Mémoire sur l'indépendance de l'Ukraine, présenté à la Conférence de la paix par la Délégation de la République ukrainienne (1919)/La culture ukrainienne

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III

LA CULTURE UKRAINIENNE

1. Langue

Les publicistes polonais auraient voulu convaincre le monde que la langue ukrainienne de Kholm, de Volhynie et de Kiev n’est qu’un dialecte de la langue polonaise ; et certains Russes, de leur côté, ont prétendu que la langue ukrainienne n’est qu’un dialecte de la langue russe. Cependant, des savants tels que Miklochitch, Yahitch, Potebnia, Sreznievsky, Jytetzky, Schakhmatov, Mikhaltchouk, Ohonevsky, Korch, Stotzky et Krymsky ont prouvé par leurs études méthodiques que la langue ukrainienne est un idiome indépendant parmi les langues slaves, ce qui fut d’ailleurs reconnu par l’académie de Pétrograd, en 1905, dans un mémoire célèbre.

Il est possible qu’aux temps anciens, les peuples slaves d’orient (Ukrainiens, Russes et Blancs-Russes) parlassent une langue commune à tous les Slaves ; mais aux VIIIe et IXe siècles, ces peuples n’avaient déjà plus une langue unique ; dans les écrits de cette époque on constate une grande différence entre la langue kiévienne-galicienne et celle de Souzdal-Vladimir.

La différence s’accentua progressivement, surtout après l’invasion des Tatares ; et, au XIVe siècle, la langue littéraire du midi différait presque entièrement de celle du nord. De l’idiome méridional naquit la langue ukrainienne, tandis que l’idiome du nord donnait naissance à la langue russe et blanche-russe. À la fin du XIVe siècle, et au commencement du XVe siècle, l’Ukraine, la Russie-Blanche et la Lithuanie formèrent ensemble un seul État ; et, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, leur vie politique et culturelle fut tout à fait différente de celle que menait l’empire moscovite. C’est pourquoi lorsqu’à la fin du XVIIIe siècle la Russie s’annexa les territoires ukrainiens et blancs-russes, elle constata l’existence de trois peuples slaves d’orient : Ukrainiens, Blancs-Russes et Russes, sortis de la même souche.

La langue ukrainienne se divise en quatre dialectes qui sont : le Sud-Ukrainien, le Nord-Ukrainien, l’Ouest-Ukrainien et le dialecte des Carpathes. Le dialecte du Sud englobe la Kievie du Sud, la Podolie de l’Est, la Tchernigovie du Sud, la Poltavie, la Kharkovie, la Katherinoslavie, la Khersonie, la Tauride, la Koubanie, les parties peuplées par les Ukrainiens de Voronèje, du Don et de Koursk. Le dialecte du Nord englobe la Kievie du Nord, la Tchernigovie du Nord, la Volhynie du Nord, la Polissia et la Pidlachie. Le dialecte d’Ouest englobe la Galicie ukrainienne (orientale), la Volhynie du Sud, la Podolie d’Ouest. Enfin le dialecte ukrainien des Carpathes, englobe la partie des Carpathes peuplée par les Ukrainiens montagnards : Lemkys, Boïkys et Houtzoulys.

Les dialectes ukrainiens, malgré leurs nuances, ont entre eux un lien de parenté si intime que l’Ukrainien Boïko des Carpathes et le Kozac du Kouban voisin du Caucase, le Pidlachien (Pintchouk) du nord et l’Ukrainien de la Bessarabie du sud se comprennent sans peine, et que, sur tout le territoire de la vaste Ukraine, s’entendent les mêmes chansons, les mêmes dictons, les mêmes badinages, les mêmes légendes. Tout au contraire, le paysan ukrainien comprend difficilement le polonais et le russe.

Aussi l’interdiction des écoles ukrainiennes au temps du tsarisme a-t-elle donné de très mauvais résultats et retardé la marche de la civilisation en Ukraine. La statistique prouve qu’à cause de la difficulté des langues il y avait un pourcentage assez élevé d’écoliers qui, après avoir reçu une certaine instruction, retournaient à l’analphabétisme. C’est dire que la question scolaire a joué un rôle important avant la Révolution.

2. La Littérature.

La littérature ukrainienne a réalisé de vastes progrès dans ces dernières années surtout. Elle occupe un des premiers rangs parmi les littératures slaves (elle se place tout de suite après les littératures russe et polonaise). Au XIXe siècle, elle a accompli une grande tâche historique : elle a réveillé le peuple et l’a préparé à la vie politique et à la reconstitution de son État.

Déjà au XIe et XIIe siècles, à l’époque de l’État kiévien, existait une littérature qui avait subi l’influence byzantine. La tradition littéraire de Kiev fut continuée, comme en témoignent les annales galiciennes-volhyniennes des XIIIe et XIVe siècles et aussi les archives de l’État lithuano-russe des XVe et XVIe siècles. Plus tard, à la fin du XVIe siècle et surtout au XVIIe siècle, au moment de la lutte contre les prétentions qu’avaient les Polonais d’imposer leur culture et leur religion, la littérature ukrainienne eut un épanouissement remarquable.

La littérature écrite (et notamment les annales des Cosaques) se rapprocha beaucoup de la langue populaire. Il est nécessaire d’ajouter qu’au XVIIe siècle la littérature et la civilisation ukrainiennes étaient beaucoup plus avancées que celles de la Russie et qu’elles eurent sur ce dernier pays une influence considérable. Le gouvernement russe invitait à Moscou les savants ukrainiens pour qu’ils y organisassent des écoles et travaillassent à l’expansion de la production littéraire. Cette influence civilisatrice se fit sentir davantage encore en Russie après l’union de l’Ukraine avec la Russie. Les plus grands savants et lettrés, à l’époque des réformes de Pierre Ier, Theophan Prokopovitch, Stephan Iavorsky, Dmytro Rostovsky, Silvestre Medvediv, Epiphan Slovinetzky, furent des Ukrainiens. Élèves de l’Académie de Kiev, ils avaient été appelés, en qualité de professeurs, à Moscou et à Pétrograd. Le XVIIe siècle connut comme écrivains ukrainiens Smotrytzkv, Sakovitch, Petro Mohyla, Baranovitch, Radzielovsky, Hizel.

L’instruction était alors très répandue en Ukraine : des écoles moyennes étaient fondées à Lemberg, à Tchernyhiv, à Ostrog et dans d’autres villes. Une Académie avait été instituée à Kiev qui comptait un grand nombre d’imprimeries où étaient édités des ouvrages non seulement pour l’usage des Ukrainiens, mais encore pour les autres peuples slaves (Russes, Serbes, etc.).

Or, en 1685, l’indépendance de l’Église ukrainienne fut abolie ; et le développement de la culture ukrainienne commença à être entravé. Bientôt, l’impression des livres ukrainiens fut interdite.

Le XVIIIe siècle fut une époque néfaste dans l’histoire du peuple ukrainien. Mais la littérature ukrainienne devait renaître.

Cette renaissance correspond au réveil national des peuples slaves, et spécialement de la littérature russe qu’elle précède de quelques années. Son grand artisan est Ivan Kotlarevski qui mérite le titre de père de la nouvelle littérature ukrainienne. Celle-ci se développe assez vite. Au commencement du XIXe siècle s’est déjà formée toute une école littéraire qui a à sa tête le directeur de l’Université de Kharkov, Houlak-Artemovsky, E. Hrebinka, F. Kvitka. Une école semblable, mais plus puissante et plus brillante, se crée autour de l’Université de Kiev. Elle a pour chef l’historien Kostomarov et rassemble les écrivains les plus célèbres de l’Ukraine : le poète et peintre T. Chevtchenko, les historiens et savants P. Kouliche, A. Barvinok, M. Markovitch, O. Storojenko, J. Stchoholiv, S. Roudansky, P. Swidnytcky.

Chevtchenko prédomine sur la littérature d’alors, comme sur toute la littérature ukrainienne. Fils de la glèbe, serf d’origine, il s’était élevé par la seule force de son génie qui sut exprimer tous les sentiments, toutes les aspirations, toutes les douleurs de son pays. Dans ses poèmes historiques, il a évoqué les héros de l’époque des Cosaques : il a rappelé à son peuple le devoir national ; il lui a donné une idée vivante de la patrie.

La grande route littéraire était tracée. La littérature ne cessa plus de se développer, en dépit des vexations, des entraves du régime tsariste. Après Chevtchenko, la plus haute figure littéraire est celle d’Ivan Franko, érudit, folkloriste, critique aux idées profondes, qui a écrit de grands poèmes symboliques et notamment le Moïse, des élégies, des nouvelles où les labeurs du peuple ukrainien (en Galicie surtout) sont montrés avec un réalisme touchant.

Les écrivains de la seconde moitié du XIXe siècle se sont, à l’exemple de leurs prédécesseurs, attachés surtout à décrire les scènes de la vie populaire sous ses aspects les plus divers. C’est pour cette raison que la littérature d’alors est très lue, très aimée, par le peuple qui se trouve là tout entier, avec ses mœurs, avec son originalité et son pittoresque. Parmi les écrivains de cette époque se distingue le prosateur T. Levitsky qui, à l’heure la plus sombre de l’autocratie moscovite, a rappelé toujours à ses contemporains, par des nouvelles et des contes d’une grande simplicité, l’existence du peuple qui attend son réveil. Les mêmes thèmes remplissent l’œuvre de P. Myrnyi, de B. Hrintchenko, des dramaturges Kropivnytzky et Tobilevitch. Ces deux derniers, qui étaient aussi de grands acteurs, représentaient eux-mêmes leurs pièces.

Les misères du peuple préoccupent également un écrivain peu abondant, mais fort remarquable : Stéphanik, qui, par sa façon originale d’écrire, se relie à une nouvelle époque littéraire. Kotsubinsky a donné, lui aussi, de nombreux tableaux de la vie populaire ; mais l’idée esthétique le préoccupe surtout : les sentiments raffinés remplissent ses livres.

Il convient de citer encore la poétesse L. Ukraïnka et les poètes préférés des Ukrainiens Olès, sans oublier Iatskiv, Lipkvi et Tchouprynka. Une place à part est tenue par un écrivain très curieux et très personnel, Vinnitchenko, auteur de romans, de nouvelles et de drames remarquables. Connu comme un réaliste et un psychologue, il pose de grands problèmes qu’il s’applique à résoudre dans ses œuvres savoureuses.

Des écrivains comme Chevtchenko, Franko, Kotsubinsky, Olès, Vinnitchenko prouvent que la littérature ukrainienne a droit à une place parmi les littératures européennes, et surtout parmi celles du peuple slave. Pour l’époque qui suit celle de Chevtchenko il faut encore citer les noms des écrivains suivants : Chachkevitch, Fedkovitch, Mme O. Kobelianska, Mme Kabrynska, B. Kovaliv, T. Bordouliak, M. Starytzky, Markovitch, Tcherniavsky, Tcherniachivska, Karmansky, Worony.

3. Le théâtre, la musique et les arts plastiques.

Le théâtre ukrainien commença à exister au XVIIe siècle. Il s’inspira presque uniquement de sujets religieux. Mais il était appelé à jouer un grand rôle national dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La censure russe ne laissait représenter que des pièces de mœurs populaires, quelquefois des pièces historiques. Mais un groupe d’artistes de haut talent a rendu célèbre le théâtre ukrainien qui, en évoquant le passé, en montrant la vie du peuple, en faisant entendre les mélancoliques chansons ukrainiennes, tenait en éveil le sentiment national.

Aujourd’hui, ce théâtre subit une transformation. À son répertoire s’ajoutent les chefs-d’œuvre de la littérature dramatique européenne et les pièces ukrainiennes dont la représentation était impossible sous le régime tsariste.

Actuellement, Kiev possède un théâtre national et plusieurs autres scènes ukrainiennes. En province, il y a de nombreuses troupes ukrainiennes. Il est intéressant d’ajouter que le peuple a donné, avant la Révolution, une grande quantité de représentations d’amateurs dans les villages.

Il existait depuis quelques années à Kiev une école musico-dramatique de « Lysenko » qui est transformée aujourd’hui en « Institut ». Kiev a aussi un Conservatoire. Un autre Institut musical de Lysenko a été fondé à Lemberg.

En Ukraine, le peuple est doué d’un grand sens musical. Les chansons populaires y sont nombreuses et d’un charme profond. Déjà pendant l’asservissement, l’art musical commença à se révéler. Un grand musicien Lysenko, créa l’opéra ukrainien et la musique orchestrale. Après lui et continuant son œuvre, se révélèrent plusieurs autres musiciens d’un réel talent : Nitchensky, Stepovi, Londkewych, etc.

Dans l’État kiévien des XIe, XIIe et XIIIe siècles, l’art ukrainien était déjà très florissant. Dès cette époque, l’Ukraine avait des monuments d’une grande valeur architecturale et d’inépuisables trésors en dessins religieux.

Plus tard, au temps de la lutte du peuple ukrainien pour son indépendance (XVIIe siècle), l’art ukrainien s’était déjà libéré de l’influence de Byzance et avait évolué vers un style nouveau et national. On trouve encore dans toute l’Ukraine des églises de ce style, la plupart construites vers la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe. Les cathédrales de Sainte-Sophie et le monastère de Saint-Michel, à Kiev, sont des monuments imposants et témoignent de l’originalité du vieux style ukrainien. On trouve également en Ukraine de nombreux restes d’architecture civile et des œuvres picturales.

À la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, l’Ukraine a donné de grands peintres : Borovykovsky, Levizky, Losenko, Chevtchenko, etc.

En 1917, on a fondé à Kiev l’Académie d’art ukrainien et d’autres écoles pour l’éducation des jeunes artistes et pour le développement de l’art national.

Il s’était ouvert à la fin du XIXe siècle une Faculté d’architecture ukrainienne ; et nombreuses déjà sont les constructions de style purement ukrainien qui s’élèvent dans le pays.

Ce qui caractérise ce style, c’est surtout la riche variété d’ornementation puisée en majeure partie dans l’art populaire ukrainien, qui se distingue nettement de celui des peuples voisins.

4. Les Sciences

Les sciences, et surtout en ce qui touche l’étude des traditions et usages populaires, ont accompli de grands progrès en Ukraine durant le XIXe siècle et le commencement du XXe. Le folklore, l’histoire ont intéressé de tout temps les savants ukrainiens. Deux des plus anciens folkloristes, les professeurs Maximovitch et Holovatsky, puis le poète Koulich ont publié des recueils d’une documentation précieuse. Ils ont été suivis par Dragomanov, Tchoubinsky, I. Franko, Hnatuk, par beaucoup d’autres. L’ethnographie ukrainienne a été étudiée par Tchoubinsky, et surtout par T. Volkov, l’anthropologue qui a organisé la mensuration des Ukrainiens et qui a fait paraître des travaux remarquables sur cette question. Ces savants ont eu plusieurs collaborateurs et de nombreux disciples.

Les sciences, surtout en ce qui touche l’étude des traditions cité l’attention des Ukrainiens. Au milieu du XIXe siècle, Kostomarov a donné un grand nombre d’études pittoresques. Plus tard, le célèbre professeur Antonovitch a fait paraître des ouvrages de premier ordre et a dirigé la publication d’une abondante documentation sur l’histoire ukrainienne. Ses recherches archéologiques sont connues. Il a laissé des élèves nombreux. Parmi les historiens ukrainiens de notre temps, le professeur Grouchevsky occupe la première place. On lui doit une grande quantité de monographies et huit volumes importants sur l’histoire ukrainienne qui seront la base des études nouvelles. Il convient de nommer encore les historiens Lasarevsky, Dachkievitch, Vasilenko, Tomachivski, Cordouba.

En ce qui concerne la philologie nationale, l’Ukraine a fourni des savants tels que Jitezky, Michalchouk, Smal-Stozky, Krimsky.

Parmi les critiques et historiens littéraires, nous signalerons Petrov, Ivan Franko, Serge Epremov et l’académicien Peretz.

La statistique et l’économie politique progressent aussi en Ukraine (Roussov, Padalka, Ochrimohitch, Makiévitch, Timochenko, M. Losynky et autres). La géographie y est représentée par Roudnitky et l’histoire des beaux-arts par les professeurs de l’Université Pavlousky et Chirotsky. Pour la jurisprudence, il faut nommer S. Kistiakowsky, B. Kistiakowsky, Oganowsky, Stebelsky, Dnistriansky.

Plusieurs sociétés scientifiques existent depuis longtemps en Ukraine. En 1870, il y avait à Kiev une Société scientifique qui composait une annexe de la Société géographique de l’empire russe, et qui a publié maints travaux. Mais cette annexe fut fermée par la police tsariste. Les publications en langue ukrainienne étant rigoureusement défendues, les savants ukrainiens durent publier en langue russe la revue mensuelle Kievskaïa-Starina, consacrée aux études du pays natal, qui parut pendant vingt-cinq ans. En 1892, la société « En mémoire de Chevtchenko », de Lemberg, devint une société scientifique et publia le premier recueil de ses travaux. Cette société avait des sections historiques, philologiques. de sciences naturelles et mathématiques. Elle possédait un musée, une bibliothèque importante, une imprimerie, une librairie, sous la direction du professeur Grouchevsky. Elle a fait paraître des centaines de volumes comprenant des travaux originaux en même temps que des documents relatifs à toutes les sciences. En 1906, fut fondée à Kiev la Société scientifique ukrainienne qui eut aussi plusieurs subdivisions et publia en langue ukrainienne des volumes scientifiques et un périodique : Ukraïna.

À l’Université de Lemberg, une quinzaine de cours étaient faits en ukrainien. Il en était de même à l’Université de Tchernowitz.

En 1905, dans les Universités de Kiev, de Kharkov, d’Odessa, des cours de sciences ukrainiennes furent autorisés ; mais ils ne tardèrent pas être interdits. Après la Révolution de 1917, on a fondé à Kiev une Université ukrainienne qui fonctionna en même temps que l’ancienne Université russe. À Kamenetz-Podolsk, une Université nationale fut également inaugurée. À Poltava fut ouverte la faculté des lettres, et à Kiev, l’Académie scientifique. Dans toutes les Universités russes de l’Ukraine, des chaires furent données aux sciences du pays.

Une des choses dont souffrit le plus cruellement l’Ukraine fut la défense d’avoir des écoles nationales. C’est seulement en Galicie et en Bukovine qu’une école primaire et une école secondaire existent depuis longtemps, ce qui explique que les habitants de ces deux régions ont une plus haute culture nationale et un patriotisme plus zélé que les populations des régions de l’Ukraine de l’est.

Mais deux ans de révolution ont rendu possible la réorganisation de l’instruction publique dans toute l’Ukraine. L’activité ardente du ministère de l’instruction publique de Kiev et de tous les intellectuels ont permis de couvrir toute l’Ukraine d’écoles nationales primaires. L’organisation des écoles secondaires fait aussi de grands progrès. Partout sont enseignées la langue, l’histoire, la littérature ukrainiennes ; partout existent déjà plus d’une centaine de gymnases purement ukrainiens.

En 1905 furent créées, sous le titre de Prosvita, des sociétés pour le développement de l’instruction du peuple. Mais la police les poursuivit, les ferma. Elles se rouvrirent. Actuellement, l’Ukraine a des centaines de ces sociétés, fondées le plus souvent par les paysans eux-mêmes.

La presse ukrainienne, qui fut pendant des dizaines d’années totalement interdite, est à cette heure très nombreuse. Outre les journaux quotidiens, il existe des revues de périodicités diverses, toutes sortes de publications pédagogiques, coopératives, agronomiques. médicales, etc. En dépit de grandes difficultés techniques, l’impression des livres a pris, pendant la Révolution, une importance qu’elle n’avait jamais pu avoir jusqu’alors. Mais, si considérable qu’ait été le nombre des livres imprimés dans ces dernières années, c’est à peine s’ils ont pu suffire aux demandes du peuple.