L’Éducation des adolescents au XXe siècle/Volume II/Texte entier

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Félix Alcan (Volume IIp. --157).
L’Éducation des Adolescents
au xxe siècle
ii. Éducation Intellectuelle
L’ANALYSE
UNIVERSELLE
par
PIERRE DE COUBERTIN


PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

L’Analyse Universelle

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

À LA MÊME LIBRAIRIE :
L’Éducation des Adolescents au xxe siècle.
i. — Éducation physique : La Gymnastique utilitaire (Sauvetage, Défense, Locomotion).
iii. — Éducation morale : Le Respect mutuel (en préparation).

L’Éducation en Angleterre (Collèges et Universités). Hachette et Cie, 1888.
L’Éducation anglaise en France, avec une préface de Jules Simon. Hachette et Cie, 1889.
Universités Transatlantiques. Hachette et Cie, 1890.
Souvenirs d’Amérique et de Grèce. Hachette et Cie, 1897.
Notes sur l’Éducation publique. Hachette et Cie, 1901.
L’Évolution française sous la Troisième République. (1870-1895). Plon et Cie, 1896.
Pages d’Histoire contemporaine. Plon et Cie, 1909.
The Evolution of France. Th. Crowell et Co, Boston et New-York, 1898.
France since 1814. Chapman et Hall, London ; Macmillan et Co, New-York, 1900.
La Chronique de France, 7 volumes (1900 à 1907). Albert Lanier, Auxerre.
L’Avenir de l’Europe, 4 broch. Bureaux de l’Indépendance Belge, Bruxelles, 1900.
L’Éducation des Adolescents
au xxe siècle
ii. Éducation Intellectuelle
L’ANALYSE
UNIVERSELLE
par
PIERRE DE COUBERTIN


PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

TABLE DES MATIÈRES



Pages



PRÉAMBULE

En publiant la seconde partie d’une trilogie consacrée à l’éducation de l’adolescent sous son triple aspect : physique, intellectuel et moral — ma première préoccupation est de me défendre contre toute arrière-pensée de logique et de symétrie systématiques. Les réformes qui s’imposent à l’activité d’une génération suffisent véritablement sans qu’on doive encore poursuivre la réalisation de réformes superflues. Mais il advient que les Français se complaisent volontiers aux façades architecturales de leurs écrits. Le souci de la forme les entraîne parfois à ajouter à l’édifice essentiel des ailes inutiles. En ce qui me concerne, je puis attester qu’aucun plan préconçu ne m’a guidé. En travaillant pendant plus de vingt années à restaurer l’éducation physique, j’ai eu maintes occasions d’étudier la crise que traverse l’enseignement, crise dont l’universalité souligne l’importance. Ainsi j’ai été amené à chercher et à proposer une solution nouvelle totalement différente par son principe et son objet du régime en vigueur jusqu’alors. Cette solution, les bases en furent esquissées dès 1900 dans mes Notes sur l’éducation publique. Passée depuis lors au crible d’une lente réflexion et d’une critique presque quotidienne, la réforme projetée a fini par grouper un certain nombre d’adhérents qui ont créé avec moi l’Association pour la réforme de l’Enseignement. Rédigés de 1907 à 1910, les programmes que voici en sont la charte. Notre groupement s’efforcera simplement de les répandre et d’en faciliter, çà et là, la mise en pratique. Dans ce petit volume, mon désir est de résumer les idées directrices sur lesquelles reposent ces programmes, puis de les commenter brièvement en discutant les objections qu’ils soulèvent.

Le premier mérite — et si l’on me permet d’ajouter : l’originalité — de notre effort viennent de son caractère positif. Jusqu’ici on s’était généralement limité au négatif, c’est-à-dire que l’on avait critiqué avec abondance. Il avait été réclamé et poursuivi de radicales démolitions sur l’emplacement desquelles aucun projet ne prévoyait l’édification de bâtiments nouveaux. Or « la critique est aisée et l’art est difficile » ; le mot demeure éternellement juste et, par là même, ceux qui abandonnent de propos délibéré les stériles sentiers de la critique pour oser la conception raisonnée d’un état de choses à venir ont droit à quelque indulgence.

Notre second mérite — il est original aussi — c’est d’avoir pris pour base unique, pour point de départ de la réforme l’étude des besoins de l’adolescent au début du vingtième siècle. Certes on doit admettre comme compréhensible et légitime le souci des intérêts du corps enseignant, mais ce souci ne peut être qu’accessoire. L’adolescent est le principal facteur de l’équation à résoudre et ses intérêts à lui doivent primer tous les autres. Vraiment on ne semble guère s’en être avisé. Il suffit de dresser le bilan des besoins de cet adolescent, pour constater à quel degré incroyable ils sont méconnus et méconnus inconsciemment par le plus grand nombre de pédagogues.

Le temps présent se distingue par quelques caractéristiques puissantes et d’une envergure quasi mondiale. Empires ou républiques, peuples du Nord ou du Midi, sous tous les régimes et sous toutes les latitudes ou peu s’en faut, nous apercevons que l’existence de l’individu et des groupements collectifs est dominée par trois faits prépondérants qui sont : la démocratie, le cosmopolitisme et l’instabilité sociale. Ces faits s’enchaînent-ils nécessairement ? Découlent-ils l’un de l’autre d’une façon en quelque sorte mathématique ? Il serait peut-être exagéré de le prétendre. En tous cas ils sont aujourd’hui liés ensemble pour former un état de choses intangible et cela par suite de circonstances où la volonté humaine a eu sa part mais qui, pourtant, étaient plus fortes qu’elle et l’auraient probablement entraînée malgré elle dans les voies où l’univers se trouve désormais engagé. Donc : démocratie, cosmopolitisme, instabilité sociale. Quelles sont les conséquences de ces faits au point de vue pédagogique ? En quoi et comment l’instruction doit-elle en être influencée ?

Toute démocratie s’oriente naturellement vers l’avenir et s’inspire de l’esprit de nouveauté. Il ne peut en être autrement. L’agitation démocratique ressemble à celle de l’océan où un flot incessamment poursuit l’autre et sur lequel le navire ne peut progresser qu’à la condition d’être équilibré en vue de ce mouvement perpétuel, de ce perpétuel devenir. La sagesse la plus élémentaire indique donc aux éducateurs d’une démocratie qu’ils doivent obliger les jeunes esprits confiés à leurs soins à se tourner le plus possible vers le passé, de façon à développer en eux une certaine dose d’esprit de tradition. Depuis des siècles et des siècles on sait que les nations, pour durer, ont besoin de combiner l’esprit de tradition et l’esprit de nouveauté. Tandis que l’excès du premier a parfois retardé dangereusement la marche des sociétés aristocratiques, l’excès du second a souvent failli conduire à l’abîme les sociétés démocratiques. Dans le premier cas, une certaine somnolence méfiante prédomine à l’égard du lendemain ; dans le second interviennent l’ignorance de la veille et l’oubli des leçons reçues. Là est le péril le plus redoutable. La tendance habituelle des sociétés démocratiques est, par leur constitution même, de se croire toujours en face de problèmes inédits et de situations sans précédents. L’élite sait à quel degré vraiment étrange l’histoire se répète ; la foule n’en a aucune notion parce que sa mentalité est celle de l’enfant qui se tient inconsciemment pour le centre de toutes choses et, rapportant toutes choses à soi, les regarde comme créées en même temps que lui et pour lui. À cela s’ajoute, de la part des dirigeants élus, l’habitude de la surenchère qui contribue aussi très fortement à enseigner à l’électeur le dédain de ce qui fut et la confiance exaltée en ce qui sera. Une démocratie éclairée est celle qui regarde en arrière quand il en est besoin pour y relever la marche des peuples sur les routes d’autrefois, celle qui a le sentiment de la valeur du temps et sait que le progrès est issu des labeurs additionnés, celle qui peut, en une certaine mesure, tirer ses motifs d’action ou d’abstention de l’exemple des sociétés antérieures.

Comment former une semblable démocratie ?… En lui enseignant le passé mais tout le passé : non pas seulement celui de ses propres ancêtres ou de ses plus proches voisins mais celui de tous les peuples dans l’ordre et selon l’importance que l’histoire leur assigne. Voilà un premier principe dont on ne peut pas dire qu’il a été transgressé car il ne fut jamais appliqué de façon franche et complète. La division du passé en petits parterres dont beaucoup demeurent en friche a toujours charmé les éducateurs et, encore actuellement, pour reconnaître que Lao-tsé et Manou, la république de Novgorod, l’État teutonique et le royaume de Bourgogne transjurane, Cassiodore et Cosma Minine, l’Avesta et l’Ecloga, Jackson et Bolivar, Lincoln et Rosas, le Shogunat et le Monroïsme ont droit d’entrer dans les manuels et d’y tenir une place sérieuse, je crois bien qu’il faut n’appartenir à aucun corps enseignant et n’être sorti d’aucune école normale.

Il serait fâcheux de confondre le cosmopolitisme avec la doctrine qui préconise la disparition graduelle des patries et leur absorption par l’idéal humanitaire. Le cosmopolitisme n’est pas une doctrine mais un fait. Qu’on l’approuve ou qu’on le désapprouve, il faut bien l’admettre comme on admet le ciel sans nuages ou la pluie à torrents. Il est le résultat de la facilité des transports et de l’enrichissement des classes moyennes. Il atteint, d’ailleurs, la société jusque dans ses derniers rangs puisque le plus grand nombre des émigrants appartiennent à la classe pauvre et que beaucoup de ces émigrants reviennent, puis repartent et subissent par là des influences cosmopolites. Le cosmopolitisme ne paraît pas du tout devoir servir les intérêts des « humanitaires ». Loin d’atteindre l’idée de patrie, il la développe et la fortifie. On a pu avoir des doutes à ce sujet au début. Mais, depuis trente ans, il est visible que les passions nationalistes ont été puissamment avivées par la pénétration internationale. C’est cette pénétration, précisément, qui crée à la pédagogie des obligations dont elle paraît encore inconsciente. Tout, dans l’univers actuel, se résume, pour les nations, en une double loi de solidarité et de concurrence. Partout en contact, elles se trouvent partout en rivalité les unes vis-à-vis des autres. Mais, en même temps, elles sont solidaires en ce sens qu’elles ne peuvent agir trop fortement ou trop directement contre les intérêts d’autrui sans se nuire à elles-mêmes. Ce n’est pas là certainement un des éléments qui ont le moins contribué au maintien de la paix générale pendant de longues années à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Et chacun pressent que, si la guerre éclatait de nos jours, le vainqueur lui-même en sortirait passablement affaibli. C’est que, économiquement, financièrement, politiquement même à bien des égards, un réseau d’échanges, d’ententes, d’intérêts entremêlés s’est tissé sur le monde civilisé, réseau inextricable, des mailles duquel il est quasi impossible de se dégager totalement.

Un tel état de choses exige que l’adolescent soit soustrait à toutes tendances vers la localisation et la myopie. Autrefois ses maîtres, non sans raison, tenaient ses regards rivés sur le petit coin de la planète où sa nationalité semblait le destiner à vivre. Il était entendu qu’il devait savoir en détail ce qui concernait la géographie, les productions, les industries, le commerce, l’administration de son propre pays alors que quelques données générales sur les autres pays et de vagues notions sur les contrées lointaines sises dans un hémisphère différent ou au-delà de l’océan suffisaient pleinement à sa culture. Ce temps est loin ; aujourd’hui le meilleur moyen de servir la patrie, c’est incontestablement de bien connaître les patries rivales. On découvre la sienne en étudiant les autres mais l’inverse n’est point exact. Et puis, il y a le sens de la proportion des territoires, la comparaison des ressources, les questions de densité de population, de richesse du sol, de facilités commerciales, de débouchés… tout cela ne s’apprend pas en morcelant les régions qu’on étudie mais en conservant toujours sous les yeux les ensembles dont soi-même on fait partie. Ainsi se formule ce second principe : qu’il faut acquérir la notion des caractéristiques du temps présent, de tout le présent, non pas seulement de celui du pays ou de la race auxquels on appartient ou de la profession à laquelle on se destine, mais de tous les peuples divers et de toutes les formes d’activité de la vie civilisée.

Par instabilité sociale n’entendons point ce simple fait, conséquence de l’état démocratique : la disparition des situations héréditaires. C’est dans le cadre de sa propre existence que l’individu est désormais exposé à toutes sortes de revirements. Les démocraties ne sont pas par essence victimes de ce phénomène. Un concours de circonstances explique qu’il se soit produit. Quoiqu’il en soit, de nos jours, « tout le monde peut tout » ; c’est l’occasion de maints désordres et c’est aussi la source de forces nombreuses. En tous les cas nous n’y remédierons en rien. Il faut prendre son époque comme elle est et s’efforcer, comme disent les Anglais « to make the best of it ». Mais, en prévision des ascensions et des descentes répétées et soudaines qui s’opèrent dans la vie des citoyens, ceux-ci doivent être instruits d’après des procédés et dans un esprit uniformes qui ne les classent pas dès le jeune âge en « catégories » mentales où ils demeurent en quelque sorte les prisonniers de l’instruction reçue. Dans presque tous les pays on voit maintenant parvenir à la direction des grands intérêts collectifs des hommes entre lesquels la diversité de l’enseignement qui leur a été donné a creusé des abîmes d’incompréhension ou dressé d’irrémédiables barrières. Leur collaboration s’en ressent et la paix sociale en souffre. Il faut que cela cesse. Si tous ne peuvent pas poursuivre jusqu’au bout les mêmes études, il importe du moins que ces études aient, à défaut du même point d’arrivée, le même point de départ pour tous.

Des observations qui précèdent se dégage la conclusion que voici : l’enseignement secondaire apparaît comme devant constituer — entre l’école primaire où s’apprennent les bases techniques de la culture et l’école supérieure ou universitaire où s’enseigne le spécialisme pratique ou scientifique — une ère d’idées générales embrassant l’ensemble du monde matériel et de l’évolution humaine ; afin que, par là, tout homme cultivé ait, au seuil de la vie active, un aperçu du patrimoine dont il est à la fois bénéficiaire et responsable. Telle est, qu’on nous passe l’expression, la « Déclaration des Droits de l’adolescent », base de la révolution que nous préconisons.

Le principal obstacle à une pareille révolution vient du « cellularisme ». Le cellularisme pédagogique, c’est le fait d’envisager la matière enseignée comme un tout isolé, séparé des autres matières par de véritables cloisons étanches. Ce système est, à l’école primaire, tout à fait normal. Nul n’a jamais eu l’idée d’y fusionner la grammaire et l’arithmétique non plus que l’histoire et l’orthographe. L’enseignement secondaire d’autrefois n’avait guère de motifs de ne pas s’inspirer des mêmes principes. Il n’était pas encombré. Chaque cours pouvait s’étendre librement en long et en large sans gêner les voisins. Les professeurs en profitaient. Ainsi se formèrent des coutumes qui devinrent des dogmes par une sorte de prescription mentale établie à leur profit. L’enseignement d’une science comporta l’histoire de l’évolution ou des découvertes par lesquelles cette science avait passé. On en exposa à l’élève les divisions et les sous-divisions, les ramifications et les sous-ramifications. À force de ne s’être pas demandé si cela était indispensable, on en vint à ne pas douter que cela ne le fut en effet. Le cellularisme était né avec toutes ses conséquences. L’une des premières et des plus graves consista à ne plus admettre dans les programmes que ce qui pourrait y prendre place in-extenso. L’interdiction fut inconsciente mais absolue. Aucune matière nouvelle ne pénétrerait désormais dans l’enceinte sacrée soit en esquisse d’ensemble soit partiellement pour certains de ses chapitres seulement. Faute d’en tout dire, on n’en dirait rien. C’est ainsi, par exemple, que les études secondaires comportent presque partout l’énumération des tâtonnements à travers lesquels la physique et la chimie ont progressé tandis que pas un mot n’y figure concernant l’agriculture… Surviennent des sciences imprévues ; elles voudront s’installer en bloc, elles aussi, sans que personne songe à la possibilité de les introduire plus discrètement.

C’est ce qui est advenu. Les découvertes scientifiques du xixe siècle ont modifié et accru dans des proportions inattendues les programmes d’études. Comment pouvait-il en être autrement ? De ces découvertes qui, même en tenant compte de désillusions et de déceptions inévitables, composent un ensemble vraiment éblouissant, il n’en est pas une qui n’ait abouti dans la vie de chaque jour à quelque application pratique ingénieuse et séduisante. Par là la foule a été conquise et s’est vouée au culte des Sciences avec une ferveur que le culte des Lettres n’avait jamais suscitée. En matière historique, littéraire, artistique la foule, même cultivée, se laisse guider par des chefs en qui elle place — de façon plus ou moins justifiée — sa confiance. Ces élites n’ont pas toujours beaucoup d’influence sur le jugement de la postérité qui volontiers se retourne contre le leur et en renverse les arrêts. Mais leur action sur l’opinion présente est prépondérante. C’est qu’ici la réflexion et le sens critique doivent intervenir. Or qu’est-il besoin de réflexion et de sens critique pour acclamer des progrès qui se traduisent en conforts certains, en facilités visibles et tangibles. J’employais à l’instant le mot : éblouissant. Il dépeint exactement l’état des choses. Successivement la foule a été éblouie par les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone, la lumière électrique, l’automobile, l’aéroplane La surprise joyeuse, la curiosité éveillée des jeunes garçons rencontrèrent à l’appui l’intérêt des parents empressés à voir s’ouvrir pour leurs enfants de nouvelles carrières moins encombrées et plus lucratives. Et ces deux forces combinées trouvèrent pour les servir l’exclusivisme enthousiaste des spécialistes prêts à enseigner ces matières nouvelles et portés naturellement à en exalter la valeur pédagogique. Notez que tous ces sentiments sont simplistes et que leur enchaînement apparaît en quelque sorte fatal. Enfin dernier élément favorable ; l’enseignement cellulariste ainsi développé ne heurtait pas les habitudes établies ; comme nous venons de le voir, il recevait de la tradition son moule naturel.

Ce régime défectueux ne tarda pas à rendre impossible que la synthèse désirable s’opérât convenablement dans le cerveau de l’adolescent. Jusqu’alors les éléments distincts qu’on y versait comme en une sorte de creuset — rhétorique, histoire, langues mortes, sciences naturelles, géographie, etc. — s’y combinaient de façon suffisante pour former sinon une culture totale, du moins une base vaste et solide de connaissances. Le jeune homme sortait de ses classes assez instruit pour que, même s’il en restait là, son existence en fut éclairée. Il comprenait ce qu’il ne savait pas. Aujourd’hui il lui arrive de ne pas comprendre ce qu’il sait. C’est que la synthèse ne se fait plus. Pour les raisons que j’indiquais tout à l’heure, il était infaillible que la chose advint. Ces découvertes scientifiques qui ont illustré le dernier siècle ont encore ceci de caractéristique qu’elles se sont produites en dehors de tout ordre, de toute méthode ; le hasard y a sans cesse présidé. Ainsi en pénétrant dans la pédagogie, elles n’ont pu aider à y instituer un plan général de l’esprit humain ; l’incohérence provenant naturellement de matières trop nombreuses s’est accrue du fait que ces matières semblaient n’avoir aucun lien entre elles. L’opinion s’est émue successivement de ces deux catégories de maux. Elle a commencé par apercevoir le surmenage et le dénoncer comme le seul péril. Ce surmenage menaçait surtout la France, pays où l’adolescent d’alors consacrait le plus d’heures à l’étude parce que l’éducation physique n’y existait guère et les jeux sportifs pas du tout. La première chose à faire était de donner au travail cérébral le contrepoids nécessaire du travail musculaire. Ceci fait, le surmenage disparut par cette raison que l’organisme juvénile se trouva mis à même de résister à la pression exercée sur lui jusqu’alors. Mais bientôt l’autre danger apparut, de beaucoup le plus certain et le plus durable. On constata que le niveau intellectuel baissait. Il baissait partout car si d’autres pays que la France s’étaient trouvés prémunis contre le surmenage par suite d’une bonne pédagogie musculaire, aucun n’avait pu s’opposer à l’envahissement scientifique issu des découvertes récentes. Et partout cet envahissement rendant de plus en plus impossible la vieille synthèse d’antan, jetait le trouble dans les cerveaux des adolescents. L’intelligence-faculté n’est sans doute pas atteinte : cela ne se produirait pas si vite. Mais l’intelligence-résultat l’est gravement. Encore une fois, comme je disais tout à l’heure, la connaissance et la compréhension, loin de faire route ensemble, se sont nui ou du moins la seconde a payé pour la première. La puissance intellectuelle d’à présent est très singulièrement distribuée. Il y a, tout au sommet, de petits groupes qui comprennent trop. Leur extraordinaire lucidité en général les déroute et les déséquilibre. À force de tout apercevoir, ils perdent volontiers le nord. Le caractère, la volonté, l’initiative en souffrent. Tout en bas il y a la masse si longtemps tenue dans l’ignorantisme et qui naturellement a progressé : encore que, flattée par les démagogues, elle conçoive de son mince savoir une satisfaction peu propre à le développer ; la mentalité « primaire » pourrait bien, en se répandant, devenir une des plaies de l’époque par le mélange d’un inachèvement excessif et d’une suffisance plus excessive encore. Mais ce qui a baissé, c’est la valeur de ces classes moyennes restées le back bone, l’épine dorsale des nations civilisées. L’adolescent de ces classes-là est bien celui dont on peut dire qu’il a échangé une part de son intelligence contre un lot de notions numérotées. L’échange n’est heureux ni pour lui ni pour sa patrie.

Le malheur a voulu que, vers le même temps, le plus étrange débat ait mis aux prises « classiques » et « modernes » : débat acharné quoique poncif et dont la postérité sourira. Les « modernes » d’abord vainqueurs saisirent l’occasion de jeter le latin hors de la nacelle du ballon pédagogique pour le mieux délester. En ce faisant, d’innocents maniaques ou de ténébreux utopistes pensaient instaurer une ère de lumière sublime tandis que les autres songeaient simplement à éliminer : rosa, la rose — et les ânonements sur lesquels s’exerçait depuis longtemps la verve d’une satire trop facile. Quand il fallut déchanter, on s’était si bien entraîné à accabler le latin d’acerbes critiques et à espérer de sa disparition une prompte et totale guérison que la désillusion fut énorme. Les « modernes » n’en revenaient pas. Lettres, Sciences : deux aspects de la culture humaine ! Le parallèle s’était établi de lui-même dans les discours solennels et, dans les fresques décoratives, les deux figures se faisaient pendant en une indiscutable équivalence. Alors quoi ? Le parallèle n’était donc pas exact ? L’équivalence n’existait donc pas ? Non certes, elle n’existe pas. Et d’abord, les sciences ce n’est pas la science. Il y a entre Lettres et Sciences la même différence qu’entre la mer et la montagne. La mer se révèle à tous ceux qui la regardent. On s’en pénètre plus ou moins mais la conception qu’on en a du rivage est juste. Au contraire pour connaître la montagne, il faut en atteindre le sommet car la vue qu’on en a d’en bas est essentiellement trompeuse. Or le sommet demeure inaccessible au plus grand nombre. Autre opposition plus importante encore : la culture littéraire est tissée d’humanité ; la culture scientifique, de surhumanité. Ce qui compose l’une, c’est l’addition de tous les efforts des hommes depuis l’origine de la civilisation : ce qui compose l’autre, c’est une série de vérités abstraites ; elles sont et apparemment elles ne peuvent pas ne pas être mais toujours le pourquoi et bien souvent le comment nous en échappent. Aussi s’explique t-on que des sociétés très raffinées, très avancées, très intellectuelles aient pu vivre et durer presque sans science, mais conçoit-on comme non viable une société uniquement scientifique et privée de culture littéraire. Sans doute une semblable société n’a jamais existé. Pourrait-on la mettre debout ? Certains en tous cas sont en route pour tenter l’expérience. Penchez-vous sur les milieux uniquement imprégnés de culture scientifique et vous aurez le vertige à contempler les abîmes d’absurdité où l’on vous conduit. Le goût et l’habitude de l’utopie y dominent exclusivement. Comment s’en étonner ? La tendance à faire régner l’absolu et l’inexorable au sein d’une humanité où tout est relatif et passionné — tendance si grosse de conséquences redoutables — se trouve renforcée singulièrement du jour où le raisonnement et la méthode expérimentale sont laissés maîtres de diriger sans contrôle ni contre-poids l’éducation des facultés de l’homme. « La plus grande science, disait Leibnitz, veut un certain art de deviner sans lequel on n’avance guère ». Ce « certain art » n’est pas moins indispensable au disciple qu’au maître, à celui qui s’assimile qu’à celui qui invente. Appelez-le : jugement, sens critique appelez-le comme vous voudrez ; s’il se définit malaisément, il s’affirme néanmoins car son absence se fait cruellement sentir là l’on n’a pas réussi à l’introduire.

Mais tout ceci est en dehors des données pratiques du problème. Formé par les « classiques » ou formé par les « modernes » l’adolescent du XXe siècle restera toujours aux mains de « cellularistes ». Ni les uns ni les autres ne sont à même de satisfaire ses besoins car le cellularisme est aux antipodes des nécessités pédagogiques de l’époque. Il faut donc soustraire l’adolescent à l’action des uns aussi bien que des autres. Comment y parvenir ? Un changement radical de méthode s’impose. À la synthèse, il faut substituer l’analyse. En effet, puisqu’il s’agit d’envisager désormais des ensembles, nulle autre que la méthode analytique n’y saurait réussir. On fait une synthèse avec des éléments distincts mais, en face d’un ensemble, force est bien d’analyser. Ainsi, si les procédés synthétiques conviennent au cellularisme, on aperçoit immédiatement que les procédés analytiques sont seuls applicables à l’universalisme.

Sur quoi portera l’analyse ? Nous l’avons déjà indiqué : sur deux blocs qui seront d’une part le monde matériel et les conditions d’existence qui nous sont faites, de l’autre l’œuvre accomplie par les hommes à travers les siècles et dont les générations successives sont toutes solidaires. Par là se trouvent réalisées les deux conditions dont nous disions tout à l’heure qu’elles étaient exigées par la démocratie et par le cosmopolitisme : apprendre d’une part « tout le passé non pas seulement celui de nos propres ancêtres ou de nos plus proches voisins mais celui de tous les peuples dans l’ordre et selon l’importance que l’histoire leur assigne » ; apprendre d’autre part « tout le présent, non pas seulement celui du pays ou de la race auxquels on appartient ou de la profession à laquelle on se destine, mais de tous les peuples divers et de toutes les formes d’activité de la vie civilisée ». Nous avons reconnu ensuite que l’instabilité sociale, troisième caractéristique du siècle, réclamait quelque chose d’autre : l’unité d’origine des études afin que le mandarinat secondaire vis-à-vis des enseignements que l’on appelle post-scolaire et primaire supérieur, cesse de s’enfermer en ses formules comme en un camp retranché et que soient sauvegardés les intérêts de ceux dont l’instabilité sociale interrompt les études ou qui complètent tardivement les leurs dans les cours d’adultes et aux écoles du soir. Sur ce point encore le principe analytique nous apporte toute satisfaction. Une synthèse qui reste en route ne dissipe aucunes ténèbres tandis qu’une analyse amorcée crée dès le début de la lumière.

L’enseignement analytique possède à cet égard la plus complète élasticité : il permet aussi bien un exposé rapide d’une ou deux années qu’une succession d’études détaillées. Nous estimons que, régulièrement, il doit couvrir une période de quatre années : de onze à quinze ou de douze à seize, succédant à une période primaire bien nourrie, sans vues générales et la même pour tous. Cette brièveté de l’enseignement secondaire tel que nous le concevons répond aux exigences de la vie moderne, pressée le plus souvent de devenir pratique et rémunératrice.

On entend bien que tout l’esprit de l’enseignement est changé. Il ne s’agit pas, pour ce qui concerne les mathématiques, par exemple, de mettre l’adolescent à même d’en faire usage, mais simplement de l’amener à comprendre à quoi et comment elles servent. En regard de cette connaissance, que vaut de pouvoir tant bien que mal démontrer un théorème ?

On nous objectera d’emblée qu’il n’existe ni professeurs susceptibles de donner l’enseignement tel que nous le proposons, ni manuels propres à les y aider. Il est possible, mais il en existera demain pour peu que l’opinion l’ordonne. Aussi bien notre œuvre, datée de Paris, ne se limite ni à la France, ni même aux peuples latins. Nous la croyons applicable en Bolivie aussi bien qu’au Japon. Elle n’est point intangible non plus. Bien que résumant dix années d’enquête et de réflexion, elle est assurément améliorable dans ses détails et nous accueillerons avec empressement toutes les suggestions heureuses qui nous seront faites. Mais le principe demeure. L’heure a sonné que prévoyait Berthelot lorsqu’il s’écriait naguère : « Il deviendra impossible de s’assimiler l’ensemble des découvertes de son temps. Le cerveau humain ne pouvant plus absorber l’immense majorité des faits acquis ne pourra plus généraliser, c’est-à-dire s’étendre et se développer ». Or, il faut que l’esprit démocratique — à peine de rétrograder vers la barbarie — s’étende et se développe et, pour cela, qu’il possède ces vues d’ensemble par lesquelles seules l’homme apprend la modestie, la prudence et le prix des « labeurs additionnés ».

Les programmes qui suivent sont divisés en trois parties que nous avons intitulées : Sciences, Humanités, Langues. La première partie : Sciences, se subdivise en dix-huit chapitres, qui sont : le monde sidéral — les mathématiques — la terre — l’eau — l’air — le feu — les minéraux — les végétaux : l’agriculture — les animaux — l’homme — l’électricité — les machines — l’industrie — le commerce — les transports — la richesse — la loi — la défense. Ces dix-huit chapitres numérotés en chiffres romains sont, eux-mêmes, pour plus de clarté, subdivisés en paragraphes distincts.

La deuxième partie : Humanités, se subdivise en quarante chapitres numérotés en chiffres arabes et dont les titres sont : Bases de l’évolution humaine : les races. — Les empires chaldéens (4000 — 535 av. J. C.) ; la Chine et l’Inde antiques (2100 — 50 av. J. C.) — Les Égyptiens (3500 — 525 av. J. C.) et les Phéniciens (1800 — 300 av. J. C.) — Les Hébreux (1380 — 135 av. J. C.) ; les Mèdes et les Perses (835 — 330 av. J. C.) — L’Hellénisme (900-146 av. J. C.) — La république romaine (509—29 av. J. C.) — L’empire romain (29 av. J. C. 395 ap. J. C.) — L’Europe du Nord et la Germanie (600 av. J. C. 411 ap. J. C.) ; les royaumes barbares d’Occident (411—711). — Charlemagne et son empire (748—843). — L’empire arabe (622—1212). — L’empire grec (395—1204). — L’Angleterre avant et après la conquête normande (827—1215). — Le saint empire romain-germanique (962—1254). — Les croisades (1095—1291). — La France avant, pendant et après la guerre de cent ans (987—1483). — Les langues, la littérature, l’art gothique, l’église et la scolastique. — L’Europe du nord à la fin du xve siècle. — L’Europe du sud et du centre à la fin du xve siècle. — Inventions et découvertes : transformation de l’Europe. — L’Asie, l’Afrique et l’Amérique au xvie siècle. — La Renaissance, la Réforme et le Concile de Trente. — Charles-Quint et Philippe II (1519—1598). — Henri IV, Richelieu et Louis XIV (1589-1715). — Élisabeth, Cromwell et Guillaume d’Orange (1557-1700) ; l’Angleterre parlementaire (1700—1800). — Suède (1523—1792) ; Russie (1505-1796). — Pologne (1501 — 1795) ; Hongrie (1516—1790) ; Empire ottoman (1512—1792). — Suisse (1500—1798) ; Pays-Bas (1558—1747). — Les empires coloniaux. — L’Allemagne de Frédéric II et de Joseph II (1740—1790). — Le développement intellectuel et artistique aux xviie et xviiie siècles. — La révolution française et Napoléon Ier. — La formation des États-Unis (1683-1875). — L’émancipation sud-américaine (1800—1900). — La résurrection de la Grèce. — Napoléon III. — L’empire allemand et l’unité italienne. — L’empire britannique. — La république française et l’équilibre européen. — Les lettres, les sciences, les arts et l’industrie au xixe siècle. — Derniers événements : évolution mondiale.

Les dates qui accompagnent les en-têtes de chapitres ont été calculées de façon que les périodes historiques chevauchent, quand il est nécessaire, les unes sur les autres et qu’aucun moment important de l’histoire ne se trouve écarté du programme. Le fait que les Sciences sont séparées en dix-huit chapitres et les Humanités en quarante n’implique nullement que le second cours devra être traité en deux fois plus de temps que le premier. Il s’agit simplement des matières à passer en revue qui se trouvent, par leur nature même, se classer de façon différente dans l’un et l’autre cas.

Une troisième partie dont nous n’avons pas eu encore occasion de parler comprend l’étude des langues et réunit les langues mortes et les langues vivantes, d’après le principe de la simple lecture et d’une brève explication de texte pour les premières, d’un apprentissage simultané des formules usuelles pour les secondes. En ce qui concerne le latin et le grec, il faut s’en être approché exactement comme fait d’un monument illustre le voyageur pressé. Il est bien vrai que certains dilettantes soutiendront qu’il vaut mieux n’être pas allé à Rome que d’y séjourner huit jours et n’être jamais entré au musée du Louvre que d’y passer une après-midi. Ce sont là des sottises. Actuellement les longues heures que, dans les classes classiques, on consacre au grec et au latin n’aboutissent, il faut bien le dire, à rien de sérieux. Les élèves ne savent pas pour cela converser dans la langue de Cicéron et les charmes d’Homère à livre ouvert leur demeurent étrangers. Un tel résultat ne s’obtient que par de longs travaux personnels ultérieurs et il relève de l’enseignement supérieur, du spécialisme universitaire. Est-ce une raison pour tout ignorer de ces langages admirables qui furent les véhicules de toute notre civilisation occidentale et dans lesquels furent composés d’inimitables chefs-d’œuvre ? Le très peu de grec et le peu de latin que nous exigeons ne prendront guère de temps et cela suffira pourtant à établir avec les jeunes esprits des contacts bien plus fructueux que n’y parviennent l’ingrate version et le thème ridicule.

L’apprentissage des langues vivantes aurait dû se trouver depuis longtemps révolutionné par le fait de la presse quotidienne. Nul ne paraît s’être encore avisé que les nouvelles du jour reproduites en un style clair et correct dans les principales langues : anglais, allemand, français, italien, espagnol, constituaient un merveilleux instrument d’accoutumance pour les yeux, l’oreille et la parole et permettaient la plus féconde et la plus intéressante des comparaisons entre les textes. Mais il n’est pas de matière où la routine soit plus solidement établie que ce domaine là et, en France, il n’y a pas longtemps, on lisait dans les instructions officielles données au corps enseignant que « la littérature, manifestation essentielle de la vie des peuples, a naturellement sa place dans l’enseignement des langues vivantes ! » C’est en vertu de tels préceptes que les petits Anglais apprennent le français en lisant Victor Hugo, — les petits Français, l’allemand et l’anglais en lisant Gœthe et Shakespeare, — les petits Allemands, l’italien en lisant la Divine Comédie. Étonnez-vous donc des résultats ?

Il y a un « vestibule » à l’apprentissage des langues et ce vestibule comprend : la lecture, la prononciation, l’articulation, l’accentuation, la récitation de textes simples, enfin un vocabulaire élémentaire. Tout cela peut se faire par comparaison entre plusieurs langues sans qu’il y ait à craindre d’encombrement mnémotechnique. Au contraire, il semble que les langues s’aident les unes les autres et qu’à apprendre par exemple les jours de la semaine, les nombres ou tels substantifs usuels à la fois en anglais, en français et en espagnol, ou en allemand et en italien, on arrive plus aisément et plus rapidement à les retenir. Après cela, rien n’empêche de passer à l’étude grammaticale et littéraire de la langue étrangère qu’on veut apprendre pour de bon. Savoir parler « petit nègre » en d’autres langues ne nuira nullement à cette étude.

Cette nécessité de posséder une teinture préalable et générale des langages principaux du monde civilisé est une conséquence du cosmopolitisme et le cosmopolitisme est encore si récent que l’opinion a peine à se faire à l’idée qu’il ait acquis droit de cité et qu’il faille tenir compte de ses exigences en pédagogie comme en tout.

Je viens d’indiquer que l’enseignement analytique, susceptible d’ailleurs d’une grande élasticité et pouvant être allongé ou raccourci selon les besoins des élèves ou des auditeurs, était conçu par nous comme devant couvrir une période de quatre années. La répartition des matières le long de ces quatre années ne saurait être fixée ici. Toutefois, il semble que la façon la plus avantageuse de procéder soit la suivante : une année employée à parcourir l’ensemble des matières de façon générale, les deux années suivantes passées à les revoir en détail, enfin la dernière année consacrée à une révision complète. De cette façon l’élève aura traversé trois fois les mêmes carrefours à des âges différents, à des allures différentes aussi. Il aura toute chance d’en avoir profité. D’autre part, celui qui devra abandonner ou rejoindre en cours de route ne risquera plus d’être dépaysé et trop handicapé par rapport à ses camarades.

Et c’est là, je ne crains pas de le redire, un point de vue prépondérant. Le grand principe énoncé tout à l’heure et qui, à lui seul, légitimerait d’établir l’enseignement analytique — à savoir que si une synthèse qui reste en route ne dissipe aucunes ténèbres, une analyse amorcée crée dès le début de la lumière — ce principe domine aujourd’hui la civilisation. Créer dès le début de la lumière, voilà l’impérieux besoin des démocraties modernes car la plupart des haines sociales des adultes sont nées et ont été entretenues par le désaccord intellectuel organisé dès la jeunesse. Et c’est en faisant cesser ce désaccord que la paix nationale — première garantie de la paix internationale — pourra être assurée.

PROGRAMMES

COURS DE SCIENCES

I

LE MONDE SIDÉRAL

Étendue indéfinie de l’Univers : certitude de cette donnée incompréhensible. — Vide, silence, obscurité des régions intersidérales. — Voyage d’un rayon de lumière.

Les Astres. — Diverses sortes d’astres : étoiles, planètes, satellites, comètes, nébuleuses, etc. — Astres en formation, astres morts.

Unité chimique du Monde. — Analyse spectrale ; éléments déjà identifiés. — Température des étoiles ; évolution calorique.

Unité mécanique du Monde. — Le mouvement universel. — Mouvement et équilibre, mobilité, inertie. — Trajectoires. — Forces, point d’application, résultantes. — Gravitation universelle ; la force centripète et la force centrifuge, — Loi de Newton

Le Système solaire. — Le soleil : volume, protubérances, noyau, taches. — Les planètes ; leurs mouvements et leurs particularités. — La terre : le jour et l’année, les saisons — La lune ; son histoire ; phases ; les éclipses.

II

LES MATHÉMATIQUES

Caractère des sciences mathématiques ; leurs applications. — Développement des idées et des méthodes.

Géométrie. — Parallèles, figures planes, triangles, polygones. — Segment, secteur ; points et rayons conjugués harmoniques.

Arithmétique et Algèbre. — Les fractions. — Proportionnalités, divisibilité. — Radicaux, racines. — Exposants fractionnaires et négatifs. — Nombres irrationnels. — Équations. — Nombres positifs et négatifs. — Progressions. — Notion de fonction ; Dérivées. — Fonctions exponentielle et logarithmique.

Trigonométrie. — Sinus, cosinus, tangente. — Fonctions trigonométriques. — Trigonométrie plane et sphérique. — Applications.

Géométrie descriptive. — Projections ; projections cotées. — Point, droite, plan. — Trièdres, prismes et pyramides ; cônes, cylindres, surfaces de révolution.

Géométrie analytique. — Ellipse, parabole, hyperbole. — Coordonnées polaires. — Géométrie analytique du point et de la droite. — Lieux géométriques. — Applications.

Calcul différentiel et intégral. — Idée de continuité et de limite.

III

LA TERRE

Dimensions et structure du globe. — Hypothèses sur son origine. — L’écorce : sa composition. — Terrains éruptifs et sédimentaires, anciens et récents. — Modifications actuelles de la terre ; dislocations du sol, tremblements de terre ; volcans.

Histoire de la terre. — Les temps primaires : formes animales, premiers vertébrés ; alluvions végétales ; la houille ; principales roches. — Les temps secondaires : premiers oiseaux et mammifères ; plantes à fleurs ; répartition des terres et des mers ; coraux, principales roches. — Les temps tertiaires : extension des mammifères ; formation des grandes chaînes de montagnes. — Les temps quaternaires ; phénomènes glaciaires ; creusement des vallées ; apparition de l’homme ; cavernes, cités lacustres ; faune et flore ; phénomènes volcaniques des périodes tertiaire et quaternaire. — Éléments de paléontologie.

Aspect actuel. — Géographie générale du globe ; reliefs et zones.

Les cartes. — Longitude et latitude, méridiens, etc., manière de dresser les cartes et de les vérifier.

Pesanteur et Magnétisme. — La chute des corps ; centre de gravité, pendule. — Aimants naturels, pôles ; la boussole ; déclinaison magnétique.

IV

L’EAU

Composition chimique de l’eau. — L’hydrogène et ses propriétés.

Hydrostatique. — Équilibre des liquides. — Pression et transmission des pressions. — Niveau. — Capillarité. — Équilibre des corps flottants.

L’Eau souterraine. — Eaux d’intiltration ; terrains étanches ; sources ; puits, jets d’eau ; fontaines intermittentes, siphons ; eaux thermales et minérales.

Les cours d’eau. — Les glaciers. — La glace et ses transformations. — Lacs, fleuves et rivières. — Érosion.

Océanographie. — Les mers, étendue et profondeur ; composition chimique — Vagues, marées, courants. — Banquises et icebergs. — Côtes rocheuses, sablonneuses, alluviales. — Produits de la mer : sel marin, iode, coraux, éponges. — Flore marine.

V

L’AIR

L’Atmosphère terrestre. — Composition et particularités. — Analyse ; l’oxygène et l’azote ; leurs propriétés. — Le vide ; machine pneumatique.

Les gaz. — L’état gazeux ; propriétés des gaz — Équilibre des gaz. — Solubilité, élasticité, compressibilité. — Liquéfaction et solidification.

Phénomènes atmosphériques. — Pression atmosphérique ; baromètre ; mesure des hauteurs. — Hygrométrie ; évaporation, sursaturation. — Nuages, brouillards, pluie, neige, rosée, givre. — Vents réguliers, périodiques ; bourrasques. — Action des vents, climats. — L’électricité atmosphérique ; origines et manifestations ; paratonnerre.

L’Acoustique. — Formation et propagation du son. — Qualités du son. — Vibration des cordes ; les tuyaux. — Intervalles musicaux, gamme, diapason, accords. — Instruments ; sirène ; phonographe ; écho.

VI

LE FEU

La combustion. — Phénomènes de combustion ; la flamme.

Lumière. — Hypothèses sur la nature de la lumière. — Marche des rayons lumineux ; propagation. — Lois de la réflexion ; les miroirs : miroirs plans et miroirs courbes. — La réfraction ; les lentilles ; les phares. — Prismes, décomposition et recomposition de la lumière. — Photographie.

Optique et Perspective. — Mécanisme de la vision. — Instruments d’optique : loupes, lunettes, télescopes, microscopes. — Lois de la perspective ; ombres propres et ombres portées.

Chaleur. — Dilatation des corps. — Conductibilité, rayonnement, propagation. — Thermomètres. — Fusion, ébullition, vaporisation. — Chaleurs spécifiques, calorimétrie.

Sources. — Lumière et chaleur solaires. — Sources physiques, mécaniques et chimiques de lumière et de chaleur.

VII

LES MINÉRAUX

Théorie de la matière. — Atomes et molécules. — Cohésion, cristallisation, affinité, modification. — Lois des poids, des proportions définies, des proportions multiples. — Principes de la notation chimique : analyse et synthèse.

Pierres, Marbres, Grès, etc. — Diverses espèces ; particularités. — Gisements et carrières. — Pierres précieuses.

Métalloïdes. — Fluor, chlore, soufre, sélénium et tellure, arsenic, antimoine. — Le carbone : charbons actuels, diamant, graphite, houille, anthracite, lignites, tourbes. — Silicium, bore.

Métaux. — Action de l’oxygène sur les métaux ; oxydation. — Potassium, sodium, calcium, magnésium, manganèse. — Les minerais, le fer, le nickel, le cobalt, le zinc, l’étain, le cuivre, le plomb, le bismuth, l’aluminium, l’argent. — Mercure, or, platine. — Procédés d’extraction ; les mines, le grisou.

Radio-Activité. — Uranium, radium, etc…

Sels. — Propriétés des sels. — Carbonates (calcaires), sulfates, azotates, phosphates, silicates (argiles), etc.

Chimie minérale. — Acides, bases, neutres, sels. — Acides azotique, sulfurique, phénique, picrique. — Cyanogène, cyanures. — Les oxydes. — Pétroles, bitumes, goudrons, benzine, naphtaline. — Matières colorantes minérales. — Charbons artificiels.

VIII

LE VÉGÉTAUX ; L’AGRICULTURE

Principales zones de végétation.

Les Plantes. — Structure et organes des végétaux. Absorption, circulation, respiration, sécrétion. — Parasitisme. — Différents groupes de plantes. — Bouturage, marcottage, greffe.

La culture. — Fertilité naturelle et artificielle. — Différentes espèces de cultures : plantes alimentaires, industrielles, potagères ; fruits ; tubercules et racines ; épices ; culture intensive ; primeurs. — Semages et récoltes ; assolements, engrais. — Instruments aratoires. — Irrigation. — Prairies, fourrages. — Importance numérique du travail agricole ; statistiques générales. — Modalités : faire-valoir, fermage, métayage.

Les Forêts. — Essences diverses d’arbres. — Propriétés et qualités des bois. — Exploitations forestières, reboisement. — Produits, liège, etc.

Chimie végétale. — Acides formique, acétique, tartrique, tannique, citrique, gallique. — Alcaloïdes (morphine, codéine, strychnine, quinine, nicotine). — Térébenthine, essences végétales, résines. — Matières colorantes végétales.

Topographie. — Levés de plans, nivellements. — Instruments et procédés.

IX

LES ANIMAUX

Zoologie. — Les tissus et leurs groupements en organes. — Principaux types d’organisation du règne animal. — Perfectionnements progressifs. — Les invertébrés. — Les vertébrés : poissons, batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères.

Notions générales de biologie. — Adaptation au milieu, transformisme, évolution, hérédité.

Répartition actuelle des animaux comparée avec celle des temps passés. — La chasse et la pêche.

L’Animal domestique. — La domestication, le dressage. — Les croisements. — Espèces et races. — Élevage et pisciculture. — Produits animaux ; lait, œufs.

Chimie animale. — Conservation des matières animales. — Ammoniaque. — Phosphore. — Albumine, fibrine, gélatine. — Fermentations. — Matières colorantes d’origine animale.

X

L’HOMME

Population actuelle du globe. — Nombre des hommes. — Natalité et mortalité. — Répartition : principaux centres de peuplement ; points de groupements des populations ; déplacement de ces points ; influence de la nature sur l’homme. — Problème des origines humaines.

Le Corps humain. — Digestion ; mastication, déglutition, œsophage, estomac, intestins, glandes salivaires, foie, rate. — Respiration : poumons, circulation pulmonaire, échanges gazeux, plèvre. — Circulation : cœur, péricarde, artères et veines, pression artérielle, sang, chaleur animale. — Appareil urinaire ; rein, urine. — Péritoine. — Système nerveux : cerveau, méninges, centres nerveux, moelle épinière, réflexes, liquide céphalo-rachidien, nerfs crâniens et rachidiens, grand sympathique. — Appareil du mouvement : os, périoste, articulations, muscles. — Organes des sens : la peau, la bouche, le nez, l’œil, l’oreille.

La sensation, la perception. — L’intelligence, la mémoire, l’imagination créatrice. — Le jugement, l’attention, le raisonnement, l’hypothèse et l’induction. — La volonté, le caractère. — La personnalité, l’hypnose.

Hygiène. — Soins corporels. — Hygiène de la peau ; hydrothérapie. — Hygiène de l’habitation : aérage, écoulement, éclairage. — Hygiène de l’alimentation ; eau, choix et préparation des aliments. — Hygiène dentaire. — Désinfectants — Hygiène de l’exercice ; repos, surmenage. — Étiologie et prophylaxie des maladies contagieuses. — Hygiène des malades ; régimes. — Médecine d’urgence : empoisonnements, plaies, brûlures, fractures, hémorragies, asphyxies, syncopes, congestion. — Antisepsie. — Intoxication.

XI

L’ÉLECTRICITÉ

Électricité statique. — Corps conducteurs, isolants. — Influence électrique. — Distribution. — Densité électrique. — Lois de Coulomb. — Induction électrostatique. — Potentiel. — Machines électriques. — Condensateurs, capacité, décharge.

Électricité dynamique. — Système de mesures (C. G. S.). — Unités absolues et unités pratiques. — Piles à un liquide et piles à dépolarisant. — Piles thermo-électriques, piles secondaires. — Accumulateurs.

Aimantation artificielle. — Propriétés magnétiques du courant. — Galvanomètres, électro-aimants. — Lois d’Ohm. — Résistance. — Modes d’association des piles. — Action des aimants sur les courants, action des courants sur les courants. — Solénoïdes, ampèremètres et voltmètres. — Courants induits. — Production mécanique du courant. — Dynamos bipolaires et multipolaires. — Réversibilité des machines à courant continu. — Alternateurs, alternateurs à courants polyphasés.

Propriétés calorifiques et lumineuses : lampes à arc et à incandescence. — Effets chimiques : électrolyse, galvanoplastie.

Télégraphes et Téléphones. — Principes et installation des télégraphes électromagnétiques. — Matériel. — Lignes aériennes, souterraines et sous-marines. — Télégraphie sans fil. — Principes du téléphone. — Mécanisme des appareils téléphoniques et micro-téléphoniques.

XII

LES MACHINES

Mécanique. — Forces. — Mesure et représentation des forces. — Résultante d’un nombre quelconque de forces appliquées à un système rigide. — Moment des forces par rapport à un point, à une droite ou à un plan. — Théorie des couples. — Conditions générales d’équilibre d’un système rigide. — Centre des forces parallèles. — Masse des corps. — Travail des forces. — Théorème des forces vives. — Équivalence du travail et de la chaleur. — Rendement. — Frottement et résistances.

Leviers, poulies, treuils, excentriques, pistons, volants, régulateurs. — Organes des machines et conditions d’équilibre.

Énergie. — Utilisation des principales sources d’énergie. — Le vent : les moulins. — L’eau ; hydraulique ; turbines. — La vapeur : force élastique de la vapeur, pression, rendement. — Machines à vapeur : condenseurs, générateurs, chaudières, etc. — Moteurs à pétrole, à gaz ; carburateurs. — Moteurs électriques. — Air comprimé, air raréfié. — Chaleur solaire, marées. — Conservation et transformation de l’énergie. — Transport de l’énergie.

XIII

L’INDUSTRIE

Conditions générales. Matières premières.

Industries du logement. — Matériaux de construction ; taille des pierres. — Briques, tuiles, chaux, ciments, mortiers, bétons, plâtres, stuc, asphalte. — Charpente, menuiserie, ébénisterie. — Toitures, zinguerie. — Verrerie, cristal, glaces. — Canalisation ; pompes ; chauffage. — Peinture. — Serrurerie.

Industries du vêtement. — Peaux, pelleteries. — Industries textiles ; la laine et le coton. — La soie. — Tissus de lin ; chanvre. — Filatures et tissages. — Feutres, bourres, crins, etc.

Industries de l’alimentation. — Pâtes alimentaires. — Le pain. — Les sucres : raffinage ; mélasses, glucoses. — Beurres et graisses ; fromages. — Huiles. — Boissons : vins, levures, sucrage, mouillage, plâtrage ; crus ; bières, cidres, vinaigres. — Alcools : fermentation, distillation ; aéromètres. — Mélanges réfrigérants. — Conserves.

Industries de l’outillage. — Outillage chimique : savons ; bougies ; papiers ; encres ; goudrons, etc. — Caoutchouc, celluloïd.

Outillage mécanique : hauts fourneaux, fontes, aciers. — Métallurgie des autres métaux ; armes, machines, etc.

Industries d’agrément ou de perfectionnement. — Céramique, émaux. — Parfumerie, essences. — Papiers peints ; impressions. — Horlogerie, montres, pendules. — Maroquinerie, reliure. — Gravure. — Ferronnerie d’art.

XIV

LE COMMERCE

Diverses sortes de Commerçants. — Négociants, fabricants, armateurs, mandataires, fondés de pouvoirs, préposés ou commis ; intermédiaires, entrepositaires, courtiers, représentants ; commissionnaires ; voyageurs de commerce.

Diverses sortes d’Associations. — Sociétés en nom collectif et en commandite simple. — Sociétés par actions. — Commandites par actions. — Sociétés anonymes à capital variable. — Associations en participation ; Sociétés civiles à forme commerciale. — Syndicats d’affaires.

Exploitation. — Capital immobilisé et roulant. — Amortissement. — Apport. — Inventaires. — Main-d’œuvre ; matériel. — Calcul des frais, manière de les grouper ; échelles de revient ; parités brutes, parités nettes. — Frais généraux ; profits et pertes ; bilans ; répartition des bénéfices ; réserves. — Transactions, cautionnements. — Faillites et liquidations judiciaires. — Gage commercial. — Expéditions ; bordereaux d’expédition, lettres de voiture ; connaissements. — Statistiques périodiques. — Assurances. — Emballage, publicité. — Mercuriale, cote, marché. — Récépissés-Warrants. — Magasins généraux, formalités douanières, ports francs.

Règlement des Échanges. — Achats, ventes, retours, adjudications. — Paiement au comptant et à terme, chèques, lettres de change, endossements, provisions, protêts, traites. — Escompte en dedans et en dehors. — Bordereaux d’escompte.

Comptabilité. — Tenue des livres. — Comptabilité en partie simple et en partie double. — Comptes de capital, de valeurs, de personnes, de résultats. — Livre-journal. — Balance des comptes ; inventaires d’ordre ; fins d’exercice.

Poids et Mesures. — Poids et mesures des différents pays. — Balances.

Institutions. — Bourses et Chambres de Commerce. — Tribunaux de Commerce. — Prud’hommes.

XV

LES TRANSPORTS

Bref historique des transports.

Le chemin de fer.

Construction. — Tracés ; pentes et courbes. — Traverses, rails, aiguillage ; plaques tournantes. — Stations, halles.

Matériel. — La locomotive ; mode d’action ; adhérence. — Freins, châssis, suspension, boggies, attelage, charge, gabarit. — Chemins à voie étroite ; chemins portatifs.

Exploitation. — Transbordement, modes de triage. — Prix de revient ; tarifs de pénétration ; systèmes de tarifs ; barèmes. — Contrôle de l’État ; concurrence ou monopole.

Traction électrique. — Les tramways.

Automobilisme. — Moteurs d’automobile ; applications. — Appareils aéronautiques ; dirigeables, biplans, monoplans.

La Navigation.

Maritime. — Formes, dimensions et aménagement des navires. — Voile et dérive. — Vapeur ; roues et hélices ; machines. — La route ; le point ; cartes marines ; sonde. — Régime de la marine marchande ; trafic, pilotage, touage et remorquage.

Ports de mer. — Avant-ports, bassins à flot, digues, quais, ponts tournants. — Transbordement ; élévateurs et grues. — Bassins de radoub, cales sèches, entrepôts, docks flottants.

Fluviale. — Halage, flottage. — Canalisation ; barrages, écluses à sas. — Canaux à bief de partage : alimentation. — Canaux latéraux. — Plans inclinés.

XVI

LA RICHESSE

La Production. — Le travail et le capital. — Principaux facteurs et modes de production. — Capitaliste, entrepreneur, intermédiaire, ouvrier. — Division du travail. — Associations.

La Richesse monétaire. — Systèmes monétaires. — Valeurs intrinsèque, au tarif et commerciale, des matières métalliques ; cote des métaux. — Papier-monnaie ; cours légal.

Le Crédit. — Les banques ; diverses formes. — Opérations de banque ; comptant, terme, primes, liquidations, arbitrages. — Valeurs mobilières ; emprunts ; dettes des États ; rentes perpétuelles ou temporaires, différées, anticipées, à intérêts composés. — Émission, conversion, remboursement, amortissement, tirages. — Crédit hypothécaire, crédit foncier, crédit agricole, monts-de-piété, prêts. — Assurances sur la vie, caisses de retraite. — Clearing-houses.

La Circulation. — Répartition et consommation ; luxe et prodigalité. — L’épargne. — L’indigent ; assistance publique et privée. — Étatisme et individualisme ; concurrence et monopoles. — La protection et le libre-échange. — Les grèves.

Le Prélèvement. — Les dépenses publiques. — L’impôt. — Régimes fiscaux ; impôts directs et indirects, sur le capital et le revenu, proportionnels, progressifs, dégressifs. — Droits d’enregistrement, de timbre. — Dégrèvements.

XVII

LA LOI

Nécessité et ancienneté de la loi. — Droit individuel et droit collectif ; le domaine de la loi. — Libéralisme et interventionnisme.

Individu. — État civil : naissance, mariage, décès. — Protection des nationaux.

Propriété. — Tutelles. — Contrats de mariage. — Donations. — Successions. — Usufruit. — Contrats. — Ventes. — Hypothèques — Affrètement, etc. — Propriété collective : indivision, personnalité civile.

Professions. — Législation du travail. — Brevets d’invention ; propriété littéraire. — Contestations. — Privilèges.

Intérêt général et Gouvernement. — Lois scolaires, électorales, militaires, de finances. — Hygiène, inspection médicale — Équilibre économique ; accaparements, spéculations ; tarifs protecteurs.

Justice. — Tribunaux, jurys, cours d’appel et de cassation. — Crimes et délits. — Répression ; régime pénal.

XVIII

LA DÉFENSE

Sur Terre. — Les armées modernes ; effectifs ; pied de guerre et pied de paix. — Réserves, milices.

Le recrutement ; enrôlements volontaires, conscription, service personnel. — Exemptions.

Les armes : fusils, revolvers, canons, mitrailleuses. — Les explosifs : poudres, dynamite, mélinite, etc. — Tir ; projectiles, trajectoires. — Sabres, baïonnettes, lances. — Les fortifications. — Rôle des diverses armes ; évolution de la tactique. — Intendance et ravitaillement. — Services auxiliaires. — Cyclisme et aérostation militaires.

Sur Mer. — Vaisseaux de guerre : cuirassés, croiseurs, avisos, torpilleurs, contre-torpilleurs, sous-marins. — Armement des navires. — Vitesse. — Machinerie. — Défense des côtes ; mines sous-marines ; escadres. — Recrutement des équipages.

COURS D’HUMANITÉS

I

BASES DE L’ÉVOLUTION HUMAINE :

LES RACES

Famille : Le type patriarcal. — La famille particulariste. — L’autorité paternelle. — Empiètements de l’État sur l’autonomie familiale.

Propriété : Propriété collective. — Propriété individuelle : modalités et restrictions, confiscations, expropriations ; le bien de famille. — Transmission de la propriété ; droit d’aînesse, liberté testamentaire, partage égal. — Coutumes locales.

État : Césarisme, oligarchisme, démocratisme. — Hérédité, élections, plébiscite. — Centralisation et fédéralisme. — Division des pouvoirs. — Garanties constitutionnelles.

Arts et philosophie : La recherche du beau, le sens artistique. — Les problèmes de la connaissance, de la nature et de la conscience. — Rationalisme, empirisme, scepticisme, matérialisme, spiritualisme. — Le problème religieux.

Incertitudes sur les origines ; populations primitives. — Les « promotions » successives. — Migrations. — Divisions ethniques admises.

2

LES EMPIRES CHALDÉENS

(4000-535 av. J.-C.)

LA CHINE ET L’INDE ANTIQUES

(2100-50 av. J.-C.)

Particularités géographiques des régions chaldéennes. — Premières principautés. — Institutions religieuses et militaires. — Arts et industrie. — Le duel de Babylone et de Ninive.

Les premiers clans chinois. — La dynastie Hia. — Morcellement féodal et anarchie. — Confucius et Lao-Tsé. — La grande muraille. — L’avènement des Han.

L’unification du Japon et son isolement.

Les Aryas dans l’Inde. — Invasions successives. — Les Vedas et le Mahabarata. — Lois de Manou. — Le brahmanisme et les castes. — Prédication de Çakia-Mouni. — Guerres civiles. — L’art hindou. — L’empire d’Asoka. — Les royaumes indo-grecs de l’Indus.

3

LES ÉGYPTIENS

(3500-525 av, J.-C.)

ET LES PHÉNICIENS

(1800-330 av. J.-C.)

États primitifs égyptiens. — L’« ancien Empire ». — Mythologie égyptienne. — Memphis et les Pharaons. — Travaux publics ; temples et pyramides

agriculture et commerce ; rapports avec l’Asie. — Troubles et rébellions. — La période thébaine ; extension en Afrique. — Les rois pasteurs. — Le « nouvel empire ». — Réformes et conquêtes en Asie. — Le temple d’Amon. — La principauté sacerdotale de Thèbes et la royauté militaire de Tanis. — Morcellement progressif. — Conquête assyrienne. — Occupation perse. — La religion égyptienne ; les hiéroglyphes ; particularités de l’art égyptien.

Origine des Phéniciens. — Les cités commerciales : Sidon et Tyr. — Colonies et comptoirs : Carthage. — Arts imités pour l’exportation. — La langue et l’alphabet.

4

LES HÉBREUX

(1380-135 av. J.-C.)

LES MÈDES ET LES PERSES

(835-330 av. J.-C.)

Légendes et traditions. — Le monothéisme. — Loi de Moïse. — Luttes des Hébreux contre leurs voisins. — David, Salomon. — Israël et Juda. — Les prophètes. — Destruction de Samarie. — Prise de Jérusalem et captivité de Babylone ; les Scribes. — Judas Macchabée. — Les grands-prêtres. — La conquête romaine. — La langue hébraïque ; les Livres Saints.

Domination assyrienne en Médie et en Perse. — Victoires de Cyaxare et d’Astyage. — Prépondérance perse ; les Achéménides. — Conquêtes de Cyrus II et de Cambyse II. — L’Empire de Darius ; satrapes et inspecteurs. — Le Mazdéisme ; Zoroastre et l’Avesta.

5

L’HELLÉNISME

(900-146 av. J.-C.)

Les vieilles royautés achéennes. — Invasions et migrations. — Sparte. — Les archontes à Athènes. — Les réformes de Solon. — Pisistrate et ses fils. — Organisation politique et économique de la démocratie athénienne. — Clisthène. — Résultats sociaux des guerres médiques. — Confédération de Delos et politique urbaine. — Périclès. — La guerre du Péloponnèse. — Littérature : poètes, dramaturges, historiens ; Homère, Ésope ; Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Hérodote, Thucydide, Xénophon, Démosthène. — Les arts : architecture et sculpture ; Phidias, Praxitèle ; les monuments. — Philosophie ; les systèmes ; Socrate, Platon, Aristote, Épicure, Zenon ; état des sciences exactes ; Euclide, Archimède. — La guerre sacrée et l’intervention macédonienne. — Les colonies grecques ; la Grande Grèce. — La Macédoine ; Alexandre le Grand. — Conquêtes et mort d’Alexandre. — Partage de son empire ; la civilisation grecque en Orient. — La Ligue achéenne.

6

LA RÉPUBLIQUE ROMAINE

(509-29 av. J.-C.)

Les Étrusques : organisation, arts, particularités. — L’influence étrusque à Rome. — Premiers temps de la République : luttes intérieures, institutions. —

La conquête de l’Italie. — L’armée romaine. — Lutte pour la prépondérance méditerranéenne : puissance de Carthage ; les Barca et les Hannon. — Guerres puniques et guerre d’Asie ; les Scipions ; Caton. — Hellénisation de Rome : la vie sociale et intellectuelle. — Le Sénat et l’Administration. — Les Gracches : lois agraires. — Révolte de l’Italie ; dictature de Sylla. — Conquêtes de Pompée ; Catilina ; Cicéron, — La conquête des Gaules et la dictature de Jules César. — Le triumvirat : Actium. — Les institutions de la République ; caractère général et évolution ; le forum ; les finances, l’esclavage.

7

L’EMPIRE ROMAIN

(29 av. J.-C.-395 ap. J.-C.)

État du monde romain à l’avènement d’Auguste. — Le règne d’Auguste ; organisation civile et militaire ; la paix romaine. — Provinces impériales et provinces proconsulaires. — Lettres et arts : Virgile, Horace, Ovide, Tite-Live, Sénèque, Pline, Épictète, Tacite, Plutarque ; monuments. — Commerce ; les voies romaines. — La famille d’Auguste. — Les Prétoriens. — Néron, Titus, Trajan, Hadrien, Marc-Aurèle, Septime Sévère. — L’anarchie militaire au iiie siècle. — Alexandre Sévère, Aurélien, Dioclétien ; les préfectures. — Constantin. — Julien l’Apostat ; la fin du paganisme. — Théodose. — La civilisation sous l’empire ; spectacles, écoles, affaires, fonctionnaires. — Les

géographes : Strabon, Ptolémée, Pausanias. — Le droit romain ; la famille, la propriété ; la procédure. — Le christianisme primitif ; les persécutions. — La décadence rapide des lettres.

8

L’EUROPE DU NORD ET LA GERMANIE

(600 av. J.-C.-411 ap. J.-C.)

LES ROYAUMES BARBARES D’OCCIDENT

(411 711)

Les tribus germaines ; leurs institutions. — Ligues des Chérusques et des Marcomans. — Guerre offensive des Romains (15 av. J.-C. ; 161 ap. J.-C.), puis défensive (après 161). — Infiltrations sociale et militaire des Barbares dans l’empire. — Scandinavie, Grande-Bretagne, Gaules. — L’odyssée des Goths. — La grande invasion de 408.

Les dernières années de l’empire romain. — Odoacre. — La puissance des Ostrogoths ; Théodoric le Grand ; ses conquêtes. — La politique des Cassiodores ; Boetius. — Les Wisigoths en Espagne. — Les Vandales en Afrique. — Tentative d’union du monde barbare. — L’arianisme. — Conversion de Clovis ; l’Église s’appuie sur les Francs. — Puissance de l’Église ; les évêques et le droit d’asile.

9

CHARLEMAGNE ET SON EMPIRE

(748-843)

Les origines et les bases de la puissance des Francs. — Grégoire de Tours. — Maires du palais et rois fainéants — Charles Martel et Pépin le Bref. — Avènement de Charlemagne ; ses conquêtes. — L’idée impériale avant Charlemagne. — L’empire d’Occident : organisation ; institutions. — La cour de Charlemagne. — La Diète et le Concile ; Capitulaires ; livres carolins. — Relations avec l’Orient. — Partage de l’empire ; le royaume de Germanie. — Compétitions et luttes intestines. — Empereurs fictifs. — Le démembrement définitif.

10

L’EMPIRE ARABE

(622-1212)

L’Arabie avant Mahomet. — Le Coran. — Conquêtes d’Omar. — Les Omniades et les Abassides. — Les Califes de Cordoue. — Haroun-al-Raschid. — Les Edrisites au Maroc. — Kairouan. — Conquêtes des Fatimites. — Domination turque à Bagdad. — Saladin en Égypte. — Démembrement du califat de Cordoue. — Les Almoravides et les Almohades en Espagne. — Le royaume de Grenade. — Les Merinites en Afrique. — Caractère de la civilisation arabe. — Progrès scientifiques ; Averroès ; l’agriculture et l’industrie arabes. — L’art arabe. — Les universités.

11

L’EMPIRE GREC

(395-1204)

Byzance avant Constantin. — Géographie de l’empire d’Orient en 395. — Guerres du début. — Nestorius et Eutychès. — Le Code théodosien. — Règne offensif et entreprises de Justinien ; ses conquêtes. — Le duel du Croissant et de la Croix. — De Léon III à Irène ; les iconoclastes ; l’Ecloga. — Consommation du schisme. — Réduction de l’empire. — Nouvelle offensive ; Nicéphore Phocas et Basile II. — Débauches et intrigues. — La puissance croissante des Turcs. — Alexis Comnène. — La civilisation byzantine.

12

L’ANGLETERRE

AVANT ET APRÈS LA CONQUÊTE NORMANDE

(827-1215)

L’Heptarchie. — Egbert le Grand. — Règne d’Alfred le Grand. — La conquête danoise. — Les Normands : origine et organisation. — L’épopée normande à travers le monde. — Guillaume le Conquérant s’empare du trône d’Angleterre. — L’organisation normande en Angleterre. — Henri II ; agrandissements insulaires et continentaux. — Jean-Sans-Terre ; la Magna Charta. — L’Angleterre au xiie siècle ; mœurs et conditions d’existence.

13

LE SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

(962-1254)

Transformations du royaume de Germanie. — Conquêtes et couronnement d’Othon le Grand. — Organisation de l’Allemagne impériale ; les duchés et les Marches ; prétentions sur la Bourgogne, l’Italie, la Bohême. — Les Électeurs et la Diète. — Henri IV et Grégoire VII ; querelle des Investitures. — Guelfes et Gibelins. — Frédéric Barberousse. — Traité de Constance. — Frédéric II. — Fin de la domination allemande en Italie. — Anarchie en Allemagne.

14

LES CROISADES

(1095-1291)

Les huit croisades. — Causes et caractères. — Les prédications ; les raisons politiques ; chevaliers et commerçants. — Les itinéraires et les transports. — Les royaumes de Jérusalem et de Chypre. — Les principautés d’Antioche, d’Achaïe, de Thessalonique ; le duché d’Athènes. — L’empire latin de Constantinople. — Les Grecs à Nicée. — Résultats des Croisades.

15

LA FRANCE AVANT, PENDANT ET APRÈS

LA GUERRE DE CENT ANS

(987-1483)

Le duché de France ; les premiers Capétiens. — Hugues et ses successeurs. — Agrandissements du domaine royal. — Louis VI ; les Communes. — Louis VII ; Suger ; divorce du roi. — Les Albigeois. — Bouvines. — L’œuvre de Saint-Louis. — Nouveaux agrandissements. — Les États-Généraux ; luttes de Philippe le Bel. — Réaction féodale ; les Valois. — La guerre de Cent ans. — Le règne de Charles V. — Isabeau de Bavière ; Bourguignons et Armagnacs. — Les Anglais en France ; Henri V, roi de France et d’Angleterre. — Jeanne d’Arc. — Caractère de Louis XI. — Ligue du Bien public. — Onze fiefs réunis à la couronne.

16

LES LANGUES, LA LITTÉRATURE,

L’ART GOTHIQUE, L’ÉGLISE

ET LA SCOLASTIQUE

Formation et évolution des langues dans les pays du Nord et du Midi. — Rôle du latin. — Les troubadours et les trouvères. — Les Jeux floraux. — Les Niebelungen ; Minnesinger et Meistersänger. — Le Dante. — Les historiens. — Fondation des universités de Paris, Padoue, Salamanque, Cambridge, Coïmbre, Heidelberg, Leipzig, Louvain, Bâle, Upsal, etc. ; professeurs et étudiants.

Les arts : Cimabue, Van Eyck. — Le problème de l’architecture religieuse ; invention, en France, de la voûte à nervures. — Diffusion rapide de l’architecture dite gothique.

L’Église : les hérésies, les docteurs et les conciles. — Le Saint-Siège, puissance temporelle. — Luttes contre l’empire. — Les antipapes. — Les ordres monastiques. — Arnauld de Brescia. — Innocent III. — Saint François d’Assise et saint Dominique. — Boniface VIII. — Les papes à Avignon ; Catherine de Sienne. — Concile et schisme de Bâle.

Origines de la Scolastique ; réalistes et nominalistes ; Saint Anselme, Abélard ; Influence d’Aristote ; Abus de la dialectique.

17

L’EUROPE DU NORD

À LA FIN DU xve SIÈCLE

Îles Britanniques. — Les provisions d’Oxford. — Origine de la Chambre des Communes. — Annexion de l’Irlande et du Pays de Galles. — Compétition au trône d’Écosse : les Stuarts. — La guerre des Deux-Roses.

Pays-Bas. — Villes et principautés. — Le Brabant et la Hollande cédés à la Bourgogne passent à la maison d’Autriche.

États Scandinaves — Conquête du Danemark. — Le christianisme et la réaction païenne à Rugen ; les corsaires. — Colonies norvégiennes. — Unification de la Suède. — L’union de Calmar. — L’administration de Stenon Sture. — Les Scandinaves en Finlande et en Islande.

Allemagne. — Rodolphe de Habsbourg rétablit l’ordre. — La Bulle d’or de Charles IV. — Albert d’Autriche. — Diète de Worms. — Les villes épiscopales et impériales. — La Ligue Hanséatique.

Bohême. — Ottokar II. — Progrès inutilisés et interventions étrangères. — Jean Huss ; la guerre des Hussites.

État Teutonique. — Conquêtes des chevaliers Porte-Glaives — Leur fusion avec les Teutoniques. — Décadence ; Grünwald ; Paix de Thorn. — La Samogitie.

Pologne et Lithuanie. — Les Piasts. — Divisions et luttes. — Casimir III et Ladislas V. — La puissance des Jagellons.

Russie. — Igor et Olga. — La république de Novgorod. — Relations avec Byzance. — Wladimir Ier et sa dynastie. — L’église russe. — La tentative de Sviatopolk II. — Luttes intestines. — La Horde d’or. — Les grands-ducs de Moscou. — Le tsar Ivan III.

18

L’EUROPE DU SUD ET DU CENTRE

À LA FIN DU xve SIÈCLE

Espagne et Portugal. — Castille, Aragon et Navarre ; agrandissements successifs et réunions de la Castille et de l’Aragon. — Les débuts du Portugal ; conquêtes des Algarves et de Ceuta ; Henri le Navigateur.

France. — Résultats du règne de Louis XI. — Charles VIII et les guerres d’Italie. — Louis XII : annexion de la Bretagne.

Suisse. — Alamans et Burgundes. — Le royaume de Bourgogne transjurane. — La Suisse et l’Empire. — La maison de Savoie dans l’Helvétie romande. — Naissance des cantons. — Le Grutli ; Arnold de Winkelried. — Les bailliages et la guerre civile. — Défaites de Charles le Téméraire, — Paix de Bâle.

Italie. — Normands, Allemands et Français dans les Deux Siciles ; la conquête aragonaise. — L’anarchie dans les États de l’Église. — Puissance commerciale et évolution politique de la République de Venise. — Gênes et Florence ; les Médicis. — Les petits États ; luttes contre la féodalité ; le despotisme municipal ; les factions et les « tyrans. » — Le Milanais et la Savoie.

Hongrie. — Arpad et sa dynastie. — Conquêtes en Dalmatie et en Croatie. — La bulle du roi Béla. — Puissance de Louis Ier. — Révolte des Magnats. — Mathias Corvin.

Balkans. — Naissance des principautés roumaines. — L’empire d’Étienne Douchan. — Les royaumes bulgares. — Albanie, Bosnie, Herzégovine. — La conquête turque.

19

INVENTIONS ET DÉCOUVERTES ;

TRANSFORMATION DE L’EUROPE

La poudre ; perfectionnements des armes à feu ; transformation de l’art de la guerre. — L’imprimerie ; les premiers efforts ; Gutemberg ; diffusion des livres imprimés. — Les notions géographiques ; la rotondité de la terre ; le calendrier grégorien. — Les grands voyageurs ; l’ambassade d’Innocent IV ; du Plan Carpin, Ibn Batouta, Marco Polo. — Christophe Colomb, Vasco de Gama et Magellan ; Caravelles et équipages. — L’alimentation ; l’éclairage ; le commerce des épices et des métaux ; les plantes nouvelles : pommes de terre, maïs, tabac, cacao. — Décadence de la Méditerranée au profit de l’Océan. — Accroissement de la fortune privée. — Corporations et compagnies ; l’aristocratie commerciale. — Fin du régime féodal ; l’État et les services publics. — L’éducation ; les collèges. — Évolution des idées et des procédés judiciaires.

20

L’ASIE, L’AFRIQUE ET L’AMÉRIQUE

AU xvie SIÈCLE

L’empire de Koublaï Khan. — Les Ming et les Tsing en Chine. — Rapports avec l’Europe. — La civilisation coréenne au Japon. — Le pouvoir impérial et l’aristocratie ; le Shogunat. — L’Indo-Chine ;

Siam et Cambodge. — Extension et conquêtes musulmanes dans l’Inde ; la puissance musulmane à Delhi. — Invasion de Tamerlan. — Morcellement de l’empire indien ; sa reconstitution par Baber. — Akbar le Grand ; la civilisation hindoue. — Les Gaznevides en Afghanistan. — Les Pagratides en Arménie. — Origines de la puissance turque. — Tentatives d’indépendance de la Géorgie. — Dynasties successives en Perse. — Sort de la Syrie et de la Palestine.

L’Égypte. — La Tunisie. — Alger et Fez. — Premiers établissements des Portugais et des Espagnols en Afrique.

L’Amérique d’avant la conquête. — Les races indigènes. — L’empire et la civilisation Incas. — Les Mayas au Yucatan ; les Toltèques et les Aztèques au Mexique ; architecture et littérature. — La conquête espagnole.

21

LA RENAISSANCE, LA RÉFORME

ET LE CONCILE DE TRENTE

Pétrarque, Boccace et Chrysaloras. — Influence de la prise de Constantinople par les Turcs. — Florence sous les Médicis. — Les cours de Mathias Corvin et d’Henri VII d’Angleterre. — L’architecture ornementale. — Le retour à la sculpture antique. — Jules II et Léon X. — Les écrivains et les peintres de la Renaissance. — La Renaissance en France ; règne de François Ier. — Léonard de Vinci. — Coup d’œil général sur la Renaissance.

Les Vaudois. — Wiclef et Jean Huss. — Échec des Conciles réformateurs. — Savonarole. — Caractère de Luther et de son œuvre. — Les sécularisations. — Les Anabaptistes ; Mélanchton. — La ligne de Smalcalde ; Traité de Passau et paix d’Augsbourg. — Zwingle et Calvin en Suisse ; Michel Servet. — Le schisme d’Henri VIII. — La réforme en Suède. — Les guerres de religion en France. — Les débuts de la guerre de Trente ans en Allemagne ; l’Édit de Restitution.

La réforme catholique. — La compagnie de Jésus ; Ignace de Loyola. — Œuvre du Concile de Trente : la Vulgate, le catéchisme, les réformes disciplinaires.

22

CHARLES-QUINT ET PHILIPPE ii

(1519-1598)

Conquêtes de Ferdinand le Catholique. — Avènement de Charles-Quint au trône d’Espagne ; son élection à l’Empire. — Rivalité de Charles-Quint et de François Ier ; guerres et traités successifs. — Troubles en Allemagne. — Albert de Brandebourg, duc de Prusse. — Ferdinand d’Autriche, roi de Bohême et de Hongrie. — Siège de Vienne par les Turcs. — Diète de Spire. — L’Italie sous Charles-Quint ; Ligue de Cambrai. — Extinction des Sforza ; André Doria ; le duché de Florence. — Abdication de l’empereur.

Philippe II, roi d’Espagne. — Saint-Quentin et l’Escurial. — Caractère du catholicisme espagnol ; l’Inquisition. — La domination espagnole en Portugal. — L’invincible Armada. — La puissance espagnole à la mort de Philippe II ; centralisme et nivelage.

23

HENRI iv, RICHELIEU ET LOUIS xiv

(1589-1715)

État de la France pendant les guerres de Religion. — Le patrimoine d’Henri IV ; son avènement. — L’édit de Nantes. — Administration de Sully. — Les débuts du règne de Louis XIII. — Le plan de Richelieu ; ses réformes et ses entreprises ; les Intendants ; mœurs provinciales ; lutte contre la noblesse. — Intervention en Allemagne. — Louis XIV ; la Fronde et Mazarin. — Guerres de Louis XIV ; l’armée et ses chefs. — Paix de Nimègue. — Traités de Ryswyk et d’Utrecht. — Colbert, Louvois, Le Tellier. — Révocation de l’Édit de Nantes ; le Jansénisme. — Le gouvernement royal ; la Cour ; les institutions ; les impôts. — Influence de Louis XIV sur l’Europe. — L’héritage de Louis XIV.

24

ÉLISABETH,

CROMWELL ET GUILLAUME D’ORANGE

(1557-1700)

L’ANGLETERRE PARLEMENTAIRE

(1700-1800)

Caractère d’Élisabeth. — Drake et les débuts de la marine anglaise ; corsaires et contrebandiers. — Les industriels et négociants des Flandres émigrent en

Angleterre. — Interventions indirectes sur le Continent. — L’insularisme. — Les Stuarts en Angleterre ; règne de Charles Ier. — Olivier Cromwell. — L’armée du Protecteur. — Despotisme et prospérité. — La naissance de l’Impérialisme. — La Restauration ; faiblesse des Stuarts. — La revanche du Parlement ; Guillaume III. — Le temps de la Reine Anne. — La maison de Hanovre. — Walpole ; Whigs et Tories. — La politique continentale. — Les idées et les mœurs.

25

SUÈDE (1513-1792), RUSSIE (1505-1796)

Gustave Wasa, roi de Suède. — Défaite des Hanseates. — Réformes de Wasa. — La réaction catholique de Jean III. — Guerres autour de la Baltique. — L’armée suédoise. — Gustave Adolphe. — Christine et Oxenstiern. — Annexions successives. — Absolutisme royal ; la « réduction ». — Charles XII. — La revanche parlementaire. — Chapeaux et bonnets. — Essor industriel et littéraire. — Gustave III.

Conquêtes russes en Lithuanie. — Ivan le Terrible. — L’accès à la Caspienne — Les Cosaques en Sibérie. — Anarchie ; succès des Polonais. — Cosma Minine ; les Romanow. — L’oulojénie. — Annexion de la Petite Russie. — Influences étrangères. — Pierre le Grand ; la lutte pour la Baltique. — Catherine II ; l’accès à la Mer Noire.

26

POLOGNE (1501-1795), HONGRIE (1516-1790)

EMPIRE OTTOMAN (1512-1792)

La fin des Jagellons et les derniers agrandissements. — La couronne élective ; les Pacta Conventa. — Querelles religieuses ; ordonnance de 1573. — Intervention en Russie. — Le Liberum veto ; troubles et défaites. — Jean Sobieski. — Les trois partages. — Kosciusko.

Mohacz ; mort de Louis II. — La Transylvanie ; les Bathori. — Autrichiens, Turcs et Magyars. — Querelles religieuses. — Traité de Linz. — La tyrannie autrichienne. — La Pragmatique sanction ; Marie-Thérèse.

Sultans et Grands-Vizirs. — Les Janissaires. — Caractères de l’occupation ottomane. — Conquêtes de Sélim Ier en Asie et en Afrique, de Soliman II en Europe. — Décadence, révoltes et anarchie. — Amurat IV. — Paix de Carlovitz. — Achmet III. — Traités de Kainardji et de Jassy.

27

SUISSE (1500-1798), PAYS-BAS (1558-1747)

Marignan. — Paix de Fribourg. — Guerres religieuses. — La Suisse au Congrès de Westphalie. — Alliance avec Louis XIV ; le militarisme d’exportation. — Lutte des oligarchies urbaines et des démocraties rurales. — Progrès de la civilisation en Suisse. — Fédéralisme et centralisme. — Intervention française ; la République helvétique.

Régence de Marguerite de Parme aux Pays-Bas. — Le Compromis et les Gueux. — Union de Dordrecht ; Guillaume le Taciturne. — Le duc d’Albe. — Pacification de Gand ; Alexandre Farnèse en Flandre. — Union d’Utrecht ; la République des Provinces-Unies. — Les États-Généraux. — La Trêve de douze ans. — Les Arminiens. — Jean de Witt, grand pensionnaire. — Guerre avec l’Angleterre. — Occupation étrangère et crises du stathoudérat.

28

LES EMPIRES COLONIAUX

L’Empire Espagnol (1500-1776). — Explorateurs et conquistadores ; Cortez et Pizarre. — La Bulle d’Alexandre VI ; le clergé et l’Inquisition. — L’organisation ; vice-royautés et capitaineries générales. — Exploitation du Nouveau-Monde ; le régime des mines. — Le Conseil des Indes et la Casa de Séville ; le Pacte colonial. — Les Jésuites au Paraguay.

L’Empire Portugais (1500-1703). — Vasco de Gama. — Les Portugais en Asie et en Afrique. — La lutte pour le Brésil ; les Paulistes. — Rapports de la métropole et des colonies. — Le traité anglo-portugais de 1703.

L’Empire Hollandais (1595-1750). — Caractère de la colonisation hollandaise. — Les marchands d’Amsterdam. — Les Hollandais en Amérique. — La Compagnie des Indes orientales. — Les Indes néerlandaises.

L’Empire Français (1600-1750). — Premières fondations des Normands de France. — Initiatives de François Ier, de Richelieu et de Colbert. — La Nouvelle France. — Les Français aux Antilles. — La Louisiane. — La faillite de Law. — La conquête de l’Inde : Dupleix. — Louis XV et la politique anti-coloniale. — Entreprises coloniales sous Louis XVI.

L’Empire Anglais (1651-1763). — Éveil tardif du colonialisme britannique. — Raleigh. — L’Acte de navigation. — Les premiers émigrants. — Les traités de Bréda, d’Utrecht et de Paris. — Clive et Warren Hastings.

29

L’ALLEMAGNE DE FRÉDÉRIC ii

ET DE JOSEPH ii (1740-1790)


État de l’empire à la mort de Charles VI. — Progrès de la Prusse. — Réformes et acquisitions de Frédéric-Guillaume. — La jeunesse de Frédéric II. — Marie-Thérèse. — Guerre de la Succession d’Autriche et conquête de la Silésie. — Guerre de Sept ans. — La diplomatie de Frédéric II. — Paix de Hubertsbourg. — Partage de la Pologne. — Succession de Bavière. — Caractère de Joseph II. — Tentatives d’unification de la monarchie autrichienne. — Lutte contre l’Église ; Pie VI à Vienne. — Lois de liberté et de prédominance du pouvoir civil ; réformes et innovations. —

Insurrection des Pays-Bas. — Les Prussiens en Hollande. — Les Autrichiens reprennent Bruxelles. — Léopold II. — Convention de Pillnitz.

30

LE DÉVELOPPEMENT

INTELLECTUEL ET ARTISTIQUE

AUX xviie ET xviiie SIÈCLES

Éclat littéraire de l’Espagne ; Cervantes, Lope de Vega, Calderon. — Angleterre : Shakespeare, Milton, Foë, Pope, Swift, Goldsmith, Mac Pherson, Sheridan. — Allemagne : Luther, Hans Sachs, Leibnitz, Lessing, Herder, Gœthe, Schiller. — Le grand siècle en France : Pascal, Molière, Corneille, Racine, Bossuet, Fénelon, Montesquieu, Voltaire. — Les philosophes ; influence de Descartes. — Les encyclopédistes ; l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau. — Le progrès littéraire en Hollande et en Danemark.

Les arts ; la décadence italienne ; l’école de Bologne. — Les arts en Flandre ; Rubens et son école. — L’école hollandaise et l’école espagnole. — L’esprit académique en France ; l’architecture officielle ; l’art des jardins ; les peintres français à Rome. — Progrès de la gravure ; les tapisseries et l’ameublement. — Naissance de l’école anglaise. — Réactions et incertitudes au xviiie siècle. — L’art français en Europe. — Le retour à l’antique.

Histoire de la musique ; Gluck et Mozart.

31

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ET NAPOLÉON ier

Résultats du règne de Louis XV. — Le relèvement sous Louis XVI ; la guerre d’Amérique. — Le parti révolutionnaire ; les sociétés secrètes. — Les réformes économiques du xviiie siècle ; Quesnay, Gournay et Turgot ; traité de 1786. — Les États-Généraux ; Mirabeau. — L’ouragan révolutionnaire ; la Convention et le Comité de Salut public. — Les guerres de la République. — Le Directoire et le 18 Brumaire ; Bonaparte, premier consul. — L’Empire ; évolution du jacobinisme. — Les guerres de l’empire ; les royautés vassales — Régime commercial de l’empire ; le blocus continental ; le duel anglo-français. — Le Congrès de Vienne — Les Cent Jours. — Les traités de 1815. — Coup d’œil général sur l’époque révolutionnaire. — Influence de la révolution française sur l’Europe.

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LA FORMATION DES ÉTATS-UNIS

(1683-1875)

L’Amérique du Nord au début du xviie siècle. — Les dix colonies de l’Atlantique ; origines et caractères. — Intolérance et insécurité. — Les établissements français du Canada à la Louisiane. — Les Indiens. — Une guerre de cent ans (1690-1783). — La crise anglo-américaine ; guerre d’indépendance. — Anarchie et Constitution de 1787. — Washington et ses premiers successeurs. — Andrew Jackson ; le Kentucky. — Guerre du Mexique et traité de Guadalupe-Hidalgo. — Le problème esclavagiste. — Abraham Lincoln et la guerre de Sécession. — La doctrine de Monroë et le manifeste d’Ostende. — La machine politique ; les partis. — La politique économique ; l’émigration. — L’effervescence religieuse. — Évolution de la civilisation transatlantique. — L’impérialisme et le panaméricanisme. — Les universités.

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L’ÉMANCIPATION SUD-AMÉRICAINE

(1800-1900)

État de l’Amérique espagnole et portugaise au début du xixe siècle. — Le mouvement insurrectionnel de Quito et la révolution de Caracas. — Guerre de l’indépendance ; Simon Bolivar. — Révolution de Buenos-Ayres et capitulation de Montevideo. — Passage des Andes ; Ayacucho. — Dictature de Bolivar ; ses projets ; démembrement de la Colombie. — Hidalgo et Iturbide au Mexique. — L’Amérique centrale. — L’Empire brésilien ; guerre de l’Uruguay. — Le fédéralisme en Colombie et au Venezuela. — Les conflits du Chili avec le Pérou et la Bolivie. — La République de l’Équateur ; Florès et Garcia Moreno. — Le Paraguay ; Francia, Lopez et la guerre de 1865-1870. — Règne de dom Pedro II. — La dictature de Rosas ; Buenos-Ayres et les provinces. — La guerre du Pacifique. — Essor de l’Argentine, du Chili et du Brésil.

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LA RÉSURRECTION DE LA GRÈCE

La Grèce depuis 1460. — Le féodalisme ottoman et les Maïnotes. — Les Grecs du Phanar et l’action du clergé. — Appel à Richelieu. — Conquêtes de Morosini et domination vénitienne. — Progrès dans l’archipel ; prospérité commerciale. — Les préparatifs de l’insurrection. — Premières victoires et prise d’Athènes. — L’Assemblée de 1822. — Victoires d’Ibrahim-Pacha et intervention de l’Europe ; Navarin. — Le traité d’Andrinople. — Règne du roi Othon et Constitution de 1844. — Georges Ier ; la cession des lies Ioniennes. — Crise crétoise de 1866-68. — La Grèce au Congrès de Berlin. — Le blocus de 1886. — La guerre gréco-turque et le traité de Constantinople. — L’Hellénisme au début du xxe siècle.

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NAPOLÉON iii

La France de la Restauration et de Louis-Philippe. — Les « idées napoléoniennes » identifiées avec le libéralisme. — Caractère de Louis-Napoléon ; ses débuts. — Révolution de 1848 et ses répercussions en Europe. — La deuxième République. — Le Coup d’État et la Constitution de 1852. — La guerre de Crimée et le Congrès de Paris. — Guerre d’Italie. — La politique des nationalités en Pologne et en Roumanie. — Tendances commerciales du second empire (le système protecteur sous la Restauration ; influence de la réforme douanière anglaise et du Zollverein prussien) ; régime des traités de Commerce. — Ententes internationales ; les chemins de fer et le canal de Suez. — La guerre de Chine et la guerre du Mexique. — Difficultés intérieures et extérieures. — L’empire libéral. — Les approches de la crise. — La guerre de 1870 ; Sedan. — Le 4 septembre ; le gouvernement de la Défense nationale.

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L’EMPIRE ALLEMAND

ET L’UNITÉ ITALIENNE

La Confédération germanique en 1815. — Agitation libérale ; les insurrections de 1848. — Le Parlement de Francfort ; réaction et insuccès prussiens. — Guillaume Ier et Bismarck. — L’affaire des Duchés ; la guerre de 1866 ; Sadowa. — Annexions prussiennes et Confédération de l’Allemagne du Nord ; le Reichstag et le Bundesrath. — L’affaire du Luxembourg. — L’incident d’Espagne et la guerre de 1870. — L’Empire ; le traité de Francfort. — L’alliance des trois empereurs. — Le Kulturkampf — Le Congrès de Berlin ; la triple alliance. — Frédéric III. — Guillaume II ; la marine allemande et la politique d’expansion.

L’Italie de 1815. — La Constitution piémontaise de 1821 et la réaction. — Les soulèvements des Romaines. — Mazzini et les sociétés secrètes. — Charles Albert ; les réformes de Victor Emmanuel. — Cavour ; Garibaldi et les Mille. — Annexions et plébiscistes ; Rome capitale. — La Triplice ; Crispi ; guerre d’Abyssinie.

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L’EMPIRE BRITANNIQUE

L’Angleterre et l’empire britannique au début du règne de Georges IV. — Relations matérielles et morales de la mère-patrie et de ses colonies. — Difficultés et évolution du gouvernement métropolitain. — La question d’Irlande. — Le Canada — Les débuts de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. — La révolte des Cipayes ; constitution et fonctionnement de l’empire indien ; les « Native States ». — Singapore, Sarawak, Hongkong, etc. — Les Anglais en Afrique ; protectorats et colonies de la couronne ; l’occupation de l’Égypte. — Les routes de l’empire ; la question du charbon. — La reine Victoria et ses ministres ; Thomas Arnold et la réforme scolaire ; l’Imperial Fédération League ; les deux Jubilés. — La Commonwealth of Australia et le Dominion of Canada. — Cecil Rhodes ; la guerre anglo-boer ; la Confédération sud-africaine. — Problèmes impériaux ; relations économiques de l’Angleterre et de l’empire — Les liens moraux ; l’évolution de l’anglicanisme ; les dissidents.

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LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ET L’ÉQUILIBRE EUROPÉEN

La Constitution française de 1875. — Caractère de la troisième République ; causes de stabilité. — Relèvement militaire et universitaire. — Le nouvel empire colonial français. — La diplomatie de la République ; le Congrès de Berlin. — État de l’Europe en 1889 ; politique des différents pays ; Léon XIII. — Le boulangisme et les tentatives réactionnaires. — Politique extérieure de la France depuis 1889 ; alliance et amitiés. — L’équilibre en Europe ; les armées et les flottes ; l’équilibre européen dans le reste du monde.

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LES LETTRES, LES SCIENCES, LES ARTS

ET L’INDUSTRIE AU xixe SIÈCLE

Le romantisme et le naturalisme. — La littérature d’imagination ; roman, poésie, théâtre. — France, Angleterre, Scandinavie. — La littérature slave. — Les philosophes allemands. — Le darwinisme et le positivisme. — Les études sociales. — Les historiens ; méthodes historiques. — Les orateurs ; les chroniqueurs. — Lutte du germanisme et du latinisme. — Les Lettres en Amérique. — Les sciences morales et politiques. — Les sciences exactes. — L’archéologie. — La chimie industrielle. Médecine et chirurgie. — L’éclectisme artistique ; peintres et sculpteurs. — Traditions et nouveautés. — Le siècle de la musique ; Beethoven et Wagner. — Les musées. — Les arts appliqués à l’industrie. — L’architecture du fer. — Céramique et ornementation. — La vapeur et l’électricité. — Les expositions universelles. — Influence des progrès matériels sur les mœurs et les idées.

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DERNIER ÉVÈNEMENTS :

ÉVOLUTION MONDIALE

Les guerres turco-grecque, hispano-américaine et russo-japonaise. — Activité et transformation du Japon. — Le conflit suédo-norvégien. — La présidence de Théodore Roosevelt. — L’Amérique espagnole. — Le Congo belge ; Léopold II. — L’affaire marocaine. — Le réveil autrichien. — La Jeune Turquie et les Balkans. — Les monarchies modernes ; les différentes formes de République ; le fédéralisme. — Les relations internationales ; la presse ; les Congrès. — Évolution des procédés diplomatiques ; progrès du droit international ; traités et conventions. — Le pacifisme ; les arbitrages ; le tribunal de La Haye. — Préoccupations sociales ; lois d’assistance et de protection ; conflits ouvriers et « guerre des classes » ; l’anarchisme et le nihilisme. — La solidarité des siècles.

COURS DE LANGUES

A
LANGUES MORTES

Latin. — Lecture (fragments des Commentaires de César et des œuvres de Cicéron, Tacite, Virgile.) — Récitation de mémoire. — Explication libre à l’aide de traductions et du dictionnaire. — Observations générales concernant les particularités de la langue, sa concision, le style, les déclinaisons et conjugaisons, les tournures de phrases.

Grec. — Alphabet. — Lecture (prononciation du grec moderne). — Récitation de quelques textes.

B
LANGUES VIVANTES

1re phase : Apprentissage simultané. — Allemand, Anglais, Français, Italien, Espagnol.

Lecture des journaux du jour. — Prononciation, articulation, accentuation. — Comparaison des textes. — Répétitions de mémoire et par écrit. — Analyse des phrases ; particularités de chaque langue. — Vocabulaire : nombres, jours, substantifs usuels, adverbes ; interrogation, négation ; principaux verbes (présent, futur, passé). — Formules usuelles de correspondance.

2e phase : Étude grammaticale et littéraire d’une ou deux langues séparément et d’après les méthodes habituelles.

COMMENTAIRE & CRITIQUE

En comparant les premières lignes du programme de Sciences avec les dernières du programme d’Humanités on constate que notre enseignement débute par une leçon de modestie scientifique et se termine par une leçon de solidarisme historique. Ceci n’a pas été cherché mais le symbolisme en est heureux. Ainsi se trouve souligné à nouveau le principe supérieur qui nous a guidés, à savoir que, pour répondre aux besoins de l’adolescent du xxe siècle, l’enseignement secondaire doit être « une ère d’idées générales embrassant l’ensemble du monde matériel et de l’évolution humaine afin que, par là, tout homme cultivé ait, au seuil de sa vie active, un aperçu du patrimoine dont il est à la fois bénéficiaire et responsable ». Qu’on m’excuse de revenir sur cette formule. Elle résume notre effort et nos convictions.

L’astronomie est, apparemment, de toutes les sciences, celle dont l’objet est le plus vaste et qui, en même temps, touche de plus près à la philosophie. L’indéfini qu’elle nous enseigne en effet est aussi certain — on pourrait dire aussi visible — qu’il demeure incompréhensible. En vain chercherait-on ailleurs une autre certitude qui ne puisse être saisie par l’esprit humain. Nous concevons parfaitement que l’univers est sans limites et qu’il n’existe pas ni ne saurait exister un endroit où il cesse… Et pourtant cette donnée est radicalement contraire aux exigences de notre mentalité laquelle ne peut accepter que l’idée du fini et du limité. L’astronomie se présente donc armée d’une force pédagogique telle que nul ordre de connaissances scientifiques ne semble devoir rivaliser avec elle à cet égard. Elle fournit le seul point de contact entre l’humain et le surhumain et ce contact unique doit inspirer aux hommes à la fois le légitime orgueil d’avoir pu atteindre jusque-là et la salutaire humilité de ne pouvoir aller au-delà. Personne ne s’avise pourtant d’utiliser une notion dont la puissance égale la simplicité car, devant n’importe quel auditoire, cette notion sera développée et commentée à l’aide d’un manuel quelconque sans que le professeur et les élèves éprouvent à s’entendre la moindre difficulté

Il est encore d’autres notions astronomiques que leur ampleur pédagogique tend à mettre de même dans un relief initial, notamment les notions de l’unité chimique et de l’unité mécanique du monde. Elles sont nouvelles — la première du moins ; quant à la seconde, elle est demeurée jusqu’ici inutilisée. Étendue sans bornes, mouvement perpétuel et essentiel, identité progressivement démontrée de la matière sidérale, l’astronomie étudiée sous de tels angles s’écarte aussi bien de l’énumération mythologique un peu niaise des constellations que de l’aride et déroutant calcul des positions et des distances.

Dans notre programme certaines sciences tiennent une place de beaucoup supérieure à celles qu’elles occupent dans l’enseignement existant : telles par exemple l’astronomie et l’hygiène ; d’autres sont entièrement nouvelles : l’agriculture, l’industrie, l’économique, le droit… d’autres encore sont envisagées sous un aspect différent : les mathématiques ; d’autres enfin perdent leur autonomie et se présentent comme divisées et fragmentées : la physique et la chimie.

Nous avons placé le coup d’œil général sur les mathématiques tout au seuil du cours, immédiatement après l’étude du monde sidéral et l’on aperçoit de suite qu’il s’agit ici de connaissances théoriques. C’est une révolution que nous proposons et qui ne peut manquer de soulever les plus véhémentes objections. Pourquoi fait-on faire des mathématiques à l’adolescent actuellement ? Pour trois raisons principales ; pour le mettre à même de résoudre les problèmes usuels qui peuvent se présenter à lui ; pour soumettre son esprit à une discipline rigoureuse d’exactitude et de méthode ; enfin pour servir d’amorce au spécialisme ultérieur vers lequel il s’orientera en choisissant une carrière. De ces trois raisons la première est inexistante. Ce qu’il faut savoir de calcul relève de l’enseignement primaire (que nous supposons très développé, qu’on ne l’oublie pas). Entre sept ans et onze ou douze, époque où nous prenons l’adolescent, il a eu tout le temps d’être rompu à ce genre de mathématiques ; il a pu même s’exercer à l’écriture algébrique, beaucoup de simples problèmes d’arithmétique étant susceptibles d’être présentés de la sorte et, par la pratique du dessin géométrique qui devrait jouer à l’école primaire un rôle considérable, nombre de figures de géométrie ont pu lui devenir familières. Au delà le travail est perdu. Quel est celui d’entre nous qui, possédant ce que l’enseignement secondaire lui a fourni en fait de trigonométrie ou de géométrie descriptive, oserait essayer de s’en servir pour une application pratique, si simple soit-elle ? Il n’est personne pour tenter pareille aventure.

Venons maintenant au second des motifs invoqués : la discipline de l’esprit C’est ici une vieille formule qui a été excellente au temps de la prépondérance littéraire. Les mathématiques — disons mieux : les démonstrations de théorèmes — avaient alors une vertu singulière. Elles obligeaient de jeunes esprits que l’effort prédominant de la pédagogie tournait vers les beautés de la rhétorique et de la poétique à se plier aux exigences froides et sévères d’un labeur tout positif ; elles les forçaient à raisonner serré, emprisonnés dans les murailles de l’inéluctable. Rien ne pouvait remplacer cette féconde leçon. Seulement on oublie de remarquer que le sablier s’est retourné. La précision des faits scientifiques a tellement envahi les études que les jeunes esprits n’en sont que trop imprégnés désormais ; et l’on a vu — spectacle d’un doux ironisme — des hommes de science réclamer hautement pour qu’on remît, à l’aide des lettres, un peu d’élégance et de fantaisie dans des cerveaux devenus exagérément épris d’exactitude et de raisonnement. Le troisième des motifs présentés perd le peu de valeur qu’il pouvait avoir auparavant dès que l’enseignement secondaire, abrégé de durée, ne comporte plus de préparation directe aux carrières ; pour beaucoup de carrières d’ailleurs, la démonstration des théorèmes représente un piédestal absolument inutile.

Mais, par contre, n’est-il pas étrange que, parmi les élèves même qui s’entraînent à démontrer les théorèmes et poussent un peu avant dans le champ des mathématiques, il n’en soit point qui sachent jusqu’où s’étend ce champ et à quel usage sert ce qu’ils ont appris. Pour cela il faudrait leur donner cet aperçu d’ensemble que nous préconisons précisément et auquel personne n’a jamais voulu songer. Peut-on être initié à la connaissance d’un phénomène mathématique (j’emploie à dessein cette expression générale) sans être mis en état de le prouver et de l’appliquer ? Voilà toute la question. Or le professeur qui, en histoire par exemple, tient constamment pour acquises des opinions plus ou moins discutables, lorsqu’il s’agit de faits mathématiques dont le caractère est indiscutable, a coutume d’arrêter son cours là où cesse pour l’élève la mise en pratique possible. Énoncer un théorème sans le démontrer lui semble un blasphème. Pourquoi ? La routine le veut ainsi. Ne se met-on pas en peine de prouver à l’enfant que les angles droits sont égaux et que deux lignes parallèles ne se rencontrent pas ? Ce sont là pourtant de ces vérités dont la mention suffirait. Or tout du long des mathématiques se tiennent des vérités similaires, plus ou moins complexes à énoncer, dont l’énoncé en tous cas représente pour l’esprit une acquisition précise et avantageuse. On peut dresser ainsi pour l’enseignement secondaire une sorte de panorama lointain mais clair de ce monde mathématique qui reste, comme l’électricité ou le magnétisme, mystérieux dans son principe mais domine et féconde tout le progrès scientifique. Nous croyons que ce panorama est à sa place là où nous l’avons mis, entre ciel et terre.

Nous nous attendons bien que le « déchiquetage » de la physique et de la chimie nous fera honnir plus bruyamment encore. En réalité, il s’agit d’une libération absolument nécessaire. La physique et la chimie telles qu’on les enseigne sont devenues des instruments de véritable oppression pour la mentalité adolescente. Elles ne correspondent même pas à une notion exacte. Dans l’ensemble du monde matériel les éléments existent d’une astronomie et d’une géologie, mais non pas ceux d’une physique et d’une chimie proprement dites, à territoires délimités ; il existe seulement des phénomènes physiques et des phénomènes chimiques. Rattachés artificiellement les uns aux autres, ils représentent le point de vue du savant dans son laboratoire ou celui de l’industriel dans son usine et non pas le point de vue de la vie au travers de laquelle ils se trouvent éparpillés. À quels autres qu’à des théoriciens impénitents pourrait venir l’idée de réunir sous une commune rubrique pédagogique : l’acoustique et l’hydrostatique, l’optique et la chaleur ? Et pourquoi l’étude des acides voisinerait-elle avec celle des métaux ou des matières organiques ? De tels rapprochements vont au rebours du sens commun et ce n’est pas sans danger pour la culture générale que le cerveau de l’adolescent est obligé de s’y plier.

Nous n’avons donc pas hésité à adopter un classement tout différent et à étudier les phénomènes physiques et chimiques (lorsqu’ils doivent l’être) au fur et à mesure de leur intervention logique. L’expérience de l’analyse spectrale et les conclusions à en déduire au sujet de l’unité chimique du monde sont à leur place dans le chapitre premier de même que l’exposé des lois fondamentales du mouvement. La pesanteur et le magnétisme terrestre relèvent assurément de l’étude du globe et le retour à la division des quatre éléments prouve seulement que l’empirisme de nos pères, basé sur de séculaires observations, savait trouver parfois la plus juste méthode. On ne saurait s’étonner que nous ayons considéré la géographie générale comme une sorte de résultante du drame géologique, ni introduit l’océanographie dans le chapitre de l’eau et joint l’étude des propriétés des gaz à celle de l’atmosphère. Nous savons fort bien que l’on ne nous chicanera pas sur le détail, une fois admis le principe qui nous a guidés, mais c’est ce principe même contre lequel on bataillera parce qu’il contrarie à la fois trop d’habitudes et lèse trop d’intérêts. Nous le savons et nous y sommes préparés : toute réforme profonde est à ce prix.

Dans les premiers chapitres du programme les innovations se réduisent plutôt à des changements de classification. Avec l’agriculture apparaissent les nouveautés véritables. La botanique telle qu’elle est d’ordinaire comprise, c’est-à-dire avec une abondance de nomenclatures fastidieuses est réduite à sa plus simple expression mais l’étude des zones de végétation, des cultures diverses, des semages, récoltes, assolements, engrais, ainsi que les données sur le travail agricole et ses modalités forment un enseignement que complètent des notions d’art forestier et de chimie végétale. La majeure partie de l’humanité, même dans les pays de civilisation industrielle avancée vit de la terre. Est-il admissible que l’adolescent soit élevé dans l’ignorance totale de ce fait et des conséquences qu’il comporte ? L’histoire naturelle se voit annexer une parenthèse biologique que les découvertes du siècle dernier légitiment et qui est propre à jeter beaucoup de clarté dans les jeunes esprits. Il n’y a pas lieu du reste de pousser cette étude jusqu’aux confins de la philosophie : la chose est à éviter et elle sera facilement évitable. La zoologie n’a point de sens si elle n’aboutit à connaître la domestication des animaux et les principes essentiels des diverses formes d’utilisation et d’élevage.

Le chapitre de l’homme ne se réduit pas à l’hygiène ; il débute par un examen de la question de la population et des problèmes généraux qui s’y rattachent. L’analyse du corps humain est complétée par l’annexion d’un territoire qu’occupent indûment, dans beaucoup de pays, les professeurs de philosophie. Pourquoi les phénomènes de perception, la mémoire, l’imagination créatrice, l’attention, le raisonnement, la volonté ne font-ils pas suite à la digestion, à la respiration, à la circulation ? On serait bien en peine de l’établir. Ces sujets relèvent de la seule étude de l’être humain et les en distraire constitue un funeste illogisme. Rien à observer à propos de l’électricité. Les machines, l’industrie, le commerce forment des chapitres presque entièrement nouveaux. Ils renferment l’énumération de connaissances dont on sent, tout à la fois, combien elles eussent été superflues, il y a seulement vingt ans, et combien elles sont rapidement devenues nécessaires. Il en va de même des transports. Les chapitres consacrés à la richesse et à la loi sont empruntés aux études supérieures : il s’agit d’économie politique et de droit. Les développements donnés aux questions de production et de circulation, aux systèmes monétaires, aux diverses formes du crédit, enfin aux impôts ne vont pas au delà de ce qu’il est vraiment indispensable que tout le monde sache. Que de maux seraient évités, socialement parlant, si cet alphabet de la civilisation présente était connu de tous ceux qui, plus tard dans la vie, la discutent à l’aveuglette et s’efforcent de l’abattre. Quant au droit, nous n’en présentons ici, sous ce terme mieux approprié : la loi, que la classification ou à peu de chose près. Il faut que l’élève se rende compte — et là encore, pourrions-nous répéter, combien la paix sociale y gagnerait ! — des interventions ordinaires du législateur dans la vie sociale et privée, de la façon dont ces interventions se produisent, s’enchevêtrent, se provoquent les unes les autres et souvent entrent en un conflit fatal par l’opposition des intérêts qu’elles veulent protéger et réglementer. Parmi tous ceux qui traversent l’enseignement secondaire, la plupart n’ont jamais l’occasion d’entendre exposer ces vérités et n’en apprennent que des bribes tardives à travers les commentaires passionnés et déformés qu’inspirent à une presse peu scrupuleuse les querelles de parti…

Nous avons enfin introduit, dans le dix-huitième et dernier chapitre du cours de sciences, de brèves considérations sur les armées et les flottes modernes. Il ne s’agit pas, bien entendu, de remplacer, en quoi que ce soit, l’instruction technique que l’adolescent recevra au régiment ni même de l’y préparer. Il ne s’agit pas de son armée nationale mais des armées en général et de la façon dont les États d’aujourd’hui comprennent et pratiquent la défense de leur sol et de leurs sujets.

Parallèlement au cours de sciences, doit être conduit le cours d’humanités. Il débute par une leçon tout à fait contraire aux aspirations et aux habitudes de la pédagogie actuelle ; nous y présentons, en effet, en manière d’avant-propos ce qui est d’ordinaire considéré comme des conclusions et comme des conclusions d’un ordre si raffiné et si élevé qu’on oublie, les trois quarts du temps, de les exposer même à des étudiants. C’est que la « sociologie » n’a pas encore acquis droit d’école. C’est une science à côté, une science catéchumène qui attend le baptême administratif. Pour nous ces distinctions n’ont point de sens. S’agit-il même de sociologie ? l’étiquette ne nous importe guère. Mais les notions qui sont groupées dans notre leçon initiale nous paraissent très bonnes à enseigner et précisément au seuil d’une étude de l’œuvre humaine en général. Elles éclaircissent le sujet et ouvrent des horizons vastes et exacts. Il est bien difficile de jamais comprendre l’histoire si l’on fait abstraction de ces assises éternelles de toute société : la famille, la propriété, l’État. Et en peu de mots aisés à dire comme à retenir, le maître en exposera les différentes modalités si intimement liées aux phénomènes de progrès, de stagnation ou de recul des peuples. Il faut que l’adolescent s’accoutume à penser que le type familial, le régime de la propriété, l’organisation des pouvoirs publics influent bien plus fortement qu’une guerre ou une révolution sur la mentalité d’une nation. Il faut surtout qu’il sente que ces institutions ont joué un rôle prépondérant dans toutes les sociétés organisées, les anciennes comme les récentes, de même que les hommes, sitôt qu’ils ont possédé quelque richesse et quelque culture, ont senti s’éveiller en eux le désir du beau et l’inquiétude de leurs destinées. La poursuite des arts, l’étude des problèmes de l’âme sont partie intégrante de tout chapitre de l’histoire des grandes races. Ces races, elles-mêmes, d’où sortent-elles ? Au lieu de ces nomenclatures ethniques sur lesquelles l’accord n’a jamais pu se faire, mieux vaut avouer l’incertitude et exposer l’état actuel de la science à cet égard. Ce premier chapitre indignera, certes, plus d’un traditionaliste ; on s’exclamera surtout que nous ayons osé inscrire là un classement général des systèmes philosophiques ; mais nous avons le sentiment que ni cette audace ni l’indication de l’universalité du problème religieux et de son influence sur l’homme de tous les temps, ne constituent un empiètement sur le terrain confessionnel.

Dans le second chapitre, deux faits à noter : le rappel des « particularités géographiques » de la région dont l’histoire va être étudiée ne s’applique pas seulement aux empires chaldéens. C’est l’indication, une fois pour toutes, d’un procédé auquel le professeur doit avoir recours chaque fois qu’il s’agit d’aborder une région nouvelle. Sans adhérer au système qui déclare prépondérante l’action du sol sur l’homme, il est impossible de nier cette action et de ne pas voir qu’elle s’étend des choses de la guerre à celles de la littérature. Le second fait c’est que, dès le principe, l’Extrême Asie se trouve associée à notre cycle historique puisque, à côté des empires chaldéens, figurent la Chine et l’Inde antiques… le peu du moins que nous en savons en attendant que les archives, encore impénétrables, nous livrent de précieux secrets. Dès maintenant l’Asie est entrée dans notre vie occidentale et doublement, car il y a des communautés de sang occidental qui se trouvent séparées de l’Europe par l’Asie à gauche, par l’Amérique à droite. Depuis que l’Australie a ainsi pris rang de nation, on peut dire que la pénétration universelle est achevée et nous ne pouvons pas plus nous désintéresser des origines asiatiques que des Scandinaves ou des berbères. L’étude des premiers clans chinois et de la féodalité jaune, de l’unification japonaise, de la civilisation aryenne dans l’Inde importent tout autant en tous cas que les annales de Babylone et de Ninive ou celles de l’Égypte primitive.

On verra que nous avons aussi réintégré le peuple Hébreu dans l’histoire ; il en était sorti au profit de l’instruction confessionnelle mais il semblera inadmissible que, parce qu’on fait apprendre aux jeunes enfants une « histoire sainte » remplie d’événements surnaturels, il doive être interdit d’enseigner aux adolescents la même période envisagée sous le seul angle des réalités historiques. Il est parfaitement possible de donner cet enseignement sans froisser des convictions respectables et sans aborder la critique de faits qui échappent au jugement humain.

Avec l’Hellénisme va commencer la grande querelle. Nous avons osé supprimer l’autonomie de cette personne considérable qu’on nomme la « littérature ». Eh quoi ! plus de cours de littérature ! Homère, Sophocle, Platon, Cicéron, Virgile, Senèque… obligés de réintégrer leur pays et leur siècle d’où on les avait tirés pour former une « société des Gens de Lettres », indépendants de l’histoire et uniquement préoccupés de cultiver l’art du « bien dire ». Et sans doute ils soignaient leur style, ces illustres auteurs, et prenaient plaisir à placer le mot juste en posture élégante. Mais la vie, la vie qu’avant tout reflétait leur pensée, la vie du sein de laquelle ils surgissaient, qu’en faites-vous donc ? La Grèce des Thermopyles et de Mantinée, la Rome des guerres d’Afrique et d’Asie sont-elles donc séparables des poètes, des historiens, des orateurs qui les ont critiquées ou glorifiées ? Et plus tard, pensez-vous que les premiers troubadours, Abailard, Averroès, Bacon, Dante, Pétrarque, Froissard, Chaucer, Camoëns, Rabelais, Montaigne, Le Tasse puissent être utilement et intelligemment présentés en «  déracinés » comme des figures flottant dans une atmosphère imprécise ? C’est là toutefois un point de vue auquel s’opposent de très vieux préjugés. Il faudra du temps pour se rendre compte des maux pédagogiques qu’a engendrés chez les adolescents le cours de littérature. Beaucoup auraient été saisis d’admiration et impressionnés à jamais par l’Iliade et l’Odyssée si on leur avait rendu ces chefs-d’œuvre accessibles par une belle traduction convenablement enchâssée dans sa monture historique. Ce n’est pas seulement parce qu’on les a condamnés à en détailler laborieusement, à l’aide de la grammaire et du dictionnaire, le squelette inanimé que la porte de la compréhension et de l’émotion s’en est à jamais fermée pour eux. C’est encore et surtout parce que tout le paysage environnant avait disparu. Or, nous parlons là de ceux qui ont appris le grec ! En latin, si les Commentaires de César écrits en un style très simple laissent encore dans l’esprit de l’élève une vague, bien vague idée de la Gaule qu’il subjugua, les pénibles et brèves trouées conduites au travers des textes de Tacite n’aboutissent à aucune véritable clairière concernant la Germanie d’alors et les mœurs de ses habitants. Intervienne une lecture suivie, en traduction, avec les études historiques qu’elle comporte… et tout s’éclaire. C’est que l’œuvre a été replacée dans son milieu, qu’elle existe et palpite et qu’au lieu de figurer dans un recueil de reproductions littéraires artificiellement classées, elle tient son rang au sein de l’humanité qui l’a produite. On ne saurait trop le répéter, la littérature dans l’enseignement secondaire n’a de valeur que comme l’expression même de la vie des peuples ; toute arrière-pensée professionnelle en doit être écartée. Nous disons : dans l’enseignement secondaire. Qu’on le remarque bien, Loin de nous, en effet, la pensée d’étendre cette prescription à l’enseignement supérieur où ceux qui veulent se vouer aux études littéraires ne sauraient à aucun degré s’y sentir astreints. Mais quelle admirable préparation à de telles études constituera pour ceux-là la connaissance générale acquise durant l’adolescence du grand mouvement de la pensée humaine ainsi associé à l’histoire universelle ! Et pour ceux qui en resteront là, cette connaissance ne suffira-t-elle pas à leur donner accès à l’idée littéraire, si l’on peut ainsi parler, en même temps qu’à leur rendre plus complètes et plus vivantes les leçons de l’histoire ?

Le principe que nous venons de poser en ce qui concerne l’enseignement secondaire soulève deux questions ; il est bon de les trancher de suite. La première a trait au mode d’instruction. Ce que nous avons dit des œuvres littéraires est vrai des œuvres d’art et des doctrines philosophiques. Mais, tandis qu’il est relativement aisé d’ouvrir la parenthèse nécessaire pour exposer à des adolescents ce qu’ils doivent savoir du Parthénon, du Colisée ou de la voûté ogivale, — de l’art hindou, des écoles flamandes ou de l’art arabe, — des lois de Manou, du mazdéisme, du stoïcisme, il n’en va pas de même des œuvres littéraires. Devront-ils les lire — alors la parenthèse sera fort longue, interminable même — ou bien se contentera-t-on de leur résumer par exemple Euripide ou Horace en petits paragraphes énumérant leurs ouvrages et les caractérisant par quelques traits plus ou moins heureusement choisis ? Dans ce dernier cas, nous retournons au manuel d’examen qui s’apprend par cœur et dans lequel une simili-culture est, pour ainsi dire, débitée à l’aune. Rien ne serait pire. Non ! l’adolescent doit lire presque en entier certaines œuvres et des fragments des autres. Ces lectures auront lieu en marge du cours soit en classe, soit à l’étude, avec compte-rendu écrit présenté au professeur ou oral fait en classe sous sa direction. Il va sans dire que nous ne suggérons aucun changement aux coutumes pédagogiques qui font alterner la classe avec l’étude et le devoir rédigé avec la leçon parlée. C’est aux professeurs eux-mêmes qu’il appartient de dire dans quelle mesure, cette alternance doit se produire. Nous bornant à poser les bases d’une réforme envisagée au point de vue général et pour l’ensemble des cas, ce serait sortir tout à fait de notre rôle que de proposer des horaires fixes qui varieront du reste selon l’âge des élèves, leur nombre, aussi bien que selon les capacités et les tendances des maîtres ou le temps dont ils disposent. L’individualité de ces derniers doit-être respectée dans les limites très larges tracées par les programmes.

Voilà donc qui est entendu : l’étude des œuvres littéraires marchera de pair avec celle des événements et des circonstances contemporaines. Et voici la deuxième question : où s’apprendra alors l’« art d’écrire » ? Par cette expression, entendez : la rhétorique. Le mot est un peu désuet et l’on n’ose plus tant l’employer, mais la chose subsiste comme un legs du passé. Peut-être certains sont-ils injustes envers la rhétorique car elle eut sa raison d’être. À vrai dire cette raison d’être cessa en principe le jour que l’imprimerie fut inventée, mais, les conséquences de l’invention ayant été lentes à se développer, la rhétorique continua d’être pratiquement utile. Elle a tout à fait fini de l’être depuis que le livre à bon marché a mis à la disposition de tout le monde le bagage total de la pensée humaine et le besoin ne se fait plus sentir d’apprendre en détail les beautés de l’onomatopée, de l’euphémisme et autres « figures » dont chacun use tout naturellement sans avoir à les habiller de noms sonores. La comparaison ; l’allusion, tout cela serait d’ailleurs du ressort de l’enseignement primaire ou l’enfant doit être déjà exercé à rédiger, — à rédiger et non à narrer ou à composer. La « composition » est la plaie des démocraties. N’y exercez personne ; cela n’empêchera aucun génie de se révéler et comme l’a dit un poète français qui n’a eu que le tort de vouloir faire des vers avec du simple bon sens :

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement

Fausse route font en ce même pays de France, ceux qui cherchent un remède à la défectuosité présente de la forme autre part que dans la parfaite clarté de la conception. La remarque s’applique aussi aux autres pays où l’on rédige de plus en plus obscurément parce que, comme je l’ai déjà indiqué, l’adolescent est venu à ce point de ne plus souvent comprendre ce qu’il apprend. Les occasions de rédaction, elles, ne manquent pas. Elles sont à la fois plus nombreuses et plus variées qu’elles n’étaient ; elles sont surtout plus réelles et moins poncives. L’adolescent d’aujourd’hui a ses journaux, ses groupements : toute une Société en raccourcis organisée pour lui et autour de lui. Qu’a-t-il besoin de se transformer en « Alexandre haranguant ses soldats » ou en « Cicéron écrivant à un ami » ? Il s’adresse à ses camarades et traite des sujets véritables. Sa plume et sa parole trouvent ainsi à s’exercer de la façon la plus avantageuse. On l’a bien compris dans les collèges anglais et on y a admirablement tiré profit des circonstances nouvelles. Le collège anglais demeure, sous ce rapport comme sous celui de la préparation sociale, l’usine humaine la plus parfaite qui existe ; tous les pays gagneraient à s’en inspirer.

Les quelques éléments de rhétorique qui peuvent survivre sans inconvénients, nous en faisons donc cadeau à l’école primaire. Dans le cours de sciences, au chapitre x consacré à l’étude du corps humain, nous avons inscrit : l’intelligence, la mémoire, le jugement, l’attention, le raisonnement, l’hypothèse et l’induction. Reste le goût. Eh bien ! le goût qui est affaire de proportion, de pondération, d’élégance, il me semble que jamais on n’a tant visé à le former que nous ne le faisons par nos programmes. Dans la mesure où le goût relève de l’éducation (car il y faut tout de même un penchant hérité ou spontané) il se trouve ici des éléments précieux et nombreux propres à son développement. Les chapitres 16, 19, 30 et 39 notamment apportent dans l’enseignement secondaire des données qu’on avait eu le tort de négliger, qui sont puissamment éducatives et aptes à favoriser la culture du sens de l’eurythmie.

Reprenons maintenant notre commentaire. Après les chapitres consacrés à la république romaine et à l’empire romain intervient une étude des monarchies barbares. Cette époque est d’une grande importance car elle dessine pour l’Europe occidentale le trait d’union entre la société antique et ce qui va devenir la société moderne. Actuellement Théodoric n’est pas autre chose à nos yeux qu’une manière d’Attila sédentarisé et le milieu si curieux sur lequel il a dominé et d’où par la suite a jailli la puissance de Charlemagne, on en ignore presque tout : les aspects, les ressorts, les échecs ! On méconnait aussi cet effort de l’arianisme qui fut un des grands tournants de l’histoire, une lutte dont les remous se sont fait sentir jusqu’à nous. C’est ici qu’à la manière de Bossuet, on pourrait regarder naître et mourir les empires. Ils sont cinq s’enchevêtrant : le franc, l’arabe, le grec, le normand, le germanique dont les courbes d’élévation et de décroissance ont un magnifique relief et forment des annales d’une richesse passionnante bien propre à captiver et à retenir — toujours avec l’aide de la géographie — l’imagination des adolescents. Au contraire, si l’on isole de la civilisation qui les entoura ou qu’ils ont suscitée : Charles le Gros, Haroun al Raschid, Nicephore Phocas, Othon le Grand, Guillaume le Conquérant, quelle pensée claire, quelle idée prenante espérez-vous voir sourdre du chaos engendré par cette succession de figures sans racines ? Ce sera ici l’occasion d’une nouvelle querelle qu’on nous cherchera : celle des dynasties et des dates. Je veux m’en expliquer de suite. Il est impossible — et il serait fâcheux — de tout apprendre ; force est donc d’admettre des lacunes et de faire choix de ce qui sans inconvénient peut être écarté. Or l’histoire énumère des souverains qui n’ont marqué ni par leur initiative ni par leur ambiance. Elle énumère des batailles dont les causes ou les résultats furent insignifiants et que relève seulement quelque anecdote plus au moins véridique. Elle énumère surtout des dates d’avènements, de conflits, de conventions qui finissent par constituer l’amas déchiffrés le plus indigeste. En regard de ces excès, il se trouve que des périodes entières sont passées sous silence faute d’un prince pour les prendre sous son égide, que de fécondes évolutions demeurent oubliées faute d’en pouvoir déterminer à date fixe le début et la fin. Rien n’est plus inexact que la toise des règnes. Peut-on, par exemple, mettre sur le même plan les pâles exploits des successeurs de Clovis et la colossale entreprise d’un Justinien ? Les chronologies ininterrompues et complètes n’ont que la valeur d’un dictionnaire ; on les consulte, on ne les apprend pas. Ces souverains, ces batailles, ces traités, ces dates qui ne rappellent que de la médiocrité transitoire ou des faits sans portée, qu’on cesse d’en jalonner faussement la route de l’humanité, négligeant pour leur faire place de suivre l’effort anonyme et quotidien, parfois fautif, souvent déçu, mais toujours instructif et grandiose vers la lumière et le progrès.

C’est dans cet esprit que nous avons sauté bien des vulgaires figures d’empereurs romains au profit de notions précises sur l’administration impériale, les légions, les proconsuls, le commerce et les monuments. Les coupures introduites entre l’empire de Charlemagne et celui d’Othon le Grand pour l’Allemagne ou la royauté d’Hugues Capet pour la France procèdent de la même préoccupation. Mais d’autre part, on remarquera que nous avons pris grand soin de ne jamais laisser l’obscurité se faire sur un peuple sous prétexte d’une période de somnolence et d’insignifiance. De telles périodes peuvent se résumer très facilement ; ce qu’il faut en savoir se réduit à peu de mots ; encore est-il essentiel d’en faire mention afin que l’adolescent s’accoutume à avoir toujours présente à l’esprit l’idée si féconde et si vraie du travail universel et de la collaboration ininterrompue de toutes les nations à ce travail.

Quant aux dates, c’est affaire de mémoire et la mémoire est capricieuse ; elle ne fera jamais un choix judicieux entre une date et une autre ; ne pouvant les posséder toutes, elle en omettra d’importantes pour en retenir de futiles. Certains savent le jour et l’heure de la mort de Constantin XII sous les murs de sa capitale et ignorent l’année que Jean sans Terre concéda la grande charte ou même le siècle dans lequel vécut Aureng Zeb. La mémoire a assurément besoin d’être cultivée mécaniquement et entretenue. Cultivée, elle doit l’être de bonne heure. C’est une des premières besognes de l’école primaire et déjà, à ce moment, on peut tenter de fixer quelques dates fondamentales des annales nationales dans le cerveau enfantin. Parmi les procédés mnémotechniques, il en est d’intelligents, il en est beaucoup de sots. Nous n’avons pas à examiner ici la question. Nous nous bornerons à faire observer qu’en somme l’année a en histoire — et en histoire littéraire ou artistique aussi bien qu’en histoire politique — bien moins d’importance que le siècle et l’ordre. Ce qu’il faut viser à inculquer à l’adolescent dont la mémoire se montre rebelle à retenir les années, ce sont les demi-siècles ; c’est aussi l’ordre des événements. Qu’il puisse situer dans la première ou dans la seconde moitié d’un siècle les personnages, les faits et les œuvres, qu’il possède bien la succession des siècles avec ce qu’ils représentent et le « damier » fourni de la sorte par sa mémoire suffira même à une très haute culture : a fortiori à la culture moyenne que nous avons en vue.

Vers la fin du xve siècle de grands résultats sont acquis et c’est pourquoi nous avons fait là une pause assez longue. Elle nous permet d’étudier successivement : la formation des langues modernes, les universités qui se multiplient et deviennent des centres intellectuels considérables, les débuts de la peinture et la rénovation de l’architecture, le rôle de l’Église, les querelles de la scolastique, puis les découvertes telles que la poudre et l’imprimerie, initiatrices d’évolutions d’une immense portée — puis encore les exploits des grands voyageurs, découvreurs du globe… l’état du commerce, de la civilisation, l’organisation des corporations et des compagnies, la création des services publics, la transformation de la justice…, etc… Et tout cela, laissé jusqu’ici presque complètement dans l’ombre, est quand même plus important que la bataille de Fornoue ou la diète de Worms.

Un ordre de faits du reste n’est point pour faire tort à un autre ; ils se complètent au contraire et la révision de l’état politique dans l’Europe du Nord, du Sud et du Centre, à cette époque, nous fournit l’occasion d’introduire aussi quelques nouveautés nécessaires concernant les Pays-Bas, l’État Teutonique, la Suisse, les Balkans. Cet examen approfondi de l’Europe ne doit pas détourner nos regards des autres parties de l’univers. Ce que nous possédons à cet égard tient malheureusement trop à l’aise en un chapitre et, si les progrès de la science pour ce qui concerne l’Asie sont assurés, il est à craindre que l’Amérique n’ait plus beaucoup à livrer de son étrange passé.

Les chapitres suivants ne peuvent prêter qu’à des discussions de détail. Nous les croyons rédigés et classés d’une façon propre à faciliter à la fois la tâche du professeur et celle de l’élève. Nous pensons notamment qu’il était essentiel de réunir en une seule étude les grandes entreprises coloniales des nations européennes afin d’en comparer les méthodes et les résultats. Emiettés comme ils le sont aujourd’hui, ces sujets perdent leur intérêt et leur grande portée pédagogique. De même nous croyons que le développement intellectuel si considérable des xviie et xviiie siècles devient infiniment plus clair et plus suggestif lorsqu’on rapproche les uns des autres les écrivains espagnols, anglais, allemands, français qui ont contribué à l’éclat littéraire de cette grande période. Il n’est pas admissible que le mouvement artistique connexe soit passé sous silence ; nous lui avons fait une large place et en avons profité pour introduire là quelques notions rétrospectives sur la musique.

On se plaindra dans certains pays latins et surtout en France de la part minime accordée à la révolution française et à Napoléon Ier et l’on s’étonnera peut-être en constatant qu’un peu plus loin tout un chapitre est consacré au règne de Napoléon III. Les Français pourront à leur gré scinder en deux ce chapitre 31 qui va du règne de Louis XV à Waterloo ([1]) et lui donner toute l’étendue qu’ils voudront, mais nous le répétons, nos programmes sont conçus du point de vue de ce qui nous paraît la vérité historique en dehors de tout grossissement national. Et, de ce point de vue, il est indéniable que la révolution française n’a nullement l’importance qu’on lui attribue sur les bords de la Seine. Venant après l’indépendance américaine et la Réforme, elle enfonça en quelque sorte des portes ouvertes et le fit avec tant de fracas et si violemment que ces portes se refermèrent pour quelque temps derrière elle et que, loin de favoriser l’établissement de la liberté en France, elle la retarda considérablement. Étudiés sans passion, les « grands hommes » de la révolution apparaissent comme de médiocres esprits, dépourvus de sens pratique, parlant un langage ridicule et le régime finit par aboutir avec le Comité de Salut public à un état de choses véritablement abject fondé sur la délation et la poltronnerie générales. Peu de pays, il faut bien le reconnaître, ont dans leur histoire d’aussi vilaines pages mais tout cela s’efface devant l’admirable épopée que, dès le début de la Révolution, les soldats français écrivent avec leur sang sur toutes les frontières. Du sein de cette épopée jaillissent de merveilleuses figures de héros et la plus puissante, sinon la plus sympathique, est celle de l’officier de fortune qui finit en quelque sorte par écraser le peuple français sous le poids de ses lauriers et devient le chef d’un empire formidable. Toute cette période est, par excellence, une période militaire et comme les armées françaises, vingt années durant, balayent l’Europe, elles y déposent assurément certains germes de transformation : non pas les « idées de la révolution » dont ces braves guerriers n’ont cure et dont on serait fort en peine du reste de dresser un bilan sérieux, mais un mélange de sentiments simplistes qu’on peut traduire ainsi : mépris de tout ce qui est vétuste (y compris le droit divin) et culte enthousiaste de la force victorieuse. C’est alors que s’applique sans vergogne la fameuse formule : la force prime le droit. Soixante ans plus tard, Bismarck prouvera que les Allemands ont bien retenu la leçon et en ont bien profité. À l’intérieur, la période révolutionnaire doit être considérée comme une crise aiguë du Jacobinisme développé par Louis XIV et dont le principe s’oppose dès lors, à travers l’histoire de France, à cet opportunisme habile et sage dont Henri IV a donné la recette.

Cette digression n’est pas tout à fait légitime puisqu’elle développe une doctrine particulière et par là contredit la « neutralité » à laquelle doivent, autant que possible, s’astreindre des rédacteurs de programmes. Mais la révolution française était devenue une telle « excroissance » aux flancs de l’histoire que, dans certains pays, toute la portée des événements historiques du xixe siècle s’en trouvait oblitérée. Nous avons tenté de ramener ici les choses à leur proportion véritable.

Ces événements ont pour centre le règne de Napoléon III. Tout y converge. De 1815 à 1848, il semble que la France et l’Europe préparent les voies à l’étrange souverain qui va donner la formule de ce « despotisme éclairé » figure nouvelle de l’antique césarisme dont, à l’heure où nous écrivons, une bonne partie de l’univers demeure satisfaite. En même temps la théorie des nationalités assure d’abord de vastes unifications en attendant de conduire à de fatales désagrégations. Car ce qui s’est passé entre 1848 et 1870 est, à cet égard, bien loin d’avoir produit ses derniers effets.

L’ignorance totale où la pédagogie européenne a vécu en ce qui concerne le nouveau monde doit dès maintenant faire place à une connaissance exacte des trois siècles d’histoire que l’Europe elle-même y a écrits. La formation des États-Unis et l’émancipation sud-américaine ne peuvent plus décemment être exclues de l’enseignement comme elles l’ont été trop longtemps. L’évolution de la grande république du nord aurait été rendue beaucoup plus compréhensible à nos contemporains s’ils avaient connu son passé et ce passé est tout autre que ne se l’imaginent ceux qui voient dans la poursuite du dollar le principal ressort de l’activité transatlantique. Les excès confessionnels et intransigeants des premières communautés, les cent années de guerre conduites par les Américains contre la coalition franco-indienne, la crise d’anarchie gouvernementale qui suivit l’indépendance, le caractère si spécial de la présidence de Jackson, la guerre du Mexique… ce sont là des données d’une valeur capitale pour l’appréciation de l’avenir des États-Unis. De même, à l’heure où les républiques sud-américaines atteignent à un degré de prospérité magnifique, il est ridicule qu’aucune attention ne soit donnée aux événements, par lesquels ou malgré lesquels s’est édifiée cette prospérité. Bolivar et Hidalgo valent bien sans doute Epaminondas ou Richard Cœur de Lion. Les exploits héroïques alternent dans ces annales avec de très curieuses convulsions politiques où l’on voit s’imposer peu à peu, par l’exemple du Nord, ce principe fédéral quasi inconnu du vieux monde et qui fut peut-être le legs unique et suprême de la race rouge à ses envahisseurs victorieux.

La part que nous donnons ensuite à la résurrection de la Grèce ne peut surprendre si l’on réfléchit à ce que représente ce chapitre historique. Il ne suffit pas seulement de constater qu’après tant de siècles d’oppression, la Grèce que l’on croyait morte et à jamais ensevelie vivait encore ce qui suscita, quand le miracle fut constaté, une stupéfaction universelle, il faut savoir comment elle a vécu et de quels éléments était faite la force qui l’a tenue debout dans le tombeau. Le peuple hellène, en remontant à la lumière du jour, a pour ainsi dire modifié la philosophie de l’histoire. Il a prouvé que seuls disparaissent les peuples qui consentent à mourir : comme il y a de nos jours un grand nombre de peuples qui n’y consentent point, malgré qu’on s’efforce à les y amener, cette loi inconnue de nos pères a pris une importance énorme.

Les chapitres 36,37,38 et 40 contiennent l’histoire d’hier, presque celle de ce matin. C’est un point encore controversé que l’extension de l’enseignement jusqu’à des limites si voisines. On considéra longtemps qu’il était prudent de s’arrêter à un demi-siècle au moins de l’heure présente. On en donnait pour raisons que la politique a besoin d’un fort recul pour devenir de l’histoire et que l’adolescent ne doit pas être initié aux choses de la politique. Ce sont là des principes légèrement aristocratiques et obscurantistes, datant d’une époque où la politique ne signifiait guère que la lutte des partis et particulièrement l’opposition au régime établi. Le sens de ce mot aujourd’hui est fort élargi. Les nations qui toutes, plus ou moins, contrôlent leurs gouvernements, ont à s’inquiéter de la totalité de leurs intérêts. De plus, comme nous l’avons déjà rappelé, elles réagissent étroitement les unes sur les autres. Or, en admettant même que la crise boulangiste ou l’alliance franco-russe constituent de la politique pour le petit Français, il en est autrement pour le petit Anglais ; pour le premier d’autre part, l’émancipation australienne ou l’œuvre de Cecil Rhodes ne sont pas non plus de la politique. Tout cela est déjà de l’histoire et de celle dont les conséquences immédiates se déroulent autour de nous. Il ne serait pas sage de mettre sous le boisseau la période précisément dont la génération actuelle a le plus besoin de connaître les caractéristiques, les énergies et les défaillances puisque son avenir à elle en dépend directement. Au chapitre 39 sont réunis les aperçus littéraires, artistiques, scientifiques et industriels qui achèvent de donner au xixe siècle son aspect décisif et permettent d’embrasser le panorama suggestif de son activité féconde, de ses agitations stériles et de ses aspirations généreuses.

Après ce que nous en avons dit au début, il ne sera pas utile de revenir très longuement sur la question des langues. C’est un sujet sur lequel il n’y aura probablement point d’adhésions incertaines. On sera pour ou contre et nombreux se compteront d’abord les adversaires irréductibles. Mais le temps, cet impérieux magister, saura grossir progressivement la liste des partisans d’une méthode seule conforme aux besoins actuels. Nous avons rapproché le latin des autres langues. Il n’y a en somme qu’une langue dite morte, le latin. Le grec est vivant. Morte signifie à la fois qu’on ne le parle plus et qu’on ne peut pas l’écrire familièrement. L’ordre d’idées, au point de vue pédagogique, n’en est pas moins le même que pour les langues vivantes ; il s’agit dans l’un et l’autre cas de ces mécanismes par lesquels l’homme traduit ses pensées. Il n’y a donc pas lieu d’éloigner l’un de l’autre les deux enseignements ; ils doivent être associés, bien que s’aidant de moyens et tendant à des buts différents. La lecture de textes latins, la récitation exerçant utilement la mémoire, l’explication libre à l’aide de traductions, un mot çà et là vérifié dans le dictionnaire, une construction analysée, une tournure de phrase commentée… tel est le raccourci des leçons que nous préconisons. Prenez par exemple l’inscription fameuse qu’on lit, près de Québec, sur le monument élevé à Wolfe et à Montcalm : Mortem virtus communem, famam historia, monumentum posteritas dédit. Ne sentez-vous pas que l’on pourrait, sur un pareil texte, faire à des auditeurs ignorant le latin une conférence des plus intéressantes ? Sans doute ce n’est pas avec de pareilles leçons que nos adolescents apprendront la langue latine. Reste à savoir s’ils ont besoin de l’apprendre et quel usage ils en feraient ? Ils auront pris contact avec elle ; c’est énorme et, à leur âge, cela suffit. Un pareil contact ennoblit et rehausse toute une éducation ; il découvre aux jeunes esprits les approches prestigieuses du passé. Abordant ainsi le latin, il y a toute raison, bien que ce ne soit pas indispensable, d’effleurer le grec, d’en connaître l’alphabet, de le lire, d’en réciter quelques pages et nulle raison valable n’existe par contre — puisque le grec n’est pas mort — de le prononcer autrement que ne le prononcent les Grecs vivants.

Cette question de la prononciation domine absolument l’apprentissage des langues usuelles. En étudiant dans les livres, on parviendra à la rigueur à lire assez couramment l’anglais ou à posséder suffisamment la grammaire allemande ou la syntaxe française, mais, quand il s’agira de se faire comprendre, l’impuissance à y réussir se manifestera. Pour s’en rendre compte, il suffit d’ouvrir un de ces petits manuels polyglottes où la façon de prononcer est soi-disant indiquée en regard du texte. Or vous aurez beau répéter d’après ledit manuel : Dass iste tsou fil — guében zi mir tsaïtounnguène — aï guève you sœurthé franncss — vouere iz maï côte ? nul ne saurait se douter que vous avez l’intention de dire : Das ist zu viel, geben sie mir zeitungen, I gave you thirty francs, where is my coat ? Au contraire, ayez l’accoutumance de l’oreille et de la parole avec quelques notions sur le singulier et le pluriel des substantifs, le présent, le futur et le passé des verbes réguliers, un simple dictionnaire de poche vous suffira à vous faire entendre.

Pourquoi le novice est-il retenu si souvent par la peur de faire des fautes ? C’est qu’on lui a appris, dès ses premiers débuts, des formes de langage littéraires et qu’il s’escrime à composer des phrases entières au milieu desquelles l’erreur fatale détonnera ridiculement, suscitant une hilarité plus ou moins dissimulée. Celui qui met simplement et de son mieux des mots les uns au bout des autres n’en soulève aucune. L’effort visible qu’il fait pour s’exprimer provoque l’effort de l’interlocuteur pour le comprendre et, entre eux, l’entente est parfois aussi rapide et beaucoup plus aisée que si, en sachant davantage, il s’appliquait avec une inévitable gaucherie à utiliser son savoir. Avant de construire et d’enchaîner des phrases, il faut pouvoir prononcer, articuler, accentuer et c’est à ce point de vue initial et capital que se rapporte notre observation relative à l’aide que les langues peuvent s’apporter les unes aux autres. La « première phase » de notre programme correspond à cette période préliminaire qui est celle de l’accoutumance de la bouche, des yeux, de l’oreille aux sons et aux aspects des mots étrangers, accoutumance qui s’accompagne d’une sorte de rapprochement psychologique d’avec les peuples dont on aborde le langage et joue par là un rôle considérable par rapport à l’enseignement général. Lisons le Times, le Figaro, le Berliner Tageblatt, la Epoca, le Corriere della Sera. Nous y trouverons, en termes non identiques mais similaires, la nouvelle du jour rédigée avec ce laconisme des télégrammes de presse qui n’est pas celui des télégrammes privés en ce qu’il ne supprime aucun mot, mais qui expose les faits de façon nette sans circonlocutions ni qualificatifs superflus. Voilà exactement les textes qui conviennent pour être efficacement lus, récités, traduits, commentée et comparés en cette « première phase » que nous avons appelée le vestibule de l’enseignement des langues. De la « seconde phase » nous n’avons rien à dire. Elle n’est pas partie intégrante de nos programmes mais nous la mentionnons ici afin de bien indiquer que sa présence en marge ne saurait être une gêne pour les études secondaires. Une langue que l’on veut posséder couramment s’apprend à tout âge et sont bonnes toutes les méthodes qui réussissent.

En énonçant que l’enseignement secondaire devait constituer « une ère d’idées générales », nous avons indiqué déjà que cette « ère » trouvait sa place « entre l’école primaire où s’apprennent les bases techniques de la culture et l’école supérieure ou universitaire où s’enseigne le spécialisme pratique ou scientifique ». Les bases techniques de la culture… on ne nous chicanera pas sans doute sur ce point-là ; car c’est ainsi que l’enseignement primaire est envisagé dans la plupart des pays et il est assez difficile de l’envisager autrement. Il y a bien eu, çà et là, quelques tentatives pour y introduire des données supérieures dont le premier défaut était de dépasser la compréhension juvénile ; mais ce sont des exceptions négligeables. Par ailleurs, en Amérique notamment, l’enseignement primaire dispose en général du nombre d’années que nous souhaitons précisément lui voir attribuer, c’est-à-dire qu’il conduit le jeune garçon jusqu’au delà de sa onzième ou douzième année. Il y a ainsi place pour un cycle d’études sérieuses, complètes dont nous n’avons, bien entendu, pas à nous occuper ici sinon pour réclamer qu’elles soient tenues aussi en dehors et éloignées que possible de toute généralisation. Et cela n’a rien d’impossible. Au delà de la grammaire, de l’orthographe, du calcul et du dessin, il est facile d’aborder la géographie, l’histoire et même certaines sciences dans un esprit tout à fait différent de celui qui a inspiré la rédaction de nos programmes, c’est-à-dire de façon locale ou fragmentaire.

Quant à l’université, il semblera étrange évidemment que nous refusions de voir en elle un asile de spéculation désintéressée. Telles sont encore certaines universités que leurs coutumes et traditions, ainsi que des circonstances favorables, ont pu maintenir jusqu’à présent dans le vieux moule d’antan. Mais leur transformation est proche. Force leur sera de suivre la pente générale. La démocratie est pressée et, quand son règne coïncide avec un essor matériel comme celui auquel nous avons assisté, sa hâte habituelle n’en devient que plus grande. Elle veut des spécialistes et des spécialistes anticipés. Jamais elle ne permettra au collégien de se transformer en un étudiant songeur, épris de culture généreuse et résolu à s’arrêter un moment avant d’entamer son existence d’homme pour contempler le spectacle de la nature et de l’humanité et s’en assimiler les principaux aspects. Si la généralisation intervient, ce ne peut être que dans l’enseignement secondaire. Or comme la généralisation doit intervenir, il faut donc que ce soit dans l’enseignement secondaire. La démocratie consentira à la formation de l’adolescent à cet égard, mais elle retient l’étudiant. Elle exige que son productivisme se prépare dès seize ou dix-sept ans au plus tard et, pour l’y forcer, elle organise une concurrence endiablée dont les échos franchissent le seuil de l’université et y tiennent éveillées les ambitions immédiates et les inquiétudes de la jeunesse. Le souci de son intérêt, l’obligation de se créer une situation ou d’augmenter celle qui l’attend spécialisent l’étudiant malgré lui et l’université devient une rose des vents où chacun dirige son effort dans une direction fixe et exclusive.

Et l’école normale, nous dira-t-on, comment la concevez-vous ?… De façon très simple. L’éclectisme nécessaire à un professeur chargé d’appliquer nos programmes n’a pas besoin, à notre avis, de s’enraciner à une extrême profondeur. Ce n’est pas le savoir qui fera de lui le pédagogue désiré, mais bien l’état d’esprit dont s’imprègneront sa conception des matières et sa façon de les exposer. Il convient surtout qu’il possède à un haut degré cette double notion de l’espace et du temps qu’il doit, à son tour, faire passer dans les cerveaux de ses élèves. Il faut en effet — et nous terminerons en le rappelant une dernière fois — tenir le bloc mondial toujours présent devant les intelligences, y rapporter les calculs et les réflexions. Il faut arriver à ce que le profil d’ensemble des continents s’évoque aussi facilement que les contours de la terre natale, à ce que les classifications artificielles cessent de dissimuler l’unité de la science, à ce que quelques périodes et quelques races ne monopolisent plus la mémoire et l’attention au détriment du vaste creuset où se sont enfoncés quarante siècles d’histoire et soixante milliards d’êtres humains.

C’est ainsi que la pédagogie, ayant remis de la force dans les muscles, remettra de l’ordre et de la clarté dans les esprits. Il lui restera à remettre de la tolérance dans les consciences par les moyens que je m’appliquerai à développer dans le troisième et dernier volume de cette trilogie.

APPENDICE

À PROPOS DES MATHÉMATIQUES


Si l’on considère la façon dont on enseigne aux enfants les mathématiques, il est impossible de ne pas évoquer l’image de ces châteaux du moyen âge qui se composaient d’une enceinte fortifiée dans laquelle on pénétrait difficilement, puis de terrains ouverts aménagés d’ordinaire en jardins et d’où l’on jouissait d’un horizon étendu, enfin d’un énorme donjon central tout plein de force et de mystère et dont un petit nombre d’initiés connaissaient seuls les secrets compliqués. C’est sur ce plan qu’est organisé, dans la pédagogie moderne, l’enseignement mathématique. Les abords en sont rendus revêches et décourageants ; une petite porte basse et obscure y est ménagée. Par là les pauvres écoliers doivent passer. Une galerie étroite et tortueuse au bout de laquelle beaucoup n’arrivent pas conduit au plein air et à la lumière ; et tout cela n’est pas la science proprement dite laquelle s’enferme dans le donjon où, d’ailleurs, il n’est nullement désirable que tous trouvent accès. C’est l’affaire d’une élite. Par contre, il serait utile — et aisé — que personne ne tombe de fatigue et de dépit dans la galerie d’entrée ; et, pour cela, il suffirait d’abattre un pan de mur afin d’établir une communication directe entre le dehors et les terrasses ; c’est de là (c’est-à-dire de l’intérieur) que l’on examinerait ensuite la rude construction de l’enceinte. Quand donc le bon sens, vainqueur de la routine, prendra-t-il d’assaut cette Bastille — non pour la renverser mais pour l’utiliser, pour de prison qu’elle est, la transformer en école ?

L’enceinte dont nous venons de parler, c’est l’arithmétique ; l’esplanade c’est la géométrie. Vous feriez comprendre à un enfant de cinq ans — et sans dommage pour son cerveau tant la démonstration en est simple et l’évidence absolue — la propriété qu’ont deux droites parallèles de ne pouvoir se rencontrer. Mais comment ne s’arrêterait-il pas interdit devant cette liste des nombres premiers que le procédé d’Ératosthène permet de former aisément mais à laquelle il n’apporte aucun éclaircissement. C’est un fait qu’il existe, le nombre premier, mais un fait inintelligible et presque abstrait ; à moins d’avoir « la bosse de chiffres » l’enfant ne peut l’accueillir que comme un personnage inquiétant dont la nature et le rôle ne sont pas définis : un personnage de cauchemar. Et songez qu’avant d’apprendre le triangle et ces équivalences d’angles si faciles à expliquer, si lumineuses à apercevoir, le même enfant devra peiner sur la théorie des fractions, affreuse caverne d’où les nombres roulent sur lui, accablants et implacables. Le nombre, cet abîme ! On l’y condamne avant que son regard ait connu la ligne, source de certitude et de repos. Et quand on lui montre le cercle et l’ellipse, le rayon, la corde, le segment, la sécante, la tangente, le polygone, le prisme… droites ou figures d’une simplicité merveilleuse dans leurs rapports avec l’esprit, il aura déjà pâli depuis longtemps sur l’extraction des racines carrées ou cubiques. Mais ce problème de géométrie descriptive : « Étant données les projections d’une droite, trouver ses traces » est infiniment plus acceptable et résoluble par l’intelligence juvénile que le moins compliqué des problèmes d’arithmétique auxquels on a coutume de la plier ! Vous feriez admettre à un être inculte les principes élémentaires de l’établissement des graphiques et de la géométrie cotée ; essayez donc de lui faire définir et dresser une « progression par quotients » ; vous verrez la différence. On parle d’utilité première. Évidemment il faut, avant tout, pouvoir se servir des quatre règles, pouvoir faire une addition, une soustraction, une multiplication, une division. Mais avant même que la quatrième de ces opérations se fasse couramment, les notions géométriques devraient apparaître. Après tout, n’est-il pas plus pressé et plus important de suivre dans les champs une de ces triangulations qui en apprennent si long que de s’escrimer à des extractions de racines dont aucune occasion prochaine ne se présentera de faire usage ?

Il n’est pas jusqu’à l’algèbre dont les formules initiales, par leurs apparences presque géométriques, ne l’emportent sur la vue des nombres. Et une modeste équation présentée sous cette forme : satisfera mieux l’enfant et lui sera plus aisée et plus profitable à résoudre que l’éternel problème : un marchand a vendu 45 mètres de drap à trois francs, etc.…, problème dans lequel, sous prétexte d’égayer le chiffre par l’idée, le maître n’aboutit qu’à dresser des obstacles à la pensée qui s’essaye, en associant la fantaisie au réel. Si vous tenez absolument aux carrés et aux cubes (nous ne parlons pas des racines), prenez des surfaces ou des volumes tangibles, ces morceaux de bois par exemple qui servent pour les jeux de construction et laissez faire le regard ; c’est par le regard que l’enfant se rendra compte que le carré de 4 est 16 et que le cube de 3 est 27. Ne l’embarrassez pas de ce théorème effrayant que « la somme des cubes des 12 premiers nombres entiers est égale au carré de la somme de ces nombres. » Il y a de quoi brouiller à jamais son imagination avec les mathématiques ; et qu’a-t-il donc besoin de savoir cela ? Pareillement c’est en jouant et en manipulant les poids et mesures qu’il apprendra son système métrique ; ce n’est pas l’idée ici, c’est le geste qui intervient pour fixer le chiffre ou le rapport voulus dans la mémoire. Par un procédé analogue, de jeunes écoliers américains arrivent à posséder, sans se donner de mal, le détail des opérations de finance en faisant fonctionner la petite banque miniature mise à leur disposition avec ses reçus, ses chèques, sa correspondance et ses livres de compte.

Ainsi donc, nous n’hésitons pas à le proclamer, la véritable initiatrice des mathématiques, celle à qui il faut, dès le début, faire appel pour lui confier la formation du premier âge, c’est la géométrie.

L’ENSEIGNEMENT PAR L’ASPECT


On a beaucoup préconisé l’enseignement par l’aspect, c’est-à-dire l’emploi des projections en classe. Il est de fait que le matériel n’est ni très compliqué à manier ni très coûteux et que ce procédé peut rendre les plus grands services. Nous le jugeons extrêmement utile pour les questions d’art passées en revue dans nos programmes. Ainsi l’architecture hindoue, grecque, arabe, romaine, gothique, les œuvres d’un Phidias, d’un Praxitèle, les monuments d’Angkor, de Thèbes ou du Yucatan, les tableaux d’un Franz Hals ou d’un Raphaël, tout cela ne peut être « enseigné » — et il est essentiel que cela le soit — si des reproductions bien faites n’en sont pas montrées aux élèves. Faire circuler dans leurs rangs des photographies n’est pas recommandable. Ils les regarderont sans se les rappeler ; les explications du maître glisseront sur eux sans y laisser de traces profondes. Dans la façon dont la projection jaillit brusquement de l’obscurité, il y a au contraire une force qui s’impose et qu’accroissent encore les dimensions de l’image. Le commentaire pénètre alors plus avant dans le cerveau et s’y fixe. Seulement il ne faut pas abuser des meilleures choses ; à projeter la silhouette d’un bananier pour la comparer à celle d’un caféier ou le portrait de Frédéric Barberousse sous prétexte qu’on prendra plus d’intérêt à ses actes si l’on connaît ses traits (ce qui n’est point très certain), le maître s’exposerait à un double inconvénient : une grande perte de temps d’abord, car les projections, à moins d’en faire une lanterne magique, retardent beaucoup la parole qui les accompagne — et ensuite une satiété assez vite engendrée et qui détruirait la vertu du procédé en le rendant trop fréquent et trop monotone aux yeux des élèves.

LES LECTURES


Les lectures, on l’a vu, tiennent une place considérable dans nos préoccupations. Leur rôle est capital. Mais si même nous n’avions pas craint de trop allonger ce petit manuel, il ne nous aurait pas été possible de dresser une liste des ouvrages à lire. C’est au professeur à y bien réfléchir et à fixer son choix. L’âge de l’élève, sa condition, son intelligence, ses études antérieures, le temps dont il dispose, tout cela mérite d’être pris en considération. D’ailleurs, ce ne sont pas seulement les œuvres des auteurs qui figurent à leur rang historique dans le cours d’humanités dont le texte doit être mis aux mains des élèves, ce sont aussi des ouvrages complémentaires d’histoire, d’érudition, de fiction même, capables d’aider son imagination à lui représenter le passé avec le relief nécessaire mais sans excès. Ainsi la description de Carthage dans Salammbo, certains passages de Quo Vadis, etc…, ont leur utilité. Mais ici il s’agit de « passages » ; il y aurait grande perte de temps, sans parler d’autres inconvénients, à faire lire le tout. Nous sommes donc amenés à diviser les lectures en trois groupes. Premièrement viennent les livres à lire en entier ou presque en entier et dont, si la durée du cours le permet, le professeur aura intérêt à exiger un compte-rendu approfondi et en partie écrit. Deuxièmement, les livres dont il importe de s’assimiler des portions et nous pensons que le texte in extenso doit être remis à l’élève avec l’indication de ce qu’il faut lire… et la permission de lire le reste si cela lui convient ou de le parcourir tout au moins. Troisièmement enfin, les extraits brefs et variés tirés d’ouvrages qui ne sauraient, soit par leur objet, soit par leur forme, concourir à l’enseignement de manière continue mais qui contiennent des vues ou des détails susceptibles d’y aider puissamment.


AUXERRE, IMPRIMERIE AUXERROISE
J. PIGELET, DIRECTEUR
11, RUE DE VALMY, 11

  1. On remarquera toutefois qu’il a déjà été question des événements qui ont marqué le règne de Louis XV dans les chapitres 28 et 29.