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Lubricités, récits intimes et véridiques/Tribades authentiques

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(alias Alphonse Momas)
s. n. (p. Pl.-62).





TRIBADES
AUTHENTIQUES













TRIBADES AUTHENTIQUES

C’était dans l’atelier du peintre F…o dont le tableau « Cléopâtre » fut si remarqué à l’un des derniers salons. Et précisément, ce jour-là, Cléopâtre était visible et vivante, représentée par Madeleine M., qu’il ne faut pas confondre avec la célèbre galiléenne.

Il n’y a aucun point de comparaison entre elles.

À moins que ce ne soit alors que la première du nom était encore possédée des « sept démons qui firent de son corps, pendant ses belles années, un vrai tabernaculum de lubricité ».

Madeleine M. était le modèle qui posait pour Cléopâtre, et, si l’on veut bien se rappeler l’attitude lascive de la figure du tableau de F…o, il sera facile d’imaginer l’effet que la vue des charmes vivants produisait sur les spectateurs.

Nous ne voulons pas parler de l’artiste, qui, tout entier captivé par l’art, restait calme et rigide, comme un véritable Scipion. Mais chez les amateurs présents, la rigidité qui se manifestait en eux, était tout autre que la sienne.

Bref, excepté lui, tout le monde bandait.

Son calme pouvait s’expliquer ainsi. Avant l’arrivée des profanes, et afin d’obtenir l’expression de pâmoison cherchée, peut-être s’était-il offert la possession des beautés dont les autres n’avaient que la vue ?

Toujours est-il que l’érection à peu près générale ayant mis l’eau à la bouche, la conversation amenée par la tension des nerfs du pénis était fortement érotique.

On en vint à parler des puces travailleuses.

À ces mots, Madeleine dérangea involontairement la pose, et, haussant les épaules, elle dit :

— Vous coupez-donc là-dedans ?

Puis, regrettant sans doute ce qui venait de lui échapper, elle reprit le mouvement interrompu et ne prononça plus un mot.

— Madeleine a raison, dit un autre peintre qui venait d’entrer, L. H. Quand moyennant un, deux ou cinq louis suivant le quartier, vous avez assisté à un tête-bêche de vulgaires putains, qui ont fait devant vous un semblant de minette, en gigotant comme un pantin dont on tire la ficelle, vous croyez que c’est arrivé, et vous vous figurez avoir fait une réelle excursion vers Lesbos.

— Quelle erreur !

— Je ne veux pas dire que les langues que vous venez de voir entrer en danse ne sont celles de véritables gougnottes ; mais quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent le clitoris de ces dames est resté bien calme.

Croyez-moi, mes bien bons, en vous payant le spectacle qu’on nomme les puces travailleuses, vous avez assisté à une comédie écroustillante, agréable à l’œil sans doute, mais à une comédie seulement, et rien de plus.

— Les tribades, vraiment amoureuses des caresses de leur sexe, ne se livrent réellement au baisement de la motte de leur petite femme que dans un certain isolement, et surtout loin des hommes pour lesquels, en ces moments-là surtout, elles sont à cent lieues d’éprouver autre chose que du dédain.

— Alors, je réponds bien d’une chose : pendant que leurs langues frétillantes se polluent réciproquement les nymphes vaginales, Priape lui-même, ce fils de Bachus et de Vénus, armé de son phallus triomphal, ne parviendrait pas à forcer l’entrée du sanctuaire occupé avant l’épuisement de la jouissance.

— Et cela n’arrive pas aussitôt que chez nous, n’est-ce pas Madeleine ?

Interpellée aussi directement, Madeleine répondit sans se faire autrement prier :

— Je dois convenir que c’est la vérité ; tandis que les membres les plus virils, parmi ceux que j’ai le plaisir de connaître, ne bandent plus que très mollement après trois ou quatre éjaculations.

— Il y a bien quelques exceptions, mais elles sont si rares ! ajouta L. H. puis poursuivant.

— Pour en revenir à ces adorables monstres qui ont donné au gougnotisme la place qu’il occupe actuellement dans nos mœurs, ce n’est en quelque sorte que par surprise qu’il nous est donné de voir en une véritable fricassée de chairs, de sincères tressaillements de cuisses, de tétons, de fesses ; et des langues lascivement plongées dans des mottes rebondies, officier réellement avec l’ardeur d’une passion effrénée.

Moi, c’est un hasard, malheureusement peu commun, qui m’a procuré l’ineffable joie de contempler une scène de cette nature ; et je ne l’oublierai de longtemps, car le spectacle était libidineux au suprême degré.

— Oh ! contez-nous ça ! dit tout le monde en chœur, y compris Madeleine, dont les prunelles s’irradiaient des feux de la concupiscence.

— Vous êtes bons, vous autres ! Vous ne savez donc pas que rien que d’y songer cela me met dans un tel était que je serais capable de violer même Olympe A… !

— Oh ! vous n’en serez pas réduit à cette extrémité. S’il vous faut absolument une victime, je m’offre de tout cœur au sacrifice, dit gentiment Madeleine.

— Ça c’est mignon de ta part, répliqua L. H…, j’accepte avec plaisir.

— Et moi j’offre l’autel ; ma chambre à coucher est tout près, ajouta F…o.

— Vous serez satisfait de moi, je l’espère, reprit Madeleine. Si de temps en temps je me paye aussi une petite femme, je sais apprécier le plaisir de sentir une pine vigoureuse décharger en mon con le tribut exigé des prêtresses de Paphos.

— Tiens ! tiens ! Madeleine qui fait de la poésie lubrique, fit remarquer un des assistants ayant quelques prétentions littéraires.

— Dame ! j’ai couché pendant presque toute une saison avec Jean R… Mais tout cela ne nous apprend pas comment L. H… a vu de vraies tribades en exercice.

— C’est vrai ! c’est vrai ! On demande l’histoire des tribades, fit toute l’assistance.

— Voilà ! mais vous êtes tous témoins de ce que Madeleine m’a promis.

— Et je n’ai pas envie de vous faire faux bond.

— En ce cas, je commence :

Vous avez tous connu G. L…, secrétaire-général d’un de nos premiers théâtres, et courriériste dramatique dans un grand journal quotidien. Un soir à la sortie des spectacles nous nous disposions à aller souper chez Brebant.

Non loin du restaurant un charmant coupé stoppa, une main finement gantée s’agita par la portière, en même temps qu’une jolie tête blonde souriait à G. L…

C’était la belle A…, alors pensionnaire des Variétés.

Mise en quelque mots au courant de notre intention de souper, elle s’invita sans façon au festin.

A… avait débuté peu d’années auparavant dans le rôle de Vénus d’une féerie à succès, en moins d’une semaine sa beauté plastique faisait courir tout Paris et accentuait le succès de la pièce.

Chaque soir, ses formes, charnues à souhait réunies par des attaches fines et élégantes, fort peu cachées par les transparences de la gaze, allumaient des éclairs de sensualisme derrière toutes les lorgnettes de l’orchestre.

Heureux G. L… ! Ce vivant et merveilleux appel au coït que des princes avait convoité et payé des sommes folles, venait gracieusement s’offrir à lui, en disant :

— Depuis longtemps déjà, j’ai le désir de m’acquitter avec vous pour toutes les charmantes choses que vous avez dites de moi.

Ce sera pour cette nuit, si toutefois vous n’y voyez aucun empêchement.

— Comment donc ! toute belle. Mais rien au monde ne saurait m’empêcher de savourer à longs traits le délicieux nanan qui m’est si gentiment offert…

Mais, ajouta-t-il en me désignant, mon ami ne va pas la trouver bonne lui. Notre souper va lui faire l’effet du supplice de Tantale, si, après avoir été monté par les vins généreux et la vue des privautés que je me promets de cueillir, comme acompte, entre le camembert et la chartreuse, il est obligé de se brosser le ventre, ou, ce qui n’est guère plus réjouissant, pour se débarrasser de ce qui le gênera, d’éjaculer entre les cuisses de la première catau venue.

Je ne sais trop ce que j’allais ajouter ; quelque niaiserie probablement, car déjà je sentais l’ardillon de chair dresser la tête à la pensée des plaisirs promis à G. L…, lorsque la charmante fille dit en souriant :

— Non, il n’en sera pas ainsi ; mais pour cela permettez-moi de changer légèrement le programme de la petite fête.

Puis, sortant du coupé, elle écrivit quelques mots au crayon sur sa carte, qu’elle donna à son cocher avec cet ordre verbal : — Retournez chez la personne que je viens d’accompagner à l’instant, vous lui remettrez ceci, elle vous dira elle-même où il faudra la conduire.

Le cocher fouetta son cheval, qui partit vivement.

— Vous, mon petit, dit-elle à G…, vous allez commander le souper pour quatre, que Brebant fera servir chez vous. C’est à deux pas.

Le souper demandé, nous partîmes en effet chez mon ami, qui occupait, non loin de là, passage Verdau, un appartement qu’habitait avant lui l’auteur dramatique W. B…

À peine étions nous arrivés que notre quatrième convive apparaissait. Quelle ravissante surprise pour moi ! C’était l’adorable et mignonne divette Th…

Je ne vous raconterai pas notre souper ; ce n’est pas cela qui vous intéresse. Je ne vous dirai pas davantage le nombre de coups que je tirai sur le lit d’ami qui me fut offert avec la blonde Th…, tandis que G. baisait l’autre blonde A… Je noterai seulement en passant que mon aptitude souvent appréciée de minettiste fut récompensée par un « sucé » des plus savants que j’étais loin de soupçonner chez ma mignonnette partenaire.

Cependant, il n’est point de nuit, si voluptueuse qu’elle soit, qui n’ait un terme.

Chaque couple finit par passer des bras de la lascivité dans ceux de Morphée…

Ici, je demande à ouvrir une parenthèse qui, d’ailleurs, à bien son petit parfum d’alcôve.

Toutes les dames qui ont passé quelques nuits avec G…, et elles sont nombreuses, pourraient témoigner qu’il est peu de sommeil aussi dur que le sien : à preuve cette anecdote où la bonne grosse D… joua le principal rôle, du moins le rôle actif, ainsi que vous allez le voir.

Chacun sait que très fréquemment le matin l’homme est sujet à une érection, motivée non par un appel de volupté, mais par un simple besoin urétique, ce dont souvent les maris refroidis s’empressent de profiter pour s’acquitter de la corvée conjugale, ce qu’on nomme vulgairement « le coup du pot de chambre. »

Or, vers la fin d’une de ces tièdes nuits d’été, où la plus légère couverture est une gêne, D…, couchée près de G…, aperçoit en s’éveillant son camarade de lit étendu sur le dos, et le vit en bataille, de l’air le plus provoquant pour un con amateur.

Aussitôt, s’accroupissant au-dessus du braquemart tentateur, elle se l’introduit et s’offre illico la jouissance connue sous la rubrique de « baiser en grenouille. » Elle va, vient, de bas en haut, de haut en bas ; enfin, se donne le mouvement nécessaire jusqu’à l’éclosion de la volupté, sans interrompre un instant le rêve du dormeur.

Le fait est absolument authentique ; c’est de D… elle-même que je le tiens.

Je ferme la parenthèse, et j’arrive à la scène dont le souvenir me fait encore bander.

Après nous être endormis, comme je viens de le dire, saturés de plaisir, je fus assez surpris, en m’éveillant vers dix heures, de ne plus voir à mes côtés ma mignonne suceuse » … j’étais pourtant certain de ne pas avoir rêvé… ce que j’avais éprouvé.

Pendant que je m’écarquillais les yeux à chercher autour du lit, mon oreille aux écoutes perçut comme un vague bruit de soupirs de bien-être, dans la chambre de G., dont la porte n’était que poussée.

Je me levai en bannière pour aller aux informations dans la dite chambre…

Ah ! mes amis ! quel spectacle ! Quel tableau aphrodisiaque !

Assez loin du lit, à même le parquet, sur une litière faite de tout ce que nos deux compagnes avaient pu trouver de meilleur, tapis, coussins, oreillers, édredons, etc… j’entrevis tout d’abord un merveilleux fouillis de chairs. Un adorable cul rose, dont les fesses grassouillettes auriolaient une chevelure s’éparpillant sur des cuisses rebondies et nerveuses en un enivrant tête-bêche féminin.

Aucune expression ne saurait dépeindre l’ardeur de titillation mutuelle de ces deux langues lesbiennes qui, avides et acharnées sur leurs clitoris gourmands, causaient à chacune de nos tribades, des transports frénétiques, inoubliables quand on en a été témoin.

Leur fureur clitoridienne se traduisait par des spasmes voluptueux, des exclamations à demi-étouffées, mais non simulées, celles-là, je vous en réponds.

— Ah, mon trésor, que c’est bon !

— Encore ; toujours !

— Je me pâme !

— Oh, va ! va ! plus vite !

— Tue-moi ! mon ange !

— Suce ! suce !

— Je jouis !

— Je décharge !

— Je meurs !

— Oh ! ma cochonne chérie !

Etc., etc., etc…

Et toutes ces phrases hachées de convulsions complétaient une véritable apothéose libidineuse.

Néanmoins G. ne se réveillait pas.

— Mais vous ?…

— Moi, je me gardais bien d’interrompre ce joli jeu, sachant fort bien que je serais mal venu ; pendant cela, je me branlais.