Mélanges/Tome I/70

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imprimerie de la Vérité (Ip. 216-217).

AGRICULTURE ET COLONISATION


27 octobre 1881.


L’Union des Cantons de l’Est et le Courrier de Montréal sont à peu près tombés d’accord sur la question agricole ; nous sommes bien aise de voir nos deux confrères enterrer, momentanément du moins, le tomahawk de la guerre pour fumer ensemble le calumet de la paix, tout en devisant sur l’agriculture et la colonisation.

Nos deux confrères disent d’excellentes choses sur ces deux questions importantes. C’est ainsi que l’Union des Cantons de l’Est déclare que les $50,000 accordées aux 71 sociétés d’agriculture produisent de trop maigres résultats pour justifier cette dépense. Notre confrère ajoute que cet argent serait bien mieux employé si on l’appliquait à la colonisation.

Nous sommes bien de l’avis de l’Union. Les expositions de comté sont d’une utilité fort problématique ; les sommes considérables que nous dépensons tous les ans en expositions de comté seraient bien mieux employées si on les consacrait à d’autres fins, à l’organisation, par exemple, de concours pour les fermes les mieux tenues dans toutes les paroisses. Il faut faire de la colonisation, assurément, mais nous ne croyons pas qu’il faille supprimer le crédit affecté à l’agriculture ; au contraire, s’il était possible, il faudrait l’augmenter. Mais ce qu’il faut de toute nécessité et avant tout, c’est une réorganisation complète du département de l’agriculture, la création d’un département d’agriculture et de colonisation indépendant des caprices de la politique ; il faut de plus un vigoureux coup de balai dans le conseil d’agriculture afin de faire disparaître les abus criants que la négligence et l’insouciance des gouvernements y ont laissé s’accumuler depuis des années. Ces abus sont tellement grands que le conseil nuit au progrès agricole, loin de l’activer. Si le conseil était régénéré, les sociétés d’agriculture prendraient une nouvelle vigueur. Tant qu’on aura pas opéré cette réforme radicale, mais nécessaire, les sommes que nous dépenserons en faveur de l’agriculture ne produiront pas la dixième partie du bien qu’elles produiraient si nous avions un département de l’agriculture organisé d’après un système, peut-être moins parlementaire que le système actuel, mais beaucoup plus rationnel.

Les candidats qui feront entrer la réforme agricole dans leur programme auront certainement de grandes chances de réussir.

Le Courrier de Montréal est d’avis que le mouvement colonisateur ne saurait prendre des proportions réellement sérieuses à moins qu’une réforme radicale de l’éducation des habitants de nos campagnes ne vienne régénérer l’agriculture, la faire aimer et la rendre à la fois agréable et rémunérative. Cela est incontestable. Aussi convient-il de constater qu’il y a réellement un réveil parmi nos compatriotes ; on commence à comprendre l’importance et la nécessité d’une réforme agricole, on se convainc de plus en plus que la routine nous tue, qu’il faut sortir de l’ornière. Nous avons encore, sans doute, beaucoup de chemin à faire pour arriver à une perfection même relative ; mais il faut dire aussi que nous avons fait déjà plusieurs pas dans la bonne voie. Ne nous décourageons pas.