Mémoires (Saint-Simon)/Tome 13/7

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Chapitre VII.
Conseils à l’ordinaire. — Les entrailles du roi portées à Notre-Dame tout simplement. — Harangues des compagnies au roi. — Force réformes civiles. — Le cœur du roi fort simplement porté aux Grands-Jésuites. — Merveilleuse et prompte ingratitude. — Le régent visite à Saint-Cyr Mme de Maintenon, et lui continue sa pension. — Madame l’y visite aussi le même jour. — Le parlement continué pour un mois. — Le roi va à Vincennes. — Le corps du roi porté à Saint-Denis. — Entreprise de M. le Duc, qui fait monter avec lui dans le carrosse du roi le chevalier de Dampierre, son écuyer. — Le régent permet à tous les carrosses d’entrer dans la dernière cour du Palais-Royal, et à qui voulut de draper, jusqu’au premier président du parlement. — Nouveauté pour les magistrats de draper des plus grands deuils de famille et de porter des pleureuses. — Prisons ouvertes ; horreurs. — Duc du Maine et comte de Toulouse admis au conseil avec les seuls ministres du feu roi. — Mort de Mme de La Vieuville. — Mme la duchesse de Berry, à Saint-Cloud, fait Mme de Pons sa dame d’atours, et la remplace de Mme de Beauvau. — Duc d’Albret est grand chambellan sur la démission du duc de Bouillon, son père. — Le roi tient son premier lit de justice. — Le roi harangué par les compagnies à Vincennes. — Le chancelier se démet, pour quatre cent mille livres, de sa charge de secrétaire d’État. — Crosat ; quel ; fait grand trésorier de l’ordre pour des avances. — Térat ; quel ; en a le râpé. — Conseils, d’où pris, comment pervertis. — Je fais déclarer le cardinal et le duc de Noailles chef du conseil de conscience et président de celui des finances. — Réflexion sur le pouvoir et le grand nombre en matière de religion. — Conseil de conscience. — Caractère de Besons, archevêque de Bordeaux, puis de Rouen, de Pucelle et de Joly de Fleury. — Dorsanne ; son caractère et sa fin. — Conseil des finances. — Le chancelier de Pontchartrain raffermit secrètement son fils. — Conseil des affaires étrangères. — Conseil de guerre. — Caractère du duc de Guiche. — Les fortifications données à Asfeld. — Caractère de Saint-Contest et de Le Blanc. — Conseil de marine. — Conseil des affaires du dedans du royaume. — Caractère de Beringhen, premier écuyer, et du marquis de Brancas.


Le lendemain, mardi 3 septembre, le régent tint à Versailles deux conseils : un le matin, l’autre l’après-dînée, où il n’y eut que les ministres du feu roi, c’est-à-dire le maréchal de Villeroy, Voysin, chancelier de France et secrétaire d’État de la guerre, Torcy, secrétaire d’État des affaires étrangères, qui avoit les postes, et Desmarets, contrôleur général des finances. Ils étoient tous nommés par le testament du roi, avec ses deux bâtards, et les maréchaux de Villars, d’Harcourt, de Tallard et d’Huxelles, pour composer le conseil de régence avec M. le duc d’Orléans, et avec M. le Duc dans un an, à vingt-quatre ans. Mais par ce qui avoit été décidé la veille au parlement, le régent étoit pleinement le maître de le composer tout comme il lui plairoit, et tous ces messieurs fort en peine. Il eut encore conseil le lendemain avec les mêmes ministres du feu roi seulement ; et les entrailles du roi furent portées sans aucune cérémonie à Notre-Dame, par deux aumôniers du roi, dans un de ses carrosses, sans personne d’accompagnement. Elles le devoient être à Saint-Denis, mais cela fut changé sur la représentation que fut le cardinal de Noailles que les entrailles des derniers rois étoient toutes à Notre-Dame.

Le jeudi, 5 septembre, le parlement et les autres compagnies haranguèrent le roi. Ce même jour il parut de grandes réformes dans la maison du roi et les bâtiments ; et ses équipages de chasse furent réduits sur le pied qu’ils avoient été sous Louis XIII.

Le vendredi, 6 septembre, le cardinal de Rohan porta le cœur aux Grands-Jésuites avec très peu d’accompagnement et de pompe. Outre le service purement nécessaire, on remarqua qu’il ne se trouva pas six personnes de la cour aux Jésuites à cette cérémonie. Ce n’est pas à moi, qui après mon père n’ai de ma vie manqué d’assister tous les ans à l’anniversaire de Louis XIII à Saint-Denis, et qui y ai déjà été cinquante-deux fois sans y avoir jamais vu personne, à relever une si prompte ingratitude.

Ce même jour le régent fit une action du mérite le plus exquis, si la vue de Dieu l’eût conduit, mais de la dernière misère parce que la religion n’y eut aucune part, et qu’alors il se devoit garder plus de respect à soi-même, et n’afficher pas au moins si subitement avec quelle sécurité il étoit permis de le persécuter de la manière la plus opiniâtre et la plus cruelle. Il alla à huit heures du matin voir Mme de Maintenon à Saint-Cyr. Il fut près d’une heure avec cette ennemie qui lui avoit voulu faire perdre la tête, et qui tout récemment l’avoit voulu livrer pieds et poings liés au duc du Maine, par les monstrueuses dispositions du testament et du codicille du roi.

Le régent l’assura dans cette visite que les quatre mille livres que le roi lui donnoit tous les mois lui seroient continuées, et lui seroient portées tous les premiers jours de chaque mois par le duc de Noailles, qui avoit apparemment engagé ce prince à cette visite et à ce présent. Il dit à Mme de Maintenon que si elle en vouloit davantage, elle n’avoit qu’à parler, et l’assura de toute sa protection pour Saint-Cyr, où il vit les classes des demoiselles toutes ensemble en sortant.

Il faut savoir qu’outre la terre de Maintenon et les autres biens de cette fameuse et trop funeste fée, la maison de Saint-Cyr, qui avoit plus de quatre cent mille livres de rente et beaucoup d’argent en réserve, étoit obligée par son établissement à y recevoir Mme de Maintenon, si elle venoit à vouloir s’y retirer ; à lui obéir en tout comme à la supérieure unique et absolue en tout, à l’entretenir elle et tout ce qu’elle y auroit auprès d’elle, ses domestiques, ses équipages dedans et au de hors, de toutes choses, sans exception, à son gré, sa table et les autres nourritures aussi à son gré, aux dépens de la maison, ce qui a été très ponctuellement exécuté jusqu’à sa mort. Ainsi elle n’avoit pas besoin de cette belle libéralité d’une continuation de pension de quarante-huit mille livres. C’étoit bien assez que M. le duc d’Orléans daignât oublier qu’elle fût au monde, et ne pas troubler son repos à Saint-Cyr. Madame la fut voir aussi le même matin sur les onze heures. Pour elle, on a vu qu’elle lui dut tout à la mort de Monsieur, et Madame lui devoit au moins cette marque de reconnoissance.

Le régent se garda bien de me parler de sa visite, ni devant ni après, et je ne pris pas non plus la peine de la lui reprocher et de lui en faire honte. Elle fit grand bruit dans le monde et n’en fut pas approuvée. L’affaire d’Espagne n’étoit pas encore oubliée, et le testament et le codicille fournissoient alors à toutes les conversations.

Le samedi 7 septembre étoit le jour pris pour le premier lit de justice du roi, mais il se trouva enrhumé la nuit, qu’il ne passa pas trop bien. Le régent vint seul à Paris. Le parlement étoit assemblé, et j’allai jusqu’à une porte du palais, où je fus averti du contre-ordre qui ne venoit que d’arriver, et qui ne put nous trouver chez nous. Le premier président et les gens du roi furent aussitôt mandés au Palais-Royal ; et le parlement, qui alloit entrer en vacance, fut continué pour huit jours à l’égard des procès, et pour tout le reste du mois quant aux affaires générales. Le lendemain, le régent qui étoit importuné du séjour de Versailles, parce qu’il aimoit à demeurer à Paris où il avoit tous ses plaisirs sous sa main, et trouvant de l’opposition dans les médecins de la cour, tous commodément logés à Versailles, au transport de la personne du roi à Vincennes sous prétexte d’un petit rhume, fit venir tous ceux de Paris qui avoient été mandés à voir le feu roi. Ceux-là qui n’avoient rien à gagner au séjour de Versailles se moquèrent des médecins de la cour, et sur leur avis il fut résolu qu’on mèneroit, le lendemain lundi 9 septembre, le roi à Vincennes, ou tout étoit prêt à le recevoir.

Il partit donc ce jour-là sur les deux heures après midi de Versailles, entre le régent et la duchesse de Ventadour au fond, le duc du Maine et le maréchal de Villeroy au devant, et le comte de Toulouse à une portière, qui l’aima mieux que le devant. Il passa sur les remparts de Paris sans entrer dans la ville, et arriva sur les cinq heures à Vincennes, ayant trouvé beaucoup de monde et de carrosses sur le chemin pour le voir passer.

Le même jour, le corps du feu roi fut porté à Saint-Denis. On a déjà dit qu’il n’avoit rien réglé ni défendu pour ses obsèques, et qu’on se conforma au dernier exemple pour éviter la dépense, l’embarras, la longueur des cérémonies : Louis XIII, par modestie et par humilité, avoit lui-même ordonné des siennes au moindre état qu’il avoit pu. Ces vertus, ainsi que tant d’autres héroïques ou chrétiennes, il ne les avoit pas transmises à son fils. Mais on se servit de l’autorité du dernier exemple, et personne ne le releva ni le trouva mauvais, tant il est vrai que l’attachement et la reconnoissance sont des vertus qui se sont envolées au ciel avec Astrée, comme il y avoit paru aux Grands-Jésuites depuis si peu de jours, lorsque le cœur du roi y fut porté, ce cœur qui n’aima personne et qui fut aussi si peu aimé. M. le Duc, au lieu de M. le duc d’Orléans, qui n’étoit pas payé pour en prendre la fatigue, mena le convoi. Il fit monter dans le carrosse du roi où il étoit le chevalier de Dampierre, son écuyer, ce qui surprit étrangement.

Je ne m’arrêterai pas ici à cette entreprise qui ne fut que de légères prémices de toutes celles qui se succédèrent bientôt les unes aux autres. Dampierre étoit Cugnac, et pouvoit entrer dans les carrosses par sa naissance, mais on a vu ailleurs combien les principaux domestiques des princes du sang en étoient exclus par cette qualité, de quelque naissance qu’ils pussent être, à la différence de ceux des fils et petits-fils de France ; combien le feu roi étoit jaloux et attentif là-dessus, et divers exemples. Cette hardiesse fit grand bruit, et ce fut tout. M. le duc d’Orléans n’étoit pas fait pour les règles ni pour les bienséances, mais pour laisser usurper chacun contre les unes et les autres, sans droit, et contre tout exemple constant.

Ainsi il permit l’entrée de la seconde cour du Palais-Royal à toutes sortes de carrosses, jusqu’alors réservée comme la seconde cour de Versailles, et il souffrit que drapât du roi qui voulut, jusqu’au premier président de Mesmes. Jusqu’alors cette distinction n’avoit point passé au delà des officiers de la couronne et des grands officiers des maisons du roi, de la reine et des fils de France. Il n’y avoit pas même plus de cinquante ans que les magistrats, quels qu’ils fussent, avoient commencé à draper de leurs pères, mères et femmes, et rien n’avoit paru plus nouveau ni plus ridicule au deuil de Monseigneur que quelques magistrats du conseil, en fort petit nombre, qui hasardèrent de paroître en pleureuses, et qui ne furent point imités par les autres. Le régent crut apparemment se dévouer le parlement et le premier président, en flattant son orgueil extrême ; il ne fit que faire mépriser son extrême facilité. On en verra bien d’autres et en tous genres dans la suite [1].

Le lendemain de l’arrivée du roi à Vincennes, le régent travailla tout le matin séparément avec les secrétaires d’État qu’il avoit chargés de lui apporter la liste de toutes les lettres de cachet de leurs bureaux, et leurs causes, qui sur ces dernières se trouvèrent souvent courts. La plupart des lettres de cachet, d’exil et de prison avoient été expédiées pour jansénisme et pour la constitution, quantité dont les raisons étoient connues du feu roi seul et de ceux qui les lui avoient fait donner, d’autres du temps des précédents ministres, parmi lesquelles beaucoup étoient ignorées et oubliées depuis longtemps. Le régent leur rendit à tous pleine liberté, exilés et prisonniers, excepté ceux qu’il connut être arrêtés pour crime effectif et affaires d’État, et se fit donner des bénédictions infinies pour cet acte de justice et d’humanité.

Il se débita là-dessus des histoires très singulières, et d’autres fort étranges, ce qui fit déplorer le malheur des prisonniers, et la tyrannie du dernier règne et de ses ministres. Parmi ceux de la Bastille il s’en trouva un arrêté depuis trente-cinq [ans], le jour qu’il arriva à Paris d’Italie d’où il étoit, et qui venoit voyager. On n’a jamais su pourquoi, et sans qu’il eût jamais été interrogé, ainsi que la plupart des autres. On se persuada que c’étoit une méprise. Quand on lui annonça sa liberté, il demanda tristement ce qu’on prétendoit qu’il en pût faire. Il dit qu’il n’avoit pas un sou, qu’il ne connoissoit qui que ce fût à Paris, pas même une seule rue, personne en France, que ses parents d’Italie étoient apparemment morts depuis qu’il en étoit parti, que ses biens apparemment aussi avoient été partagés depuis tant d’années qu’on n’avoit point eu de nouvelles de lui ; qu’il ne savoit que devenir. Il demanda de rester à la Bastille le reste de ses jours avec la nourriture et le logement. Cela lui fut accordé avec la liberté qu’il y voudroit prendre.

Pour ceux qui furent tirés des cachots où la haine des ministres et celle des jésuites et des chefs de la constitution les avoit fait jeter, l’horreur de l’état où ils parurent épouvanta et rendit croyables toutes les cruautés qu’ils racontèrent dès qu’ils furent en pleine liberté. Le même jour le régent tint conseil avec les ministres du feu roi, et il y fit entrer le duc du Maine et le comte de Toulouse.

Ce même jour mourut Mme de La Vieuville dans un âge peu avancé, d’un cancer au sein, dont jusqu’à deux jours avant sa mort elle avoit gardé le secret avec un courage égal à la folie de s’en cacher, et de se priver par là des secours. Une seule femme de chambre le savoit et la pansoit. On a suffisamment parlé d’elle et de son mari, lorsqu’elle fut faite dame d’atours de Mme la duchesse de Berry. Cette princesse étoit à Saint-Cloud avec sa petite cour, en attendant que le Luxembourg fût en état qu’elle y vint loger. Elle disposa de la charge de sa dame d’atours en faveur de Mme de Pons qui étoit une de ses dames, qu’elle remplaça de Mme de Beauvau, dont le mari fut chevalier de l’ordre en 1724, et son frère aussi qui étoit archevêque de Narbonne. Cette dame étoit aussi Beauvau, d’une autre branche ; son père avoit été capitaine des gardes autrefois de Monsieur. On donna au duc et à Mme la duchesse du Maine un magnifique appartement en bas, aux Tuileries ; et M. de Bouillon obtint pour le duc d’Albret, son fils, la charge de grand chambellan sur sa démission, en ayant vainement tenté la survivance.

Le jeudi la septembre le roi vint tenir son premier lit de justice, où il n’y eut point de foi et hommage et rien de particulier, sinon que la duchesse de Ventadour y eut un petit siège, et que le maréchal de Villeroy en eut un aussi fort bas, hors de rang, entre le trône et la première place des pairs ecclésiastiques. Ce fut une tolérance, car il ne pouvoit être en fonctions tant que le roi étoit entre les mains des femmes. Le premier chambellan, comme grand écuyer, le porta depuis le carrosse jusqu’à la porte de la grand’chambre, où le duc de Tresmes le prit et le porta sur son trône. Il servit de grand chambellan, et en eut la place comme premier gentilhomme de la chambre en année, parce que le duc d’Altret, qui ne l’étoit que de la veille, n’avoit pas prêté serment.

Le samedi 14 septembre les compagnies allèrent haranguer le roi à Vincennes, et le chancelier donna la démission de sa charge de secrétaire d’État de la guerre, suivant l’engagement qu’on a vu qu’il en avoit pris avec M. le duc d’Orléans pour se conserver les sceaux. On en a assez dit sur cette belle convention pour n’avoir rien à y ajouter. Il en eut encore quatre cent mille livres, outre tout ce qu’il en avoit tiré du feu roi.

Peu de jours après, la facilité du régent, et l’extrême et pressant besoin des finances fit accorder à Crosat l’agrément de la charge de trésorier de l’ordre, à rembourser aux héritiers de l’avocat général Chauvelin. Le régent y trouva le prêt d’un million au roi en barres d’argent, et l’engagement pour deux autres millions que fit Crosat. Térat eut le râpé de cette charge Il étoit depuis longtemps chancelier et surintendant des affaires de Monsieur, et de M. le duc d’Orléans ensuite, exact, appliqué, désintéressé, vertueux et fort honorable, qui faisoit sa charge avec dignité, au profit de son maître, et à la satisfaction de tout ce qui avoit affaire à lui : rara avis certes au Palais-Royal. Le mérite fit passer ce râpé au public ; mais pour Crosat, ce fut un cri général.

Crosat étoit de Languedoc, où il s’étoit fourré chez Penautier en fort bas étage ; on a dit même qu’il avoit été son laquais. Il fut petit commis et parvint par degrés à devenir son caissier. On a vu quel étoit Penautier. Enrichi dans ce poste, il nagea en plus grande eau ; mais il ne voulut point tâter de la finance ordinaire. Il donna dans la banque, dans les armateurs, et devint le plus riche homme de Paris. Le roi voulut qu’il fût intendant du duc de Vendôme, quand il ôta le maniement de ses affaires délabrées des mains et du pillage du grand prieur et de l’abbé de Chaulieu, à qui il les avoit confiées depuis longtemps ; enfin Crosat fut trésorier ou receveur du clergé, qui est un emploi fort lucratif. On peut juger qu’il étoit énormément riche et glorieux à proportion, par le mariage qu’il fit de sa fille avec le comte d’Évreux, qui devint le repentir et la douleur de tout le reste de sa vie ; mais il eut aussi de quoi se consoler par le mérite de ses trois fils, qui a fait oublier tout le reste en leurs personnes.

La Bazinière, trésorier de l’épargne, qui ne valoit pas mieux que Crosat, avoit eu sous le feu roi la charge de prévôt et grand maître des cérémonies de l’ordre, qui est à preuves [2], et par là, grâce bien plus étrange, et le roi avoit fait, surtout en 1688, bien des chevaliers de l’ordre plus étranges encore en leur genre, dont on avoit crié, mais jamais au point qu’on fit sur le cordon bleu de Crosat. Rien de si court en robe que les Chauvelin, qui étoient des va-nu-pieds ; sans magistrature, quand la fortune du chancelier Le Tellier les débourba, parce que lui et le père de Chauvelin, conseiller d’État, avoient épousé les deux soeurs, lorsque Le Tellier étoit encore petit compagnon au Châtelet, et Chauvelin, conseiller d’État, étoit père de l’avocat général par la mort duquel la charge de trésorier de l’ordre vaquoit. Or, dans la robe, ces charges n’étoient jamais tombées qu’aux premiers présidents du parlement, très rarement à des présidents à mortier. On fut surpris, lorsque le roi permit à Pontchartrain de vendre la sienne de prévôt et grand maître des cérémonies de l’ordre à Le Camus, premier président de la cour des aides. Un avocat général en cordon bleu, cela parut un monstre qui révolta le parlement même ; mais cet avocat général, qui n’avoit pas moins d’ambition qu’en a montré depuis le garde des sceaux, son frère cadet, avec bien plus de talents que lui, étoit le mignon des jésuites, le favori de la constitution, par conséquent du roi avec qui il avoit secrètement des rapports continuels, et entroit fort souvent chez lui par les derrières.

Crosat étoit loin de tout cela, et on se donnoit plus de liberté avec M. le duc d’Orléans qu’avec Louis XIV. Ces charges étoient pour les ministres, et leur indignation de voir Crosat paré comme eux passa au public, qui fit leur écho sans y avoir intérêt, lequel a vu depuis avec beaucoup plus de silence et de tranquillité les énormes choix de la promotion de 1724, et de beaucoup encore depuis. Ainsi est fait le public et le monde.

J’ai passé légèrement sur les cérémonies depuis la mort du roi jusqu’à présent, parce que le retranchement ôta l’occasion des grandes disputes, et que tout s’y passa sans rien de particulier, et je me suis arrêté au reste, le moins qu’il a été possible, comme peu important. Il faut maintenant venir aux conseils pris sur le plan que j’en avois donné autrefois au duc de Chevreuse, si singulièrement conforme à son idée, sans nous en être jamais parlé auparavant. Il avoit passé entre les mains de Mgr le duc de Bourgogne par celles du duc de Beauvilliers, et avoit été agréé de ce prince comme la meilleure forme de gouvernement, dont il avoit résolu de se servir quand Dieu l’y auroit appelé. Mais il s’en fallut bien que ce premier plan fût suivi par M. le duc d’Orléans. Il n’en prit que la plus foible écorce. J’expliquerai comment ce malheur arriva, sous lequel la France gémit encore et gémira longtemps, parce que, pour les États ainsi que pour les corps humains, il n’y a rien de plus pernicieux que les meilleurs remèdes tournés en poisons.

M. le duc d’Orléans qui, avant la mort du roi, devoit, comme on l’a vu en son temps, avoir fait ses choix à tête reposée, et n’avoir plus qu’à les déclarer, n’y avoit rien déterminé, ni peut-être pas songé, quoique je l’en eusse fait souvenir souvent. Il se trouva donc à la mort du roi comme surpris d’un événement annoncé depuis si longtemps, et comme je le lui avois prédit, noyé alors d’affaires et de bagatelles, d’ordres à donner et de choses sans nombre à régler. Il se trouva en même temps assiégé de gens qui vouloient être de ses conseils qu’il avoit annoncés au parlement.

Il y en avoit d’indispensables pour celui de régence par leur état, et ceux-là lui étoient ennemis ou suspects. Il les fallut balancer par d’autres, ce qui étoit d’autant plus important que c’étoit en ce conseil où ressortissoient tous les autres, où aboutissoient toutes les affaires d’État et du gouvernement, et qu’elles y devoient être réglées à la pluralité des voix. C’est ce qui causa l’extrême lenteur de sa formation.

L’indigeste composition et formation de tout le nouveau gouvernement fut duc à l’ambition, à l’astuce et aux persévérantes adresses du duc de Noailles, qui n’oublia rien pour mettre le plus grand désordre qu’il put dans l’économie des districts et des fonctions des conseils, pour les rendre en eux-mêmes ridicules et odieux encore par le mélange et l’enchevêtrement des matières, et la difficulté de l’expédition, pour les faire tomber le plus tôt qu’il pourroit, et demeurer lui premier ministre : tellement que choix, rangs, administration, décisions, il y mit tous les obstacles qu’il put y faire naître pour fatiguer M. le duc d’Orléans, rebuter le public, qui fut d’abord ravi de ces établissements, lasser même ceux qui en seroient, en les commettant tous les uns avec les autres, et les corps aussi des conseils entre eux. Il en résulta beaucoup d’embarras, de désordres, de maux dans les affaires, et ce pernicieux homme en eut tout le succès qu’il s’en étoit proposé, excepté celui pour lequel il brassa tous les autres, et après lequel il ne s’est jamais lassé de courir, et court encore plus de trente ans après, à travers tous les opprobres qu’il a recueillis en ces dernières guerres, et qu’il avale sans cesse dans son néant à la cour et dans le conseil, noyé qu’il est dans le mépris universel[3].

Dès les premiers jours que nous fûmes à demeure à Paris, c’est-à-dire aussitôt que le roi fut à Vincennes, il fut question des conseils entre M. le duc d’Orléans et moi. Ce ne fut pas sans quelques reproches de ma part de ce que les choix étoient à faire. Il me parla douteusement sur la place de président des finances, quoiqu’il l’eût promise au duc de Noailles, comme je l’ai dit, dès avant la mort du roi. Je savois de reste alors à quoi m’en tenir avec ce galant homme, mais je crus devoir plus à l’État et à mon premier plan qu’à moi. Je le croyois encore capable de travail par lui-même, instruit surtout comme il l’étoit depuis deux ans par Desmarets. Ses richesses et ses établissements m’assuroient de la netteté de ses mains ; son ambition même, de tous ses efforts à bien faire dans une place si considérable où je voulois un seigneur, et pour laquelle je n’en voyois point qui l’égalât. Je raffermis donc M. le duc d’Orléans dans la résolution de la lui donner.

En même temps j’achevai de le fortifier contre les efforts qui se faisoient contre le cardinal de Noailles. Les cardinaux de Rohan et de Bissy, le nonce Bentivoglio et les autres chefs de la constitution étoient dans les plus vives alarmes du traitement que le cardinal de Noailles recevoit depuis la mort du roi. Ils mouroient de frayeur de le voir à la tête des affaires ecclésiastiques ; ils remuoient tout pour l’empêcher, ils crioient à l’aide à tout le monde, ils demandoient aux gens principaux leur protection pour la religion et pour la bonne cause. Bissy, dès Versailles, me l’avoit demandée tout éperdu, je lui avois répondu avec une très froide modestie. Un soir qu’il y avoit assez de monde, mais trayé, chez M. le duc d’Orléans, de ces premiers jours à Paris, je vis le duc de Noailles parler à Canillac, tous deux raisonner ensemble, me regarder, et tout de suite Canillac venir à moi et me tirer à part. C’étoit pour me représenter le danger du délai de déclarer le cardinal de Noailles chef du conseil de conscience ou des affaires ecclésiastiques (car ce conseil eut ces deux noms), les mouvements et les intrigues du parti opposé, et l’embarras où se trouveroit M. le duc d’Orléans, s’il donnoit le temps au pape de lui écrire un bref d’amitié par lequel il lui demanderoit comme une grâce de ne pas mettre le cardinal de Noailles à la tête de ce conseil. Cette raison me frappa ; je convins avec Canillac qu’il n’y avoit point de temps à perdre. Il me proposa d’en parler à l’heure même au régent. Quelques moments après je le fis.

Je lui fis peur de l’embarras où il se trouveroit entre désobliger si formellement le pape, ou lui donner pied à se mêler du gouvernement intérieur, avec les conséquences pernicieuses qui en résulteroient. Il les sentit, mais il avoit peine à finir. Je lui proposai alors, pour éviter toute affectation, de déclarer tout à la fois les places du duc et du cardinal de Noailles, d’appeler le duc sur-le-champ, de faire la déclaration tout haut, en présence de tout ce monde, et de le charger de l’aller dire à son oncle. Le régent balança encore, je le pressai, et j’en vins à bout. Il appela le duc de Noailles, en s’approchant du monde, et fit la déclaration. Noailles me parut également surpris et ravi de joie, fit son remerciement pour soi et pour son oncle.

Tout retentit de cette nouvelle aussitôt après dans le Palais-Royal, et dès le soir à Paris. Le lendemain toute la ville le sut, et la joie et les applaudissements parurent universels, autant que la douleur et le dépit furent extrêmes dans le parti opposé, naguère si gros et si triomphant, alors si réduit en nombre et en crédit. Le remerciement du cardinal de Noailles, le lendemain au régent, acheva de consommer la chose.

Il en étoit temps. On sut que la prière du pape étoit résolue. Il la changea en plaintes, mais assez douces, auxquelles le régent répondit plus doucement encore, mais avec une fermeté sur la chose, mêlée de force compliments et respects. On vit alors bien à clair le pouvoir de la puissance temporelle sur les matières ecclésiastiques, et bien à nu la gaze délice de ce manteau de religion qui couvre tant d’ambition, de cabales, de brigues et d’infamies.

Cette bonne cause, dont sous le feu roi la foi et toute la religion sembloit dépendre, cette constitution qui avoit obscurci l’Évangile compté pour peu en comparaison, et ce que j’avance en soi n’est point exagération, changea tout à coup de situation avec ce parti de mécroyants, de révoltés, de schismatiques, d’hérétiques proscrits, persécutés, dont les plus hautes têtes abattues sous la plus profonde disgrâce se voyoient au moment de leur dégradation, et les membres livrés à la persécution la plus ouverte, dispersés en exil, jetés dans les prisons et les cachots sans pouvoir trouver de refuge dans les cas où la justice et l’humanité réclamoit inutilement pour eux, sans qu’il fût permis à aucun tribunal réglé d’admettre la connoissance de leurs causes. Il ne fallut que ce grand coup à la suite du retour du cardinal de Noailles et des siens en considération à la mort du roi, pour atterrer leurs ennemis, écrire sur leur front l’ignominie de leur ambition, de leurs complots, de leurs violences ; décrier leur constitution comme l’opprobre de la religion, l’ennemie de la bonne doctrine, de l’Écriture, des Pères ; leur cause comme la plus odieuse et la plus dangereuse pour la religion et pour l’État.

Je me garde bien ici de prétendre décider rien ; mon état laïque et la nature de ces Mémoires purement historiques ne le pourroient souffrir. Mais je rapporte avec la plus fidèle exactitude quelle fut l’opinion générale et transcendante du monde laïque et ecclésiastique du vivant et après la mort du roi, et je m’y arrête d’autant plus volontiers, qu’outre que ce fait est trop marqué pour ne le pas rapporter, il prouve avec la dernière évidence le cas qu’on doit faire, en choses d’opinion et de religion, de ce que la cour appuie ouvertement, jusqu’à y mettre toute son autorité et son honneur, et à y déployer toute sa puissance et sa violence, par conséquent le cas qu’on doit faire du grand nombre, lorsque pendant tant d’années les grâces, les tolérances, toutes sortes de bienfaits, encore plus d’espérance se trouvent d’un côté ; toute persécution, déni de justice, exclusion radicale de tout, prisons, cachots, expatriations sont de l’autre, sans qu’aucune voix puisse être écoutée, sans qu’aucun crédit ose s’y hasarder, sans que le plus léger doute ou soupçon soit moins qu’un crime irrémissible.

Vingt-quatre heures suffirent à un si grand changement ; quinze jours y mirent le comble. L’herbe croissoit à l’archevêché, il n’y paraissoit que quelques Nicodèmes tremblants sous l’effroi de la synagogue. En un moment on s’en rapprocha, en un autre tout y courut. Les évêques qui s’étoient le plus prostitués à la cour, ceux du second ordre qui s’étoient le plus fourrés pour faire leur fortune, les gens du monde qui avoient eu le plus d’empressement de plaire, et de s’appuyer des dictateurs ecclésiastiques, n’eurent pas honte de grossir la cour du cardinal de Noailles, et il y en eut d’assez impudents pour essayer de lui vouloir persuader qu’ils l’avoient toujours aimé et respecté, et que leur conduite avoit été innocente. Il en eut lui-même honte pour eux ; il les reçut tous en véritable père, et ne montra quelque froideur qu’à ceux où la duperie auroit été trop manifeste, mais sans aigreur et sans reproches, peu ému, au reste, de ce subit changement qu’il voyoit être la preuve d’un autre contraire, si la cour venoit à cesser la faveur qu’elle lui montroit.

L’abattement de ses ennemis fut incroyable. Il montra bien qu’ils ne pouvoient s’appuyer que sur un bras de chair, et ils en étoient si convaincus, qu’après le premier étourdissement, les plus furieux se réunirent pour chercher à conjurer l’orage, et à revenir avec le temps d’où ils étoient tombés, par les mêmes intrigues qui les y avoient portés la première fois. Dieu qui veut éprouver les siens, dont le règne n’est pas de ce monde, et pour lequel Jésus-Christ a déclaré qu’il ne prioit pas, permit que ce même monde vînt enfin à bout de ses complots, et que la bonace fût de peu de durée.

Cette déclaration faite, il devint pressé de former ce conseil, et d’en choisir les membres. Les matières de Rome, les affaires des divers diocèses, de nature à avoir besoin de la main du roi, celles des divers ordres et communautés qui pouvoient passer pour majeures, certaines matières bénéficiales particulières, quelques dépendances de celles de la constitution, étoient du ressort de ce conseil ; car pour la distribution des bénéfices, le cardinal de Noailles en eut en même temps la feuille. Le régent crut avec raison le devoir composer de peu de personnes, et que les unes fussent du métier, c’est-à-dire ecclésiastiques, les autres du parlement, à cause des matières bénéficiales, de celles de Rome, et des libertés de l’Église gallicane. Le cardinal de Noailles fut du même avis, et j’en avois parlé de même à M. le duc d’Orléans avant la mort du roi.

On choisit donc, de concert avec le cardinal de Noailles, l’archevêque de Bordeaux, qui le fut après de Rouen, l’abbé Pucelle, conseiller clerc de la grand’chambre, de la première réputation pour la capacité et l’intégrité, et qui l’a bien montré depuis avec un sage, niais insigne courage, d’Aguesseau, procureur général, et Joly de Fleury, premier avocat général, l’un aujourd’hui chancelier, l’autre procureur général. L’archevêque étoit frère du maréchal de Besons, et avoit été évêque d’Aire, le même que j’avois fait travailler sous Mgr le duc de Bourgogne, comme on l’a vu en son temps, la première fois que le roi lui envoya l’affaire de la constitution. Par être frère de Besons, il étoit agréable au régent, avoit toujours tenu une conduite honnête avec le cardinal de Noailles, et avec les cardinaux de Rohan et de Bissy et les jésuites, sans bassesse d’aucun côté, ni prostitution ; il étoit en réputation d’homme d’honneur, et du plus capable dans toutes les affaires temporelles et bénéficiales du clergé, aux assemblées duquel il étoit fort rompu, et fort considéré, et sous un extérieur fort rude, il avoit un liant et une douceur fort propre à conciliation. Avec cela point faux, bon homme et bonne tête pour tout, et ne s’en faisant accroire sur rien, respectueux et fort courtisan, sans être néanmoins corrompu, mais complaisant autant qu’il pouvoit l’être honnêtement : avec assez d’esprit pour se savoir bien tirer d’affaires.

La composition de ce conseil déplut horriblement aux chefs du parti de la constitution ; ils n’avoient pu, dans leur puissance, s’assujettir l’archevêque de Bordeaux, et en même temps ils ne pouvoient s’en plaindre ; mais les trois magistrats leur étoient insupportables par leurs lumières, par l’expérience qu’ils avoient de leurs artifices, de leurs détours, de leur violence, et par la fermeté et la capacité avec laquelle Pucelle s’étoit conduit contre eux au parlement et [avait] donné courage à cette compagnie de leur résister sans cesse, et avec laquelle d’Aguesseau avoit résisté au feu roi, jusqu’à s’exposer à perdre sa charge. Ils n’étoient pas plus contents de Joly de Fleury, qui avec plus d’art, de douceur, d’adresse et de finesse, ne leur étoit pas moins opposé, et doucement rallioit ses confrères et tout le parlement, et leur fournissoit des armes sans y paroître que le moins qu’il pouvoit, mais se montrant dans le besoin avec une capacité très supérieure, et des lumières infinies.

Les chefs de la constitution crurent tout perdu par la feuille et par ce conseil ainsi composé. Ils n’y trouvèrent de remède que par Rome, et n’oublièrent rien pour irriter le pape, et l’engager d’en demander la destruction, et de la procurer par toutes sortes de voies. Ils eurent le dépit de trouver Rome plus sage qu’eux, et un pape qui, bien que très affligé, prit le parti du silence, et ne voulut jamais se commettre.

Le parlement transporté de joie de voir ceux de ses membres qu’il estimoit le plus employés dans ce conseil, et avant tous autres, se répandit en applaudissements, et le public entier y répondit par les siens, dans l’espérance de voir enfin en tout genre la fin de la tyrannie qui commençoit par celle de la religion, et par un choix justement applaudi de tout le monde.

Ce conseil se tint à l’archevêché. Le cardinal de Noailles proposa au régent l’abbé Dorsanne pour en être le secrétaire. C’étoit un saint prêtre et fort instruit, qui dans la place d’official de Paris avoit mérité l’estime et l’approbation publique. Il s’acquitta très dignement de cet emploi, et fut toujours semblable à soi-même. Il n’étoit pas favorable à la constitution. Ses ennemis prétendirent que le cardinal de Noailles puisoit dans ses lumières, et que Dorsanne le retenoit dans sa fermeté. Il mourut d’une manière fort prompte et fort singulière qui ne fit pas honneur dans l’opinion publique à MM. de la constitution.

Ce conseil réglé, le plus pressé à former parut être celui des finances. Le maréchal de Villeroy en demeura chef, mais sans s’en mêler directement, et il demeura à cet égard comme il étoit du temps du feu roi. Noailles, qui sous le titre de président s’en arrogea toute l’autorité en repaissant le maréchal de toutes sortes de bassesses, avoit hâte de se voir en fonction. Il y avoit sept intendants des finances qui, pour six cent mille livres que leurs charges leur avoient coûtées, touchoient chacun quatre-vingt mille livres de rente, sans le tour du bâton que personne ne pouvoit supputer. On les supprima tous sept, en leur payant l’intérêt de leur finance, c’est-à-dire trente mille livres de rente à chacun en attendant leur remboursement de six cent mille livres.

Ces sept étoient Caumartin et des Forts, conseillers d’État, Le Rebours et Guyet, que Chamillart y avoit mis, et qui n’avoient qu’une suprême impertinence ; Bercy, gendre de Desmarets, d’une humeur étrange et de mains fort soupçonnées ; Poulletier, fils d’un riche financier, qui avoit donné huit cent mille livres, c’est-à-dire deux cent mille livres plus que les autres, et Fagon, tous maîtres des requêtes, qui fut presque le seul qui entra dans le nouveau conseil des finances. C’étoit le fils du premier médecin du feu roi qui, en ce genre, étoit d’une grande capacité, et qui le montra bien dans la suite.

Noailles, ami après son père de Rouillé du Coudray, conseiller d’État, qui avoit été directeur des finances, l’y fit entrer, et d’Ormesson, maître des requêtes, frère de la femme du procureur général d’Aguesseau, qui étoit tout aux Noailles. Le régent y joignit Effiat que je lui avois proposé pendant la vie du roi pour ce conseil, par la richesse dont il étoit, et le grand ordre qu’il tenoit dans ses affaires, et qui étoit fort propre à bien voir tout ce qu’il s’y passeroit, et à en tenir M. le duc d’Orléans bien averti. Le duc de Noailles choisit La Blinière, ancien avocat, pour secrétaire, qui s’étoit acquis de l’estime au barreau. Pelletier des Forts, Gaumont, Gilbert de Voisins et Baudry y furent joints.

Ces établissements, parmi lesquels on ne disoit mot à Pontchartrain, le mirent en grande inquiétude. Il s’étoit bassement mis sous la protection du maréchal de Besons dont il réclamoit la parenté, et d’Effiat par lui, à qui Besons s’étoit de longue main amalgamé. Ils ne se trouvèrent pas assez forts pour se promettre de le maintenir. Ils firent donc venir son père de Pontchartrain, à qui ils procurèrent une audience secrète de M. le duc d’Orléans au Palais-Royal par les derrières, qui conservoit de la considération pour lui. L’ex-chancelier lui parla si bien qu’il en obtint que son fils ne seroit point chassé, tellement que lorsque j’en voulus presser le régent, je trouvai un changement que je ne pouvois prévoir. Je fus quelque temps à découvrir cette visite ; il fallut attendre, mais je ne perdis pas mon dessein de vue, et bientôt après j’en vins à bout.

Peu après le maréchal d’Huxelles, avec qui le régent avoit déjà travaillé, fut déclaré chef du conseil des affaires étrangères. Le maréchal et l’abbé d’Estrées s’intriguoient depuis longtemps auprès de M. le duc d’Orléans, je n’oseroit ajouter auprès de moi, mais avec une crainte et des mystères tout à fait plaisants. L’abbé avoit donné plusieurs mémoires historiques sur le gouvernement de l’État à M. le duc d’Orléans et à moi. Il parvint donc à être de ce conseil des affaires étrangères, porté par ses ambassades, par la haine de Mme des Ursins, par les Noailles et par moi. J’y fis entrer Cheverny, dont j’ai parlé ailleurs, qui avoit été envoyé extraordinaire à Vienne, et ambassadeur en Danemark, et M. le duc d’Orléans y ajouta Canillac. Pecquet, le principal chef des bureaux de Torcy, en fut le secrétaire.

Villars, second maréchal de France, fut chef du conseil de guerre. Il ne pouvoit ne l’être point dans le brillant où il étoit, dès que Villeroy, doyen des maréchaux de France, lui en laissoit la place libre par son titre de chef du conseil des finances, et ses autres futurs emplois. Le duc de Guiche, longtemps depuis maréchal de France, en fut fait président, parce qu’il étoit beau-frère du duc de Noailles, et beaucoup plus parce qu’il étoit colonel du régiment des gardes, et que le régent compta se le dévouer.

Avec moins d’esprit qu’il n’est possible de l’imaginer, fort peu de sens, une parfaite ignorance, une longue et cruelle indigence et de grands airs, et un grand usage du monde lui avoit appris à se retourner. Valet des bâtards avec la dernière bassesse, qui comptoient sur lui, et de toute faveur, comme les Noailles, ses beau-père et beau-frère, il sut, dans les dernières semaines de la vie du roi, faire accroire à M. le duc d’Orléans qu’il se tenoit caché pour éviter de recevoir des ordres qui lui fussent contraires, comme si un homme comme lui eût pu être difficile à trouver. Il sut si bien faire valoir ce service et ceux qu’il étoit en situation de pouvoir rendre, qu’il tira pour soi et pour les siens tout ce qu’il voulut en tout genre, et pour de l’argent ; on ne seroit pas cru si on articuloit le quart de ce qu’il en eut du régent, puis de Law, lorsque celui-ci exista. Du reste inepte à tout, payant de grandes manières et de sottise, il n’eut de dupe que le régent du royaume, et si [4] ce n’étoit pas manque d’esprit ni de connoissance. Mais la parentelle et le régiment des gardes tinrent lieu de tout.

J’y fis entrer un peu à force Biron et Lévi, tous deux depuis devenus ducs et pairs, et le premier maréchal de France. Biron étoit neveu de M. de Lauzun par sa femme, fille de sa sœur, et il en avoit deux, Mmes de Nogaret et d’Urfé, avec qui Mme de Saint-Simon et moi avions intimement vécu à la cour. Lévi étoit gendre du feu duc de Chevreuse, neveu par conséquent du feu duc de Beauvilliers, mérite transcendant pour moi. Puységur, trop tard maréchal de France, n’y dut une place qu’à son rare mérite, qui a fait l’honneur des quatre ou cinq dernières campagnes de M. de Luxembourg, et qui avoit servi depuis toujours très utilement. M. le duc d’Orléans y mit aussi Joffreville, Saint-Hilaire, Reynold et le chevalier d’Asfeld, longtemps depuis maréchal de France. Le premier et le dernier étoient gens de talent et de mérite, d’un grand soulagement pour un général, dont le maréchal de Berwick, qui les estimoit et aimoit fort, s’étoit fort utilement servi en Espagne, et avec toute confiance. Ils étoient aussi fort gens d’honneur, avec des mains fort nettes, et ils s’étoient fort attachés à M. le duc d’Orléans en Espagne. Il les avoit fort employés, avoit pris pour eux beaucoup d’estime et d’amitié, et disoit qu’Asfeld étoit le meilleur intendant d’armée par ses soins et sa prévoyance.

Louvois, qui vouloit surtout avec jalousie ce qui avoit trait à la guerre, avoit pris les fortifications avec le titre de surintendant. À son exemple, Seignelay en avoit fait autant de celles de places maritimes. À sa mort Louvois se les fit donner. Il ne les garda qu’un an et mourut. Le roi, qui ne vouloit partout que des gens de robe, et de qui Pelletier de Sousy étoit fort connu par son intendance de Lille, du temps des campagnes du roi en Flandre, et que Louvois son ami lui avoit vanté, crut que ce conseiller d’État et intendant des finances entendroit bien les fortifications, parce que ses yeux en avoient vu, et les lui donna avec le titre de directeur général. Il devint ainsi le maître de cette dépense, l’arbitre du mérite des ingénieurs, le seul ministre de ce district à part, et de leurs promotions, avec un travail réglé avec le roi tête-à-tête toutes les semaines, qui lui en faisoit toujours passer une partie à Marly. Rien peut-être n’étoit plus ridicule qu’un magistrat arbitre des fortifications et des ingénieurs. Le régent ôtant la guerre à la robe lui en ôta aussi cette partie si principale, et je l’engageai assez aisément de la donner à Asfeld.

Saint-Hilaire, lieutenant général de l’artillerie, en eut le département au conseil de guerre. Il étoit fils de celui qui eut le bras emporté du même coup de canon qui tua M. de Turenne, et il y étoit présent. C’étoit un homme fort lourd, mais qui entendoit bien l’artillerie [5]. Lui et Reynold furent regardés comme deux [personnes] nulles. Ce dernier étoit colonel du régiment des gardes suisses, et eut le corps des Suisses pour son département au conseil de guerre. Il s’étoit offert de très bonne grâce à M. le duc d’Orléans tout d’abord, et sans autre ménagement pour M. du Maine, avec qui il étoit bien, que de respect, cela en galant homme qui va droit où l’autorité doit être. L’autre en avoit fait autant pour l’artillerie. Tous ces messieurs étoient lieutenants généraux.

Il fallut songer aux vivres, étapes, fourrages, et aux divers marchés, par conséquent à des gens dont ce fût plus particulièrement le métier. C’est ce qui fit choisir deux intendants de frontière distingués en ce genre : Le Blanc, de la partie maritime de la Flandre, et Saint-Contest de Metz, qui étoit de mes amis, et qu’on a vu ici aller signer en troisième la paix de l’empereur et de l’empire à Bade. C’étoit un homme d’un extérieur lourd et grossier, avec toutes les manières ridiculement bourgeoises, qui avoit tout l’art, la finesse, la souplesse, les vues et les tours pour arriver à ses fins sans avoir l’air de penser à rien, lors même qu’il y travailloit le plus. Cela lui étoit naturel. Avec cela doux, liant, accessible et honnête homme. Il fut enfin reconnu à Cambrai par les ministres étrangers du congres, où il étoit l’un des ambassadeurs de France. Ils l’aimoient tous, mais ils le craignoient. L’autre étoit plein d’esprit, de capacité, d’expédients, fort liant aussi, tous deux gens de travail et d’expérience, qui connoissoient le monde, et qui avoient toujours su contenter tous ceux qui avoient eu affaire à eux. Leur choix aussi fut fort applaudi. Je ne connoissois point du tout Le Blanc, je m’en accommodai fort. Il y aura beaucoup lieu d’en parler dans la suite, et l’histoire de son temps ne se pourra taire de sa fortune, de sa catastrophe, et de son triomphant retour. Ce sont des événements que tout le poids d’un prince du sang premier ministre ne sauroit étouffer.

Le conseil de marine fut aisé à composer. Le comte de Toulouse, comme amiral, en fut chef ; le maréchal d’Estrées, premier vice-amiral, en fut président ; le maréchal de Tessé y entra comme général des galères ; Coetlogon, mort maréchal de France, et d’O, comme lieutenants généraux de mer ; Bonrepos qui avoit été intendant général de la marine, que j’aidai à en être ; Vauvray et un autre intendant de marine, avec La Grandville, maître des requêtes, pour rapporteur des prises. J’y fis mettre pour secrétaire ce même La Chapelle que Pontchartrain avoit chassé de ses bureaux et dont j’ai parlé plus d’une fois.

La place de chef du conseil des affaires du dedans du royaume, qui étoit proprement le conseil des dépêches, celles des départements des provinces des quatre secrétaires d’État, et quelques autres encore de pareille nature, fut offerte au maréchal d’Harcourt. Il s’en excusa sur le travail de cet emploi, et sur la difficulté de parler bien librement, qui lui étoit demeurée de ses apoplexies, et qui le mettoit hors d’état de rapporter souvent et longuement les affaires de ce conseil à la régence. Ces raisons étoient vraies et solides. Harcourt, dans la considération où il s’étoit mis, voyoit bien que le régent ne pourroit se dispenser de l’admettre au conseil de régence, et se tint ferme aux refus réitérés. Je ne voyois que d’Antin à mettre à la tête du conseil du dedans ; je le proposai, je fus refusé.

C’est le seul homme pour qui M. le duc d’Orléans, si fort sans aucun fiel pour ses plus mortels ennemis, ait conservé rancune, et le seul encore pour qui ce prince, si indifférent à la vertu, n’ait pu vaincre son mépris. On a vu les raisons de l’un et de l’autre dans le cours de ces Mémoires. D’ailleurs lié étroitement aux bâtards par état et par besoin sous le feu roi, et tout à Mme la Duchesse, ce prince si aisément soupçonneux ne le pouvoit souffrir.

D’Antin, depuis qu’il étoit due, s’étoit peu à peu jeté à moi. M. [le Dauphin] et Mme la Dauphine, les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, le maréchal de Boufflers étoient disparus ; il n’y avoit plus trace de Monseigneur ni de la cabale de Meudon ; le mariage de Mme la duchesse de Berry étoit fait ; elle étoit veuve, et Mme la Duchesse l’étoit aussi depuis longtemps. Mon éloignement pour d’Antin avoit cessé avec les personnes et les causes qui le formoient. Je sentois également tout son fumier, mais je n’en pouvois ignorer les perles qui y étoient semées, et je ne voyois personne de rang qui eût plus de talents pour bien remplir cette place. D’Antin d’ailleurs avoit trop d’esprit et trop peu de courage pour se laisser engager contre le régent ; il connoissoit trop aussi M. et Mme du Maine pour s’attacher véritablement à eux. Il tenoit trop d’ailleurs de tout temps à Mme la Duchesse qui les détestoit souverainement. Par cette liaison intime, il étoit propre à en former une entre le régent et M. le Duc, sur qui l’âge et la confiance de Mme la Duchesse lui donnoit de l’autorité, qui demeureroit crédit et créance quand ce prince viendroit à l’âge d’être compté, ce qui arriveroit bientôt ; enfin l’esprit courtisan de d’Antin, et la servitude tournée en lui en nature, me rassuroit pleinement. C’étoit un homme naturellement brutal et livré à tous les vices, mais si maître de soi qu’il étoit doux, liant, patient, plein de ressources. Personne n’avoit plus d’esprit, ni de toutes sortes d’esprit, et avec un air tout grossier et tout naturel, plus d’art, de tour, de persuasion, de finesse, de souplesse. Il étoit et il disoit tout ce qu’il vouloit, et comme il le vouloit ; et hors d’intérêt, il étoit bon homme, et aimoit à faire plaisir. Toutes ces raisons me déterminèrent à m’opiniâtrer pour lui.

La défense du régent dura plus de douze ou quinze jours. Il se rendit enfin, mais de mauvaise grâce ; d’Antin fut déclaré chef du conseil des affaires du dedans du royaume ; mais quelque soin, quelques contours qu’il put employer, jamais il ne prit bien avec M. le duc d’Orléans.

Je proposai à ce prince le marquis de Brancas et Beringhen, premier écuyer du roi, pour entrer dans ce conseil. Je réussis aisément pour le premier des deux qui s’étoit bien conservé avec lui, et à qui sa brouillerie ouverte avec la princesse des Ursins avoit ajouté du mérite. Je n’obtins pas l’autre avec tant de facilité.

C’étoit un personnage de ce qu’on appeloit alors de la vieille cour, mais plus par ses amis et ses liaisons, le soutien de sa charge, et l’habitude de la cour et du grand monde, que par lui-même. Il étoit fort honnête homme, court d’esprit, pesant de langage, fort bien avec le roi, avec le duc du Maine, avec le maréchal de Villeroy, avec Harcourt, avec son cousin germain le maréchal d’Huxelles, avec le premier président, intime de ces deux derniers, fort lié encore avec le duc d’Aumont, son beau-frère, que j’empêchai d’arriver à rien, assez aussi avec le duc d’Humières, son autre beau-frère, pour qui M. le duc d’Orléans m’avoit promis merveilles, et à lui-même aussi, car je les avois abouchés tous deux dans les derniers jours de la vie du roi en rendez-vous pris exprès dans un bosquet de Versailles près de l’Orangerie. Je n’ai pu démêler ce qui nous fit manquer de parole, mais jamais je n’ai pu parvenir à rien pour lui, quelque travail que je m’en sois donné. Enfin je résolus le régent à mettre Beringhen dans le conseil du dedans. On a vu qu’il étoit intimement avec le chancelier de Pontchartrain, que je l’y avois connu, et que nous étions ensemble sur le pied de confiance.

J’étois aussi ami du marquis de Brancas, longtemps depuis grand d’Espagne et maréchal de France. On a vu en son temps l’origine et les chemins de sa fortune. Jamais il ne négligea aucun des chemins qui l’y pouvoient conduire. Mme de Maintenon fut sa protectrice ; il fut très bien avec M. et Mme du Maine, qu’il cultiva dans tous les temps, et sut n’en être pas moins bien avec M. le duc d’Orléans. Il parvint à manger également au râtelier de la guerre et à celui de la cour, et les faire servir réciproquement l’un à l’autre. Aussi avoit-il de l’esprit, encore plus d’art, d’adresse et de manège, avec une ambition insatiable qui ne lui a jamais laissé de repos. C’étoit un grand homme, fort bien fait, d’une figure avenante, avec des manières polies, aisées, entrantes, qui ne faisoit jamais rien sans dessein, et qui aîné de quinze ou seize frères ou sœurs, avec sept ou huit mille livres de rente entre eux tous, devenu conseiller d’État d’épée, chevalier du Saint-Esprit et de la Toison, lieutenant général de Provence, gouverneur de Nantes et tenant les états de Bretagne, grand d’Espagne et maréchal de France, avec un grand mariage pour son fils, l’archevêché d’Aix et l’évêché de Lisieux pour ses frères, se mouroit de douleur de n’être pas ministre d’État, duc et pair, et gouverneur de Mgr le Dauphin.

J’en parle comme d’un homme mort par les apoplexies dont il est accablé, qui apparemment ne le laisseront pas vivre longtemps. Il a la main droite toujours gantée, même en mangeant ; les doigts en paraissent vides, il n’y a qu’un mouvement léger du pouce : homme vivant ne l’a jamais vue. À la grosseur du dedans, et à tout ce qu’on en voit, il paroît que c’est une patte de crabe ou de homard. Ses façons et sa conversation étoient agréables, et il étoit fort instruit de tout ce qui se passoit au dedans et au dehors. Dévot et constitutionnaire jusqu’au fanatisme, et du petit troupeau de Fénelon qui n’empêche pars l’ambition à pas un des disciples de cette école.

Brancas eut les haras qui furent d’abord ôtés à Pontchartrain, et le premier écuyer les grands chemins, ponts et chaussées, pavé de Paris, etc., dont il s’acquitta en perfection. Il n’en fut pas de même des haras, que Brancas acheva de laisser perdre, quoiqu’il en eût douze mille livres d’appointements particuliers.

À ces messieurs on joignit Rougeault, intendant de Rouen, avec un autre ou deux, et l’abbé Menguy et Goeslard, tous deux conseillers de la grand’chambre, à cause des procès fréquents en ce conseil, et des évocations qu’on y en pouvoit faire. Le choix fut aussi fort applaudi. La Roque, attaché à d’Antin, homme d’esprit et capable, fut, à sa recommandation, secrétaire de ce conseil.




  1. Voy. notes à la fin du volume.
  2. C’est-à-dire qui doit faire ses preuves de noblesse.
  3. Voy. notes à la fin du volume.
  4. Et pourtant.
  5. Saint Hilaire a laissé une Histoire de Louis XIV (1661-1715) qui a été imprimé en quatre volumes in-12. Le ms. conservé à la Bibl. impér. du Louvre (4 vol. in fol.) est plus complet que l’imprimé. Cf., t. XII, p. 500.