Mémoires (Saint-Simon)/Tome 13/18

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CHAPITRE XVIII.


Traité de commerce avantageux à l’Angleterre signé à Madrid. — Albéroni a seul la confiance du roi et de la reine d’Espagne ; fait la réforme des troupes. — Revenus de la couronne d’Espagne. — Lenteurs de l’échange des ratifications du traité de la Barrière et du rétablissement des électeurs de Cologne et de Bavière. — Semences de mécontentement entre l’Espagne et l’Angleterre. — Albéroni tient le roi et la reine d’Espagne sous sa clef. — Sa jalousie du cardinal del Giudice, qu’il veut perdre, et du P. Daubenton, qu’il veut subjuguer. — Quel est ce jésuite. — Albéroni pointe au cardinalat, et se mêle des différends avec Rome. — Aubrusselle, jésuite françois, précepteur du prince des Asturies. — Dégoût del Giudice. — Fâcheux propos publics sur la reine et Albéroni qui prend un appartement dans le palais et se fait rendre compte en premier ministre. — Anglois et Hollandois veulent chasser les François des Indes. — Brocards sur Albéroni. — Friponneries de Stairs. — Haine des Anglois pour la France. — L’empereur tenté d’attaquer l’Italie. — Crainte de l’Italie de l’empereur et des Turcs. — Traité de la Barrière conclu. — Le régent propose la neutralité des Pays-Bas ; les Anglois, un renouvellement d’alliance aux Hollandois, dangereuse à la France, et y veulent attirer le roi de Sicile. — Le pape implore partout du secours. — Situation et ruses d’Albéroni. — Plaintes et disgrâces que cause sa réforme des troupes. — Le duc de Saint-Aignan s’en mêle mal à propos. — Hersent père ; son caractère ; son état. — Le Prétendant échoue en Écosse et revient. — L’Espagne lui refuse tout secours, caressée par l’Angleterre aigrie contre la France. — Impostures de Stairs pour l’aigrir encore plus. — Soupçons réciproques des puissances principales. — Adresse de Stanhope pour brouiller la France et l’Espagne, et pour gagner le roi de Sicile à son point. — Triste opinion générale de l’Espagne. — Ombrages d’Albéroni qui promet un grand secours au pape. — Triste et secrète entrevue du Prétendant et de Cellamare. — Berwick et Bolingbroke mal avec le Prétendant, qui prend Magny. — Quel est Magny. — Violents offices de l’Angleterre partout contre tout secours et retraite à ce prince. — Fausses souplesses à l’Espagne, jusqu’à se liguer avec elle pour empêcher l’empereur de s’étendre en Italie, et secourir le roi d’Espagne en France si le cas d’y exercer ses droits arrivoit. — But du secours d’Espagne au pape. — Le roi et la reine d’Espagne ne perdent point l’esprit de retour, si malheur arrivoit, en France. — Albéroni les y confirme. — Ses ombrages ; ses manèges ; son horrible duplicité. — Inquiétude de Riperda. — Crainte du roi de Sicile. — Liberté de discours du cardinal del Giudice. — Étrange scélératesse de Stairs confondue par elle-même. — Faux et malin bruit répandu sur les renonciations. — Propositions très captieuses contre le repos de l’Europe faites par l’Angleterre à la Hollande, qui élude sagement. — Frayeur égale du pape, de l’empereur et du Turc. — Stanhope propose nettement à Trivié de céder à l’empereur la Sicile pour la Sardaigne. — Stanhope emploie jusqu’aux menaces pour engager la Savoie contre la France. — But et vues de Stanhope. — Préférence du roi Georges de ses États d’Allemagne à l’Angleterre, cause de ses ménagements pour l’empereur. — Conseil de Vienne et celui de Constantinople divisés sur la guerre. — Escadres anglaise et hollandaise vont presser le siège de Wismar. — Nouvelles scélératesses de Stairs. — Intérêt du ministère anglois de toujours craindre la France pour tirer des subsides du parlement. — Continuation d’avances infinies de l’Angleterre à l’Espagne. — Monteléon en profite pour s’éclaircir sur la triple alliance proposée par l’Angleterre avec l’empereur et la Hollande. — Souplesse de Stanhope. — Crainte domestique du ministère anglois qui veut rendre les parlements septénaires.


Le traité qui se négocioit l’année dernière entre le roi d’Angleterre et le roi d’Espagne venoit d’être signé à Madrid, et par la satisfaction extrême qu’on en témoignoit à Londres, sembloit promettre la plus grande liaison entre les deux monarques. Monteléon, ambassadeur d’Espagne à Londres, comptoit d’en augmenter sa considération personnelle et sa fortune, et y fondoit de grandes espérances pour le service du roi d’Espagne, non seulement présentement, mais au cas qu’il arrivât en France des choses sur lesquelles Leurs Majestés Catholiques et leurs ministres, qui n’étoient pas Espagnols, tenoient toujours leurs yeux ouverts. C’étoit de quoi Stanhope l’entretenoit souvent pour engager l’Espagne à prendre avec l’Angleterre des engagements plus étroits, dans le mécontentement où Stairs entretenoit sa cour sur les secours et la protection qu’il mandoit que le régent accordoit au Prétendant, ignorant ou voulant bien ignorer que l’Espagne n’en faisoit pas moins là-dessus que la France ; ce qui étoit caché même à Monteléon par sa propre cour. Elle n’avoit point de vaisseaux en mer, ni de préparatifs pour en armer. La Hollande lui en avoit offert pour assurer le commerce des Indes, mais, contente de voir son offre acceptée, la république ne se pressoit pas, dans la vue d’obtenir à cette occasion quelques avantages pour son commerce. Dans cet intervalle, l’Angleterre offrit aussi des vaisseaux à Monteléon, comme par reconnoissance de la manière dont le dernier traité venoit d’être signé. Monteléon se prévalut de ces démonstrations d’amitié pour s’éclaircir sur les liaisons secrètes qui l’inquiétoient entre le roi d’Angleterre et l’empereur. Stanhope lui répondit, avec un air d’ouverture, que l’opposition qu’ils remarquoient de la France à leurs intérêts les avoit engagés pour faire des alliances, parce qu’ils n’avoient pas douté que l’Espagne ne suivit la France ; qu’il n’y avoit rien de conclu avec l’empereur au préjudice de l’Espagne ; et que, le traité de commerce venant d’être signé si à propos à Madrid avec l’Angleterre, elle n’écouleroit aucune proposition directe ni indirecte qui pût intéresser l’Espagne.

Cette couronne, qui regardoit la Sicile comme pouvant un jour lui revenir selon les traités, prit vivement ses intérêts à Rome sur l’interdit fulminé contre ce royaume à l’occasion des pois chiches de l’évêque d’Agrigente. Albéroni avoit seul la confiance du roi et de la reine d’Espagne. Il étoit seul chargé des réforme, des troupes, des dépenses de la marine, de celles de la maison royale, et des principales affaires d’État. Il s’ouvrit à quelqu’un que le produit des revenus de 1716, qui devoient se toucher dans son courant, ne se montoient qu’a seize millions, et les dépenses nécessaires de la même année à vingt et un millions, sans les extraordinaires qui pouvoient survenir. Il travailloit tous les soirs avec Leurs Majestés Catholiques sur la réforme des troupes. Il y fut résolu qu’il ne seroit conservé que deux compagnies des quatre des gardes du corps, et d’autres détails de réforme dans les deux conservées, en quoi Albéroni comptoit épargner soixante mille pistoles par an ; de dix bataillons des gardes n’en garder que deux, dont un espagnol, l’autre wallon. Il comptoit que la réforme du seul état major de ces régiments réduits à deux bataillons irait à une épargne de quatre cent mille réaux par an. Il résolut aussi, après la réforme exécutée, de lever six mille dragons, dont la moitié à pied, et de les laisser toujours dans la Catalogne. Les autres réformes, ainsi que les règlements nouveaux pour les conseils et pour le palais, ne devoient venir qu’ensuite.

Cellamare, ambassadeur d’Espagne à Paris, n’étoit pas moins attentif que les ministres des autres puissances aux semences de division qui y éclatoient, et dont celles qui avoient signé la paix d’Utrecht avec tant de dépit espéroient des troubles et un renouvellement de guerre, l’accomplissement du traité de la Barrière mettoit du malaise entre elles. La Hollande différoit d’en donner sa ratification avant que l’Angleterre eût fourni la sienne. Les Impériaux menaçoient d’en venir enfin aux voies de fait. Ceux qui étoient aux Pays-Bas trouvoient que ces délais de les mettre en possession donnoient de la hardiesse aux peuples qui leur devoient devenir soumis de se mêler de trop d’informations. Ils avoient même secrètement consulté Bergheyck, dont j’ai si souvent parlé, sur les droits qu’on vouloit tirer d’eux, et avoient fait partir leurs députés pour aller porter leurs remontrances à Vienne. Surtout les Impériaux et les Anglois ne goûtoient point la proposition de la neutralité des Pays-Bas, faite par le régent, à laquelle la Hollande paraissoit assez favorable. Une autre affaire occupoit l’empereur. C’étoit l’entier rétablissement des électeurs de Cologne et de Bavière. L’électeur de Mayence, directeur de l’empire, le sollicitoit ardemment pour contrebalancer l’autorité des protestants dans le collège électoral. L’empereur sentoit la nécessité d’y faire rentrer ces deux électeurs par leur accorder leur investiture, mais il leur excusoit ses délais sur ceux de la France à restituer quelques bailliages à l’électeur palatin, et à satisfaire d’autres particuliers qui se plaignoient à cet égard de l’inexécution des traités de Rastadt et de Bade. Cet aveu fut appuyé de l’espérance que l’empereur leur donna de finir leur rétablissement, si la France demeuroit opiniâtre, pour les en détacher et faire retomber sur elle les délais de leurs désirs, ajoutant qu’il verroit après à trouver les moyens d’obliger la France à exécuter les traités. Le régent, instruit de cette malice, et qui avoit chargé le comte du Luc, ambassadeur de France à Vienne, de convenir des limites de l’Alsace, jugea sagement qu’il devoit ôter à l’électeur palatin l’occasion du recours à l’empereur, et tout prétexte à Sa Majesté Impériale à l’égard des électeurs de Cologne et de Bavière en faisant de lui-même justice au palatin. Les autres particuliers ne l’avoient pas de leur côté, ni la considération d’influer rien dans les affaires.

Il se trouva bientôt que la reconnoissance de l’Angleterre pour l’Espagne du dernier traité de commerce entre elles, où Philippe V s’étoit si légèrement désisté des articles qu’il avoit fait ajouter au traité de paix d’Utrecht, qui grevoient tant le commerce anglois, n’étoit qu’en paroles et en compliments. Ils ne cessèrent point d’insister injustement sur les prétentions qu’il leur plaisoit de former, comme en conséquence de leur traité de l'Asiento [1] des nègres, en sorte que le roi d’Espagne se persuadoit que le roi Georges avoit pris des liaisons fortes avec ses ennemis, et qu’Albéroni cherchoit à découvrir. Cela n’empêcha pas ce ministre de résoudre la réforme qu’il avoit fait agréer au roi d’Espagne. Ce prince, par ce plan, conservoit environ quarante-trois mille hommes et huit mille chevaux.

Albéroni avoit persuadé à la reine d’Espagne de tenir le roi, son mari, enfermé comme avoit fait la princesse des Ursins. C’étoit le moyen certain de gouverner un prince que le tempérament et la conscience attachoit également à son épouse, qui par là, comme sa première, le conduisoit toujours où elle vouloit, et le meilleur expédient, dès qu’il s’y abandonnoit lui-même, pour n’être pas contredite, et que le roi ne sût rien de quoi que ce fût que par elle et par Albéroni, qui étoit la même chose. Tous les officiers du roi, grands, médiocres et petits, furent donc écartés, les entrées et les fonctions auprès du roi ôtées. Il ne vit plus dans l’intérieur que trois gentilshommes de sa chambre, toujours les mêmes, et encore des moments de services, à son lever, et peu à son coucher, et quatre ou cinq valets, dont deux étoient François. Ces trois gentilshommes de la chambre étoient : le marquis de Santa-Cruz, majordome-major de la reine, très bien avec elle ; le duc del Arco, grand écuyer, grand veneur et gouverneur de presque toutes les maisons royales, que le roi aimoit fort, qui ne ploya jamais sous Albéroni qui ne put jamais l’écarter, qui n’étoit même point mal avec la reine, et dont l’esprit doux, sage et médiocre étoit d’autant moins à craindre qu’il se bornoit à ses emplois, et ne se vouloit mêler de rien. Il étoit ami intime du marquis de Santa-Cruz, qui avoit beaucoup d’esprit et de politique, et qui haïssait les François. Le troisième étoit Valouse, écuyer particulier de M. le duc d’Anjou, en sortant de page, qui l’avoit suivi en Espagne, et qui étoit premier écuyer. C’étoit un honnête homme, mais fort borné, qui mouroit de peur de tout, qui étoit toujours bien avec qui gouvernoit, aimé du roi, bien avec tout le monde, attaché au grand écuyer et incapable de se vouloir mêler de la moindre chose. Je m’étendrai dans un plus grand détail sur cette clôture intérieure lorsque mon ambassade me donnera lieu de traiter particulièrement d’Espagne ; ce détail, fait ici, détourneroit trop. Il suffit de dire que le roi d’Espagne se laissa enfermer dans une prison effective et fort étroite, gardé sans cesse à vue par la reine, en trous les instants du jour et de la nuit. Par là elle-même étoit geôlière et prisonnière ; étant sans cesse avec le roi, personne ne pouvoit approcher d’elle, parce qu’on ne le pouvoit sans approcher du roi en même temps. Ainsi Albéroni les tint tous les deux enfermés, avec la clef de leur prison dans sa poche.

Néanmoins il ne put d’abord exclure absolument le cardinal del Giudice, qui étoit grand inquisiteur, gouverneur du prince des Asturies, et qui végétoit encore dans les affaires, où il avoit eu autrefois une direction principale. Le jésuite Daubenton avoit aussi nécessairement, comme confesseur du roi, de fréquentes audiences. On aura tout dit de lui pour le faire bien connoître en faisant souvenir qu’il avoit été chassé de cette place, qu’il s’étoit retiré à Rome, qu’il y avoit été fait assistant du général de la compagnie, et que c’étoit lui seul, et dans le dernier secret, qui sous les yeux du cardinal Fabroni avoit fait la constitution Unigenitus. Quand Mme des Ursins fit renvoyer le P. Robinet, trop homme de bien et d’honneur pour se maintenir dans la place de confesseur, Rome et les jésuites n’oublièrent rien pour y faire rappeler le P. Daubenton, qui la reprit, et qui y porta toute la confiance personnelle du pape, avec lequel il eut un commerce secret et immédiat de lettres, et qui n’étoit pas sans vues, sans projets et sans la plus sourde et forte ambition. Ces deux hommes incommodoient infiniment Albéroni qui se résolut à perdre le cardinal, et à subjuguer le jésuite qu’il sentit trop de difficulté à faire chasser. Ainsi l’abbé Albéroni, simple ministre du duc de Parme, à Madrid, s’y trouvoit en effet premier ministre tout-puissant.

Ce grand crédit et son incertitude sur lequel étoit fondée sa puissance, lui fit lever les yeux jusques au cardinalat pour fixer sa fortune. Il songea donc à se procurer la nomination d’Espagne. Ceux qui l’approchoient de plus près lui faisoient leur cour de cette idée, et de le presser d’y travailler. Il en mouroit d’envie, mais il ne le pouvoit que par la reine qui, dans ce commencement de ce grand essor, n’ajustoit pas dans sa tête la bassesse de ce favori étranger avec la nomination du roi d’Espagne, au mépris de tous prétendants. Cette froideur déconcerta Albéroni, et il ne l’étoit pas moins du silence à cet égard qu’Aldovrandi, nonce à Madrid, observoit avec lui. On a vu que ce ministre du pape y étoit plutôt souffert que reçu ; la nonciature étoit toujours fermée depuis les démêlés des deux cours, et ; la reconnoissance forcée de l’empereur comme roi d’Espagne par le pape. Sa Sainteté prétendoit différentes choses de la cour de Madrid, entre autres la dépouille des évêques d’Espagne ; et Aldovrandi profitoit doucement et finement de l’ambition du ministre et du confesseur, pour avancer peu à peu les affaires de son maître.

Les dégoûts accueillirent de plus en plus le cardinal del Giudice. Aubenton en profita pour donner au prince des Asturies un précepteur de sa compagnie, qu’il fit venir de Paris. Giudice n’en fut instruit que deux jours avant son arrivée. On resserra beaucoup le prince des Asturies en même temps sur les chasses et sur les promenades, dont il n’eut plus la liberté. Ce dépit, qu’on voulut faire à ses dépens à Giudice qu’il aimoit fort, tourna en fort mauvais discours, et fort publics, sur les desseins qu’on prêtoit à la reine et à son confident. Ce hardi Italien, ébloui d’une situation si flatteuse, voulut la faire éclater de plus en plus à Rome pour s’y faire compter et favoriser ses vues ; à Madrid pour s’y faire redouter par la montre extérieure de son pouvoir. Il se fit donc donner la commission secrète de conférer et de travailler avec le confesseur sur les différends avec Rome, qui jusqu’alors en étoit chargé seul, et en même temps ce qui étoit sans exemple, un appartement au palais, près de celui de la reine, où les secrétaires des finances, de la guerre et de la marine eurent ordre d’aller travailler avec lui, sans la participation du conseil, sur toutes les affaires de leurs départements, et de ne faire aucune expédition sans les lui communiquer. Un reste de considération mourante du cardinal del Giudice en excepta le seul Grimaldo. En cet état, Albéroni ne doutoit de rien. Il comptoit d’autant plus sur le rétablissement des finances que le roi d’Espagne étoit le seul monarque qui n’eût point de dettes, parce qu’il n’avoit pas eu le crédit d’en contracter. Il s’assuroit sur les compliments des ministres d’Angleterre, qui ne tenoient à Madrid qu’un secrétaire fort malhabile et sans expérience, et sur ceux de Riperda qui lui succéda depuis, lors ambassadeur de Hollande à Madrid, qui n’avoit ni estime ni considération dans sa république, qui, se croisant d’ailleurs, s’unissoient pour chasser les François des Indes, et s’en flattoient par la persuasion où ils étoient que le roi d’Espagne s’éloignoit de plus en plus de la France, et par la facilité d’Albéroni à passer aux Anglois des articles si favorables au dernier traité de commerce qu’il se disoit hautement qu’il en avoit reçu force guinées, que les moins mal intentionnés l’accusoient de grossière ignorance, et on l’appeloit publiquement par dérision le comte-abbé, par allusion au comte-duc d’Olivarez, qui avoit eu sous Philippe III [2] la même autorité que celui-ci exerçoit sous Philippe V.

La cour de Londres, inquiète des mouvements domestiques, croyoit avoir intérêt à former des liaisons avec l’Espagne, et caressoit Monteléon son ambassadeur. Wolckra, envoyé de l’empereur, s’en aperçut, et les fit craindre à Vienne comme peu compatibles avec celles de ces deux cours, tandis que Stairs ne s’occupoit qu’à aigrir les ministres d’Angleterre contre le régent, dont il interprétoit sinistrement toutes les actions, et lui en supposoit même pour assister puissamment le Prétendant, sur lequel Stanhope se laissa emporter à plus que des plaintes amères. Les deux partis qui divisoient l’Angleterre s’animoient également contre la France : les torys l’accusoient d’ingratitude par son indifférence pour le Prétendant ; les whigs au contraire, de manquer aux paroles données à l’entrée de la régence en soutenant ce prince de tout son pouvoir, sur quoi ils s’emportèrent violemment ; et tinrent dans la chambres des communes les discours les plus vifs là-dessus. L’Espagne à cette occasion étoit aussi louée que la France blâmée, et on redoubloit les protestations d’amitié à Monteléon. On savoit que l’empereur étoit pressé par plusieurs de ceux qui l’approchoient de plus près, même par quelques-uns de ses ministres, de porter la guerre en Italie. Ils lui représentoient qu’il n’en retrouveroit jamais une occasion si favorable, par l’extrême faiblesse de tous les princes d’Italie, qui n’avoient même aucune préparation de défense ; et c’étoit ce nouvel incendie que Monteléon se crut en situation de prévenir par l’Angleterre. L’empereur goûtoit plus ce projet d’Italie qu’il ne s’en laissoit entendre. Il étoit armé ; mais les Turcs, enflés de la conquête de la Morée et de leurs victoires sur les Vénitiens, le tenoient en respect, tandis que l’Italie craignoit également une invasion de l’empereur, ou une du Turc approché d’elle par la Morée.

Le traité de la Barrière venoit enfin d’être conclu sous la médiation et la garantie de l’Angleterre, où on ne se contraignoit pas de laisser entendre que, dès que les mouvements d’Écosse seroient finis, la France verroit éclore des desseins que les divisions domestiques avoient suspendus. La proposition de la neutralité des Pays-Bas que le régent avoit faite, et qui avoit été assez goûtée en Hollande, étoit également suspecte à l’empereur et à l’Angleterre. Aussitôt donc qu’elle vit l’affaire de la Barrière finie, elle proposa aux Hollandois un projet de renouvellement de leurs anciennes alliances, avec une garantie réciproque en cas d’agression. En même temps Stairs eut ordre de travailler auprès du ministre de Sicile à Paris pour engager son maître dans une ligue contre la France, à quoi il n’épargna pas ses soins. On découvroit sans cesse les mauvaises intentions de l’Angleterre, et de nouveaux motif de l’occuper et de souhaiter le succès de l’entreprise du Prétendant.

Pendant ces diverses intrigues que le régent conduisoit de l’œil pour en éviter les dangers, et en tire s’il se pouvoit quelque avantage, le pape mouroit de peur du Turc. Il s’adressa à l’Espagne et au Portugal pour obtenir du secours ; et au milieu de ses rigueurs pour la France, il n’eut pas honte de lui en faire demander aussi par Bentivoglio, qui n’oublioit rien pour la brouiller et y mettre le schisme. La vérité étoit que jamais les princes d’Italie ne furent plus faibles ni plus divisés ; et la république de Venise étoit brouillée avec la France sur l’affaire des Ottobon, et avec l’Espagne pour avoir reconnu l’empereur en qualité de roi de cette monarchie.

Les plaintes contre l’administration d’Albéroni étoient infinies : il étoit chargé de tout ; il ne pensoit qu’à sa fortune et ne remédioit à rien. Il est vrai qu’il ne pouvoit suffire au poids qui l’accabloit, et que sa jalousie ne lui en permettoit pas le partage ni même le soulagement. Il falloit exécuter la réforme projetée ; il en craignoit le moment et les cris qu’elle exciteroit contre lui. Il éloigna les officiers de Madrid, et engagea le roi à écrire de sa main tout le plan de la réforme, pour lui donner, disoit-il, plus de poids, en effet, s’il l’eut pu, pour se cacher et la faire passer pour son ouvrage. Elle parut à la fin de janvier, et souleva non seulement les intéressés, mais leurs parents et leurs amis.

Le duc de Popoli, capitaine de la compagnie des gardes du corps italienne, parle fortement en faveur des deux compagnies des gardes du corps réformées, et des officiers qu’on réformoit dans les deux que l’on conservoit. Le duc d’Havré, colonel du régiment des gardes wallonnes, en avoit [fait] autant sur les bataillons qu’on en réformoit ; et ces deux seigneurs avoient déclaré au roi d’Espagne que, en conservant une aussi foible garde, il les mettoit hors d’état de pouvoir répondre de sa personne, et le marquis de Bedmar, chargé des affaires de la guerre, les avoit fort soutenus, et le prince Pio cria tant qu’il put de Barcelone, où il commandoit en Catalogne. Il est pourtant vrai que les Espagnols, qui n’avoient jamais vu de compagnies ni de régiments des gardes à leurs rois avant celui-ci, et qui étoient fâchés de le voir armé et par là plus autorisé, avoient habilement flatté l’épargne d’Albéroni pour le confirmer à faire cette réforme. Le duc d’Arcos et le marquis de Mejorada en furent les principaux instigateurs. On remarqua plusieurs grands qui ne venoient presque jamais au palais s’y rendre assez fréquemment, n’y parler à pas un étranger : et on s’aperçut que cette faction espagnole mouroit d’envie du rappel des exilés, et de se délivrer de tous ces étrangers, Italiens, Wallons, Irlandois, etc. Ils s’assembloient là-dessus entre eux, et ils entretenoient des correspondances secrètes avec les Espagnols retirés à Vienne, même avec quelques-uns qui entroient dans les conseils de l’empereur.

Le duc de Saint-Aignan, touché du préjudice que le service du roi d’Espagne souffroit, lui représenta fortement qu’une résolution de cette conséquence, et dans la conjoncture des grands armements de l’empereur et des dispositions visibles de l’Angleterre n’auroit pas dû être prise sans la participation de la France. Il proposa une suspension de trois mois ; et quoiqu’en effet il n’eût reçu aucun ordre là-dessus, il fit entendre qu’il ne parloit pas de son chef. Cette représentation réussit fort mal et demeura sans réponse ; mais le prince de Cellamare eut ordre d’exposer au régent le plan de la réforme, de lui faire entendre qu’elle ne tomboit que sur les états-majors ; que le nombre de troupes demeuroit le même, parce qu’elles n’étoient pas complètes ; et de demander un ordre du roi au duc de Saint-Aignan de s’abstenir de se mêler du détail et de l’intérieur du gouvernement d’Espagne, comme lui-même, de sa part, ne s’étoit point mêlé du changement fait dans le gouvernement à la mort du roi, ni de la réforme des troupes que le régent avoit réglée. On attribuoit moins les démarches de Saint-Aignan à des ordres reçus de les faire qu’à des liaisons particulières avec des seigneurs et des dames du palais intéressés pour leurs parents, et [à] son intimité avec Hersent, guardaropa du roi d’Espagne, homme d’esprit, de conduite, de mérite, que le roi avoit donné à son petit-fils en partant de France. C’étoit un homme d’honneur, haut sans se méconnoître, fort au-dessus de son état par ce qu’il valoit, très bien et librement avec le roi d’Espagne, qui se faisoit compter, qui avoit des amis considérables, et qui prenoit grande part à cette réforme parce qu’il avoit ses deux fils capitaines dans le régiment des gardes wallonnes, qui avoient de l’honneur et de la valeur et qui y étoient considérés.

Albéroni s’aigrit d’autant plus fortement contre le duc de Saint-Aignan qu’il mouroit de peur des menaces publiques des réformés, qui ne se prenoient qu’à lui de leur malheur, et qui ne le menaçoient pas moins que de le pendre à la porte du palais, et les moins emportés de le rouer de coups de bâton. Il se résolut donc à un coup d’éclat. Il fit exiler le duc d’Havré, donner le régiment des gardes wallonnes au prince de Robecque, et ôter la place de dame de palais de la reine à sa femme, fille de la duchesse Lanti, sœur de la princesse des Ursins qui l’y avoit mise. Ils se retirèrent en France et dans leurs terres. Le marquis de La Vère, lieutenant-colonel et officier général, frère du prince de Chimay, et grand nombre d’officiers distingués de ce régiment, du nombre de ceux qui n’avoient pas été réformés, quittèrent ; et le cadet des fils d’Hersent, qui avoit été un des députés de ce corps à Albéroni, fut arrêté, et conduit à Ségovie, et très resserré en prison, puis exilé, après envoyé dans un cachot à Mérida, sous de fausses accusations qu’Albéroni ne voulut jamais être jugées, et sans que jamais son père pût l’en faire sortir. Il trouva enfin, au bout de plusieurs mois, la liberté, par la disgrâce d’Albéroni, de gagner le Portugal et de repasser en France, où il a servi depuis. Son père ne le pardonna pas à Albéroni.

Ce ministre, voyant les affaires du Prétendant tourner mal en Écosse, arrêta les secours d’argent qu’il avoit commencé à lui faire payer. Monteléon, apprenant les plaintes générales et les soupçons des secours fournis au Prétendant, contenus dans la harangue du roi d’Angleterre au parlement eut hardiment là-dessus une explication avec Stanhope, qui l’assura de la satisfaction du roi Georges de la conduite du roi d’Espagne à cet égard et de son désir de la reconnoître, jusqu’à promettre de ne prendre jamais d’engagements contraires à ses intérêts, à quoi il ajouta de grandes plaintes contre la France sur le Prétendant. L’Espagne étoit toutefois inquiète de l’opinion générale qu’il y avoit une ligue secrète formée entre l’empereur et l’Angleterre, tandis que les ministres impériaux n’étoient pas moins agités d’une nouvelle union entre l’Espagne et l’Angleterre, depuis le traité de commerce signé avec l’Angleterre à Madrid, et n’étoient pas en moindre soupçon des dispositions intérieures de la Hollande, qui n’étoit pas sans en avoir aussi de l’empereur, sur l’exécution du traité de [la] Barrière, et si alarmée des bruits répandus d’une prochaine rupture de l’Angleterre avec la France, qu’elle s’excusoit déjà d’y entrer sur l’épuisement où la dernière guerre l’avoit mise. Le Prétendant avoit repassé la mer avec le duc de Marr ; le roi Georges paraissoit plus affermi que jamais, et Stairs n’oublioit rien pour l’animer contre la France, jusqu’aux plus grossiers mensonges, tels que celui-ci :

Le secrétaire d’Angleterre à Madrid eut ordre de confier au roi d’Espagne que le régent avoit voulu faire entendre à Stairs que l’Espagne avoit fait plus que la France en faveur du Prétendant, mais que le roi d’Angleterre avoit tant de confiance en l’amitié et en la bonne foi du roi d’Espagne, qu’il l’avertissoit des soupçons que le régent tâchoit de lui inspirer. En même temps les Anglois cherchoient à concilier et à attacher le roi de Sicile à l’empereur. Les ministres anglois, qui désiroient le renouvellement de la guerre avec la France, ne laissoient pas d’y être embarrassés dans la crainte domestique du mécontentement général des peuples d’Angleterre, et de ce qui fumoit encore en Écosse. Ils craignoient encore l’effet que produiroient enfin en France les plaintes sans fin de leur ambassadeur, et ses mémoires menaçants présentés coup sur coup au régent, ils n’en étoient que plus déterminés à rechercher l’amitié de l’Espagne, et tous les moyens de semer la division entre elle et la France. Stanhope, pour confirmer la confidence qu’il avoit fait faire au roi d’Espagne, montra à Monteléon une lettre de Stairs, qui rapportoit les termes suivants, qu’il prétendoit avoir entendus du régent, et qu’il lui dit : Enfin, monsieur, vous voilà amis de l’Espagne ; cependant je vous assure que le roi d’Espagne a fait pour le Prétendant ce que moi je n’ai pas voulu faire. Monteléon répondit que ce propos lui paraissoit incroyable, qu’il y soupçonnoit plus de malice que de vérité, néanmoins qu’il en rendroit compte au roi son maître, et qu’il prioit Stanhope d’en écrire à l’agent d’Angleterre à Madrid. Toutefois il ne laissa pas de recevoir assez d’impression de cette confidence pour se resserrer beaucoup avec d’Iberville, que le régent tenoit à Londres, avec ordre de lui communiquer tous ses ordres, et de le consulter sur tout, quoique d’ailleurs ils fussent amis, et de se prendre de plus en plus aux cajoleries de Stanhope, qui l’assuroit ainsi que les ministres allemands du roi d’Angleterre, que quoi qu’en publiassent les bruits publics, ils ne vouloient point de guerre avec la France, mais conserver un bon pied de troupes et de vaisseaux ; en même temps ils ne laissoient point de travailler à unir le roi de Sicile à l’empereur par un traité.

Après avoir été longtemps, eux et Trivié, ambassadeur de Sicile à Londres, à qui parleroit le premier, Stanhope s’étendit sur le préjudice que la Sicile causoit à la maison de Savoie, et montra ainsi à dessein que le premier article qui seroit demandé par l’empereur seroit la cession de cette île. Trivié, qui n’avoit point douté de ce projet, cria bien haut, mais en ministre d’un prince foible, qui pourtant ne veut pas se laisser dépouiller ; il en prit occasion de s’éclaircir de la situation de l’Angleterre avec l’empereur, sur quoi Stanhope répondit qu’elle en étoit fort recherchée, mais qu’il n’y avoit rien de conclu entre eux. Les menaces anglaises de rompre avec la France, en traitant avec l’empereur, aboutirent pourtant à suspendre une levée ordonnée de seize régiments, et l’armement de douze vaisseaux de guerre, et à écrire dans toutes les cours pour leur demander de refuser tout asile et retraite au Prétendant dans leurs États. Le roi d’Espagne refusa retraite et secours à ce malheureux prince, à qui il en avoit assez libéralement fourni dans l’espérance de succès. Cellamare en parla au régent qui approuva cette dernière résolution de l’Espagne à cet égard, qui n’étoit pas en état de se brouiller, ni de soutenir une guerre contre l’Angleterre qui cultivoit toujours Sa Majesté Catholique, et avoit toujours fait semblant d’ignorer qu’elle eût secouru le Prétendant.

Les étrangers s’apercevoient et déploroient même le mauvais état de l’Espagne et de son gouvernement ; ils regardoient le roi d’Espagne comme le plus foible de ceux qui avoient porté cette couronne, Albéroni comme maître à baguette, uniquement attentif à s’enrichir et à s’élever, très indifférent aux intérêts de l’État qu’il gouvernoit. Ils avoient beaucoup rabattu de l’opinion qu’ils avoient prise de l’esprit et des talents de la reine ; sa nourrice, qu’elle avoit fait venir de Parme depuis quelques mois, alarmoit infiniment Albéroni, qui ne vouloit partager la confiance avec personne. Il n’étoit guère moins inquiet sur le P. Daubenton, aussi ambitieux et plus pénétrant que lui, et tous deux cherchoient à se concilier la faveur de Rome. Vers le milieu de février, Albéroni déclara au nonce que le roi d’Espagne secourroit le pape, contre l’invasion qu’il craignoit des Turcs, de sic vaisseaux de guerre, quatre galères, douze bataillons faisant huit mille hommes, les officiers compris, et de quinze cents chevaux ; que ces troupes seroient sous les étendards du pape, commandées par deux lieutenants généraux, qui obéiroient au général de Sa Sainteté, lesquelles seroient aux frais du pape, dès qu’elles lui seroient livrées armées, et les cavaliers montés. Le roi d’Espagne se chargeoit des frais de la marine, et quant au transport des troupes de Barcelone à Civita-Vecchia, il comptoit que ce seroit par les vaisseaux d’Espagne et de Portugal. Le rare est qu’Albéroni parloit en même temps aux ministres d’Angleterre et de Hollande, pour avoir des vaisseaux, et qu’ils en promettoient en doutant fort que l’intérêt du commerce de Levant permit à leur maître d’en fournir.

Le roi Jacques, caché près de Paris, hors d’espérance de tout secours de la part du régent, essaya encore de toucher l’Espagne ; il obtint avec peine de Cellamare une entrevue secrète avec lui dans un coin du bois de Boulogne. Là il lui fit une peinture vive et touchante de sa situation, de son embarras sur le lieu de sa retraite et sur les moyens de subsister, rejeta le mauvais succès de son entreprise sur la conduite suspecte de Bolingbroke, qu’il venoit de destituer de sa place de secrétaire d’État, et se plaignit amèrement du duc de Berwick, qui n’avoit jamais voulu passer en Écosse. Il pria Cellamare de ne leur rien confier de ses affaires, mais d’en conférer seulement avec Magny qu’il avoit choisi. C’étoit un choix bien étrange, comme on le verra dans la suite. Ce Magny étoit fils de Foucault [3], conseiller d’État distingué et riche, qui avoit eu le crédit de le faire succéder en sa place. Intendant de Caen, il y avoit fait tant de sottises qu’il n’y put être soutenu, et de dépit et de libertinage avoit vendu sa charge de maître des requêtes, et s’étoit fait introducteur des ambassadeurs, où il ne put durer longtemps. Jacques témoigna à Cellamare que sa retraite à Rome seroit fort préjudiciable à ses affaires en Angleterre ; qu’il n’espéroit plus que le duc de Lorraine voulût le recevoir, laissa entrevoir, mais sans insister, son désir de l’être en Espagne, dit qu’il ne voyoit qu’Avignon, mais qu’en quelque lieu que ce fût il avoit grand besoin de secours tant pour lui que pour ceux qui avoient tout perdu pour le suivre. Il finit par demander cent mille écus au roi d’Espagne ; Cellamare s’en tira le plus honnêtement qu’il put, mais sans engagement dont il comprenoit les conséquences. Georges demandoit formellement à toutes les puissances de l’Europe de refuser tout secours et toute retraite à son ennemi et à ses adhérents. Stairs venoit de faire cette demande au régent par un mémoire très fort, et l’agent d’Angleterre étoit chargé du même office auprès du roi d’Espagne. La cour d’Angleterre étoit d’autant plus vive là-dessus qu’elle connoissoit la mauvaise disposition des peuples et la haine du sang qu’elle avoit répandu ; ce qui l’engagea à entretenir dans les trois royaumes jusqu’à trente-cinq mille hommes et quarante vaisseaux de guerre. Dans cette situation douteuse, le ministre anglois chercha de plus en plus à s’assurer l’Espagne. Les flatteries et les confidences ne furent pas épargnées, jusqu’à montrer de la jalousie de la puissance de l’empereur en Italie ; et enclins à se liguer avec l’Espagne pour l’empêcher de s’y étendre, à lui confier que l’Angleterre avoit refusé un traité proposé par l’empereur, parce qu’il y vouloit stipuler qu’elle lui garantiroit la Toscane, à la flatter de l’attention à ne rien faire à son préjudice, enfin à leurrer le roi d’Espagne de ses secours dans les cas qui pourroient arriver en France, qui donneroient lieu à ses grands droits.

Rien ne pouvoit être plus agréable à la cour d’Espagne que l’alliance que le roi d’Angleterre lui proposoit. Le but véritable du secours offert au pape étoit d’avoir un corps de troupes en Italie pour tâcher, suivant les événements, d’y regagner quelque chose de ce qu’elle y avoit perdu ; et si le pape, dans la crainte de se rendre suspect, refusoit un si grand secours, il devoit être donné aux Vénitiens qui en demandoient aussi à l’Espagne ; mais ce qui toucha le plus la reine et Albéroni, pour ne pas dire le roi d’Espagne, ce fut la corde de ses grands droits en France adroitement pincée par Stanhope, qui produisit le plus doux son à leurs oreilles. Quelque intérêt qu’Albéroni parût avoir de préférer l’Espagne qu’il gouvernoit sans obstacle, à la France où il ne pouvoit espérer la même autorité qu’après bien des concurrences et de dangereux travaux, il ne laissoit pas d’être véritable qu’il exhortoit sans cesse le roi d’Espagne à n’abandonner pas le trône de ses pères, si le roi son neveu venoit à manquer, et qu’il n’appuyât ses raisons de tous les artifices et de toutes les lettres vraies ou fausses qu’il disoit qu’il recevoit de France. Il n’inspiroit pas ce désir à la reine avec moins d’application ; et on peut avancer avec confiance qu’il y réussit fort bien auprès de l’un et de l’autre. Quelque bien établie qu’il fût en toute confiance et en toute autorité, il étoit alarmé des Italiens, des Parmesans surtout et de la nourrice. Il n’oublioit rien pour les faire renvoyer sous prétexte de la dépense qu’ils causoient ; et la reine s’étant souvenue de quelques-uns qu’elle eut envie de faire venir, et à plus d’une reprise, il l’empêcha toujours à son insu, par le moyen du duc de Parme qui le craignoit et le ménageoit beaucoup. Il ne perdoit point d’occasion de vanter au roi et à la reine la nécessité et l’utilité de ses conseils ; et sur l’avis donné par l’Angleterre du prétendu discours du régent à Stairs sur le Prétendant, rapporté ci-dessus, Albéroni fit souvenir le roi d’Espagne du conseil qu’il lui avoit donné à la mort du roi son grand-père de ne se pas fier au régent, mais de se conduire avec lui comme s’il devoit être son plus grand ennemi. En même temps il faisoit écrire à Son Altesse Royale que Leurs Majestés Catholiques étoient parfaitement contentes de ses sentiments, et que lui, Albéroni, n’oublioit rien pour maintenir une parfaite intelligence entre les deux couronnes. L’union de l’Espagne et de l’Angleterre, qui se resserroit toujours, inquiéta enfin l’ambassadeur de Hollande à Madrid, qui comprit que les Anglois y trouvoient leur compte, et que ce ne pouvoit être qu’au préjudice du commerce des Provinces-Unies. Par cette considération il pressa ses maîtres de gagner les Anglois de la main, en se hâtant d’achever la négociation commencée avec l’Espagne pour lui fournir des vaisseaux.

Le roi d’Espagne avoit protesté contre la bulle qui révoquoit le tribunal de la monarchie en Sicile. Le roi de Sicile, qui craignoit quelque secrète intelligence entre le pape et l’empereur pour le dépouiller de cette île, pressoit le roi d’Espagne de s’employer plus fortement à Rome pour ses intérêts. Son ministre s’adressoit toujours au cardinal del Giudice, qui n’avoit plus que le nom de premier ministre, qui ne se contraignit pas de lui répondre qu’il n’avoit rien à espérer de la faiblesse d’un aussi mauvais gouvernement qui, aussi bien que celui de France, ne se soucioit que de demeurer en paix.

Stairs commit en ce même temps une scélératesse complète : il manda faussement au roi son maître que la France armoit puissamment pour le rétablissement du Prétendant, avec tous les détails des ports, des vaisseaux et des troupes. Ce bel avis mit l’alarme en Angleterre ; les fonds publics y baissèrent aussitôt. Le roi d’Angleterre étoit prêt d’aller au parlement demander des subsides pour la guerre inévitable avec la France et la sûreté de l’Angleterre. Monteléon, qui sentit l’intérêt que l’Espagne avoit d’empêcher la rupture de l’Angleterre avec la France, parla si ferme et si bien à Stanhope, qu’il l’arrêta tout court ; que ce ministre, voyant ensuite clairement que cet avis n’avoit point d’autre fondement que la malignité de celui qui l’avoit donné, changea tout a coup de système. Il avoit commencé à proposer à Monteléon une union entre l’Angleterre et l’Espagne pour la neutralité de l’Italie, et même pour la garantie au roi de Sicile de ce qu’il possédoit en vertu du traité d’Utrecht ; il sentoit le mécontentement universel qui fermentoit dans toute la Grande-Bretagne du gouvernement, et l’importance de l’affranchir de l’inquiétude des secours que la France et l’Espagne pourroient donner au Prétendant ; il revint donc à souhaiter que la France entrât dans l’union dont on vient de parler, et [voulût] se porter en même temps pour garante de la succession à la couronne de la Grande-Bretagne dans la ligne protestante, conformément aux actes du parlement. Ainsi la scélératesse de Stairs et cet infatigable venin qui lui faisoit empoisonner les choses les plus innocentes, et controuver les plus fausses pour brouiller la France avec l’Angleterre, fit un effet tout opposé à ses intentions ; et cette époque fut le commencement du chemin de l’union tant souhaitée par l’abbé Dubois entre la France et l’Angleterre, et la base première de la grandeur de cet homme de rien, qui en sut très indignement profiter pour l’État, et très prodigieusement pour sa fortune. Stairs présenta un mémoire de différents griefs, qui, excepté les secours à refuser au Prétendant, n’étoient pas grand’chose. Le mémoire fut répondu de manière qu’on en fut content en Angleterre ; ce qui fit tomber la pensée qu’on y avoit eue de prendre le roi d’Espagne pour médiateur de ces petits différends.

Un autre bruit aussi malicieux fut répandu en même temps à Paris, dans le dessein sans doute d’examiner l’impression qu’il feroit. On parloit d’un traité fort secret, signé par le prince Eugène et le maréchal de Villars, qui seuls en avoient eu la conduite, qui annuloit les renonciations du roi d’Espagne à la couronne de France, et qui en ce cas assuroit celle de l’Espagne au roi de Sicile. Ce bruit étoit fomenté avec soin ; le régent n’en prit pas la plus légère inquiétude ; mais on remarqua [que] Leurs Majestés Catholiques parurent depuis bien plus attentives à tout ce qui pouvoit regarder cette succession.

Le roi d’Angleterre, toujours inquiet de sa situation domestique, fit deux propositions aux Hollandois, l’une de fortifier et de rendre plus nombreuse la garantie de la succession au trône de la Grande-Bretagne dans la ligne protestante, l’autre de s’expliquer sur l’alliance défensive à faire entre l’empereur, l’Angleterre et les États généraux. Ils répondirent sur le premier qu’ils verroient avec plaisir la garantie fortifiée par d’autres princes, et qu’ils étoient disposés à entrer avec Georges dans le concert de la manière dont ce projet pourroit s’exécuter. La seconde leur parut très délicate pour le repos de l’Europe, et en particulier sur les intérêts du roi d’Espagne. Ils se tinrent d’autant plus réservés que Walpole montroit plus de chaleur sur cette affaire à la Haye, et que le résident de l’empereur cabaloit ouvertement dans le même esprit à Amsterdam. Ils ne songèrent donc qu’à éluder et à gagner du temps, et répondirent qu’ils en délibéreroient, et en diroient après plus particulièrement leur pensée.

Le grand armement des Turcs obligeoit cependant l’empereur à se préparer tout de bon à n’être pas prévenu, et jetoit l’Italie dans l’effroi. Le pape sans défense et sans moyens sollicitoit des secours de France et d’Espagne ; en même temps il craignoit encore plus l’empereur. Il savoit que ce prince ne consentiroit jamais, sous quelque prétexte que ce pût être, de laisser entrer des troupes françaises ou espagnoles en Italie ; ainsi le pape refusa celles qui lui furent offertes, et demanda des vaisseaux et des galères dont l’empereur ne pouvoit prendre d’ombrage.

Quelque satisfaction que la cour d’Angleterre eût témoignée de la réponse du régent au mémoire de Stairs, dont on vient de parler, l’animosité nourrie par cet ambassadeur se manifestoit encore. Le roi de Sicile, qui n’avoit pu tirer aucune protection du roi d’Espagne à Rome, qui lui-même avoit plusieurs grands démêlés avec cette cour, en chercha en Angleterre pour son accommodement avec l’empereur qui étoit toujours suspendu. Trivié, son ambassadeur à Londres, y employa Monteléon auprès de Stanhope, parce qu’il l’en voyoit toujours fort caressé, et le ministre anglois entra en matière avec le Piémontois. Ce dernier fut étrangement surpris quand après les compliments et les préfaces ordinaires il entendit Stanhope lui déclarer que la Sicile arrêteroit toujours tout accommodement ; lui vouloir persuader après que cette île étoit à charge à la maison de Savoie, enfin revêtir le personnage du ministre de l’empereur et lui proposer en échange la Sardaigne pour conserver à son maître la dignité royale. Trivié répondit qu’il ne pouvoit négocier sur une condition qu’il étoit sûr que son maître n’accepteroit jamais. Stanhope entreprit de lui démontrer la facilité que l’empereur avoit de se tendre maître de la Sicile, lui dit que l’affaire seroit déjà faite si le roi d’Angleterre eût seulement consenti à le laisser agir ; qu’il s’y étoit opposé jusqu’alors, et tout nouvellement encore. Trivié pria Stanhope de se souvenir qu’il n’y avoit que cinq ou six mois qu’il lui avoit dit qu’il ne tenoit qu’à la France et à l’Espagne que l’Angleterre n’eût moins de déférence pour l’empereur, d’où il lui demanda pourquoi donc ils déféroient tant à la cour de Vienne.

Stanhope répliqua que les choses étoient changées ; qu’alors ils avoient lieu de croire que le régent vouloit vivre en parfaite intelligence avec le roi d’Angleterre, mais que depuis ils ne le pouvoient regarder que comme un ennemi caché, incapable de repos, toujours prêt à exciter des troubles dans la Grande-Bretagne, à y faire tout le mal qu’il pourroit à la maison régnante, dont le remède étoit à former une ligue contre elle où le roi de Sicile entrât pour terminer par là ses différends avec l’empereur. Il ajouta qu’il n’y auroit point de guerre en Hongrie cette année, mais ailleurs ; n’oublia rien pour persuader Trivié des grands avantages que le roi de Sicile retireroit d’une guerre contre la France, étant soutenu d’aussi puissants alliés, lui fit valoir le service que l’Angleterre lui avoit rendu en arrêtant l’empereur jusqu’alors sur la Sicile, lui déclara que si le roi de Sicile hésitoit encore, le roi d’Angleterre ne pourroit plus empêcher l’empereur d’exécuter ses projets. Trivié tacha inutilement de lui rendre suspecte pour l’Angleterre même la puissance de la maison d’Autriche. Stanhope vouloit susciter de puissants ennemis à la France, et n’en trouvoit point de plus dangereux à porter la guerre dans l’intérieur du royaume que le duc de Savoie par sa situation. Il craignit en même temps que les ministres de France et d’Espagne, que Trivié voyoit souvent, ne traversassent son projet, et mit tout en œuvre pour les lui rendre suspects. Monteléon bien qu’amusé par l’apparente confiance et les caresses de Stanhope et par l’espérance d’une ligue défensive de l’Espagne avec l’Angleterre et la Hollande, avoit pénétré qu’il se traitoit une alliance défensive entre ces deux dernières puissances et l’empereur, et que la conclusion n’en étoit arrêtée que par l’espérance de l’Angleterre de rendre cette ligue offensive. Néanmoins les affaires domestiques de l’Angleterre ne lui permettoient pas de songer tout de bon à l’offensive. Le ministre impérial à Londres s’en plaignit, et embarrassa. Le roi d’Angleterre ne regardoit point sa couronne comme un bien solide ; ses États d’Allemagne l’occupoient bien autrement ; par cette raison il vouloit plaire à l’empereur, et le mettre en état d’agir lorsque l’intérêt commun des puissances, engagées dans la dernière ligue contre Louis XIV et Philippe V, demanderoit qu’elles se réunissent et reprissent les armes. Il prenoit tous les soins à lui possibles pour détourner le Grand Seigneur de faire la guerre à l’empereur, que le grand vizir et le prince Eugène vouloient, que presque tous les ministres impériaux, surtout les Espagnols, craignoient, et que le mufti détournoit. Le prince Eugène prétendoit que si l’empereur différoit à attaquer les Turcs lorsqu’il le pouvoit avec avantage, il le seroit lui-même par eux l’année suivante avec un grand désavantage.

Cette attention prépondérante du roi d’Angleterre pour ses États d’Allemagne l’occupoit fort de la guerre du nord et de chasser les Suédois de ce qui leur restoit dans l’empire. De toutes leurs anciennes conquêtes ils n’avoient conservé que Wismar. Il fut donc résolu en Angleterre d’envoyer vingt vaisseaux presser la reddition de cette place, auxquels les Hollandois en joignirent douze des leurs. C’étoit bien plus qu’il n’en falloit pour accabler les Suédois dans la réduction déplorable où ils étoient ; mais le gouvernement d’Angleterre faisoit toujours semblant de craindre un secours que le régent n’étoit ni en volonté ni en pouvoir de donner. Ce n’étoit pas que les ministres anglois et allemands pussent douter de ses intentions, mais il étoit de l’intérêt de ce ministère de maintenir les alarmes d’une guerre prochaine avec la France, pour continuer d’obtenir des subsides du parlement, qu’il auroit refusés dans une paix bien assurée. Ainsi bien servis par Stairs pour continuer les défiances et les jalousies, il leur mandoit faussement que le régent lui avoit promis de chasser tous les Anglois rebelles et qu’il manquoit à sa parole, et leur suggéroit de solliciter Son Altesse Royale de poursuivre le Prétendant jusque dans Avignon, et d’obliger le pape à l’en faire sortir s’il s’y vouloit retirer. En même temps ils ne pouvoient ignorer les secours que l’Espagne avoit donnés à cet infortuné prince ; mais résolus de l’ignorer, ils n’épargnoient aucunes assurances de l’amitié et de l’union la plus intime avec elle. Le roi d’Angleterre déclara qu’il se croyoit comme engagé par le traité d’Utrecht à garantir la neutralité de l’Italie, et qu’il étoit disposé à former de nouvelles liaisons avec le roi d’Espagne pour la maintenir, et de plus pour confirmer et renouveler toutes les alliances précédentes. Monteléon profita de tant d’empressement extérieur pour parler à Stanhope de la triple alliance proposée par l’Angleterre entre elle, l’empereur et la Hollande, dont Walpole avoit depuis peu présenté le projet aux États généraux.

Stanhope ne put désavouer un fait public, mais il assura Monteléon que ce projet n’avoit rien de contraire aux traités de paix, aux intérêts du roi d’Espagne, ni au renouvellement proposé entre l’Angleterre et l’Espagne des anciennes alliances, ni à prendre avec elle un nouvel engagement pour la neutralité de l’Italie. Il lui fit valoir le refus de l’Angleterre à d’autres propositions que l’empereur lui avoit faites, et finit par beaucoup d’aigreurs et de plaintes contre la France, qu’il dit chercher à négocier avec l’Angleterre, laquelle ne l’écouteroit point qu’elle n’eût des preuves de sa sincérité, et qu’elle ne sût ce que le Prétendant deviendroit et ceux qui suivoient sa fortune. Stanhope tiroit ainsi avantage de la disposition de la France à conserver la paix, et de ce qu’elle avoit agréé les offres que lui avoit faites Duywenworde de travailler au rétablissement d’une parfaite intelligence entre elle et l’Angleterre, laquelle en même temps recherchoit le roi d’Espagne, au point que Monteléon lui manda qu’il dépendoit de Sa Majesté Catholique de faire seule une alliance avec l’Angleterre ou d’y faire comprendre la France.

Parmi tant de mouvements contraires et de propositions trompeuses, les ministres d’Angleterre étoient fort occupés au dedans. Leur parti whig, qui avoit triomphé des torys par la mort de la reine Anne et la faveur de Georges son successeur, craignoit la vengeance de la tyrannie qu’il avoit si cruellement exercée, si le parti opprimé, soutenu du mécontentement général du gouvernement, reprenoit le dessus. Le parlement rendu triennal n’avoit plus qu’une année à durer ; il étoit de l’intérêt des ministres de le prolonger encore de quelques années, en quoi s’accordoit celui de la chambre basse, dont les membres continués épargnoient les brigues et l’argent d’une autre élection. Celle des seigneurs y étoit opposée, parce que, ne craignant point de changement pour elle, la plupart en désiroient dans celle des communes contre le gouvernement présent ; mais en Angleterre comme dans les autres pays, ce n’étoit plus le temps des seigneurs. Les ministres et les principaux de leurs amis des communes travailloient donc de concert à cette grande affaire, qui absorboit presque toute l’application des ministres, parce que les autres affaires n’étoient que celles de l’État et que celle-ci étoit la leur même, et la plus importante à la conservation de leurs places et de leur autorité. C’étoit aussi la principale du roi d’Angleterre. Leur projet étoit de faire passer un acte de prolongation du parlement pour quatre années ; mais ils vouloient être certains d’y réussir avant de le présenter.


  1. Par ce traité l’Espagne avait cédé à l’Angleterre le droit de faire exclusivement la traite des nègres dans l’Amérique espagnole.
  2. Il faudrait lire Philippe IV au lieu de Philippe III. Ce fut, en effet, sous Philippe IV que le comte-duc d’olivarez fut principal ministre, de 1621 à 1643, Philippe III avait eu pour favoris le duc de Lerme et le duc d’Uzeda qui furent arrêtés au commencement du règne de Philippe IV.
  3. Nicolas-Joseph Foucault, dont Saint-Simon a parlé plusieurs fois dans ses Mémoires, a laissé un journal manuscrit (B. l, S. F.) où il rend compte de son administration dans diverses généralités. C’est un document fort précieux pour faire connaître la situation des provinces de la France. On a cité des extraits, t. XII, p. 502.