelet, et ceux qui font les écoles dehors sortiront pour y aller comme le matin.

Les écoles commenceront après midy, à 1 heure et demy, et finiront à quatre heures.

A 4 heures, les Frères feront le catéchisme jusque à 4 heures 1/2.

A 4h 1/2, ils feront réciter aux écoliers posément et distinctement la prière du soir, après laquelle on chantera au plus six versets de cantiques, et puis on renvoyera les écoliers.

Les Frères étant de retour de l’école iront dans l’oratoire, où ils feront un petit examen des fautes qu’ils pourront avoir commises dans l’école, et de toute leur conduite pendant le jour.

A l’avertissement de 5 heures 1/2, on sonnera la lecture spirituelle que tous les Frères feront en particulier, dans la chambre des exercices, pour se disposer à l’oraison, et ils la commenceront par la lecture d’une demye page du Nouveau Testament, à genoux.

A l’avertissement de six heures, on sonnera l’oraison qui se fera jusque à 6 heures 1/2.

A 6 heures 1/2, on fera l’accusation et puis on soupera.

Pendant le souper, on fera la lecture : 1o du Nouveau Testament et des Epistres des Apostres ou de l’Apocalipse, de suitte l’un après l’autre ; 2o d’un chapitre de l’histoire de la sainte Bible ; 3o d’un livre de piété, et sur la fin, de quelques lignes de l’Imitation de Jésus-Christ.

Après le souper, tous ensemble feront récréation jusqu’à 8 heures.

A huit heures, les Frères se rendront dans la chambre des exercices où ils étudieront le catéchisme.

A 8 heures 1/2, on fera dans l’oratoire la prière du soir, à la fin de laquelle on lira le sujet d’oraison pour le lendemain.

A 9 heures, on sonnera la retraite et alors tous se retireront dans le dortoir et se coucheront à 9 heures 1/4.

II. De la manière dont les Frères doivent se comporter dans l’école.

Les Frères enseigneront tous leurs écoliers selon la méthode qui leur est prescrite et qui est universellement pratiquée par l’Institut, et ils n’y changeront et n’y introduiront rien de nouveau.

Ils apprendront à lire aux écoliers, le françois, le latin, les lettres écrites à la main, et à écrire ; ils leur apprendront aussi l’orthographe et l’arithmétique.

Ils mettront cependant leur premier et principal soin à apprendre à leurs écoliers les prières du matin et du soir, les réponces de la saincte Messe, le catéchisme, les devoirs du chrétien et les maximes et pratiques que Nostre-Seigneur nous a laissées dans le saint Evangile. Ils feront pour ce sujet, tous les jours, le catéchisme pendant une demie heure, et les dimanches et festes pendant une heure et demie.

Les jours d’école, les Frères conduiront les écoliers à la saincte Messe à l’église la plus proche, et à l’heure la plus commode, à moins qu’à quelques endroits cela n’ait esté jugé complètement impossible par le Supérieur de l’Institut, ce qu’il fera en sorte qu’il n’arrive pas, si ce n’est pour très peu de tems.

Ils ne recevront ny retiendront aucun écolier dans l’école, qu’il n’assiste au catéchisme, aussi bien les dimanches et les festes, que les autres jours auxquels on tiendra l’école.

Les Frères tiendront partout les écoles gratuitement ; et cela est essentiel à leur Institut.

Ils ne recevront ny des écoliers, ny de leurs parens, ny argent, ny présent, quelque petit qu’il soit, non pas mesme une épingle, en quelque jour ou en quelque occasion que ce soit.

Il ne leur sera pas permis de rien recevoir ou retenir de ce que les écoliers auront en main, excepté les livres méchants ou suspects qu’ils porteront au supérieur, pour les examiner ou les faire examiner.

Ils aymeront tendrement tous leurs écoliers ; ils ne se familiariseront cependant avec aucun d’eux, et ne leur donneront jamais rien par amitié, mais seulement par récompense.

Ils témoigneront une égale affection pour tous leurs écoliers, surtout pour ne rien faire paroistre qui ressente la légèreté ou la passion.

Ils s’estudieront à donner à tous leurs écoliers, par tout leur extérieur et par toute leur conduite, un exemple continuel de la modestie et de toutes les autres vertus qu’ils leur doivent enseigner et faire pratiquer. Ils n’entreront dans aucune maison, en allant et en revenant de l’école.

Ils ne parleront point en allant à l’école, mais ils diront ensemble le chapelet, pendant tout le chemin, tant en allant qu’en revenant. Aucun des Frères ne parlera à un autre dans l’école, qu’à celuy que le Frère Directeur aura commis dans chaque école pour en avoir la conduite.

Aucun ne parlera aux externes, dans l’école, sinon celuy qui aura charge de le faire par ordre du Frère Directeur, et qui rendra compte le jour mesme au Frère Directeur de tous ceux qui seront venus parler à l’école, des raisons pour lesquelles ils y seront venus et de ce qu’ils y auront fait et dit.

S’il arrive que quelqu’un aille à l’école pour parler à quelque Frère ou pour le visiter, il ne luy parlera point pour quelque raison que ce soit, ny dans l’école, ny dans l’église, ny en allant à l’église, mais il renvoyera à l’inspecteur ou au premier maistre, si l’inspecteur n’y est pas ; et si c’est le Directeur, on l’Inspecteur, ou le premier maistre qu’on demande, ils renvoyeront la personne à la maison.

On ne laissera entrer à l’école que messieurs les ecclésiastiques ou quelque personne d’authorisé qui voudroit voir les écoles, et l’Inspecteur ou le premier maistre les accompagnera toujours pendant tout le temps qu’ils y resteront. On y laissera aussi entrer quelques maistres qui voudroient apprendre la manière de faire l’école, pourveu qu’il y ait par écrit la permission du Frère Directeur.

On n’y laissera entrer ny filles, ny femmes, pour quelque cause que ce soit, à moins que ce ne soit pour visiter les enfants pauvres, et qu’elles ne soient accompagnées de monsieur le curé de la paroisse, ou de quelques ecclésiastiques de sa part, ou de quelque autre ecclésiastique chargé du soin des pauvres de la ville.

Les Frères ne parleront point dans l’école, que lorsqu’il sera absolument nécessaire, et qu’ils ne pourront s’exprimer par signe. C’est pourquoy, ils se serviront toujours du signal et des signes qui sont exprimés dans la conduite des écoles.

Ils ne permettront pas qu’aucun écolier se mette ny reste auprès d’eux pendant qu’ils seront placés.

Ils ne parleront en particulier à leurs écoliers que rarement, par nécessité, en peu de mots ; et ils ne donneront aucune commission à leurs écoliers, et ne leur donneront ny ne recevront deux ny lettres, ny billets.

Ils ne feront rien écrire, ny copier, soit pour eux, soit pour quelque autre personne que ce soit, par aucun écolier, non pas mesme des épigrammes pour le premier jour de l’an.

Ils ne demanderont aux écoliers aucunes nouvelles, ny ne permettront pas qu’ils leur en disent, quelque bonnes ou utiles qu’elles puissent estre.

Ils se garderont bien de donner aux écoliers aucun nom injurieux ou messéant, et ne les nommeront jamais que par leur nom.

Ils prendront très particulièrement garde de ne jamais toucher, ny trapper aucun écolier, de la main ny du pied, et de ne les pas rebuter ny pousser rudement.

Ils ne liront dans les écoles aucun livre que ceux de leur classe, et chaque livre dans le temps qu’ils le doivent avoir en mains pour suivre la leçon.

Il y aura toujours deux classes au moins ensemble qui soient contigues l’une à l’autre. Les Frères tiendront les portes ouvertes de communication d’une classe à une autre, et ne les fermeront jamais pendant le temps de l’école, soubs quelque prétexte que ce soit.

Les Frères qui seront dans les classes contigues l’une à l’autre, seront toujours placés de telle manière qu’ils se puissent toujours voir l’un et l’autre. Ils ne changeront pas leurs sièges, ny bans, ny les tables ou autres meubles d’école de place, sans ordre du Frère Directeur.

Le maistre d’une classe n’aura pas égard à ce qui se passera dans une autre, à moins qu’il n’en soit chargé de la part du Frère Directeur. Si cependant il se fait quelque chose qui soit mal à propos dans une classe, et qu’un autre Frère de la mesme école le sache ou le voye, il ne manquera pas le jour mesme d’en avertir le Frère Directeur.

Nous poserons maintenant cette question : Parmi ceux, journalistes ou autres, qui poursuivent de leurs sarcasmes ou de leurs méchantes calomnies ces pauvres frères « ignorantins », quel est celui qui voudrait s’astreindre à leur règlement, par pur dévouement pour l’enfance ? Et, à moins d’être fou, quel est l’homme qui voudrait mener gratuitement une vie semblable, se lever à 4 heures 1/2 du matin pour se coucher à 9 heures, hiver et été, après avoir pris à peine une heure de récréation durant cette longue journée passée au milieu des enfants, s’il n’avait pas conscience d’accomplir un grand devoir et de se rendre ainsi très utile à Dieu, aux âmes, à l’Eglise et à son pays ?

Il n’y a que la religion qui puisse susciter de pareils dévouements. La religion fait les âmes grandes et pures ; or, le dévouement est une plante céleste qui ne croît que sur les sommets, dans les cœurs qui vivent près du ciel et qui aiment Dieu par-dessus tout. Demandez aux âmes que souille le vice ce dévouement qui fait qu’on donne sa vie goutte à goutte, sans espoir de récompense ici-bas, vous les en trouverez absolument incapables. L’homme vicieux est égoïste, il aime pour lui, il n’aime que lui.

L’âme chaste, au contraire, éprouve le besoin de se donner, de se sacrifier. C’est pour cela que les saints ont été les grands bienfaiteurs de l’humanité. C’est pour cela aussi que l’on trouve auprès de toutes les infortunes et de toutes les misères, ces admirables filles si bien nommées les sœurs de charité. « Au lieu de travailler sur le dehors, les saints refont le dedans. Ils transforment les âmes : les leurs d’abord ; puis, par leur exemple, celles des hommes qui les entourent, et, par leurs écrits enfin, celles des générations qui leur succèdent. Ils exercent ainsi sur la civilisation une influence immortelle[20] ».

Le jour où la religion cesserait dans un pays, la civilisation serait bien près de finir. Ceux qui travaillent à détruire la religion sont des malfaiteurs publics, les plus dangereux de tous ; comme aussi ceux qui emploient leur vie et leurs forces à maintenir la religion, à la défendre et à l’enraciner dans le cœur des enfants, sont les ouvriers les plus utiles à l’humanité, car ils posent les bases sans lesquelles la société ne pourrait pas subsister.

Nous avons sur ce point des aveux très significatifs d’hommes dont on ne saurait contester l’autorité. « Sans instruction religieuse, dit Saint-Marc Girardin dans son rapport sur l’enseignement intermédiaire en Allemagne[21], il n’y a pas un bon système d’éducation… C’est une faute de n’enseigner la religion qu’à ceux qui doivent l’administrer, c’est à dire aux prêtres ; il faut aussi l’enseigner à ceux qui doivent la pratiquer, c’est à dire à tout le monde. Sans cela l’âme s’engourdit : il n’y a plus que les sens, plus que les passions. Créer des écoles industrielles sans religion, c’est organiser la barbarie et la pire de toutes les barbaries ».

Guizot n’est pas moins catégorique dans ses Mémoires : « Il faut, dit-il, pour que l’instruction primaire soit vraiment bonne et socialement utile, qu’elle soit profondément religieuse… Il faut que l’éducation populaire soit donnée et reçue au sein d’une atmosphère religieuse, que les impressions religieuses y pénètrent de toutes parts… Dans les écoles primaires, l’influence religieuse doit être habituellement présente ; si le prêtre se méfie ou s’isole de l’instituteur, si l’instituteur se regarde comme le rival indépendant, non comme l’auxiliaire du prêtre, la valeur morale de l’école est perdue, et elle est près de devenir un danger »[22].

« Je demande formellement, disait à son tour Thiers, je demande autre chose que ces instituteurs laïques dont un trop grand nombre sont détestables. Je veux des frères, bien qu’autrefois j’ai pu être en défiance contre eux ; je veux encore là, rendre toute puissante l’action du clergé ; je demande que l’action du curé soit forte, beaucoup plus forte qu’elle ne l’est, parce que je compte beaucoup sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir, et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : Jouis ; car, comme l’a dit M. Marast, tu es ici-bas pour faire ton petit bonheur, et si tu ne le trouves pas dans la situation actuelle, frappe sans crainte le riche dont l’égoïsme te refuse cette part de bonheur…

Oui, je ne saurais trop le redire, l’enseignement primaire ne produira de bons résultats qu’autant que le clergé obtiendra une très grande part d’influence sur ce même enseignement. »[23]

M. Gladstone, chef du parti libéral anglais, a dit également : « Tout système qui place l’éducation religieuse sur l’arrière-plan est un système pernicieux ». — Que penser du système actuel des écoles neutres où il y a défense absolue de parler de Dieu !

Victor Cousin écrivait en 1831 au Ministre de l’instruction publique : « Le christianisme doit être la base de l’instruction du peuple. L’instruction populaire doit être religieuse, c’est à dire chrétienne… Que nos écoles soient donc chrétiennes, qu’elles le soient sincèrement et sérieusement… Je connais un peu l’Europe, et nulle part je n’ai vu de bonnes écoles du peuple où manquait la charité chrétienne ».[24]

Jouffroy lui-même consignait cet aveu dans un de ses rapports à l’Académie des sciences morales et politiques : « Il n’y a qu’une voix pour proclamer que, sans la religion, il n’y a pas d’éducation morale possible, et qu’elle doit être l’âme des écoles normales primaires… La vraie difficulté est de former des maîtres qui donnent à la patrie des enfants moraux et religieux… Ce qui importe à l’Etat et au pays, c’est moins ce que l’enfant saura que ce qu’il croira, ce qu’il aimera, ce qu’il voudra ». C’est l’évidence même.

Aimé Martin, déiste et universitaire, a dit dans son livre de l’Education des mères de famille : « Toute éducation qui n’est pas religieuse décomplète l’homme et ne réussit tout au plus qu’à former un animal intelligent ».

C’est encore lui qui a écrit les lignes suivantes :

« Voyez cette jeunesse bruyante que chaque année les collèges nous versent par torrents : elle apparaît dans le monde sans illusions et comme désabusée du monde, mécontente avant de connaître, blasée avant d’avoir usé ; des enfants, des adolescents privés des grâces de l’innocence et des enchantements du bel âge, voilà notre génération. Et quelle verve pour le crime ! quelle puissance pour la déraison !… Ne dirait-on pas que tous les sentiments naturels sont éteints sur la terre ! Ah ! malheureuses mères, qu’avez-vous fait de vos enfants ? Quelles paroles furent prononcées sur leurs berceaux ? De quelle gloire occupâtes-vous ces tendres imaginations ? Où est le Dieu que vous leur apprîtes à prier ? »

On connaît ce trait du vicomte Walsh visitant la prison du mont Saint-Michel : « Pendant que je dessinais, dit-il, quelques détails de l’intérieur, un jeune détenu, grand et beau jeune homme, vint s’asseoir près de moi. Il se mit à regarder mon croquis, et me voyant hésiter pour une ligne de perspective, il me dit : — Si monsieur veut le permettre, je lui ferai observer que cela devrait être ainsi. — Vous dessinez donc ? lui dis-je. — Oui, monsieur. Oh ! les talents ! on me les avait tous donnés ; mais comme on ne m’avait donné que cela, vous me voyez ici ! »

Victor Hugo a écrit ces belles paroles :

« Ce qui allège la souffrance, ce qui sanctifie le travail ; ce qui fait l’homme bon, fort, sage, patient, bienveillant, juste ; à la fois humble et grand, digne de l’intelligence, digne de la liberté : c’est d’avoir devant soi la perpétuelle vision d’un monde meilleur, rayonnant à travers les ténèbres de cette vie. Quant à moi, j’y crois profondément à ce monde meilleur ; et, je le déclare ici, c’est la suprême certitude de mon âme. Je veux donc sincèrement ; je dis plus, je veux ardemment l’enseignement religieux. »

À ceux qui aujourd’hui prétendent qu’instruire c’est moraliser, il répondait d’avance : « L’ignorance vaut mieux que la mauvaise science ».

Diderot avait dit avant lui : « La première connaissance qui soit essentielle à la jeunesse est la religion qui est l’unique base de la morale. Que la religion soit donc la première leçon, la leçon de tous les jours. »

En 1880, l’empereur Guillaume recevait une députation d’instituteurs ; il leur tint ce langage :

« On enseigne, à l’heure qu’il est, bien des choses dans les écoles ; mais il ne faudrait pas oublier ce qui est d’une importance capitale. C’est de la religion que je veux parler avant tout. Votre tâche la plus difficile et la plus importante consiste par conséquent à élever la jeunesse dans la crainte de Dieu et à lui enseigner le respect des choses saintes. »

Quand on voit des hommes d’Etat, des savants, des philosophes, des libres-penseurs même, d’accord sur ce point : « Ce n’est pas l’instruction qui moralise, c’est l’éducation, chose fort différente, et surtout l’éducation religieuse[25] », il est bien permis de conclure en disant : ceux qui ont banni de nos écoles l’enseignement religieux, sont les pires ennemis de notre pays[26].

Nous avons raconté en abrégé la vie du prêtre, qui, pendant 48 ans, de 1682 à 1730, s’appliqua à gouverner et à perfectionner les écoles charitables, c’est à dire entièrement gratuites, qu’il avait fondées dans la ville de Moulins, pour l’instruction des enfants pauvres. Nous venons de dire quelle fut l’importance de son œuvre. Il nous reste à faire connaître le règlement qu’il donna à ses écoles, pour la direction des maîtres. Il renferme 70 articles ; tous sont marqués au coin de la sagesse, de l’expérience et du dévouement absolu au bien des enfants. Il serait grandement à désirer que nos éducateurs d’aujourd’hui s’en inspirassent. « Ils prépareraient une génération meilleure, en versant année par année, dans les cadres de la nation, un contingent d’hommes formés par une sérieuse culture, disciplinés à la pratique du devoir, préservés des contagions du vice, fermement appuyés sur les principes chrétiens, préparés et résolus à servir leur pays dans la grande œuvre de la reconstitution sociale[27] ».

Quel important service ils rendraient à la France, sans parler de l’âme immortelle de ces enfants !


RÈGLEMENT
CONCERNANT LA CONDUITE ET LA DIRECTION
DES
ECOLES CHARITABLES
ÉTABLIES EN LA VILLE
DE MOULINS
Sous le titre et la protection du Saint Enfant Jésus.
(12 Novembre 1711).

Règlement en 70 articles pour l’administration des dites écoles charitables de Moulins, approuvé par l’Evêque d’Autun, suivant le décret de son grand vicaire, de 12 novembre 1711.
Séparateur

1

Les écoles charitables seront régies, sous l’autorité de monseigneur l’évêque d’Autun, par cinq directeurs : les sieurs curés de Saint-Pierre et de Saint-Jean de la ville de Moulins, le recteur des écoles qui sera un éclésiastique nommé par monseigneur l’évêque d’Autun, et deux personnes laïques, qui seront deux notables de la même ville de Moulins.

2

Les sieurs curés, comme directeurs nés, resteront à perpétuité dans la fonction de la direction. Le recteur sera à vie, à moins que monseigneur ne juge à propos de le changer ; les deux notables seront directeurs, l’espace de six années, sauf à les continuer de six années en six années, autant de fois que la direction le jugera à propos.

3

Le recteur sera choisi, pour la première fois, par mondit seigneur, et dans la suite par le bureau, qui le présentera à sa Grandeur, pour le confirmer dans cet emploi.

4

Messieurs les curés, avec le recteur, feront le choix des deux notables, et si, dans la suite, l’un des deux venoit à mourir pendant qu’il seroit directeur, le recteur convoquera une assemblée extraordinaire des messieurs du bureau, afin de mettre ordre à remplir, au plutôt, cette place vacante. Dans cette assemblée, on conviendra de trois personnes des plus vertueuses et des plus exemplaires, pour en nommer une à la place du défunt ; chacun des messieurs du bureau, qui se trouvera avoir du crédit sur l’esprit de quelqu’un de ceux sur lesquels on a jeté la vue pour être directeur, se chargera de le voir et de lui faire la proposition, comme de son chef, pour savoir de lui, au cas qu’on le nommât pour remplir la place de monsieur tel, qu’il sait être décédé, si cela lui feroit plaisir ; que si on y trouvoit quelque difficulté, on tachera de la lever, en faisant voir l’utilité de cette œuvre, pour le salut de tant de pauvres qui se damneroient ; on usera d’une grande prudence pour ne pas faire connoître qu’on ait proposé trois personnes, pour en choisir une qui remplisse la place vacante de directeur, par préférence aux deux autres ; les suites en pourroient être fâcheuses au bien des écoles.

5

Dans cette seconde assemblée, chacun rapportera fidèlement les dispositions de celui auquel il étoit chargé de parler, et aussitôt après avoir invoqué le Saint-Esprit et le secours de la Ste Vierge, par quelques prières extraordinaires, on fera la nomination à la pluralité des voix. La nomination faite et les délibérations prises sur les autres affaires, avant que de finir l’assemblée, on députera deux des messieurs du bureau pour aller déclarer à celui qui a été élu, ce qui s’est passé à son sujet ; ils le prieront de se trouver à la prochaine assemblée qui se tiendra un tel jour, et ce jour étant venu, l’un d’eux aura la charité d’aller prendre ce monsieur chez lui, et de le mener au lieu où se tient le bureau.

6

Lorsqu’un des messieurs du bureau, ou un des maîtres, ou quelqu’un qui aura légué au bureau, au moins la somme de trente livres pour les écoles charitables, viendra à mourir, tous les écoliers assisteront à l’enterrement et seront conduits par les maîtres, deux à deux, de la manière qu’ils vont à la messe. Les maîtres assisteront aux autres services que l’on fera pour le défunt, pourvu que ce ne soit pas pendant le temps de l’école, qu’ils ne doivent jamais quitter, ni omettre, ni raccourcir, pour quelque cause que ce soit.

7

La direction tiendra son bureau dans la maison des écoles, où il sera délibéré de ce qui concernera leur bien et leur utilité.

8

Le bureau se tiendra ordinairement les premiers jeudis de chaque mois, et extraordinairement quand le bien des écoles le demandera. Les directeurs auront soin d’inscrire leurs délibérations sur un registre, et ils les signeront chaque fois.

9

Le recteur visitera, au moins tous les quinze jours, les écoles, où il fera lire et interroger les enfants, pour connaître s’ils se perfectionnent, et juger de ceux qui sont en état de passer d’une école dans une autre, ce que les maîtres ne pourront faire sans son consentement.

10

Le recteur fera la recette et la dépense du revenu des écoles, et en rendra compte, chaque mois, au bureau, où les directeurs présents, au moins au nombre de trois, outre le recteur, signeront l’arrêté de la recette et de la dépense.

11

Ne pourra néanmoins le recteur, recevoir aucun rachat, ni faire aucun remploi, qu’avec les directeurs, au nombre exprimé en l’article précédent.

12

Ne pourra pareillement le recteur payer de lui seul, que les pensions des maîtres, qui seront de deux cent livres à chaque maître. Elles seront payées de trois en trois mois, et par avance, pour la première année seulement.

13

Il y aura dans la maison des écoles, ou dans le bureau de la direction, une armoire ou un coffre-fort, fermant à deux serrures, dont une clef sera entre les mains du recteur, et l’autre entre les mains d’un des directeurs dont le bureau conviendra, dans lequel coffre ou armoire, seront déposés tous les papiers, titres et renseignements concernant les écoles.

14

Le jour de l’entrée des écoles, les maîtres auront soin de prier messieurs les douze, de faire dire la Messe qui est fondée pour les écoles, à l’honneur du Saint-Esprit. Les écoles s’ouvriront chaque année, le jour de St Luc, et se fermeront la veille de la naissance de la Sainte Vierge, le septième septembre. Dans le cours de l’année, les enfants auront un jour de congé chaque semaine, qui sera ordinairement le jeudi, au soir, à compter depuis le jour de saint Luc jusqu’au jour de Pâques, et depuis le jour de Pâques jusqu’à la naissance de la Sainte Vierge, le jeudi tout entier. Si néanmoins il se trouvoit une fête qui arrivât le vendredi, il faudroit donner congé le mardi au soir, en sorte que les enfants n’allassent pas aux écoles, quatre jours entiers de suite.

15

Les enfants entreront aux écoles, les matins, à huit heures sonnantes, et en sortiront à dix heures précises, pour être conduits à la sainte Messe ; et le soir, ils entreront à une heure et demie, pour sortir à quatre.

16

Les écoles commenceront et finiront par les prières acoutumées, et les maîtres, dans chaque école, auront soin d’enseigner aux enfants les principes de la Religion, à lire, écrire, même l’arithmétique, selon leur portée.

17

Les enfants, pour être reçus dans les écoles, seront sans maux qui puissent se communiquer, comme sont la teigne, les écrouelles, la gale maligne, le mal caduc, etc. ; et le dessein de l’institution des écoles étant de secourir particulièrement les pauvres, on ne recevra dans ces écoles, que les enfans de ceux qui n’auront pas le moyen de payer des maîtres pour les faire instruire.

18

Les maîtres seront soumis à la direction, qui pourra les mander au bureau, pour y recevoir les avis nécessaires sur leur conduite, et sur ce qu’il faudra qu’ils fassent pour le bien ou l’avantage des écoles ; et où le bureau jugeroit à propos de les changer, il aura la liberté de le faire et d’en demander d’autres, à la communauté des Frères des écoles chrétiennes ; que si, au contraire, ladite communauté vouloit retirer un sujet dont le bureau seroit fort content et qui feroit bien son devoir, il sera au soin de messieurs du bureau de demander qu’on veuille bien le laisser, sans néanmoins s’opiniâtrer. Que si cette communauté étoit tombée, et que ce fussent d’autres maîtres pris d’ailleurs, le bureau aura la liberté d’en mettre d’autres, qu’il estimera plus propres pour le bien des écoles.

19

Les maîtres ne recevront d’enfants que ceux qui auront été reçus par le bureau le jour d’assemblée, ou les autres jours par le recteur, dequoi il sera donné des billets que les maîtres enregistreront, avec l’âge, la qualité et la demeure de l’enfant, et mettront en marge le jour de leur sortie, avec un mémoire de la condition ou de l’emploi auquel ils seront destinés.

20

Les maîtres représenteront leur registres en ordre, quand le bureau le requérera pour connoistre la qualité des enfants et leur nombre qui ira, au moins, à cent dans la grande école, et à cent cinquante dans la petite, dans laquelle on n’enseignera point à écrire.

21

Les maîtres informeront le bureau ou le recteur des écoliers, de ceux qui seront hors d’état de profiter, ou qui seront assez instruits, afin de les congédier, et qu’il soit pourvu à remplir leurs places.

22

Les maîtres ne manqueront pas de faire leurs écoles eux-mêmes, de quoi ils ne se reposeront ni sur aucun écolier des plus avancés, ni sur quelqu’autre personne que ce soit, sinon en cas de maladie, ou autre empêchement légitime, et cela, de l’avis du recteur.

23

Ne pourront les maîtres prendre aucun pensionnaire, ni donner chez eux aucune instruction particulière, ni aller faire en ville aucune répétition, sous quelque prétexte que ce soit, pas même gratuitement ; comme aussi ne pourront recevoir, des écoliers ni de leurs parents, aucun don, ni libéralité, parceque ne devant être admis que les enfants des plus pauvres de la ville, il n’y a pas lieu de prendre la moindre chose des personnes qu’on suppose avoir besoin eux-mêmes de recevoir.

24

On prendra les maîtres dans la communauté des Frères des écoles chrétiennes, établies par le vertueux prêtre monsieur de la Salle ; que si cette communauté qui est établie à Paris et dans plusieurs villes du royaume, venoit à manquer, on préféreroit les vertueux prêtres à tous autres pour remplir cet emploi̇ ; que si l’on étoit obligé de prendre des laïques sages et vertueux, ils ne seront point mariés, ils ne l’auront point été, et ils ne pourront l’être pendant qu’ils seront employés à cet ouvrage ; ils ne pourront pas aussi prétendre de s’engager dans les ordres, ni de se faire prêtres ; leurs vêtements seront noirs, ou d’un brun foncé ; ils porteront le collet, ils seront modestes dans leur extérieur, sobres dans leur nourriture, ennemis de l’oisiveté, du jeu et de toutes sortes de divertissements mondains ; ils fuiront la compagnie des femmes et des filles, ils n’en auront point chez eux pour leur rendre service, ils n’y en laisseront pas même entrer, sous quelque prétexte que ce soit ; ils prendront garde, lorsque la charité les obligera d’entrer dans la maison de quelque femme ou fille, d’être toujours accompagnés de quelqu’un, quand ce ne seroit que d’un de leurs écoliers, et ils n’y entreront jamais autrement. Ils ne se trouveront jamais dans les festins des mariages, ni autres ; ils fuiront les assemblées publiques et les spectacles.

25

Comme ils doivent avoir un grand zèle pour l’avancement de leurs ecoliers, et avoir en vue le salut de leurs âmes, on espère que, les jours de congé, ils emploieront ce qu’ils auront de temps libre à les aller visiter, en telle sorte que, tous les mois, ils aient visité chacun de leurs écoliers, dans leur maison ; et pour cela, outre les registres que chaque maître doit présenter à messieurs du bureau, et à monsieur le recteur, ainsi qu’il a été dit dans le dix-neuvieme article, ils auront des registres particuliers de chaque quartier de la ville et faubourg, dont ils donneront copie, tous les mois, avec les notes de ce qu’ils auront remarqué dans la visite du mois.

26

La fin de ces visites sera de s’informer de la conduite des écoliers, et s’ils pratiquent ce qu’on leur enseigne dans l’école, par exemple, s’ils sont obéissants, laborieux, sobres, fidèles à faire leurs prières soir et matin, à dire le benedicite avant le repas, et les grâces après ; s’ils apprennent à leur frères, sœurs et autres à prier Dieu, et le catéchisme, et s’ils leur servent d’exemple par le respect qu’ils ont pour leurs pères et mères et autres personnes, les maîtres profitant de ces visites pour exciter les parents à vivre saintement. Les maîtres visiteront encore leurs écoliers dans leurs maladies, afin de les porter à faire un bon usage de leurs maux, et pour leur procurer la réception des Sacrements dont ils les jugeront capables.

27

Les maîtres auront soin de faire confesser tous leurs écoliers, du moins trois fois de l’année : la première fois, avant Noël ; la seconde fois, à Pâques ; la troisième fois, dans le mois d’août, avant les vacances ; ils tiendront la main que les plus grands se confessent plus souvent.

28

Quand les maîtres voudront un peu prendre l’air, supposé qu’en s’acquittant fidèlement de leurs exercices, ils y puissent employer quelques heures des jours de congé, ce ne sera jamais dans les places publiques et parmi le tumulte du monde, mais bien en quelques endroits écartés, tous eux seuls, ou tout au plus avec quelques zélés ecclésiastiques, qui soient intérieurs et aiment le recueillement, afin de ne s’entretenir que des choses de Dieu et de s’édifier les uns les autres. Ils se donneront bien garde d’entrer dans aucune congrégation, société ou confrérie, en quelque manière que ce soit, ni même de former de société de dévotion avec quelques personnes dévotes, sous prétexte de travailler à des bonnes œuvres, cela ne pouvant que leur faire omettre quelque chose de leur devoir, les porter à quelque nouveauté, les engager à agir souvent par respect humain, à employer une partie du temps destiné à leurs écoles et à leur autres exercices, à recevoir des visites et à faire des commissions, que ces sortes d’unions ne manquent jamais de procurer ; ils se contenteront d’aller aux services de la paroisse, d’y communier, sans qu’ils puissent aller chanter, ni aller aider à faire l’office en quelqu’autre part que ce soit.

29

Les maîtres se lèveront, tant en été qu’en hiver, à cinq heures ; si ce sont des Frères, ils suivront leur règlement. Leurs lits étant racommodés, et le reste de leur chambre dans la décence, ils commenceront leur oraison à cinq heures et demie, laquelle avec les prières vocales durera jusqu’à six heures un quart ; le reste de leur temps, jusqu’à l’entrée de l’école, leur est donné pour s’ocuper à mettre ordre, chacun à leur tour, à ce qui regarde le général des écoles, ou à préparer leurs repas.

30

Les maîtres auront soin de représenter, en tout, la pauvreté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; c’est pourquoi, il paroit nécessaire de marquer quel doit être leur ameublement, crainte que les uns, par avarice, ne se le refusent, et que les autres, par vanité, ne se le donnent superbement, à la manière du monde. 1o Ils auront chacun un bénitier, un grand crucifix et une image de la Sainte Vierge, ces deux figures en papier ou en relief ; le reste des tableaux de dévotion sera réglé suivant leur piété ; ces deux portraits doivent être assez grands et placés en des endroits visibles, pour inspirer de bonnes pensées à ceux qui iront chez les maîtres, et aux maîtres même quant ils entrent et sortent. 2o Pour livres, ils auront le Nouveau Testament en français, de la traduction du père Amelotte, si ce sont des laïques, ou des Frères des écoles chrétiennes, l’Imitation de Jésus-Christ, l’histoire de la Bible, par le sieur de Royaumont, le Pédagogue des familles chrétiennes, la Vie des Saints par le Père Bonnefont, en trois ou quatre volumes, la Couronne d’Abély pour prendre chaque jour le sujet de leurs méditations, Buzée, le Journal des Saints en trois volumes, la Guide des Pécheurs, le Catéchisme du diocèse, celui de Bourges, et quelqu’autre, pour leur aider à expliquer, par des sentiments de piété, les maximes de l’Evangile et les principes de notre Religion. 3o Ils auront un prie-Dieu, dont le dessous servira d’armoire outre cela, une grande armoire, ou un redressoir, dont le bas servira d’armoire pour fermer toutes leurs provisions, sans qu’on voie rien de malpropre et mal rangé chez eux ; un lit dont la garniture sera d’étoffe brune, commune et modeste ; six chaises de paille, etc. Monsieur le recteur des écoles tiendra la main que toutes ces choses soient tenues propres et dans l’ordre, que les maîtres les aient en propre à eux, afin que ne devant manger que chez eux et n’y faire manger personne, ils soient fournis des choses nécessaires. Que si le bureau était obligé de faire quelques avances, il faudrait s’en rembourser sur les premiers quartiers de la pension. Les maîtres se fourniront tous leurs meubles eux-mêmes, et, afin qu’ils le puissent faire, on leur payera les quartiers de leur pension d’avance, la première année seulement, et dans la suite, on ne les payera que le jour qu’ils écherront, crainte que les maîtres inconstants et changeants n’emportent ce qu’on leur auroit avancé, et que, cela venant à arriver souvent, ne mit messieurs du bureau hors d’état de payer régulièrement ceux qui feront les écoles.

31

Les maîtres, avant le repas, liront une page du Nouveau-Testament ; après le repas, ils liront un chapitre de l’Imitation de N. S. J. C. ; cette lecture se fera, tour à tour, à haute voix, s’ils mangent ensemble ; s’ils mangent en particulier, elle se fera à voix basse.

32

Les maîtres étant reçus pour exercer le saint emploi des écoles charitables, avant que de le commencer, feront une retraite spirituelle pendant huit ou dix jours, pour y prendre l’esprit de leur état, qui doit représenter la sainte pauvreté de Notre-Seigneur Jésus-Christ et participer à son zèle pour le salut des âmes. Ils feront cette retraite sous la conduite de quelque directeur zélé, et surtout qui aime les pauvres et la pauvreté, et ils auront soin de la renouveler tous les ans, dans le temps des vacances.

33

Les maîtres doivent, sur toutes choses, concevoir et toujours conserver un grand zèle pour le salut et l’avancement de leurs écoliers, avoir une charité égale pour tous, souffrir avec douceur et patience leurs imperfections, éviter toutes aversions et inclinations particulières, ne leur disant aucune injure et ne leur parlant jamais avec colère, chagrin, ni mépris, évitant même de les tutoyer, regardant toujours Notre-Seigneur Jésus Christ en la personne de ces pauvres.

34

A la Saint-Luc, que les enfants commencent à venir aux écoles, comme il a été dit à l’article quatorzième, les maîtres auront soin de diviser leurs écoliers par bandes et de les régler suivant la portée des enfants, afin que, dans chaque bande, tous disent la même leçon.

35

Les écoliers étant entrés dans les écoles, le matin, à huit heures sonnantes, et le soir, à une heure et demie, ainsi qu’il est marqué dans l’article 15, et cela en silence, diront, à genoux, l’Ave Maria, chacun en particulier, en se mettant à leur place ; et quand ils seront tous assis et couverts, les maîtres commenceront l’école par quatre frappements des mains, faits par intervalles les uns des autres : le premier avertit les enfants de se découvrir et de mettre leur chapeau ou bonnet sous le bras gauche ; le second les avertit de se lever ; le troisième les avertit de faire l’inclination au crucifix ; et le quatrième, de se mettre modestement à genoux, sans qu’ils soient appuyés, ni contre, ni sur leurs bans.

36

Les maîtres feront ensuite la prière posément et distinctement, et en même temps qu’ils la disent tout haut, ils auront soin que tous les écoliers la disent, à même temps et avec eux, tout bas, chacun à son particulier, et qu’en suite ils disent tout haut, tous ensemble, ce qu’ils ont répété tout bas avec leurs maîtres. Par ce moyen, on les oblige de s’appliquer, ce qui fait qu’avec cette double répétition, ils apprennent facilement leurs prières ; pour cela, quand le maître fera les prières, ou qu’il les fera faire à ses écoliers, tour à tour, pour voir s’ils les savent, il jettera les yeux modestement et sans se dissiper, dans tous les endroits de son école, et il punira sur le champ, d’un coup de robinet sur la main, ceux qu’il remarquera qui ne répéteront pas la prière avec lui ou avec celui qui la fait ; on y est présentement accoutumé, les maîtres n’auront qu’à y tenir la main, chacun dans leur école. A la fin de la prière, le matin et le soir, les maîtres feront trois frappements des mains : le premier avertira les enfans de se lever tous à la fois et promptement ; le second se fait quand ils sont tous levés, pour les avertir de faire l’inclination pour saluer le crucifix ; et le troisième frappement les avertira de s’asseoir et de se couvrir.

37

De temps en temps, les maîtres feront répéter la prière, tour à tour, à leurs écoliers et cela depuis le premier jusqu’au dernier, afin de les obliger à l’apprendre pour s’en servir toute leur vie, choisissant néanmoins, dans le commencement, ceux qui la savent le mieux, et prenant garde que tous en prononcent bien les mots. La prière du matin et du soir, de l’entrée et de la sortie des écoles, est à la fin du présent règlement.

38

On distribuera ensuite les livres à tous les écoliers, conformément à la bande où ils se trouvent, suivant la division de l’école. Les maîtres seront exacts à donner toujours le même livre à chaque écolier ; pour cela, ils auront soin de faire apporter à chaque enfant, du papier ou du parchemin, pour couvrir leurs livres, afin qu’étant couverts on y écrive leurs noms, et que, par là, on les oblige de les conserver, étant avertis que si leurs livres se trouvent déchirés, ou que leurs leçons ne soient pas exactement marquées, ils seront chàtiés. Quand quelques écoliers viennent à quitter et qu’on en reçoit de nouveaux, il faut rayer les noms de ceux qui se sont retirés, et écrire les noms des nouveaux venus, autant que le papier ou le parchemin qui couvre les livres peut durer. Il faut écrire les noms des écoliers sur les livres en gros caractères, particulièrement sur le parchemin, à cause que les passant souvent par les mains, les noms s’effacent en peu de temps.

Manière de distribuer les livres. — Un écolier tirera les livres de l’armoire, six à six, plus ou moins ; il les donnera à un autre écolier qui les présentera au maître, lequel lira les noms tout haut et aura soin de marquer absents, sur le catalogue, ceux qui ne se seront pas trouvés pour prendre leurs livres.

39

Il y aura, dans la petite école, trois rangées de cartes attachées sur un cadre de bois ; chaque rangée sera composée de trois cartes les unes au-dessous des autres ; pour ces cartes, on se sert de grands cartons de deux pieds en carré, ou environ ; les marchands de Moulins les font venir de Lyon ; ils coûtent neuf à dix sols la pièce. On imprime sur chacune de ces cartes des choses différentes ; par exemple, sur une carte, on imprime l’alphabet en grands caractères, c’est à dire des lettres majeures ; sur une autre carte, on imprime le même alphabet en petits caractères ; sur les autres, on imprime des syllabes de deux et trois lettres et même de davantage.

Cela est d’un grand soulagement au maître, pour apprendre les commencements de la lecture aux enfants. Voici la manière en laquelle les cartes sont imprimées :

I J A B C D E F G H
I J K L M N O P Q R
S T U V X Y Z Æ Œ
æ œ ao i o u
et st ss ft fi ff fft
la le li lo lu
ma me mi mo mu
na ne ni no nu
pa pe pi po pu
qua que qui quo quu
fla fle fli flo flu
gra gre gri gro gru
gla gle gli glo glu
pra pre pri pro pru
pla ple pli plo plu
j k a b c d e f g h i
j k l m n o p q r s t
u v x y z &
ba be bi bo bu
ca ce ci co cu
ra re ri ro ru
sa se si so su
ta te ti to tu
ua ue ui uo uu
xa xe xi xo xu
sta ste sti sto stu
spa spe spi spo spu
tra tre tri tro tru
vra vre vri vro vru
pha phe phi pho phu
da de di do du
fa fe fi fo fu
ga ge gi go gu
ha he hi ho hu
ja je ji jo ju
za ze zi zo zu
bra bre bri bro bru
cra cre cri cro cru
dra dre dri dro dru
fra fre fri fro fru
hac hœc hic hoc huc
bran bron brin bres brun
pher post pan par ples
urbs nunc tar tras tir
draps drons fro fer frons

40

Voici la manière de se servir de ces cartes. Ceux que l’on reçoit à l’école, avant qu’ils connoissent leurs lettres, on leur fait dire à chacun une lettre du petit alphabet ; en suite, on leur en fait dire deux lettres, et ainsi en augmentant, en sorte que tous ceux qui ne connoissent pas leurs lettres, soient appliqués à ce qu’ils doivent dire et à ce que les autres lisent ; on leur fait ensuite dire à chacun une ligne de l’alphabet, ensuite tout l’alphabet. Quand ils disent bien de suite, on leur fait commencer par la dernière lettre et dire toutes les lettres à rebour, afin qu’ils connaissent comment elles sont faites ; ensuite, on leur montre, avec la baguette, la première lettre d’une ligne, et on saute tout d’un coup à la dernière, et ainsi des lettres de la première ligne à celles de la dernière. Quand on voit que les enfants connaissent bien leurs lettres dans le petit alphabet, on leur fait dire les lettres du grand alphabet ; de là, on leur montre les lettres des syllabes imprimées sur les autres cartes, sans leur faire lire tout d’un coup les syllabes ; et quand, pendant quelques jours, on leur a fait dire les lettres des syllabes et qu’ils les connaissent bien, on leur fait dire les syllabes de deux lettres, et ainsi, en avançant, on les fait passer insensiblement de l’alphabet aux syllabes, et des syllabes aux petits livres. On ne fait dire qu’une syllabe à chaque écolier, et ceux qui suivent de l’un à l’autre, doivent être si prêts à dire leur syllabe, qu’on ne perde pas un moment ; que si quelqu’un faisait retarder et ne s’y trouvait pas, pour avoir regardé ailleurs, il doit être aussitôt puni. On fait dire les syllabes de deux lettres à rebour ; où il y a ca, à rebour on dit comme si il y avait ac, ce, ec, co, oc, la, al, ma, am, etc. Ils ne feront point dire les syllabes comme on dit une ligne dans un livre ; ils les feront dire en montant du bas de la carte au haut, et ensuite, en descendant sur une autre colonne, du haut en bas. On fait commencer la leçon par un banc, et tantôt par un autre ; tantôt par le premier du banc et tantôt par le dernier, ce qui se doit observer et être une règle pour toutes les autres leçons de l’école, autrement les enfants ne s’appliquent qu’à ce qu’ils voient qu’ils liront, et ne profitent pas. Quand on fait dire les syllabes des cartes, il faut faire de la même manière que l’on vient de dire de la croix de Jésus, c’est à dire tantôt commencer par une carte, tantôt par une autre, tantôt commencer par le haut, tantôt par le bas, quelquefois par un banc et par le premier du banc, d’autre fois par un autre banc et par le dernier. Il faut faire dire les cartes, non seulement à ceux qui apprennent les syllabes, mais aussi à ceux auxquels on a déjà donné des petits livres, et même à ceux qui lisent dans les demi-psautiers. Ceux qui sont formés à lire et à bien prononcer les dites syllabes, sont d’un grand secours à ceux qui commencent ; et on ne donne point les petits livres, qu’auparavant un enfant ne sache facilement lire et prononcer les syllabes des cartes ; et semblablement, on ne donne point de demi-psautier, qu’à ceux qui savent lire facilement et sans assembler, dans les livres de l’alphabet. Les syllabes de la moitié des cartes ayant été dites le matin, l’autre moitié restera pour le soir ; ensuite, on fait dire les leçons à ceux qui ont des livres de l’alphabet, pour donner le temps aux autres d’étudier.

41

Il y aura, dans chaque école, une grande baguette pour montrer aux enfants ce qu’on veut leur faire lire. Les maîtres prendront garde à ne pas appuyer, ni traîner le bout de la baguette sur les lettres ou sur les chiffres, parce qu’en peu de temps, ils écorcheraient le carton et effaceraient les lettres. Ils mettront le bout de la baguette au bas de ce qui est imprimé, et le plus souvent, sans toucher le carton.

42

Il faut faire épeler les enfants, c’est à dire nommer les lettres et en composer les syllabes, en prenant garde que tous ceux de la bande suivent ce qu’on lit. En voici la manière : un enfant dit d, o, do ; un autre dit m, i, mi, domi ; un autre n, u, s, nus, et il prononce tout le mot Dominus, ainsi du reste. A mesure que les écoliers profitent, on les fait composer les mots des syllabes, par exemple, un enfant dit do, un autre dit mi, un autre nus. On leur fait dire ensuite un mot à chacun, et, dans la suite, chacun une ligne, en assemblant tout haut ; on les accoutume ensuite à assembler tout bas et à prononcer tout haut : et enfin, quand ils sont en état de lire deux lignes rondement, dans les petits livres, on leur donne des demi-psautiers, et non autrement, comme il a été dit. Il est à remarquer que ceux de cette bande, aussi bien que ceux qui disent la croix de Jésus, doivent dire deux ou trois fois leurs leçons, tant le matin que le soir, et toujours au commencement de l’école. On continue pendant longtemps, à faire assembler à chacun une ligne tout haut, à ceux même qui lisent dans les demi-psautiers, pour empêcher qu’ils n’apprennent par routine ; et, comme il est de l’ordre que chaque écolier, tant en latin qu’en français, dise deux lignes de leçon le matin, et autant le soir, suivant avec exactitude tout ce que ceux de sa bande lisent, après qu’ils ont dit chacun une ligne, en assemblant, il faut qu’ils recommencent à en dire une autre sans assembler. Les enfans sachant lire exactement et facilement le latin, et non autrement, on les fait commencer à apprendre à lire en français.

43

Pour apprendre à lire le français, on met celui qui doit commencer avec un autre qui le sait lire, et on l’oblige de faire étudier ce nouveau ; de cette manière, ils s’apprennent les uns les autres, sans que le maître ait beaucoup de peine ; et cela se doit faire tout bas, de compagnon à compagnon, sans interrompre personne. Les maîtres accoutumeront les enfants à prononcer hardiment et brièvement les lettres, les syllabes et les mots, afin par là, d’éviter la longueur, la perte du temps, et encore pour faire perdre les mauvais accents et les méchantes prononciations, ce qui est un moyen infaillible. Pour accoutumer les enfants à suivre ce que les autres lisent, il faut, comme on a dit ci-devant pour apprendre le français, mettre ceux qui sont reçus nouvellement, avec des anciens qui sachent suivre, et ne leur donner qu’un livre pour deux ; en peu de temps, les nouveaux venus sont formés à cette méthode, ce qui doit s’observer dans le cours de l’année, quand on en reçoit des nouveaux. Après tout ce que dessus, qui regarde les écoliers, voici ce que chaque maître doit faire, quand il fait dire les leçons à une bande.

44

Le maître, assis à sa place, doit avoir en main le même livre de la bande qu’il fait lire, et changer d’autant de livres qu’il y a de différentes bandes d’écoliers dans son école. Les enfants demeurant chacun à leur place, sans se lever, ayant seulement la tête découverte, il leur fera dire leurs leçons de la manière expliquée ci-dessus. Le maître, en faisant lire, donnera le temps aux écoliers d’assembler les mots qui les embarrassent, sans les leur dire, mais plutôt les faisant assembler tout haut, comme l’on a dit que les maîtres doivent faire lire, tantôt le premier, tantôt le dernier d’une bande, et même quelquefois des milieux des bancs, pour voir s’ils suivent ce qu’on lit. Pendant que les maîtres font lire une bande, ils doivent être très attentifs à prendre garde que ceux des autres bandes étudient leurs leçons, et châtier sur le champ ceux qu’ils surprennent qui n’étudient pas.

45

Pour apprendre à lire en contrat, facilement et en peu de temps, il faut que les enfants en apportent chacun un, que le maître y écrive leurs noms, comme sur les livres de latin et de français, et fasse, comme il a été dit, pour apprendre à lire le français, mettre un faible avec un fort, obligeant celui qui sait mieux lire, de faire étudier l’autre ; et cela, de manière que les deux aient étudié les leçons de leurs deux contrats, et qu’il soit libre au maître de faire dire les leçons des deux contrats, à chacun des deux écoliers, ou dans celui du compagnon plutôt que dans le sien. Il est expédient de faire cela souvent. Quand ils disent leurs leçons, il faut qu’ils tiennent tous deux le même contrat, et que l’un voie ce que l’autre lit. Pour lire le second contrat, on les fait seulement changer de place, en sorte que tous deux tiennent et lisent le second contrat, comme le premier. Quand celui qui lit ne dit pas bien, on le demande à l’autre, et s’il ne le sait pas, on les punit tous deux. Le maître ne doit jamais s’occuper, quand les enfants étudient, de leur dire ni les lettres, ni les mots qu’ils pourroient lui demander ; ils en abuseroient et cela prendroit tout son temps. L’expérience a fait connoître, sans se donner cet embarras, que deux ensemble s’aident à venir à bout de cela et qu’ils apprennent en très peu de temps. Il est vrai que, jusqu’à ce que les enfants sachent passablement lire, on leur fait assembler tous leurs mots, ce qui leur apprend à connoître les lettres du contrat qu’ils lisent ; et, comme on met, ainsi qu’il a été dit, un fort avec un faible, il faut faire également assembler celui qui lit mieux que celui qui est le plus foible ; par ce moyen, le plus ignorant profite beaucoup et cela empêche qu’il ne dise les mots par routine, et sans en connoître les lettres. Il est même expédient que celui qui assemble les mots, mette le doigt sur chaque lettre, afin qu’on voie qu’il la connoît, et qu’il remarque comme elle est faite, ce qui fait que, dans la suite du contrat, s’il se rencontre de semblables lettres à celles qu’ils ont lues, et s’ils ne la connaissent pas, il faut les châtier ; rien n’est plus utile pour les faire apprendre. On fera lire les contrats, deux jours de chaque semaine, le matin et le soir, savoir le lundi et le vendredi, à la moitié des écoliers de la grande classe, qui seront ceux qui n’écriront point pendant cette école, parce que ceux qui écrivent lisent toujours dans le latin.

46

On fera dire aux écoliers, quand l’horloge sonnera, sans qu’ils se mettent à genoux, quelque acte fort court de demande à Dieu, d’offrande, et ensuite l’Ave Maria ; et on leur recommandera d’en faire de même, lorsqu’ils seront hors de l’école.

47

Les écoliers ne doivent jamais parler aux maîtres pendant l’école, sans permission, laquelle ils demanderont en tendant leurs chapeaux. On ne donne jamais cette permission à deux à la fois, et on ne la donne que pour des choses nécessaires.

48

Les maîtres se garderont bien, pendant le temps de l’école, de demander aucunes nouvelles aux écoliers, soit pour savoir ce qui se passe en ville, soit pour savoir ce qui se passe chez eux, ou ailleurs.

49

Les maîtres feront ramasser les livres, après que tous les enfants auront lu ; et, pour en avertir, ils diront tu autem domine miserere nobis, et les écoliers répondront Deo gratias. On ramasse les livres en mettant ordre que, dans chaque banc, les écoliers se donnent les livres les uns aux autres, en telle sorte que tous les livres se trouvent entre les mains de celui qui en est le premier, et qu’ils soient rangés dans l’armoire, en fort peu de temps. Après qu’on a ramassé les livres, avant qu’on aille à la sainte messe, on garde le silence environ un demi-quart d’heure, et autant le soir avant qu’on sorte de l’école. Pendant le silence du matin, les maîtres liront ou feront lire quelque chose dans un livre de piété, et, pendant le silence du soir, ils demanderont quelques questions du catéchisme, ou ils feront faire quelques actes des vertus théologales, ou ils apprendront à servir la sainte messe, etc., sans que pas un lève les yeux que celui qui répond. Les enfants doivent garder le silence et ne pas dire un seul mot, ni courir dans la rue des écoles, tant en venant qu’en se retournant ; ils doivent garder le même silence en allant et en sortant de la sainte messe ; ils doivent faire la même chose dans les rangs, en se retirant chacun chez eux, suivant la bande de leur quartier.

50

La manière de garder le silence est que les enfants soient couverts, les bras croisés, la vue baissée, sans néanmoins qu’ils baissent la tête, ni qu’ils courbent le corps en faisant les hypocrites ; c’est la posture qu’ils doivent tenir dans tous les temps et les lieux où ils doivent garder le silence.

51

Tous les jours, à dix heures, on mènera (comme il a été dit en l’article quinzième), les écoliers à la sainte messe. La prière de la fin de l’école étant finie, le maître ayant fait les frappements ordinaires, et les écoliers étant tous assis, fera signe, en levant la main, à ceux des deux bancs qu’il veut qui se lèvent les premiers. Alors, tous ceux des deux bancs, depuis un bout de l’école jusqu’à l’autre, se lèveront, puis le maître baissant la main, les mêmes écoliers qui sont debout, salueront le crucifix en faisant l’inclination tous ensemble, et sortiront tous, deux à deux, de l’école. Cette bande commençant à sortir, le maître fera le même signe à la bande qui suit, et ainsi des autres bandes jusqu’à ce que tous les écoliers soient sortis. Les écoliers de chaque école seront précédés, en allant à la sainte messe, d’un des écoliers les plus sages qui sera nommé marqueur. Cet écolier marchera le premier, fort posément, les bras croisés, la vue baissée. Il y aura un autre marqueur qui portera un panier à son bras, dans lequel seront les chapelets qui doivent être distribués à chaque écolier, lorsqu’ils seront à genoux dans l’église, lequel marchera tout le dernier de ceux de son école.

52

Les marqueurs prendront garde que les écoliers, en entrant et sortant de l’église, ne fassent point de bruit avec leurs sabots. Les écoliers de la première bande, qui tient depuis le haut de l’église jusqu’au bas, étant arrivés à l’endroit où les conduit celui qui les précède, pour entendre la sainte messe, se tiendront debout. L’autre marqueur qui précède et conduit la seconde, fait placer la bande de la même manière, depuis le haut de l’église jusqu’au bas, et ainsi, de bande en bande, jusqu’à ce que tous les écoliers soient placés les uns derrière les autres, à droite ligne, et un peu séparés les uns des autres, pour éviter qu’ils ne causent ou badinent. Quoique les écoliers de toutes les bandes, en arrivant à l’église, doivent être placés vis-à-vis les uns des autres, néanmoins ils demeurent tous debout, jusqu’à ce que le premier marqueur les voyant tous placés et rangés, leur fasse signe en levant la main, puis la baissant, de se mettre à genoux, ce qu’ils font tous en même temps, dans la même droiture qu’ils étaient étant debout. Les marqueurs, au nombre de quatre, partageront les chapelets et les distribueront à chaque écolier.

53

Si, pendant la messe, quelque écolier badine ou ne dit pas le chapelet, les marqueurs qui doivent être en divers endroits, dans les rangs, l’en iront avertir.

54

Lorsque la messe est à l’élévation de l’Hostie, le maître fera un signe en toussant, afin que les écoliers soient avertis de s’incliner pour adorer Notre Seigneur. Les marqueurs prendront garde qu’aucun écolier ne baise la terre à l’élévation, ni frappe son estomac. Lorsqu’on est à l’église et que la messe est commencée, si on en dit une autre aussitôt après, on l’entendra ; et s’il ne s’en dit point d’autre, on restera autant de temps, ou à peu près, qu’on aurait resté si on l’avoit entendue tout entière. S’il ne se dit point de messe du tout, les maîtres demeureront dans l’église autant de temps, qu’on auroit été à entendre une messe entière, et pour cela, ils remarqueront les prieres qu’ils disent ordinairement à la sainte messe et ils diront les mêmes.

55

La messe étant finie, le maître fera signe en toussant, et alors, ceux qui ont donné les chapelets, les ramasseront dans les paniers et dans leurs chapeaux, en se dispersant en différents endroits, afin d’avancer. Les chapelets étant ramassés, le premier marqueur fera signe en levant la main, et tous les écoliers se lèveront et se tiendront debout. Le premier marqueur marchera à la tête de la première bande, fort posément, comme en venant à la messe ; alors tous les écoliers le suivront, deux à deux. Un de ceux qui portent les paniers où sont les chapelets, marchera par derrière cette première bande, pour mettre ordre que les deux compagnons sortent ensemble. L’autre qui porte aussi les chapelets, marchera à la suite de la dernière bande, où les deux qui portent les chapelets doivent se rassembler, car ils doivent toujours marcher et sortir de l’église les derniers.

56

Les écoliers étant tous sortis de l’église se rangeront dans la rue, les uns d’un côté et les autres de l’autre, chacun avec la bande de son quartier. Tous étant rangés suivant la bande, un marqueur marchera devant et un autre derrière. Il y aura, au milieu de la bande, deux marqueurs qui prendront garde que tous soient dans la modestie marquée ci-dessus de la manière de garder le silence ; ils veilleront que aucun ne s’arrête ou cause, et aussi, qu’ils ne marchent pas si vite que les petits de la bande soient obligés de courir.

57

Lorsqu’un écolier sera devant la porte de sa maison, il se découvrira et saluera ses compagnons, et s’en ira chez soi. En entrant dans la maison, il saluera son père, sa mère et les autres personnes qui y seront.

58

Il ne sera permis à aucun écolier de se dispenser d’aller en rang, sous quelque prétexte que ce soit ; que si quelque parent ne voulait pas que leurs enfants y allassent, les maîtres en avertiront monsieur le recteur qui les renverra. Lorsque les écoliers sortiront le soir de l’école, ils iront de la même manière qu’on vient de dire qu’ils doivent s’en aller après la messe.

59

Les marqueurs qui porteront les chapelets, les compteront toutes les semaines, devant les maîtres à qui ils doivent en rendre compte. Tous les jours d’école, après la messe, un des porte-chapelets les rapportera à l’école et aura soin de les mettre dans l’armoire.

60

Pour châtier les enfants, on ne se servira jamais de férule, ni d’autre instrument de pénitence ; on ne les frappera jamais de la main et encore moins du pied, ni de la baguette dont on se sert pour faire lire les syllabes des cartes. On se servira uniquement d’un fouet de parchemin qu’on nomme ordinairement un robinet, qui sera au plus de sept à huit cordons ; quand il y en a un plus grand nombre, il meurtrit et ne pique pas, ce qui fait que les enfants le craignent moins et ne se corrigent pas. On prendra garde de ne jamais donner du robinet sur la tête des enfants, quand ils auront mérité d’être châtiés, autrement que sur les mains ; on ne leur donnera que cinq coups, au plus, pour les plus grandes fautes ; et, pour les fautes ordinaires, on n’en donnera que trois seulement, et même toujours en diminuant plutôt qu’en augmentant, c.-à-d. quelque fois deux coups, quelque fois un, ayant égard à la docilité de celui qu’on châtie.

61

Afin que les enfants profitent du châtiment, il faut laisser un intervalle, entre les coups de fouet qu’on leur donne, d’environ un Ave Maria, de l’un à l’autre, en leur disant quelque parole qui leur inspire quelque motif saint, en vue duquel ils reçoivent, avec patience et humilité, la douleur qu’ils sentent ; mais ce qui est essentiel, est que le maître doit appliquer fortement les coups de fouet qu’il donne, et en plutôt moins donner.

62

Remède aux indocilités et endurcissements des enfants.

Quand quelque écolier ne se corrige pas, par les trois coups de fouet du châtiment ordinaire, il ne faut pas pour cela lui en donner davantage à la fois ; mais il faut, dans l’école suivante, lui recommencer le même châtiment, en lui faisant connoître qu’on recommencera toujours, jusqu’à ce qu’il se soit corrigé. L’expérience a fait voir, que, par cette manière, sans s’opiniâtrer, on réduisait les plus vicieux. Il ne faut exempter personne du châtiment, quand il se trouvera avoir manqué aux règles de l’école, parce qu’en châtiant les plus sages sans rémission, cela retient les autres dans leur devoir.

63

Voici les cas où ordinairement les enfants doivent être punis :

1o S’ils viennent tard. 2o S’ils viennent sans être peignés, et leurs habits, quoique mauvais, mal ajustés, par exemple sans être boutonnés, sans jarretières, et qu’ils se gratassent pendant les prières ou pendant la sainte messe, etc. 3o Quand ils demandent, pendant l’école, d’aller à leurs nécessités, afin de les obliger d’y pourvoir avant que d’entrer, à moins que ce ne fût pour quelque infirmité ; cela se pratique à présent sans inconvénient, et auparavant les enfants sortaient sans cesse. 4o Ceux que l’on trouve ne pas suivre la leçon qui se dit dans sa bande. 5o Si on en surprend quelqu’un causant, ou soufflant les mots, les lettres ou syllabes à ses compagnons. 6o S’il s’en trouve qui aient jeté des pierres, ou qui en aient pris pour les jeter, ou bien qui aient porté quelque bâton pour se défendre ou faire le méchant. 7o Ceux qui, hors de l’école, se sont défendus quand on les a attaqués, ou qui se sont attroupés pour se défendre, la règle des écoles étant, dans ces rencontres, quand même on les aurait frappés, de se retirer promptement, crainte que la querelle n’aille plus avant. Par ce moyen, on ne voit aucune dispute ni querelle, non seulement parmi les écoliers des écoles charitables, mais même avec ceux du collège, ni des autres écoles, ce qui est d’un bon exemple. 8o Ceux qui jouent, se promènent, courent ou badinent avec des filles, quand ce serait avec leurs sœurs, les garçons ne devant se divertir qu’avec les garçons. 9o Ceux qui se sont allés baigner sans être accompagnés de quelqu’un de leurs parents, comme père, mère, oncle, etc. 10o Ceux qui seront allés voir les bateleurs, ou qui, en passant, s’y seraient arrêtés ; ceux qui auraient joué ou été à la compagnie de ceux qui jouent aux cartes, ou qui auraient joué de l’argent, à quelque jeu que ce fût. 11° Ceux qui auraient juré, menti, dérobé chez eux ou ailleurs, dit des injures à leurs frères, sœurs ou autres, dit quelques paroles ou chansons malhonnetes, ou fait quelque posture qui y ait quelque rapport, qui couchent avec quelque personne de différent sexe, quand ce serait leur propre mère, tante ou sœur. Les maîtres seront très exacts à s’informer de ces désordres, de temps en temps, afin d’y remédier et d’obliger les enfants de s’en corriger, faute de quoi, il les faut absolument renvoyer à M. le recteur, pour être mis hors des écoles. 12° Quand on apprend que quelqu’un ne porte pas le respect à ses parents, en entrant dans sa maison et en leur parlant, qu’il ne leur obéit pas promptement, qu’il est friand, qu’il murmure de ce qu’on lui donne pour ses habits ou pour sa nourriture, qu’il ne dit pas le benedicite avant le repas et les grâces après, qu’il tarde trop à apprendre ses prières, qu’il ne les apprend pas à ses frères et sœurs, et qu’il ne leur répète pas le catéchisme. 13° Ceux qui s’absentent pour quelque raison que ce soit à moins que leurs parents ne les viennent excuser, et même, si cela leur arrivait souvent, il ne faudrait pas laisser de les châtier, faisant connoître aux parents, que le bon ordre de l’école et l’avancement des enfants demandent qu’ils soient assidus à venir à l’école, que, s’ils en ont besoin, ils doivent les garder tout à fait ; cela se fera en très peu de mots. Ceux qui auront été absents, lorsqu’ils reviendront à récole, demeureront à la porte pour rendre compte, en peu de mots, pourquoi ils ont été absents ; ordinairement, nulle autre raison ne les exemptera du châtiment, que la maladie, encore faudrait-il en être bien assuré, et n’iront à leurs places que par l’ordre du maître.

64

Quand on dit à un écolier de venir recevoir le châtiment, s’il se le fait dire deux fois, le maître l’avertira, ayant laissé passer un petit intervalle de temps, qu’il en aura un coup davantage, et le maître, en le châtiant, lui fera entendre que le premier coup est pour ce qu’il a hésité de venir, quoique pour l’ordinaire on ne lui en donne pas davantage ; que si, en l’avertissant de venir recevoir le châtiment, il s’arrête à dire des raisons, à pleurer et même à demander pardon, au lieu d’obéir à ce qu’on lui dit, il faut dire ce que dessus, que pour ses raisons, ses cris et ses pleurs, il en aura un coup davantage ; que si cette fois, il ne laisse pas de crier ou de faire quelque bruit, il faut dans la prochaine école, le faire venir de nouveau recevoir le châtiment, lui faisant comprendre que, jusqu’à ce qu’il reçoive le châtiment sans qu’on l’entende, on le châtiera toujours, qu’en un mot, il faut la paix et l’obéissance dans une école. Cet article est d’une très grande conséquence, et si on n’y est pas fidèle, il arrivera du scandale comme il en est arrivé dans le commencement des écoles, les enfants prenant plaisir et s’efforçant de crier fort haut, dans l’espérance que cela les exemptera du châtiment, ce qui est la cause que les voisins des écoles et ceux qui passent, font beaucoup de bruit et croient que l’on fait beaucoup de mal à ceux que l’on corrige, ne sachant pas le règlement des écoles et la modération qu’on y garde.

Voici un moyen qui réussit ordinairement pour empêcher de crier les enfants qu’on est obligé de châtier. Les maîtres qui doivent se posséder en tout temps, sans qu’il y ait jamais d’emportement dans ce qu’ils font, n’ont qu’à dire tout bas : criez fort, mon cher enfant, et le répéter plusieurs fois par intervalle ; cela fait voir à l’enfant qu’on me craint pas le tumulte ni le bruit ; et ensuite lui dire, à voix basse : vous serez châtié sans crier ; car un maître ne doit jamais crier. Rien n’est plus efficace pour arrêter ces sortes de cris.

65

Les mercredis et samedis au soir, en tout temps, les maîtres feront le catéchisme, chacun dans sa classe depuis trois heures jusqu’à quatre heures. Le catéchisme ne doit jamais être omis ni raccourci. Ils se serviront du catéchisme du diocèse ; et, la veille des fêtes principales, ils feront le catéchisme sur le mystère de la solennité ; pour cela, ils ne feront dire les leçons que jusqu’à deux heures et trois quarts. Ils emploieront le reste du temps à faire le catéchisme de la manière qui suit, afin que les enfants en profitent, que les maîtres ne disent pas toujours les mêmes choses, et qu’ils s’expliquent d’une manière que les enfants comprennent, par jugement et esprit, ce qu’on leur enseigne, autrement ils n’apprennent les choses nécessaires au salut et les vérités de notre religion, que par mémoire, ce qui est la cause ordinaire qu’ils oublient facilement ce qu’on leur a appris.

Outre le catéchisme des mercredis et samedis, tous les jours d’école, les maîtres prendront encore une demi-heure, depuis 3 heures 1/2 jusqu’à 4, pour interroger les enfants sur le catéchisme, la manière de servir la sainte messe et celle de bien lire et écrire, sur le chiffre, et aussi pour la répétition des prières, le tout, selon la portée de l’école qu’ils gouvernent, et selon le besoin ou l’ignorance des enfants.

Manière de faire le catéchisme.

Après le signe de la croix, le veni Sancte Spiritus et l’Ave Maria, que les maîtres et les écoliers disent tous ensemble, sans que les écoliers se mettent à genoux, mais seulement de la manière que l’on dit l’Ave Maria quand l’horloge sonne, le maître fait trois propositions dans son premier catéchisme ; par exemple, il dit : dans ma première proposition, mes enfants, je vous demanderai :

D. — Qu’est-ce que le catéchisme ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, le catéchisme est une instruction où l’on apprend les choses nécessaires au salut, qui sont de connoître, d’aimer et servir Dieu.

Il fait ensuite une seconde proposition et dit :

D. — Quelles sont les dispositions nécessaires pour profiter du catéchisme ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, il y a trois dispositions nécessaires pour profiter du catéchisme, savoir, celle de la maison, celle de la rue, celle de l’église.

Enfin, mes enfants, voici ma troisième proposition :

D. — Qui sont ceux qui sont obligés d’envoyer leur monde au catéchisme, et qui sont ceux qui sont obligés d’y venir ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, les pères, les mères, les maîtres et maîtresses sont obligés d’envoyer leurs enfants et leurs domestiques aux catéchismes, et ceux que l’on y envoie sont obligés d’y aller sous peine d’être damnés.

Il faut ensuite que le maître répète ces trois propositions, l’une après l’autre, et toujours dans le même ordre qu’il les a faites, et qu’à chaque proposition il y joigne la réponse qu’il a dit aux enfants qu’ils feraient.

Il faut qu’il explique tous les mots de la réponse que les enfants doivent faire à chaque proposition, afin de leur faire comprendre tout ce qu’ils répondent, et, quand il a expliqué une proposition, il faut la répéter et interroger les enfants, et leur faire autant d’interrogations qu’il y a de choses remarquables dans l’explication qu’il vient de faire, pour voir s’ils ont compris ce qu’il leur a dit.

Il fait ensuite la même chose de la seconde proposition, et semblablement de la troisième. Voilà la manière de commencer le catéchisme. Quand on en fait un second, on prend garde à ménager son temps.

Pour faire six propositions, voici comme on fait :

Le maître dit d’abord : mes enfants, les trois dernières propositions de notre catéchisme étaient :

— Qu’est-ce que le catéchisme ? Vous me répondîtes :

— Que c’était une instruction où l’on apprenait les choses nécessaires au salut qui sont de connoître, d’aimer et servir Dieu.

Dans la seconde proposition, quand je vous demandai :

— Quelles sont les dispositions nécessaires pour profiter du catéchisme ? Vous me répondîtes :

— Monsieur, il y a trois dispositions nécessaires pour profiter du catéchisme, savoir celle de la maison, celle de la rue et celle de l’église.

Enfin, quand je vous demandai dans ma troisième proposition :

— Qui sont ceux qui sont obligés d’envoyer leur monde au catéchisme, et qui sont ceux qui sont obligés d’y venir ? Vous me répondîtes :

— Monsieur, les pères et les mères, les maîtres et les maîtresses sont obligés d’envoyer leurs enfants et leurs domestiques au catéchisme, et ceux qu’on y envoie sont obligés d’y aller sous peine d’être damnés.

Il faut ensuite que le maître interroge plusieurs enfants, et assez longtemps sur ces trois propositions et l’explication, qu’il fasse répéter ce catéchisme par quelqu’un des plus savants, et qu’après il dise : nous allons faire à présent, mes enfants, trois nouvelles propositions, comme vous savez que l’on doit faire.

Voici la première proposition. — Qu’est-ce que Dieu ?

Voici la seconde proposition. — Pourquoi dites-vous que Dieu est un esprit ?

Voici la troisième proposition. — Pourquoi dites-vous que Dieu est infiniment parfait ?

Quand je vous demanderai dans ma première proposition :

D. — Qu’est-ce que Dieu ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, Dieu est un esprit infiniment parfait qui a créé toutes choses.

Quand je vous demanderai dans ma seconde proposition :

D. — Pourquoi dites-vous que Dieu est un esprit ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, Dieu est un esprit parce qu’il n’a ni corps, ni figure, ni couleur, et qu’il ne peut tomber sous nos sens.

Quand je vous demanderai dans ma troisième proposition :

D. — Pourquoi dites-vous que Dieu est infiniment parfait ? Vous me répondrez :

R. — Monsieur, je dis que Dieu est infiniment parfait, parce qu’il possède en lui, d’une manière excellente, toutes sortes de perfections et que ses perfections sont sans bornes.

Voilà, mes enfants, mes trois propositions avec les trois réponses. Il faut vous expliquer mot à mot ce que vous répondrez.

Quand je vous demanderai : qu’est-ce que Dieu ? J’ai dit que vous me répondrez : Monsieur, Dieu est un esprit etc. Il faut vous expliquer ce mot. Dieu, mes enfants, comprend tout ce que l’on peut dire et penser de bon, d’utile, d’agréable ; toute la bonté, la puissance, la justice est dans Dieu ; c’est en ce mot de Dieu, qu’est renfermé la source de la vraie joie ; plusieurs saints, en le prononçant, étaient embrasés d’un si grand amour, qu’ils en étoient hors d’eux-mêmes ; et plusieurs autres choses qu’on pourra leur dire. On recommence done la proposition en disant : qu’est-ce que Dieu ? Et on dit la réponse : Dieu est un esprit infiniment parfait qui a créé toutes choses. On passe ensuite à la seconde proposition, puis à la troisième. Il faut leur expliquer bien nettement ces trois propositions, après en avoir interrogé à mesure qu’on les explique. On finit le catéchisme, en tirant les fruits sans faire répéter ; ce ne doit être que le lendemain qu’on fait répéter ces trois dernières propositions.

Manière d’interroger les enfants.

Les maîtres interrogeront trois ou quatre des plus savants les premiers ; cela aide beaucoup aux autres à mieux répondre, et ils ont confusion de voir que les premiers ont bien répondu, cela leur donne de l’émulation ; des plus savants on va aux médiocres, et de ceux-là aux ignorants. Il faut prendre garde de ne pas interroger tout de suite ceux qui sont les uns auprès des autres, mais il faut interroger ceux qui sont aux quatre coins de l’école ou du catéchisme, et pour cela il en faut placer des savants en ces endroits-là ; des coins, il faut interroger ceux du milieu et du milieu au coin. Afin de tenir les enfants sages, attentifs, il faut, même en interrogeant d’un côté, avoir les yeux sur un autre et quelque fois se tourner tout à fait, afin de faire voir aux enfants qu’on prend garde à tout et qu’on les observe ; un regard ou un signe à un enfant le reprend et le rend sage sans rien dire. Enfin, il faut faire cela comme on le doit faire en faisant dire les leçons aux enfants, être attentif et avoir l’œil à tout, afin que tous soient sages et qu’ils écoutent.

66

On apprendra le chiffre de la même manière que l’on apprend les cartes des lettres et des syllabes, en montrant avec la baguette, tantôt un chiffre, tantôt un autre. Voici la manière en laquelle les chiffres des cartes sont imprimés :

CHIFFRES ROMAINS
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIIII
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
XXXI
XL
L
LX
LXX
LXXX
LXXXX
C.
CC.
CCC.
CCCC.
D. M.
 
CHIFFRES FRANÇOIS
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
2 fois 2 004
2 3 006
2 4 008
2 5 010
10
20
30
40
50
60
70
3 fois 6 018
3 7 021
3 8 024
080
100
101
102
103
104
105
106
107
107
108
109
110
111
112
113
114
115
3 fois 5 015
4 5 020
5 5 025
1. 10. 100. 1000. 10000. etc.

Pour faire que les enfants apprennent plus facilement le chiffre, il leur faut dire ceux qui sont dans les livres qu’on leur fait lire, soit au haut des pages, soit au-dessus des psaumes, articles, aux chapitres ; par là, on les met dans la pratique, et en peu de temps ils comprennent.

3 fois 3, 9  4 fois 3,  12   5 fois 3,  15,  6 3,  18 
3 4, 12  4 4, 16 5 4, 20, 6 4, 24
3 5, 15 4 5, 20 5 5, 25, 6 6, 36
3 6, 18 4 6, 24 5 6, 30, 6 7, 42
3 7, 21 4 7, 28 5 7, 35, 6 8, 48
3 8, 24 4 8, 32 5 8, 40, 6 9, 54
I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
 11,
12,
13,
14,
15,
16,
 17,
18,
19,
20,
21,
22,
 23,
24,
25,
26,
27,
28,
 29,
30,
31,
32,
33,
34,
 35,
36,
37,
38,
39,
40,
 41,
42,
43,
44,
45,
46,
 47,
48,
49,
50,
51,
52,
 53
54
55
56
57
58

1, 10, 100, 1 000, 10 000, 100 000, 1 000 000, 1 000 000 000

Voici la manière de faire les instructions pour bien lire et pour bien écrire :

D. — Que faut-il faire pour bien lire ?

R. — Il faut lire posément, distinctement, prononçant bien les mots et toutes les syllabes, faire une pose aux virgules, aux deux points, aux points.

D. — Faut-il s’arrêter aussi longtemps aux virgules qu’aux deux points, aux points ?

R. — Non. Aux virgules, on ne fait que respirer ; aux deux points, on s’arrête un peu ; et aux points, il faut s’arrêter tout à fait.

D. — Faut-il donner un ton plus haut à la dernière syllabe, ou la prononcer plus longue comme en chantant ?

R. — Non, il ne faut ni chanter ni prêcher en lisant ; il faut lire comme on parle ordinairement.

D. — Combien y a-t-il de sorte de points ou de marques dans les livres ?

R. — Il y en a douze : 1o la virgule ; 2o le point et la virgule ; 3o les deux points ; 4o le point ; 5o le point interrogant ; 6o le point admirant ; 7o la parenthèse ( ) ; 8o l’apostrophe ; 9o la cédille ; 10o la division ; 11° l’accent sur l’é en françois ; 12° les deux points qui se mettent sur un ü ou sur un ï.

Le maître aura soin d’expliquer aux enfants toutes ces différentes marques, et à quoi elles servent pour aider à bien lire, et surtout la cédille qui est une petite s, autrement le c se prononce comme un q. Exemple : catholique, on dit qua et non pas sa ; commençant, on prononce commensant et non pas commenquant, à cause qu’il y a une marque au-dessous du c. L’apostrophe est une virgule que l’on met au-dessus de la première lettre d’un mot, laquelle descend entre la première et la seconde lettre et marque qu’il y a une lettre de mangée. Exemple : on dit l’apostrophe et non pas la apostrophe, pour marquer qu’il y a un a de mangé ; on met cette virgule, qui est une apostrophe, au haut de l. L’accent sur l’é, en françois, fait qu’on le prononce comme un e latin ou masculin. Exemple : on dit il brise tout, parce qu’il n’y a point d’accent sur l’e, et on dit qu’il a tout brisé, parce qu’il y a un accent sur l’é. La division est une marque qui se met à la fin d’une ligne qui est faite en long, et qui marque que le mot est divisé, et qu’il faut aller au commencement de l’autre ligne pour l’achever ; on la met quelque fois entre deux mots qui se doivent prononcer ensemble. Exemple : faut-il tant demeurer, dis-je. Les deux points sur l’ü font connoitre que cet ü doit aller avec la première syllabe. Exemple : grenoüille, quenoüille, genoüil ; s’il n’y avoit point deux points sur l’ü, on prononcerait gre, no, uil, le ; que, no, uil, le ; mais y ayant deux points, on prononce gre, noüil, le, que, noüil, le, etc., ce qui fait que les mots n’ont que trois syllabes, au lieu de quatre. Les deux points sur l’ï font qu’il se prononce tout seul comme y, exemple : Moïse, on en fait trois syllabes Mo-ï-se, et non pas deux seulement, en disant Moi-se ; Isaïe, semblablement. Les autres marques sont plus faciles à expliquer, et on en parle dans la manière de bien lire, quand il faut s’arrêter, ou moins, ou plus lontemps.

D. — Combien y a-t-il de voyelles ?

R. — Il y en a cinq : a, e, i, o, u.

D. — Quand il y a une voyelle à la fin d’un mot, et au commencement du mot suivant une autre voyelle, que faut-il faire ?

R. — Il faut prononcer les deux mots comme s’ils n’en faisaient qu’un, la voyelle de la fin du premier mot se mangeant, on ne prononce que celle qui commence le mot suivant. Exemple : on ne dit pas, que avez-vous fait, mais bien, qu’avez-vous fait ; et pour lors, il y a une apostrophe au-dessus de l’u, qui marque que l’e du que a été mangé, ainsi du reste.

D. — Comment faut-il prononcer les mots qui finissent par une r ?

R. — Il faut les prononcer comme si c’étoit un é latin. Exemple : on prononce il faut aimé, et non pas il faut aimer, etc.

D. — Comment faut-il prononcer les dernières syllabes des mots composés de plusieurs syllabes, qui finissent par un o et un i, même avec d’autres lettres ?

R. — Il les faut prononcer en ait et non pas en oit. Exemple : on prononce connaissez-vous, et non pas connoissez-vous, etc. Les mots qui finissent par un o, un i et un t, et qui n’ont qu’une syllabe, on les prononce en oit et non pas en ait. Exemple : on dit cet homme boit, et non pas cet homme bait, moi et non pas mai, etc.

D. — Comment faut-il prononcer la dernière syllabe d’un mot qui finit par une s, un t, ou une autre consonne, lorsque le mot suivant commence par une voyelle ?

R. — Il faut la prononcer en faisant sonner la consonnance du mot précédent avec la voyelle qui commence le mot suivant, et les prononcer tous deux ensemble. Exemple : on prononce nous avons, et non pas nous, avons ; la prononciation, dans toutes ces rencontres, se fait comme si la consonne qui finit le mot précédent commençoit le mot suivant, bien entendu ce qu’on vient de dire, qu’il faut prononcer les deux mots ensemble et non pas séparément.

D. — Quand une s se trouve seulement entre deux voyelles, comment la prononce-t-on ?

R. — On la prononce comme un z. Par exemple : on prononce maizon, et non pas maisson.

D. — Et si on vouloit dire maisson, comme on dit moisson, que faudroit-il faire ?

R. — Il faudrait mettre deux s, lesquelles entre deux voyelles n’en vaudraient qu’une.

67

Le maître de la grande école ne manquera jamais de corriger les exemples de tous les enfants, et cela, le matin et le soir. Il les corrigera suivant les règles ci-dessus marquées, pour apprendre à bien écrire. Exemple, il leur demandera : comment faut-il faire une telle lettre ? Après qu’ils auront répondu, suivant les règles de l’écriture, qu’il faut la faire de telle manière, il leur fera voir celles qu’ils ont mal faites, et si cela arrive souvent, ou à plusieurs lettres, il les punira. L’exactitude à ce dernier article a fait voir jusque ici, que plusieurs enfants écrivent mieux que l’écrit qu’on leur donne, pour leur servir d’exemple, en écrivant conformément aux règles qu’on leur a apprises.

68

Meubles nécessaires pour les écoles, lesquels seront fournis par le bureau, pour la première fois, et entretenus, dans la suite, par les maîtres.

1o Un crucifix en relief, ou en papier, dans chaque école.
2o L’image de la Sainte Vierge, avec le saint Enfant Jésus, de la même manière.
3o L’image de la Sainte Famille, Jésus, Marie, Joseph.
4o L’image du saint Ange Gardien, en grand.
5o Les feuilles des quatre fins dernières, en grand.
6o La feuille de l’école de Jésus et de l’école du démon ; ces deux écoles sont sur la même feuille, il en faut souvent parler aux enfants, leur faire regarder ces écoles, et surtout dans le temps de leurs manquements, en leur demandant lequel des deux est leur maître, Jésus ou le démon, et dans laquelle des deux écoles ils apprennent ce qu’ils font, comme de mentir, de jurer, de dérober, etc. leur faire remarquer la récompense des uns et la punition des autres. Toutes ces images, en relief ou papier, doivent être grandes, afin qu’elles frappent les yeux de ceux qui rentrent, et leur impriment la piété et le recueillement.
7o Dans la grande école, où on écrit, il faut une assez grande quantité de bans, pour contenir cent enfants commodément, et néanmoins n’en faire écrire que cinquante le matin et cinquante le soir, afin qu’on puisse observer l’article précédent, qui porte qu’on corrigera tous les exemples matin et soir, ce qui serait impossible, s’ils écrivaient tous à la fois ; sans cela les enfants ne profiteront pas. Pour faire qu’on soit fidèle à cet article, on ne mettra des bans commodes à écrire que pour cinquante écoliers, sur lesquels bans il y aura vingt-cinq écritoires carrées, attachées avec des clous, afin qu’on ne puisse ni les remuer, ni les emporter ; une écritoire doit servir à deux écoliers pour prendre de l’encre.

Dans la petite école, il y faut le nombre de bans nécessaires, pour contenir cent cinquante écoliers commodément ; un maître qui veut s’acquitter fidèlement de son devoir, peut faire dire la leçon et élever un pareil nombre d’enfants.

8o Il faut un seau et un arrosoir dans chaque école, pour arroser avant qu’on balaie, ce qui doit se faire tous les jours.
9o Il y aura un porte-ordures dans chaque école, avec une palletée de bois ou de fer, pour mettre les balayures dans le portoir, avec lequel on les portera fort éloigné des écoles et en différents endroits, afin de n’en pas faire des amas ou petites montagnes.
10o Dans chaque école, il y aura une armoire fermant à clef, pour serrer les livres, les chapelets, le robinet et choses semblables. Les chapelets doivent être dans un panier, pour chaque école, avec lequel on les porte à l’église, pour les distribuer aux enfants avant la messe, et pour les ramasser, après la messe, et les rapporter dans l’armoire de l’école.
11o Dans chaque école, il y aura un grand catalogue sur lequel seront écrits les noms de tous les écoliers, vis-à-vis chacun desquels il y aura six trous, pour marquer, avec des chevilles, les absences des six jours de la semaine.
12o Il y aura dans la maison des écoles, une cloche suspendue du côté que les écoliers la pourront entendre plus facilement ; on la sonnera pour les avertir de l’entrée des classes, aux heures marquées dans l’art. 15me. Les maîtres s’en serviront pour sonner, aux heures de leur coucher, de leur lever, et du reste, qui marque une vie réglée et le bon ordre. Ils auront soin que l’horloge qu’on leur fournira pour une fois, comme le reste des meubles, aille suivant celui de la ville, et d’y régler tous leurs exercices.

Il y aura deux sortes de choses qui s’usent et se consomment, tous les jours, dans les écoles : 1o l’encre, 2o les balais. Pour l’encre, si les maîtres veulent s’en donner la peine et la faire eux-mêmes exprès, pour cinquante écoliers qui écrivent le matin, et les autres cinquante le soir, une pinte d’encre suffit par mois. Pour les balais, on en doit donner, dans chaque école, quatre neufs par mois ; pour les deux écoles, c’est un cent de balais par an, qui coûte cinquante sols.

Tout le reste dure des temps considérables et n’a besoin d’être renouvelé, que parce qu’on manque de soin pour les conserver, par exemple, les bans, les écritoires, le catalogue, etc. Ces choses durent la vie de dix hommes, en punissant exactement les enfants, s’ils y font la moindre raie, ou s’ils les tachent d’encre.

À considérer le nombre des livres qu’il faut à deux cent cinquante écoliers, et dont on doit les entretenir, sans qu’ils fournissent aucune chose pour cela, on croiroit que la dépense en seroit considérable, néanmoins elle ne sauroit monter à cent sols, par an, pour chaque école.

Sur cet article, afin qu’un maître venant à changer le renouvellement des livres, ne tombe pas entièrement sur le nouveau venu, on pourra, si on le juge à propos, car cette dépense est très modique, retenir vingt sols sur chaque quartier, et si le même maître est obligé de faire la dépense du renouvellement des livres, on lui remettra pour cela, ce qu’on lui avait retenu.

On fait venir les livres de Lyon. On se sert de demi-psautiers pour le latin, et du livre des Sept Trompettes pour le françois, ou de quelque autre livre de piété du même prix. La douzaine de ces livres coûte cinquante-quatre sols à Lyon, ce qui est 4s 6d la pièce ; le cent, vingt-deux livres dix sols ; les deux cents, quarante-cinq livres ; les deux cent cinquante, qui est le nombre que l’on espère que le zèle des maîtres et la piété des messieurs du bureau entretiendra ordinairement dans les écoles, montera à cinquante-six livres cinq sols. Les livres, en suivant la règle que l’on a marquée dans l’article trente-huitième pour les conserver, durent plus de dix ans, sans avoir besoin d’être renouvelés. Supposons qu’on les renouvelle tous les six ans, en partageant la somme de cinquante-six livres cinq sols en six, pour chaque année, c’est neuf livres huit sols six deniers pour les deux écoles, et quatre livres neuf sols trois deniers pour chacune. L’expérience de plus de vingt ans a fait voir, que tout l’entretien des écoles n’a jamais coûté une pistole, pour chaque année, cela est donc très modique. Je répète néanmoins, que ce détail ne fait rien à la dépense qu’il sera nécessaire de faire pour cela.

Il est essentiel que les maîtres soient chargés d’entretenir, à leurs frais, tout ce que nous venons de marquer être nécessaire à chaque école, afin que ces choses et celles que nous mettrons dans la suite, pour avoir été oubliées, étant à leurs frais, ils veillent à ce qu’elles soient conservées, et que, ce qui est arrivé autrefois n’arrive jamais plus, savoir est que les maîtres ne donnent plus les livres, ni les chapelets, qu’ils ne les laissent pas biffer, briser et perdre, sans s’en mettre en peine. On a rapporté plusieurs livres et chapelets que les maîtres auroient donnés ; lorsqu’ils y veilleront pour leur intérêt, la dépense ira à peu de choses, et, au contraire, si le bureau en demeuroit chargé, elle seroit considérable. Les maîtres seront aussi chargés de l’entretien des vitres, des carrelages, chaumurages (afin qu’ils empêchent qu’on ne brise les vitres, qu’on ne décarelle les écoles, qu’on ne laisse tomber les crépissages en poussant fortement le bout des bans contre les murs) blanchissages, et même du nettoiement des lieux communs, afin qu’ils ne souffrent pas qu’on les remplisse des balayures et immondices, que l’on doit porter dehors. On ne sauroit prendre trop de précaution pour la conservation des bâtiments des écoles, toutes les œuvres publiques périssent, par la négligence de ceux qui y doivent veiller ; c’est pour cette raison, qu’il faut que les maîtres soient chargés de cette dépense, à quoi qu’elle puisse monter, ne déterminant rien de fixe pour cela, mais les obligeant que le tout soit dans l’ordre prescrit.

69

Il restera trois choses à la charge du bureau, pour les bâtiments : la réparation des gros murs, la couverture, et le soin de faire nettoyer les cheminées, tous les ans ; le manquement à ces choses peut causer la ruine entière des écoles. Tous les ans, à la Saint-André, les maîtres avertiront monsieur le recteur, du nettoiement des cheminées. On a jugé à propos, comme vous voyez, de faire voir, par un petit détail, que l’entretien dont on charge les maîtres, n’est pas une dépense considérable, à l’égard de ceux qui seront soigneux et zélés. Que si messieurs du bureau ou monsieur le recteur y remarquoient quelque infidélité, ils la répareront aux dépens des maîtres ; pour cela, ils auront grand soin, dans les visites, d’examiner s’il ne manque rien de toutes les choses ci-dessus marquées, surtout si ces pauvres enfants n’y contribuent pas de quelque chose, ou leurs parents par leur travail ou autrement. On ne se lasse pas de répéter que ce sont des pauvres, desquels on ne doit pas seulement rien exiger, mais desquels même on ne doit rien accepter, ainsi qu’il est marqué dans le règlement, à l’article vingt-troisième.

70

Prière qu’on doit dire le matin, à l’entrée de l’école.

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Venez, ô Saint-Esprit, descendez dans les cœurs de vos fidèles et remplissez-nous de votre saint amour.

O très sainte et très adorable Majesté de mon Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit ! je crois fermement que vous êtes ici, je vous y adore avec tous les saints et les anges. J’espère en votre miséricorde, que vous me donnerez tout ce qui sera nécessaire pour me sauver. Je vous aime de tout mon cœur, parce que vous le méritez, et mon prochain comme moi-même, parce que vous me le commandez.

Mon Dieu, je vous loue et vous remercie de tous les biens et de toutes les grâces que vous m’avez faites ; de ce que vous m’avez créé, vous m’avez racheté au prix du sang de votre Fils, vous m’avez fait chrétien, vous m’ayez pardonné tant de fois mes péchés, vous m’avez conservé pendant la nuit passée. O mon Dieu, que tous les anges et les saints vous en remercient. En action de grâce de tous ces bienfaits, je vous offre mon cœur, mon âme et mon corps, mes forces, mes pensées, mes paroles, mes souffrances et mon travail, en union de ce que votre Fils a fait et souffert ici-bas sur la terre.

Notre Père. — Je vous salue, Marie. — Je confesse à Dieu.

A neuf heures, lorsque l’horloge sonne, on fait le signe de la croix, puis quelque acte fort court de demande à Dieu, d’offrande, etc., par exemple : Mon Dieu, je vous donne mon cœur, je vous remercie de m’avoir conservé jusqu’à cette heure ; mon Dieu, je vous demande la grâce de bien mourir ; et ensuite on dit l’Ave Maria.

Lorsque tous les enfants ont lu et les livres ramassés, et gardé le silence pendant le temps marqué dans le règlement, à l’article 49, le maître fait les quatre frappements des mains qui servent de signe ; les enfants étant à genoux, on fait la prière suivante :

Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Les litanies de Jésus, en latin, et l’oremus, comme à l’ordinaire.

Mon Dieu, je vous offre le saint Sacrifice de la Messe, que je vais entendre pour votre gloire, pour mon salut et pour les nécessités de l’âme et du corps de mes parents ; faites-moi la grâce de l’entendre dévotement.

On fait ensuite l’acte de contrition, afin de se mettre en état de grâce, pour paroître devant Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans le très-saint Sacrement de l’autel.

acte de contrition.

De tout mon cœur, ô mon Dieu, je suis marri de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon, aimable, et que le péché vous déplaît ; je promets, avec l’assistance de votre sainte grâce, de ne jamais plus vous offenser, d’en fuir toutes les occasions, de me confesser et de faire la pénitence qui me sera enjointe.

Ensuite on dit un Ave Maria pour la première heure qui sonnera, et on y ajoute un Pater et un Ave Maria, pour les bienfaiteurs des écoles et pour ceux qui les font.

Lorsqu’un des messieurs du bureau ou quelqu’un des maîtres viendra à mourir, on dira pendant un mois, le De Profundis le matin et le soir, de la manière qu’il est marqué dans la prière du soir.

Prière qu’on doit dire à l’entrée de l’école, le soir.

In nomine Patris, etc. — Veni Sancte Spiritus, avec le verset et l’oraison.

Mon Dieu, vous pouvez tout, faites que je sois tout à vous, que je vive et que je meure dans l’obéissance de vos saints commandements, que je ne vous offense jamais ; et, de toutes les grâces que je vous demande, accordez-moi particulièrement celle de mourir de la mort des saints. Jésus, soyez-moi Jésus, soyez mon Sauveur, sauvez-moi par les mérites de votre mort et passion.

Très Sainte-Vierge, je me mets sous votre sainte protection, obtenez-moi la grâce de me sauver.

Grand saint Joseph, et vous, mon Patron, priez le bon Dieu pour moi ; mon Ange Gardien, je vous remercie de vos soins, aidez-moi à me sauver. O vous tous, les saints et saintes du paradis, adorez Dieu pour moi, bénissez Dieu pour moi, aimez Dieu pour moi, pendant que je serai occupé en cette misérable vie. Jésus nous donne à tous sa sainte bénédiction.

Pater noster. — Ave Maria. — Credo. — Confiteor.

Mon Dieu, je vous offre l’instruction qu’on nous va faire ; faites-moi la grâce d’en profiter. In nomine Patris, etc. Amen.

A trois heures, quand l’horloge sonnera, on dira un acte et l’Ave Maria, comme il a été marqué pour neuf heures, dans la prière du matin.

Après que les leçons sont dites, les livres ramassés ou le catéchisme fait, le maître fera les quatre frappements ordinaires, et tous les écoliers étant à genoux, on dit la priere suivante :

In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

Mon Dieu, qui êtes le Père des lumières, éclairez mon esprit, faites-moi connoitre les péchés que j’ai commis, et donnez à mon cœur un véritable repentir pour les détester.

Ici, il faut examiner sa conscience sur les pensées, les paroles, les actions et les omissions de la journée, et voir en quoi on a offensé Dieu… On fait une pause d’un miserere, pendant laquelle les maîtres feront remarquer aux enfants les péchés qu’ils commettent plus ordinairement, sans néanmoins parler de l’impureté. Ensuite on fait l’acte de contrition de la même manière et dans les mêmes termes que le matin, afin que les enfants l’apprennent, et on continue la prière comme ci-après :

Les Litanies de la T. S. Vierge, avec le verset et l’oraison ordinaires, le tout en latin.

Les dix commandements de Dieu.

Les neuf commandements de l’Eglise, dont voici les trois derniers :

Hors le temps noces ne feras, payant les dîmes justement.
Les excommuniés fuiras, les dénoncés expressément.
Quand excommunié seras, fais-toi absoudre promptement.


De Profundis.
Salve Regina.
Angelus Domini.

On avertit les enfants de dire l’Angelus aux trois temps de la journée, le matin, à midi et au soir. On dit ensuite les grâces qui se doivent dire après le repas (on suppose que les enfants savent le benedicite), et on le fait dire à plusieurs, de temps en temps.

Suivent le benedicite et les grâces en latin.

On dit ensuite l’Ave Maria, le Pater et l’Ave Maria, pour les mêmes intentions que l’on a marqué que l’on doit le dire le matin ; puis, on dit l’oraison suivante :

Mon Dieu, je vous offre le reste de la journée et le repos que je prendrai cette nuit ; préservez-moi de mort subite et de tous fâcheux accidents, donnez-moi et à tout le prochain votre sainte bénédiction. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

Après avoir fait les frappements ordinaires des mains, et autres signes comme le matin, le maître nomme les quatre balayeurs, puis on renvoie les enfants deux à deux, par bandes de chaque quartier, les bras croisés et en silence, ainsi qu’il a été dit dans l’article cinquante-sixième, de la sortie de la messe, sans permettre qu’aucun s’en excuse, par les commissions qu’il auroit en ville. Quand il sera chez soi, qu’il aille où les parents voudront.

Vu par nous Jean-Joseph Languet, prêtre, docteur de Sorbonne de la Maison et Société royale de Navarre, conser du Roi, aumônier ordinaire de Madame la Dauphine, abbé commendataire de Notre-Dame de Coët Maloën, vicaire général de Monseigneur Illustrissime et Reverendissime Charles-François d’Allencourt de Dromesnil, Evêque d’Autun, Comte de Saulieu, Président né et perpétuel des Etats de Bourgogne, Doyen des Evêques de la Province de Lyon, et official du dit seigneur Evêque au détroit de Moulins, et commissaire en cette partie pour l’exécution du décret et ordonnance du deuxième octobre dernier, étant au bas de la requête présentée à Sa Grandeur par Me Gaspard de Savignac, curé de Saint-Pierre de cette ville de Moulins, après avoir sérieusement examiné le présent règlement, intitulé règlement pour la conduite et la direction des écoles charitables établies en cette ville de Moulins, sous le titre et la protection du Saint-Enfant Jésus,

Nous l’avons approuvé et confirmé, approuvons et confirmons, ordonnant que le dit règlement contenu en vingt-sept feuillets, paraphé de nous, soit exécuté selon sa forme et teneur, et observé dans tous ses articles. — Fait à Moulins, le douzième novembre, mille sept cent onze. — Ainsi signé : l’abbé Languet.

Suit la teneur du décret et ordonnance de Monseigneur l’Evêque d’Autun.

A Monseigneur l’Illustrissime et Reverendissime Evêque d’Autun.

Supplie humblement Gaspard de Savignac, prêtre, bachelier de Sorbonne, curé de l’église de Saint-Pierre de la ville de Moulins, disant que comme il n’est rien de si important pour le soutien des bonnes œuvres, que de donner à la jeunesse des principes d’une éducation conforme aux maximes de la Religion, il ne semble pas qu’il y ait rien tant à quoi l’on doive s’attacher qu’aux moyens qui doivent contribuer à donner, avec succès, aux jeunes enfants, les premières impressions dont les traces restent toute la vie. Dans ces sentiments, le suppliant, que sa qualité de Curé engage à veiller, avec inquiétude, au salut des âmes qui ont été confiées à ses soins, a considéré, depuis longtemps, que la ville de Moulins est une de celles du royaume, qui, par sa grandeur, abonde le plus en pauvres et en artisans ; que, quelques soins que les ecclésiastiques eussent pu prendre d’y instruire la jeunesse dans les catéchismes qui s’y font toute l’année, il en restoit encore une grande partie qui les négligeoient et qui vivoient dans l’oisiveté et dans l’ignorance, qui sont les deux sources naturelles des plus grands maux. Pour tâcher d’arrêter le cours de ce désordre et prévenir les suites fâcheuses qu’il pourroit avoir, un ecclésiastique, animé du zèle de la Religion, persuadé que des écoles charitables où l’on donneroit, aux enfants des pauvres, des principes de lecture, d’écriture et de religion tous ensemble, attireroient infailliblement ceux que l’intérêt seul de leur salut peut rendre négligents, ce motif l’a invité, depuis longues années, à jeter les premiers fondements de ces écoles, et, pour cet établissement, il a fait don d’une maison, laquelle, en l’état qu’il l’a fait mettre, est de la valeur de quatre à cinq mille livres, située dans le centre de la ville de Moulins, dont une partie sert aux écoles, et l’autre, à loger les maîtres très commodément. Personne n’a été trompé dans son espérance, et l’on remarque avec joie que le Seigneur donne, avec abondance, sa bénédiction à cette entreprise, et que rien n’édifie davantage le public que le fruit que font ces jeunes enfants, et que le bon exemple qu’ils donnent, par leur conduite, aux personnes même les mieux réglées et les plus avancées en âge ; d’où l’on comprend que cet ouvrage solidement établi est capable, par la bonne instruction et le bon exemple, de contribuer au bon ordre de la ville entière, ce qui est déjà bien avancé. Dans l’espérance d’un si grand bien, plusieurs personnes charitables ont augmenté le revenu de ces écoles de plus de trois cents livres par an, en sorte qu’il semble qu’il n’y ait plus au suppliant, en conformité de l’édit du Roi pour l’établissement des écoles charitables, qu’à suivre les voies si bien préparées, et, qu’après avoir accepté le don de cette maison et du revenu qui y est uni, il ne lui reste plus, pour le bien du public, que de conduire cette bonne œuvre à sa perfection. Pour y parvenir, Monseigneur, il vous présente la présente requête, avec la copie des contrats qui ont été passés en faveur des dites écoles, avec les règlements qu’il a projetés, et, sur le tout, de l’établissement d’un bureau, conformément à iceux, pour pourvoir au bon ordre des dites écoles et à la fidèle administration du revenu, afin que ce soit un bien perpétuel, et, comme au désir des dits règlements, auxquels Votre Grandeur fera tels changements, additions ou retranchements qu’il lui plaira, les sieurs curés de Saint-Pierre et de Saint-Jean doivent être directeurs-nés ; et le supérieur des dites écoles à vie, à moins que vous ne jugeassiez à propos de le changer, monsieur notre défunt Evêque y ayant nommé la personne de Mre Louis Aubery, notre vicaire, par son ordonnance du 6 mai 1711 ; il ne resteroit plus, pour composer le bureau, que les deux notables de notre ville, pour lesquels le suppliant prend la liberté de vous présenter les personnes de Mr Estienne Baugy, écuyer, seigneur de Rochefort, président trésorier de France, et de Me Sébastien Maquin, bourgeois de cette ville de Moulins. Le suppliant a recours à vous, à ce qu’il vous plaise confirmer le supérieur des écoles charitables établies au dit Moulins, dans les pouvoirs qu’il a eus ci-devant pour cet ouvrage, ou d’en nommer un autre tel qu’il vous plaira ; d’approuver les règlements qu’il vous présente et d’établir le bureau des cinq directeurs, en conformité d’iceux, sauf à rendre compte du tout à Votre Grandeur quand elle le jugera nécessaire ; et il continuera d’offrir ses vœux à Dieu, pour votre prospérité et votre sanctification. — Signé : de Savignac, curé de Moulins.

Vu la présente requête, Nous avons commis le sieur abbé Languet, Notre Vicaire général, auquel Nous avons donné pouvoir de régler et ordonner ce qui conviendra bon être pour l’établissement des petites écoles charitables dans la ville de Moulins, de donner des règlements convenables ou approuver, ratifier et changer ceux qui sont projetés, de ratifier et accepter, en Notre nom, en tant que besoin seroit, les contrats, biens et fondations, et donations faites ou à faire au profit des dites écoles charitables, de nommer un supérieur pour les dites écoles, ou confirmer celui qui a été déjà nommé par Notre prédécesseur, d’établir un bureau pour le bon ordre des petites écoles et pour la direction des biens destinés à leur entretien, et de choisir pour le composer les personnes ecclésiastiques et séculières qu’il jugera convenable ; de recevoir, examiner et ratifier les comptes de l’administration des deniers destinés au dit établissement, et généralement de faire, en Notre lieu et place, tout ce qui conviendra être fait pour l’établissement de cette bonne œuvre et lui donner une forme stable et solide, agréant et ratifiant ce qu’il aura ordonné à ce sujet. — Fait à Autun, le deuxième du mois d’octobre, mil sept cent onze. — Signé Ch. F. d’Allencourt de Dromesnil, Evêque d’Autun. Et plus bas, par ordonnance : Jactrut de Marsilly.

A Monsieur l’abbé Languet, docteur de Sorbonne et Vicaire Général du diocèse d’Autun.

Monsieur,

Supplie humblement Gaspard de Savignac, prêtre, bachelier de Sorbonne, curé de l’église de Saint-Pierre de la ville de Moulins, disant que, pour rendre fixe et stable l’établissement des écoles charitables, lesquelles, depuis de longues années, font un bien inestimable dans toute la ville, il aurait présenté une requête à Monseigneur l’Evêque d’Autun, tendant à ce qu’il plût à Sa Grandeur confirmer le supérieur des dites écoles dans les pouvoirs qu’il a eus ci-devant pour cet ouvrage, ou d’en nommer un autre tel qu’il lui plairoit, d’approuver les règlements qu’il lui présentoit, après y avoir ajouté ou retranché ce qu’il jugeroit à propos, d’homologuer les contrats faits au profit des dites écoles et d’établir un bureau de cinq directeurs, en conformité des dits règlements, à laquelle mondit Seigneur l’Évêque a mis sa réponse en date du 2me du mois d’octobre 1711, par laquelle il vous commet et donne tous les pouvoirs nécessaires pour consommer cet ouvrage ; le suppliant a recours à vous, Monsieur, afin qu’il vous plaise confirmer le supérieur des écoles charitables établies à Moulins, ou d’en nommer un autre tel qu’il vous plaira, d’approuver les règlements qu’il vous présente, composés pour le bon ordre de cette œuvre, après y avoir fait les changements que vous jugerez à propos, homologuer les contrats faits au profit des dites écoles, dont copies sont attachées aux présentes requêtes et jointes aux règlements, et enfin d’établir un bu- reau du nombre de cinq directeurs, en conformité des statuts dressés pour cela, et continuera le suppliant d’offrir ses vœux à Dieu pour votre sanctification. — Ainsi signé : de Savignac, curé de Moulins.

Soit communiqué au sieur promoteur général en cette officialité. Pour les conclusions reçues, nous ordonnons ce que de raison. — Fait à Moulins, le 10me novembre 1711. — Signé : l’abbé Languet.

Le promoteur général en l’officialité de Moulins, qui a eu communication de la présente requête et de l’ordonnance au bas d’icelle, n’empêche pour Monseigneur l’Evêque d’Autun, que, pour l’établissement des écoles charitables en cette ville, il soit nommé un supérieur pour la régie des écoles ; que les règlements faits pour le bon ordre de cette œuvre soient homologués au greffe de cette officialité, ensemble les contrats faits au profit des dites écoles, et qu’il soit établi un bureau du nombre de cinq directeurs, en conformité des statuts dressés pour cet effet. — Fait et conclu à Moulins, le dixième novembre mil sept cent onze. — Signé : Delpineu.

12 novembre 1711. — Jean-Joseph Languet, docteur de Sorbonne, de la Maison et Société royale de Navarre, conseiller du Roi, aumônier ordinaire de Madame la Dauphine, abbé commendataire de Notre-Dame de Coët-Maloën, vicaire général de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Charles-François d’Allencourt de Dromesnil, Evêque d’Autun, Comte de Saulieu, Président-né et perpétuel des Etats de Bourgogne, Doyen des Evêques de la Province de Lyon, et official dudit Seigneur Evêque au détroit de Moulins, à tous ceux qui ces présentes verront, savoir faisons, que, vu la requête de Me Gaspard de Savignac, curé de Saint-Pierre de la ville de Moulins, présentée à Monseigneur l’Evêque d’Autun, par laquelle il lui expose, que, par ordonnance rendue par défunt Monseigneur de Senault, son prédécesseur en l’Évêché d’Autun, en date du 8 mai 1698, Me Louis Aubery, vicaire dudit sieur de Savignac, aurait été nommé recteur des écoles charitables de ladite ville, qu’en cette qualité ledit Seigneur Evêque lui aurait donné les pouvoirs nécessaires pour le bien et l’avancement de cette œuvre, lequel sieur Aubery aurait tra- vaillé si utilement, que lesdites écoles, sont à présent remplies de plus de deux cents enfants pauvres, auxquels on enseigne gratuitement le catéchisme, à lire, l’arithmétique, comme aussi les prières chrétiennes et les maximes de l’Evangile ; et, comme pour soutenir un si grand bien, il est nécessaire de garder quelque ordre et règler les devoirs de ceux qui voudront bien prendre soin de l’avancement desdites écoles, le sieur curé de Saint-Pierre aurait désiré qu’il fût établi un bureau en ladite paroisse, qui fut composé de personnes ecclésiastiques et laïques, et aurait, à cet effet, dressé des statuts et règlements, tant pour ledit bureau que pour les maîtres des écoles et pour leurs écoliers ; et, cela, selon les lumières que lui a données l’expérience continuelle de plusieurs années, dans le gouvernement des dites écoles ; à ces causes, il se serait pourvu par-devant mon dit Seigneur l’Evêque d’Autun, tant pour la confirmation et homologation desdits règlements, que pour l’établissement dudit bureau, afin que, par ce moyen, une œuvre si utile à la gloire de Dieu, fût perpétuée et perfectionnée de plus en plus, étant autorisée et confirmée par l’autorité épiscopale ; vu pareillement la réponse et décret dudit Seigneur Evêque, en date du 2 octobre 1711, par laquelle Sa Grandeur nous renvoyant la connaissance de cette affaire, nous commet spécialement à l’effet d’examiner, changer et ratifier lesdits règlements institués et confirmer ledit bureau, nommer ceux qui le doivent composer, comme aussi le recteur des dites écoles, et homologuer les contrats faits au profit d’icelles, nous donnant à cet effet tout pouvoir général et spécial ; comme aussi la requête à nous présentée par ledit sieur de Savignac, curé de Saint-Pierre, tendant à l’exécution de la susdite ordonnance de mon dit Seigneur l’Evêque d’Autun, nous, Vicaire général et official susdit, après avoir reçu, avec le respect et la vénération convenables, la susdite commission, et procédant en vertu d’icelle, après nous être fait représenter l’arrêt du conseil d’Etat, en date du 12 mars 1669, par lequel sa Majesté, étant en son conseil, ordonne que les maîtres et maîtresses d’écoles, recevront dudit Soigneur Evêque d’Autun la permission et approbation pour enseigner dans l’étendue de son diocèse, avec défense aux officiers de justice du ressort du Parlement de Paris et de Dijon de troubler ceux qu’il aura choisis, en la direction des dites écoles ; ayant aussi examiné le vingt-cinquième article de l’édit de sa Ma- jesté, en date du 14 mai 1695, et le 9e de la déclaration, en date du 13 décembre 1698, par lesquels sa Majesté ordonne que, pour l’instruction des enfants, il soit établi des écoles dans toutes les paroisses, à la diligence des archevêques et évêques, approuvées d’eux, ou de ceux qu’ils jugeront à propos de commettre à cet effet ; étant d’ailleurs parfaitement informé de la vérité de l’exposé de la susdite requête et des avantages que le public a reçus et reçoit chaque jour desdites écoles ; pour perfectionner, fixer et perpétuer une chose si saintement entreprise, et déjà si avancée pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, le promoteur général en cette officialité ouï et requérant l’établissement desdites écoles ; le tout considéré, et le saint nom de Dieu invoqué, avons ordonné et ordonnons que lesdites écoles charitables seront tenues et continuées à perpétuité, en la manière qu’elles se font aujourd’hui, pour l’utilité des pauvres et la gloire de Dieu, approuvons à cet effet les susdits règlements à nous présentés, contenant 70 articles, lesquels nous avons approuvés, confirmés et homologués, ainsi qu’ils se trouvent dans le cahier joint aux présentes, signés et parafés de notre main et de celle de notre secrétaire, pour être déposés au greffe de notre secrétariat, et y avoir recours en cas de besoin ; voulant et ordonnant que lesdits règlements soient observés de point en point, en tout leur contenu, et, à cet effet, pour maintenir leur observation, pourvoir au bon ordre desdites écoles et à la conservation des revenus destinés au paiement des maîtres, nous avons institué et établi, instituons et établissons, par ces présentes, un bureau perpétuel pour lesdites écoles, composé de trois directeurs ecclésiastiques, savoir les sieurs curés de Saint-Pierre et de Saint-Jean de la dite ville de Moulins et leurs successeurs aux dites cures, pour être directeurs-nés et perpétuels, Me Louis Aubery, à présent vicaire de la paroisse de Saint-Pierre, que nous nommons recteur perpétuel desdites écoles, lui donnant, à cet effet, tous les pouvoirs à ce nécessaires et le confirmant dans tous ceux qui lui avaient été donnés par feu Monseigneur Bertrand de Senault, Evêque d’Autun ; voulant que ledit sieur Aubery en exerce les fonctions sa vie durant, si ce n’est qu’il plût à Monseigneur l’Evêque ou à nous d’en ordonner autrement, lui réservant la faculté de changer ledit recteur quand il le jugera bon être ; ordonnons, en outre, qu’il y aura deux directeurs laïques au susdit bureau, choisis entre les notables de la dite ville de Moulins ; et, à cet effet, pour cette fois seulement, nous avons nommé ceux qui nous ont été présentés par le susdit curé de Saint-Pierre, savoir les personnes de Me Estienne Baugy, seigneur de Rochefort, président trésorier de France en la généralité de Moulins, et de Me Sébastien Maquin, bourgeois dudit Moulins, y demeurant, lesquels directeurs seront changés dans le temps et en la manière portés par les susdits règlements ; et, afin que les donations faites par plusieurs personnes charitables, pour l’entretien desdites écoles, soient stables à toujours, nous les avons aussi par ces présentes, en la susdite qualité, acceptées, approuvées, ratifiées et homologuées ; acceptons, approuvons, ratifions et homologuons lesdites donations et contrats. Savoir :

Premièrement, un contrat d’acquisition d’une maison, faite au profit de Me Louis Aubery, directeur desdites écoles, icelui en date du 5 mai 1685, reçu Cantat, notaire à Moulins.

Plus un autre contrat d’acquisition d’une autre maison, au profit du dit sieur Aubery, icelui reçu Prévost, notaire.

Plus un autre contrat, portant donation des susdites maisons par le dit sieur Aubery, au profit des dites écoles charitables, icelui en date du 5 octobre 1696, reçu Heulhard, notaire à Moulins.

Plus un autre contrat de cent livres de rente par an, au profit des dites écoles, consenti par Me Pierre Compost, bourgeois de Moulins, icelui reçu Cantat, le 19 septembre 1702.

Plus un autre contrat consenti par le même sieur Compost, au profit des dites écoles, de dix livres de rente par an, icelui reçu Cantat, notaire, le 24 novembre 1705.

Plus un autre contrat consenti par le même sieur Compost, de cinquante livres de rente par an, au profit des dites écoles, icelui reçu Cantat, notaire, le 9 aoust 1708.

Plus un contrat de cent livres de rente par an, consenti au profit des dites écoles par Me Pierre Perrin, doyen des conseillers du présidial de Moulins, icelui reçu Cantat, notaire, le 10 novembre 1710.

Plus un autre contrat de quarante livres de rente par an, consenti au profit des écoles par dame Marguerite Vialet, veuve de messire Charles le Gendre, seigneur de Saint-Aubin, conseiller au grand Conseil, icelui reçu Cantat, notaire, le 7 février 1703.

Plus un contrat de rente de trente livres par an, consenti par les héritiers de dame Estienette Chrétien, leur mère, veuve de messire Philippe Bardon, vivant président-trésorier de France, icelui reçu Clerc, notaire à Moulins, le 9 mars 1694.

Plus un contrat de cent cinquante livres de rente, au profit des écoles, consenti par Me Claude Vilhardin, bourgeois de Moulins, et la demoiselle sa femme, icelui reçu Cantat, notaire, le 22 décembre 1706.

De tous lesquels contrats les copies conformes aux originaux, certifiées par le susdit sieur Aubery et parafées par nous et notre secrétaire, ont été déposées au greffe de notre secrétariat, et jointes aux présentes pour servir ce que de raison. — Fait à Moulins, le douzième du mois de novembre, l’an de grâce mil sept cent onze. Ainsi signé, l’abbé Languet.

Je soussigné, greffier à l’officialité de Moulins et secrétaire de Monsieur l’abbé Languet, Vicaire général de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Charles-François d’Allencourt de Dromesnil, Evêque d’Autun, certifie que les copies ci-devant écrites et employées aux vingt-trois feuilles, par moi cotées et parafées depuis premier jusqu’à vingt-trois et dernier, sont conformes à leurs originaux qui sont par-devant moi déposés par mon dit sieur l’abbé Languet, suivant l’acte ci-dessus ; et, pour donner pleine foi à ces présentes, j’y ai apposé le sceau de ladite officialité aux armes de mon dit Seigneur l’Evêque. — Perrotin.

Registrés, ouï le Procureur général du Roy, pour jouir par le dit Aubery, prêtre, directeur des dites écoles charitables, ses successeurs, directeurs d’icelles, et les dites écoles charitables, de leur effet et contenu, et être exécutés selon leur forme et teneur, aux charges et conditions portées par les dites Lettres patentes, et notamment aux charges, conditions, exceptions et restrictions portées en l’arrêt de la Cour du vingt-neuf janvier mil sept cent vingt-sept, et suivant et conformément à icelui, suivant l’arrêt de ce jour. — A Paris, en Parlement, le dix-huit mars mil sept cent vingt-huit. — Dufranc.

TABLE DES MATIÈRES

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Numéros. Pages.
III. Vie et travaux de Louis Aubery
»
1
III. Règlement des Écoles charitables
1-70
16
Formation et composition du bureau des écoles
1-8
16
Devoirs du recteur
9-13
20
Ouverture et fin de l’année scolaire
14
21
Durée des classes
15
»
Quels sont les enfants qui doivent être reçus
17
22
Gratuité absolue des écoles charitables
23
21
Choix des maîtres
24
24
Vertus qu’on exige d’eux
24»
»
Visites qu’ils doivent faire à leurs écoliers
25-26
25
Court délassement qu’on leur permet
28
26
Emploi de la journée
29
»
Leur mobilier et leurs livres. — Ils doivent représenter la pauvreté de Notre-Seigneur Jésus-Christ
30 26-27
Leurs repas
31
28
La retraite annuelle
32
»
Comment ils traiteront leurs écoliers
33
»
La prière à l’école
35-37
29-30
Distribution des livres
38
30
Cartes ou tableaux pour apprendre les lettres
39
31
Manière de se servir de ces cartes
40
32-34
Méthode pour apprendre à lire le latin, — le français, — les contrats
42-45 34-38
Prière de l’heure
46
38
Du silence pendant la classe et de la tenue des élèves
47-50
38-39
De l’assistance à la messe de chaque jour ; — de la manière de se rendre à l’église, de s’y comporter et d’en sortir
51-56 39-42
Les marqueurs et les porte-chapelets
51-56»
39-42»
De la conduite à tenir en quittant les rangs et en rentrant chez soi
57-58 42
Instrument pour châtier les enfants : le robinet
60 43
Ce qu’il faut faire pour que le châtiment profite
61 »
Remèdes aux indocilités et endurcissements des enfants
62 44
Les treize cas où les enfants doivent être punis
63 44-46
Comment il faut recevoir le châtiment
64 46-47
Les heures de catéchisme
65 47
Manière de faire le catéchisme
65» 48-51
Manière d’interroger les enfants
65» 51-52
Manière d’apprendre le chiffre
66 52
Tableaux des chiffres et du calcul
66» 53-54
Instructions pour bien lire et bien écrire
66» 55
De la correction des devoirs
67 58
Meubles nécessaires pour les écoles
68 58-62
De l’entretien des écoles
69 63
Prière qu’on doit dire le matin et le soir, à l’entrée de l’école
70 63-65
III. Documents concernant l’établissement des écoles.
Approbation du règlement des écoles, par M. Languet, vicaire-général d’Autun
70» 67
Lettre de M. Gaspard de Savignac à l’évêque d’Autun, pour obtenir l’approbation du règlement et des fondations concernant les écoles charitables de Moulins
70» 68
Pouvoirs accordés à cet effet par l’évêque d’Autun à M. Languet
70» 70
Lettre de M. Gaspard de Savignac à M. Languet
70» 71
Approbation de M. Languet, agissant au nom et par les pouvoirs de l’évêque d’Autun
70» 72
Enregistrement des lettres patentes, le 18 mars 1728
70» 76
  1. La famille des Aubery est une ancienne famille du Bourbonnais, qui fut très honorablement représentée à Moulins, à Bourbon et à Saint-Menoux.
  2. Archives de la ville de Moulins, registre de la paroisse de Saint-Pierre des Menestreaux, décès de 1691 à 1738, no  469.
  3. Le Bienheureux de la Salle, par Armand Ravelet. Introduct., page 5.
  4. Hist. du Bienheureux de la Salle, par A. Ravelet.
  5. Document de l’évêché d’Autun.
  6. Archives départementales de l’Allier, série D., no 101.
  7. Vie de M. J.-B. de la Salle, 1733. t. ii, p. 90.
  8. S. Matth. chap. XVIII, v. 5. — Ce verset est suivi de ces paroles bien connues, qui sont à l’adresse des corrupteurs de la jeunesse : « Si quelqu’un scandalise un de ces petits, il mérite qu’on lui suspende une meule de moulin au cou, et qu’on le précipite au fond de la mer. »
  9. Dom Joseph, 32e abbé de Sept-Fonts, avait succédé au vénérable réformateur de la Trappe, Dom Eustache de Beaufort. Il fut abbé pendant 32 ans, jusqu’au 20 avril 1742, époque de sa mort. Voici ce qu’écrivait Mgr de la Motte, évêque d’Amiens, sur le monastère de Don Joseph : On fait des merveilles à Sept-Fonts. Avec 12,000 livres de revenus, on entretient 150 religieux, on reçoit tous les étrangers, on ne refuse jamais l’aumône ni les remèdes aux pauvres malades, tant le bon Dieu bénit leur travail et leur frugalité. (Sept-Fonts, étude historique sur l’abbaye, p. 99. Imp. A. Ducroux.)
  10. Mémoire des écoles charitables de Moulins, Archives de Macon.
  11. L’intendant de Moulins, M. de Vanolles, avait accepté de présider « la première assemblée générale des messieurs de la Société charitable établie à Moulins par M. Charles L’Herondet, docteur de Sorbonne, curé de Moulins. (Avril 1752). » C’était un homme d’une grande charité et d’une religion bien entendue. M. L’Herondet lui rend un hommage très mérité.
  12. Archives départementales, Mémoire pour les écoles charitables de la ville de Moulins, S. D. no 101.
  13. Archives départementales de Mâcon. Mémoire sur les écoles charitables.
  14. Archives départementales de l’Allier, S. D. no 101. Inventaire de tout ce qui s’est trouvé dans la maison des écoles charitables.
  15. Note de Wikisource Ce titre est proche de : Petri Arcudii Corcyræi.
  16. Archives départementales de l’Allier, registre B 746, fol. 385-387.
  17. Histoire manuscrite de l’église d’Iseure, notes à la fin.
  18. Registres de l’hôtel-de-ville d’Autun, vol. xxxix, fol. 6.
  19. Le Bienheureux J.-B. de la Salle, par A. Ravelet, p. 7.
  20. A. Ravelet, Vie du B. de la Salle.
  21. De l’instruction intermédiaire et de son état dans le midi de l’Allemagne, 1re partie, 1835, p. 15.
  22. Mémoires, t. III, p. 68-69.
  23. Les débats de la Commission de 1849, par M. de Lacombe ; discours de M. Thiers, p. 36-37.
  24. De l’instruction publique dans quelques pays de l’Allemagne, p. 90-99.
  25. Victor Cousin, Académie des Sciences morales et politiques, t. XVI, p. 419-429.
  26. Un assassin, le jeune Baillet, guillotiné à Douai le 28 août 1891, écrivait de sa prison : « Avant que le Président de la République ne décide de mon sort, je tiens à déclarer que ma précoce perversité ne doit être attribuée qu’au seul manque d’éducation dont j’ai été victime dès mon enfance. » Quel aveu !
  27. Joseph de Maistre.