Mémoires extraits des recueils de l’Académie de Turin/Sur la figure des colonnes

La bibliothèque libre.


SUR LA
FIGURE DES COLONNES


(Miscellanea Taurinensia, t. V, 1770-1773.)

1. On a coutume de donner aux colonnes la figure d’un conoïde qui ait sa plus grande largeur vers le tiers de sa hauteur, et qui aille de là en diminuant vers les deux extrémités ; d’où résulte ce qu’on appelle vulgairement le renflement et la diminution des colonnes ; mais personne « que je sache n’a encore donné une raison satisfaisante de cette pratique ; car je ne crois pas qu’on puisse regarder comme telle celle que la plupart des Auteurs qui ont écrit sur cette matière apportent, et qui consiste dans la ressemblance qu’ils prétendent qu’une colonne doit avoir avec le corps humain. Il me paraît au contraire qu’il serait bien plus naturel de faire les colonnes plus minces en haut qu’en bas, et cela à l’imitation des troncs d’arbres qu’on a dû nécessairement employer dans les premiers bâtiments ; c’est ainsi que les anciens architectes en ont usé, comme on le voit par les ouvrages antiques qui sont restés à Rome, dans lesquels la plus grande partie des colonnes commencent à avoir leur diminution dès le bas ; mais comme Vitruve, qui est devenu le législateur des architectes modernes, prescrit formellement le renflement des colonnes, en disant qu’il faut ajouter quelque chose à leur milieu (Liv. III, Chap. II), quoique par la perte qu’on a faite des figures qui étaient jointes à son ouvrage on ignore la méthode dont il s’y prenait pour tracer la ligne du contour des colonnes, l’usage de renfler les colonnes au milieu et de les diminuer aux deux extrémités est devenu général, et l’on ne varie plus que sur la courbe qui doit former le renflement et la diminution.

Palladio propose pour cela un moyen mécanique qui consiste à plier tant soit peu une règle de bois ; Vignole donne deux espèces de constructions géométriques par lesquelles on peut décrire le profil d’une colonne par plusieurs points ; enfin M. Blondel a imaginé de faire servir à ce dessein l’instrument de Nicomède, en sorte que le profil de la colonne ait la figure d’une conchoïde. Il serait très-aisé d’inventer plusieurs autres moyens pour remplir le même objet, car tant qu’il n’y a d’autres données que l’épaisseur de la colonne aux deux extrémités et au point du plus grand renflement, il est clair que le Problème est très-indéterminé, puisqu’il ne s’agit que de faire passer une ligne courbe et concave vers l’axe par trois points donnés. Mais n’y aurait-il pas dans la nature même de la chose quelque principe qui pût servir à déterminer la question ? Parmi ceux qui servent de fondement à l’architecture, il n’y en a qu’un seul qui ait des règles fixes et invariables, et par conséquent susceptibles de calcul : c’est la solidité ; il faut donc examiner si l’on peut déduire de cette considération les conditions nécessaires pour la détermination et la solution du Problème dont il s’agit ; c’est l’objet du Mémoire qu’on va lire.

2. Comme les colonnes sont toujours destinées à supporter des charges plus ou moins considérables, suivant les circonstances où on les emploie, il est évident que si une colonne est trop chargée, elle commencera à se courber un peu du côté où la matière fera moins de résistance, après quoi elle se cassera faute d’élasticité, surtout si c’est une colonne de pierre ou de briques ; or il n’est pas difficile de comprendre que la courbure suivant laquelle, la colonne se pliera sera différente suivant la figure même de la colonne ; de sorte qu’à hauteurs et à masses égales, la force d’une colonne pourra être plus ou moins grande suivant la nature de la courbe qui en formera le profil. Ainsi c’est un Problème de maximis et minimis de déterminer la courbe, qui par sa rotation autour de son axe formera une colonne capable de supporter la plus grande charge possible, la hauteur et la masse de la colonne étant données ; c’est là, ce me semble, le véritable point de vue sous lequel on doit envisager la question du renflement et de la diminution des colonnes.

3. Quoique la théorie de la force des colonnes en tant qu’elle dépend de leur figure ait déjà fait le sujet d’un très-beau Mémoire que M. Euler a donné dans le volume des Mémoires de l’Académie de Berlin pour l’année 1757, cependant, comme le point, de vue sous lequel cet illustre Auteur a discuté cette matière est différent de celui dans lequel nous nous proposons de la traiter, nous croyons faire quelque plaisir aux Géomètres en leur communiquant les recherches que nous avons faites sur un sujet qui intéresse également la Mécanique et l’Analyse.

4. Soit (fig. 1) une colonne dressée verticalement en et char-

Fig. 1.

gée à l’autre extrémité par un poids qui l’oblige à se courber infiniment peu, en sorte qu’elle prenne la figure Supposons d’abord que cette colonne soit d’une figure cylindrique, et que soit la force absolue qu’elle a dans chaque point pour résister à être pliée, et qui sera par conséquent la même partout, suivant la loi générale des corps élastiques, cette force croîtra en raison de l’angle de courbure ; de sorte que dans

l’état la force de la colonne à un point quelconque sera proportionnelle à en désignant par le rayon osculateur de la courbe D’un autre côté, si l’on nomme le poids comprimant à l’extrémité il est facile de voir que le moment de ce poids par rapport au point sera exprimé par de sorte que la condition de l’équilibre donnera d’abord cette équation, d’où l’on pourra connaître tant la nature de la courbe que la valeur de .

5. Nommons pour cela les abscisses et les ordonnées et comme on suppose que la courbure de la colonne soit partout infiniment petite, on aura infiniment petit par rapport à \alpha et infiniment petit par rapport à de sorte que l’élément de la courbe

sera à très-peu près et sans erreur sensible égal à Or on sait qu’en prenant constant, on a donc on aura dans notre cas par conséquent l’équation à la courbe sera

c’est-à-dire

Il faudra donc intégrer d’abord cette équation, ensuite faire en sorte que l’expression de soit nulle aux deux points et c’est-à-dire lorsque et lorsque hauteur de la colonne. Or l’intégration est facile, à cause que et sont des quantités constantes, et l’on aura en général

et étant des constantes arbitraires ; donc, si l’on nomme la hauteur

donnée de la colonne, il faudra que l’on ait

donc, puisqu’on ne peut pas faire ce qui donnerait il faudra faire d’abord et ensuite il faudra encore que l’on ait

et par conséquent que

étant l’angle de degrés, et un nombre quelconque entier ; d’où l’on tire

L’équation à la courbe deviendra par là

où la constante demeure arbitraire, et exprime la plus grande valeur

6. Si l’on fait on aura

d’où l’on voit que la courbe ne coupe l’axe qu’aux deux extrémités et et le poids requis pour donner à la colonne cette courbure sera Si on aura

et la courbe coupera l’axe au point où c’est-à-dire, au point du

milieu en sorte que la colonne prendra la fig. 2 ; mais il faudra pour cela que le poids soit c’est-à-dire, quadruple du précédent. Si l’on faisait on aurait

de sorte que la courbure couperait l’axe aux points où et et serait semblable à la fig. 3 ; or, pour que la colonne soit pliée de cette

Fig. 2. Fig. 3.

manière, il faudra que le poids soit c’est-à-dire, neuf fois plus grand que le premier ; et ainsi de suite.

7. Maintenant, puisque le plus petit poids qui soit en état de faire plier la colonne est il semble qu’on en peut conclure que tout poids qui sera moindre que celui-ci ne fera absolument aucun effet, et qu’ainsi τ2 K on doit regarder la quantité comme la vraie mesure de la force de la colonne cylindrique C’est par ce principe que M. Euler a déterminé dans le Mémoire cité la force de plusieurs sortes de colonnes tant cylindriques que paraboloïdiques, et ce sera aussi sur le même principe que nous fonderons nos recherches sur la figure qu’on doit donner aux colonnes pour qu’elles aient la plus grande force possible ; mais avant d’en faire usage il est bon d’examiner ce qui doit arriver lorsque le poids sera un peu différent de pour cela, il faut déterminer rigoureusement la nature de la courbe sans négliger la petite différence qu’il y a entre l’élément de l’arc et celui de l’abscisse

Qu’on substitue donc dans l’équation du no 4 à la place de sa valeur rigoureuse et l’on aura celle-ci

laquelle étant multipliée par et ensuite intégrée donne

Pour déterminer cette constante, soit la plus grande valeur de et comme on doit avoir au point du maximum et par conséquent on aura pour la valeur de la quantité dans ce point, qui sera donc la constante cherchée. Ainsi l’équation deviendra

mais donc

ou bien, en faisant

d’où l’on tire

donc, à cause de

On intégrera donc cette équation en sorte que lorsque ensuite on supposera aussi lorsque et cette dernière condition servira à déterminer la valeur de .

8. Puisque la plus grande valeur de est on peut supposer et substituant cette valeur dans l’équation précédente, elle deviendra

par laquelle on déterminera la valeur de en et comme on veut que soit nul lorsque et lorsque il faudra que lorsque et que lorsque Lorsque la courbe n’aura qu’un seul ventre comme dans la fig. 1 (p. 127) ; en faisant elle aura deux ventres comme dans la fig. 2 (p. 130) ; et ainsi de suite.

9. Si est une quantité infiniment petite, on a à très-peu près et intégrant, d’où, faisant et on a le même résultat que ci-dessus (5). Mais si n’est pas une quantité infiniment petite, alors l’équation du numéro précédent n’est point susceptible d’une intégrale exacte, car la différentielle dépend en général de la rectification des sections coniques. Mais, en employant les séries, on aura

Or, les différentielles sont toutes intégrables, comme on sait, et pour les intégrer il n’y a qu’à changer les puissances en des cosinus d’angles multiples de par les formules connues

Mais comme par l’intégration tous les cosinus deviennent des sinus, il est clair qu’en faisant tous ces termes s’évanouiront d’eux-mêmes ; c’est pourquoi il suffira pour notre objet de considérer les termes tous constants des valeurs de et de les substituer à la place de ces mêmes valeurs dans l’équation ci-dessus, ce qui la réduira à celle-ci

qui, étant intégrée, donnera, après y avoir fait et

par où l’on pourra déterminer la valeur de pour chaque valeur donnée de et de

10. On voit d’abord par l’équation précédente que, tant que n’est pas nul, est nécessairement et par conséquent d’où il s’ensuit que la colonne ne peut être courbée que par une charge plus grande que En effet, si l’on met l’équation ci-dessus sous cette forme

et qu’on regarde la valeur de comme l’inconnue qu’il s’agit de déterminer, il est clair que puisque les quantités et sont positives de leur propre nature, la quantité n’aura que des valeurs négatives ou imaginaires tant que que cette quantité aura une valeur nulle lorsque toutes les autres étant négatives ou imaginaires ; qu’enfin la quantité aura toujours une seule valeur positive lorsque Donc : 1o la quantité sera toujours imaginaire lorsque c’est-à-dire 2o la quantité aura toujours deux valeurs réelles et égales, mais l’une positive et l’autre négative, lorsuqe savoir et n’aura point d’autres valeurs réelles. D’où il s’ensuit que tant que sera la colonne ne pourra être courbée ; que tant que sera renfermée entre les limites et la colonne sera courbée, mais en ne formant qu’un seul ventre ; que tant que sera entre les limites et la colonne sera nécessairement courbée et pourra former ou un seul ventre ou deux ; et ainsi de suite.


11. Nous avons donc démontré rigoureusement que la quantité est la limite des poids que la colonne peut supporter sans se plier ; et comme cette quantité est égale à la valeur que doit avoir la force lorsque est nulle, ou, ce qui revient au même, infiniment petite, il s’ensuit qu’on peut la trouver directement en supposant d’abord infiniment petite dans l’équation de la courbe, comme on l’a fait dans le no 5, et faisant en sorte que l’intégrale de cette équation satisfasse aux deux conditions de lorsque et ou bien lorsque et parce que, dans le cas de infiniment petit, l’arc se confond sensiblement avec l’abscisse C’est de cette manière qu’on pourra déterminer la limite dont il s’agit pour les colonnes qui ne seront pas d’une épaisseur uniforme, et dont l’équation serait absolument intraitable par les méthodes connues sans la supposition de infiniment petit.

12. En effet, si l’on suppose que la colonne ne soit pas cylindrique, mais qu’elle ait la forme d’un conoide formé par la rotation d’une courbe quelconque autour de son axe, lequel sera par conséquent aussi l’axe de la colonne, et qu’on nomme l’ordonnée de cette courbe qui répond à une abscisse quelconque en sorte qu’on ait une équation entre et qui serve à déterminera en il est clair que sera le diamètre de la grosseur de la colonne à la hauteur depuis la base, et il n’est pas moins évident que la force absolue avec laquelle la colonne résistera dans cet endroit à être courbée sera d’autant plus grande que la quantité sera plus grande ; de manière que cette force pourra être regardée comme une fonction de et par conséquent aussi comme une fonction de que nous désignerons en général dans la suite par Ainsi il n’y aura qu’à mettre simplement à la place de dans l’équation du no 5, et l’on aura

pour l’équation de la courbe suivant laquelle la colonne sera pliée par le poids dont on la suppose chargée, en supposant que cette courbe soit infiniment peu différente de la ligne droite.

13. Or, puisque, dans le cas où était une quantité constante on a trouvé en général pour la valeur de cette expression

supposons maintenant et étant des fonctions inconnues de et l’on aura, en différentiant,

donc, substituant ces valeurs dans l’équation du numéro précédent, on aura

Comme nous avons introduit deux variables indéterminées et nous pouvons faire disparaître dans cette équation les sinus et cosinus de en la partageant en ces deux-ci

la seconde étant multipliée par et ensuite intégrée, donne

d’où l’on tire

étant une constante arbitraire. Substituant cette valeur dans la première équation, elle deviendra

par laquelle il faudra déterminer la variable ensuite de quoi on aura

Soit pour plus de simplicité on aura, en substituant cette valeur dans l’équation en celle-ci

et la valeur de sera

14. On remarquera d’abord, à l’égard de cette expression de qu’elle contient deux constantes arbitraires : l’une, c’est la constante qui ne se trouve point dans l’équation en l’autre, c’est celle qui est virtuellement renfermée dans l’intégrale c’est pourquoi il suffira d’y substituer une valeur quelconque de qui satisfasse à l’équation en sans s’embarrasser si elle est une intégrale complète de cette équation ou non.

Un autre avantage de la même expression de c’est qu’elle est très-commode pour la détermination du poids car, suivant les conditions du Problème, il faut : 1o que lorsque condition qu’on remplira en prenant l’intégrale de en sorte qu’elle s’évanouisse lorsque 2o il faut aussi que lorsque et, pour remplir cette condition, il faudra que la valeur de l’intégrale qui répond à soit car alors sera nul. Or, comme la quantité ne doit point contenir de constantes arbitraires, il est visible que cette dernière condition donnera une équation entre les quantités et par laquelle on pourra déterminer

Quant au nombre entier qui demeure indéterminé, il est clair, par ce que l’on a vu plus haut, qu’il sera toujours égal au nombre des ventres que la colonne formera en se courbant par la pression du poids donc, pour avoir la limite des fardeaux que la colonne pourra supporter sans se courber d’une manière quelconque, il faudra toujours prendre pour le nombre entier qui rendra la valeur de la plus petite, et cette valeur sera la limite cherchée.

15. L’hypothèse la plus simple que l’on puisse faire sur la figure des colonnes, lorsqu’elles ne doivent pas être cylindriques, est de les supposer formées par la rotation d’une section conique autour de son axe ; or, l’équation générale d’une section conique où les abscisses sont prises dans l’axe est, comme on sait,

étant les abscisses et les ordonnées, et étant des constantes arbitraires ; ainsi, nous adopterons d’abord cette équation entre les variables et et nous chercherons quelle est la valeur de qui en résultera ; mais, pour cela, il faut encore établir la loi qui doit avoir lieu entre les rayons et la force avec laquelle la colonne résiste à se courber (12).

16. Il paraît que la théorie et l’expérience s’accordent assez à faire proportionnelle à comme on peut le voir par les ouvrages où cette matière est traitée ; ainsi nous supposerons en général ce qui donnera, dans le cas du numéro précédent,

ce qui étant substitué dans l’équation en du no 13, on aura

équation à laquelle on peut satisfaire en faisant

car on aura

de sorte qu’après les substitutions, on aura

d’où l’on tire

Cette valeur de n’est, comme on voit, qu’une intégrale particulière ; mais elle suffit pour notre objet, comme on l’a fait voir plus haut (14).

17. Maintenant on aura

donc, si l’on nomme l’intégrale de c’est-à-dire de prise en sorte qu’elle soit nulle lorsque et complète lorsque on aura pour la valeur de répondant on fera donc (14) et l’on tirera de là

Telle est donc la valeur du poids qui pourra faire plier la colonne infiniment peu, et comme cette valeur augmente à mesure que le nombre est plus grand, on fera pour avoir la limite des poids qui pourront être supportés par la colonne, sans qu’elle soit sujette à se courber en aucune manière ; ainsi la force de la colonne sera d’autant plus grande que la valeur de sera plus grande ; d’où l’on voit que la force augmentera à mesure que la quantité croîtra et que la quantité décroîtra ; ainsi ce sera une question de maximis et minimis de déterminer les valeurs des constantes pour que la force soit la plus grande ; mais comme cette force doit nécessairement augmentera mesure que les dimensions de la colonne augmentent, on ne peut chercher qu’un maximum relatif à la masse de la colonne, en supposant sa hauteur donnée ; c’est sous ce point de vue que nous allons envisager la question.

18. Pour commencer par les cas les plus simples, nous supposerons d’abord que l’on ait auquel cas l’équation du profil de la colonne deviendra

et tirant la racine carrée

qui est à une ligne droite ; en sorte que dans ce cas la figure de la colonne sera celle d’un cône tronqué. Faisons, pour plus de commodité, et par conséquent on aura donc

et l’intégrale de prise de manière qu’elle soit nulle lorsque sera donc, faisant et on aura

où l’on remarquera que est le rayon de la base inférieure de la colonne, et celui de la base supérieure ; ainsi l’on aura dans ce cas

Maintenant, pour avoir la solidité de la colonne, on remarquera que l’aire du cercle dont le rayon est étant exprimée par il n’y aura qu’à prendre l’intégrale de depuis jusqu’à laquelle sera

c’est-à-dire, à cause de et

Ainsi le rapport du poids que la colonne est en état de supporter au

carré du poids même de la colonne sera exprimé par

quantité qui ne dépend que du rapport des rayons et des deux bases ; en effet, faisant la quantité précédente deviendra

Cette quantité sera donc la plus grande lorsque la valeur de sera la plus petite, ce qui aura lieu en faisant ou bien savoir et par conséquent D’où l’on doit conclure que la force d’une colonne de figure conique, relativement à sa solidité, sera toujours la plus grande lorsque les deux bases seront égales, c’est-à-dire lorsque la colonne sera cylindrique. Ainsi, pour cette considération, les colonnes cylindriques doivent être préférables aux coniques.

19. Nommons en général la solidité de la colonne, qui est égale à l’intégrale de prise de manière qu’elle soit nulle lorsque et complète lorsque le rapport de à c’est-à-dire la valeur de pourra être regardé comme exprimant la force relative d’une colonne ; cette force sera donc pour les colonnes coniques, où les diamètres des bases sont entre elles comme est à et pour les colonnes cylindriques, ce qui sert à déterminer la valeur de la constante c’est pourquoi, si l’on fait la constante exprimera la force relative d’une colonne cylindrique de même hauteur.

20. Supposons maintenant ce qui donnera qui est l’équation d’une parabole, l’intégrale de sera en général d’où, en complétant et faisant on aura

donc

Maintenant, pour avoir on intégrera la formule

et complétant l’intégrale, comme on l’a enseigné plus haut, on aura

donc

Faisons et mettons à la place de on aura pour la force relative de la colonne parabolique l’expression

étant celle de la colonne cylindrique de même hauteur.

21. Cherchons le maximum de cette expression, et la différentiation donnera cette équation transcendante en

d’où il faudra tirer Pour y parvenir, je fais et par

conséquent j’aurai, en substituant

Je réduis en séries les quantités exponentielles, ce qui me donne

de sorte que l’équation deviendra

Cette équation donne d’abord ensuite, étant divisée par elle devient

laquelle, à cause de aura tous ses termes positifs, en sorte que comme elle ne contient que des puissances paires de elle ne pourra avoir aucune racine réelle, puisque ne saurait avoir aucune valeur réelle positive. Ainsi sera la seule racine réelle de l’équation dont il s’agit ; par conséquent la valeur cherchée de sera aussi égale à zéro, ce qui donnera et par conséquent c’est-à-dire la colonne cylindrique. Faisons donc dans l’expression de ou plutôt infiniment petit, et elle se réduira à or, si l’on donnait à une tout autre valeur, comme si l’on faisait on trouverait valeur moindre que la précédente ; ce qui prouve que le cas de est celui du maximum ; d’où il faut conclure que la force est toujours plus grande dans les colonnes cylindriques que dans les paraboliques.

22. Considérons présentement l’équation générale

laquelle représente une section conique quelconque rapportée à l’un des axes, et faisant on pourra la mettre sous cette forme

laquelle, si est une quantité négative, représentera une hyperbole rapportée à son grand axe lorsque est positive, et une ellipse lorsque est négative ; mais si est une quantité positive, devra être positive et l’équation sera à une hyperbole rapportée à son axe conjugué, en sorte que la colonne, au lieu d’être renflée, se trouvera diminuée au milieu. C’est pourquoi il suffira d’examiner le premier cas où

en sorte que l’on ait

et nous remarquerons d’abord ici que, puisque la hauteur de la colonne est il faut, pour que la courbe qui répond à la portion d’axe a soit toute réelle, que l’on ait : 1o si ou ( étant supposée une quantité positive) ; 2o si et ( dénotant la valeur de prise positivement).

Cela posé, on aura

dont l’intégrale, prise en sorte qu’elle s’évanouisse lorsque sera

donc, faisant on aura

de là, à cause de l’rexpression deviendra (17)

23. Il ne reste plus qu’a trouver la valeur de par l’intégration de la formule

laquelle donne l’intégrale

de sorte qu’en faisant on aura

donc enfin

Faisons encore et mettons à la place de on aura

expression qui peut se simplifier encore en supposant ce qui la réduira à celle-ci

qui ne contient que deux indéterminées et

24. Puisque il est clair que la quantité devra toujours être positive ; voyons donc d’abord quelle sera la valeur de qui rendra l’expression précédente un maximum. Pour cela, il suffit de rendre un maximum la quantité

dont la différentielle logarithmique étant égale à zéro donnera l’équation

d’où il faudra tirer la valeur de

Faisons pour cela donc et l’équation précédente deviendra

donc, réduisant l’exponentielle en série, on aura l’équation

laquelle donne d’abord et, à cause que tous ses termes sont positifs, ne saurait avoir aucune racine réelle plus grande que zéro. Mais nous allons prouver que cette équation ne peut avoir non plus de racine réelle négative. Pour cela je reprends la forme

et je fais j’aurai celle-ci

Il est visible qu’en faisant les deux membres de cette équation deviennent nuls à la fois, et par conséquent égaux entre eux ; mais à me-

sure que augmente, le premier membre augmente aussi et le second diminue ; donc il sera impossible que l’équation puisse jamais avoir lieu tant que pour prouver que le second membre diminue à mesure que augmente, il n’y a qu’à prendre sa différentielle, laquelle est or, comme il est visible que sera toujours aussi tant que donc sera toujours un nombre positif, par conséquent la différentielle dont il s’agit sera toujours négative ; donc, etc.

25. Nous venons donc de démontrer qu’il n’y a qu’une seule valeur réelle de ou de qui puisse rendre la formule proposée un maximum ou un minimum ; cette valeur est d’où l’on tire et de là Qu’on fasse donc, dans l’expression de ou seulement infiniment petit, elle deviendra, à cause de

à très-peu près,

pour voir maintenant si cette valeur est un maximum ou un minimum, qu’on fasse par exemple on aura de sorte que l’expression de se réduira à celle-ci

qui est évidemment plus petite que la précédente, à cause de

Quant aux valeurs imaginaires de c’est-à-dire de il est clair qu’elles doivent être rejetées, parce qu’elles rendraient toute la valeur de imaginaire ; il n’y a que le seul cas où serait de la forme dans lequel aurait néanmoins une valeur réelle ; or, ce cas aura lieu quand c’est-à-dire lorsque car alors on aura et l’expression de deviendra

laquelle est, à la vérité, toute réelle ; mais comme elle est en même temps négative, ce qui est absurde, on voit que le cas dont il s’agit doit titre également rejeté.

26. Le maximum de la quantité aura donc lieu uniquement lorsque ce qui donne et par conséquent

pour l’équation de la courbe, ce qui rentre dans le cas du no 18, où la colonne était supposée conique ; d’où il s’ensuit que la figure conique dans les colonnes est préférable à la figure renflée qui proviendrait de la révolution d’une section conique autour de son axe. Mais si l’on veut que la colonne ait la plus grande force possible, il faudra lui donner la figure cylindrique, comme nous l’avons démontré plus haut (numéro cité).

27. Je n’examinerai pas ici quelle est la force des colonnes qui sont formées par d’autres courbes que des sections coniques, parce que d’un côté l’équation en du no 13 est rarement intégrable, et que de l’autre la considération de plusieurs cas particuliers ne pourrait jamais conduire à une conclusion vraiment générale. Je vais tâcher plutôt de résoudre la question proposée d’une manière directe et générale, en cherchant immédiatement la courbe qui, par sa rotation autour de son axe, produira une colonne qui ait la plus grande force possible ; Problème d’un genre assez neuf, et dont la solution demande des artifices particuliers qui pourront m’être utiles dans d’autres occasions.

28. Voici en quoi consiste ce Problème exprimé analytiquement :

Il s’agit de trouver une équation entre les ordonnées et les abscisses telle que la quantité soit la plus grande qu’il est possible, étant égale a l’intégrale prise depuis jusqu’à et étant une constante qui doit être déterminée par cette condition que l’intégrale prise en sorte qu’elle soit nulle lorsque , devienne égale à lorsque en supposant donnée par l’équation différentielle

est une fonction donnée de que nous avons supposée plus haut égale à

On voit que ce qui rend surtout le Problème dillicile, c’est que la quantité n’est pas donnée en et en en termes finis ; mais supposons pour un moment que ce soit une fonction connue de et de en sorte que

en faisant aussi variable ; dans ce cas, voici comment on pourra s’y prendre.

Puisque doit être un maximum, on aura d’abord, en différentiant et employant la caractéristique

or, puisque est égal à une quantité donnée laquelle est indé-

pendante de on aura aussi, en différentiant,

et mettant pour sa valeur

mais étant une constante par rapport à on pourra mettre sa différentielle hors du signe d’intégration, ce qui donnera l’équation

d’où l’on tire

ces intégrales étant prises depuis jusqu’à


Quant à la valeur de puisque on aura

donc, substituant ces valeurs de et de dans l’équation ci-dessus, on aura celle-ci

Dénotons par la quantité qui peut être regardée comme une constante, et nous aurons l’équation

laquelle donne

Or, comme est supposée une fonction de et de constantes, que est par conséquent aussi une fonction de et de constantes, et que et sont aussi des constantes, il s’ensuit que cette équation donnera mais il faut que cette valeur de satisfasse aussi à l’équation en or, comme est par hypothèse une fonction de et de on aura aussi donc l’équation dont nous parlons deviendra

laquelle pourra toujours se vérifier lorsque sera une fonction de comme nous l’avons supposé.

Au reste, comme cette solution est fondée sur l’hypothèse particulière de égal à une fonction de il s’en faut beaucoup qu’on puisse la regarder comme exacte et complète ; aussi n’est-elle ici que comme une introduction à la solution générale que nous allons donner dans les numéros suivants.

29. Nous aurons d’abord comme ci-dessus les deux équations

et de plus nous aurons aussi l’équation

et il ne restera plus qu’a trouver une équation entre et Pour cela je reprends l’équation en et pour la rendre plus traitable, je la ramène à sa première forme en faisant ce qui la réduit à celle-ci

laquelle est moins chargée de différentielles que celle en maintenant je la différentie, en affectant les différentielles de la caractéristique et faisant varier à la fois et j’aurai

mais puisque est supposée une fonction de on aura et par conséquent aussi de plus, on a par la méthode des variations, exposée dans les tomes II et IV des Miscellanea Taurinensia[1], donc, substituant ces valeurs et mettant de plus à la place de on aura cette équation
[2].

c’est-à-dire

,

Je multiplie maintenant, cette équation par étant une nouvelle indéterminée, et je l’intègre en faisant disparaître, par des intégrations partielles, les différences de j’aurai

Je suppose, ce qui est permis, que la quantité soit telle que l’on ait

étant une constante quelconque ; l’équation précédente deviendra

où je remarque qu’à cause de on aura

Donc, si l’on étend l’intégration de l’équation précédente depuis jusqu’à on aura la valeur de l’intégrale laquelle devra être nulle par les conditions du Problème.

Pour cela, je nomme la valeur totale de l’intégrale prise depuis jusqu’à ensuite je nomme et les valeurs des termes pour le point où et pour celui où j’aurai donc, à cause de l’équations

d’où l’on tire d’abord

l’intégrale étant aussi supposée prise depuis jusqu’à

Donc, si l’on substitue cette valeur de \delta\mathrm P, ainsi que celle de \delta\mathrm S, dans l’équation

on aura celle-ci

ou bien, à cause que les quantités et sont constantes par rapport à puisqu’elles expriment des intégrales déterminées où est supposé égal à

On aura donc d’abord, pour tous les points de la courbe, l’équation indéfinie

c’est-à-dire,

ensuite on aura l’équation déterminée laquelle ne se rapporte qu’aux points extrêmes de la courbe où et

30. Ainsi, pour avoir l’équation de la courbe cherchée, il n’y aura qu’a éliminer les deux indéterminées et à l’aide de ces trois équations

et comme est supposée une fonction connue de on aura une équation finale entre les ordonnées et les abscisses

Il est bon de remarquer que si l’on fait la constante disparaîtra de la seconde équation, et que la première, étant divisée par deviendra

de sorte que, comme est une constante arbitraire, la quantité aura une valeur constante quelconque indépendante de et de

De cette manière on aura donc, en prenant une constante arbitraire les trois équations suivantes

qui renferment la solution du Problème proposé, pris dans toute sa généralité.

31. Si l’on chasse et il viendra une équation en et du quatrième ordre, qui sera peut-être bien difficile à intégrer ; mais je remarque que sera sûrement une intégrale particulière de cette équation ; car supposant constante, et qui sont des fonctions de seront aussi constantes, de sorte que si l’on suppose aussi et constantes en même temps, les équations ci-dessus deviendront

dont les deux dernières donneront d’abord

ensuite la première donnera

d’où l’on tirera la valeur de laquelle, à cause de la constante arbitraire pourra être une constante quelconque.

32. Cette valeur de donne évidemment un cylindre pour la figure de la colonne ; mais comme ce n’est qu’une valeur particulière, elle ne peut être censée résoudre le Problème que dans certaines circonstances. En effet, comme l’équation en doit être du quatrième ordre, ainsi que nous l’avons remarqué ci-dessus, elle renfermera nécessairement, étant intégrée, quatre constantes arbitraires, en sorte que l’on pourra faire passer la courbe par quatre points quelconques donnés, ou par deux points et par deux tangentes, ou, etc. Si l’on veut que la courbe de la colonne qui doit avoir la plus grande force possible passe par quatre points également éloignés de l’axe, dans ce cas on sera assuré qu’il n’y aura qu’une ligne droite qui résolve le Problème, en sorte que la colonne devra être nécessairement cylindrique. La même chose aura lieu, par exemple, si les deux bases de la colonne doivent être égales entre elles, et que de plus les tangentes de la courbe aux deux extrémités doivent être parallèles à l’axe, et ainsi du reste.

En général, toutes les fois que les quatre conditions données seront telles, qu’elles pourront cadrer avec une ligne droite parallèle à l’axe, cette ligne sera sûrement celle du maximum ; mais dans tous les autres cas le Problème ne pourra se résoudre que par l’intégration complète de l’équation différentielle en et

33. Si l’on veut que la colonne soit à peu près cylindrique, ce qui est le cas le plus ordinaire, on pourra résoudre le Problème d’une manière approchée que voici.

Puisque, lorsque est constante, on a aussi et constantes, il est visible que si varie peu, et varieront peu aussi.

Supposons donc

étant des constantes finies, et des variables très-petites ; et substituant ces valeurs, on pourra négliger les produits de deux ou de plusieurs dimensions de en sorte que l’on aura des équations où les variables ne se trouveront que sous une forme linéaire, et qui seront par conséquent intégrables par les méthodes connues.

Mais avant de faire ces substitutions on remarquera que, comme est supposée une fonction donnée de si l’on fait et les quantités et deviendront à très-peu près c’est-à-dire, en supposant que l’on ait mis à la place de dans en sorte que ces quantités seront maintenant constantes.

De cette manière, les équations du no 30 deviendront

Or, si les quantités et étaient nulles, on aurait

d’où l’on tire

donc, supposant, ce qui est permis, que ces équations aient lieu, les équations précédentes deviendront

ou bien, en faisant pour plus de simplicité on aura ces trois équations-ci

de l’intégration desquelles dépend maintenant la solution du Problème.

34. Pour intégrer ces équations je suppose

et étant des constantes indéterminées ; je substitue ces valeurs et je divise ensuite tous les termes par j’ai les trois équations suivantes

la dernière donne

ce qui étant substitué dans les deux premières, on aura

la première donnera sur-le-champ

et substituant ensuite cette valeur dans l’autre équation, on aura, après avoir divisé tous les termes par

c’est-à-dire, emréduisant,

équation d’où l’on tirera deux valeurs de lesquelles seront toujours nécessairement réelles, à cause que

et ces valeurs seront

Comme la quantité a disparu de l’équation en il s’ensuit qu’elle reste indéterminée, de sorte qu’on pourra la prendre à volonté ; mais on peut, si l’on veut, prendre à volonté au lieu de ce qui sera plus commode, parce que c’est proprement la quantité \zeta que l’on cherche ; alors les quantités et devront être déterminées ainsi

Quant à la constante comme elle a aussi disparu des équations, elle sera pareillement arbitraire.

Or, puisque la quantité a deux valeurs, si l’on désigne ces valeurs par et et que l’on prenne deux autres constantes arbitraires et on aura, pour la valeur complète de l’expression

et les valeurs correspondantes de et seront

et étant les valeurs de et qui résultent en mettant et à la place de et

35. Je remarque maintenant que lorsque est égal à une constante, ce qui est le cas des colonnes cylindriques, on a (11) étant la hauteur de la colonne, étant l’angle de degrés ; ainsi, dans notre cas, où on aura, aux quantités très-petites près, puisque étant constante, est la même quantité qu’on avait désignée par (12) ; or on a (33) donc d’où et par conséquent donc, si l’on substitue cette valeur, on aura

étant quatre constantes arbitraires qu’on pourra déterminer, en sorte que la courbe cherchée, dont les abscisses sont et les ordonnées sont passe par quatre points donnés, ou par deux points et deux tangentes, ou, etc., comme on l’a dit plus haut (32).

À l’égard des valeurs de et elles ne dépendront que de la nature de la fonction de car en faisant

on aura

S’il arrive que soit négatif, alors le radical deviendra imaginaire, et le terme deviendra (en y mettant à la place de et à celle de ) de cette forme

il en sera de même du terme si devient négatif.

Si est supposé proportionnel à une puissance quelconque de ou en sorte que on aura donc

et supposant comme on l’a fait plus haut, on aura par conséquent l’équation de la courbe contiendra dans ce cas des sinus et des exponentielles.

36. Pour ce qui regarde les constantes le moyen le plus simple pour les déterminer est de supposer que les valeurs de et soient données aux deux extrémités de la colonne où et où Pour cela, supposons donc que lorsque on ait et que lorsque on ait en sorte que soient les rayons des deux bases de la colonne, l’inférieure et la supérieure, et que soient les tangentes de l’inclinaison du profil de la colonne avec l’axe, à l’extrémité inférieure et à l’extrémité supérieure ; on aura (35)

d’où l’on pourra tirer les valeurs de en effet, les deux pre-

mières donneront celles-ci

lesquelles étant combinées avec les deux dernières donneront

d’où en faisant, pour abréger,

on tire

et de même, en faisant

on aura

37. Ainsi les constantes auront des valeurs déterminées, si les quantités sont toutes données, de sorte qu’il ne restera plus rien d’indéterminé dans l’équation de la courbe cherchée ; mais si quelques-unes de ces dernières quantités ne sont pas données, alors quelques-unes des constantes resteront indéterminées, et ce sera une nouvelle question de maximis et minimis de déterminer ces constantes, en sorte que la force de la colonne soit la plus grande qu’il est possible. Or l’équation de la courbe étant donnée, il est clair qu’il n’y aura qu’à chercher l’expression de la force, et la rendre ensuite un maximum, en supposant que les constantes indéterminées soient variables, ainsi que nous l’avons fait plus haut lorsque nous avons pris une section conique pour la courbe de la colonne ; mais la méthode que nous avons employée pour résoudre le Problème en général offre un moyen plus simple de parvenir au même but.

38. Pour cela, il n’y a qu’a se rappeler que \Gammaequation qui renfermait les conditions du maximum contenait deux parties : l’une, affectée du signe qui a servi à déterminer en général l’équation de la courbe ; l’autre, hors du signe qui ne se rapportait qu’aux deux points extrêmes de la courbe et dont nous n’avons jusqu’à présent fait aucun usage.

Cette dernière partie de l’équation dont il s⅛it (29) est est la valeur de la quantité pour le premier point où et la valeur de la même quantité pour le dernier point où ainsi, comme on a égalé séparément à zéro la première partie affectée du signe il faut pareillement égaler à zéro la partie algébrique ce qui donnera l’équation déterminée

Pour faire usage de cette équation, on remarquera que les variations et ou bien qu’elle contient, ne regardent que les valeurs extrêmes de et lesquelles dépendent uniquement des quatre constantes arbitraires que l’expression générale de doit renfermer, et qui sont les mêmes qui entrent dans l’expression de où il s’ensuit que pour avoir les valeurs en question de et de il faudra faire varier ces mêmes constantes dans les expressions de et de ou seulement celles d’entre elles qui seront demeurées indéterminées ; on aura par ce moyen les conditions nécessaires pour la détermination de toutes les constantes indéterminées.

39. Pour appliquer ceci au cas du no 33, on substituera d’abord, dans l’expression

à la place de à la place de et à la place de et négligeant les termes ou les quantités très-petites lesquelles formeraient ensemble deux ou plusieurs dimensions, on aura celle-ci

est une quantité constante.

Or, l’expression générale de est (34 et 35), en y substituant les valeurs de et celle-ci

d’où l’on tire

Donc :

1o Faisant on aura

et différentiant par en faisant varier à la fois on aura pour le premier point de la courbe

cette quantité, multipliée par sera la valeur de

2o Faisant on aura

donc, différentiant par en faisant varier également on aura pour le dernier point de la courbe

et cette quantité multipliée de même par sera la valeur de

40. Ainsi l’équation donnera, en ordonnant les termes,

d’où l’on déduira les conclusions suivantes :

1o Si les valeurs des quatre constantes sont données comme dans le cas du no 36, ou, en général, lorsque la courbe doit satisfaire à quatre conditions données, les différences seront nulles d’elles-mêmes, et l’équation dont il s’agit se trouvera identique.

2o S’il n’y avait que les quantités et de données, alors et seraient nulles, et il faudrait faire évanouir séparément les termes affectés des différences indéterminées ce qui donnerait ces deux équations

lesquelles serviraient à déterminer les angles et on aurait donc, dans ce cas,

d’où

Si c’étaient les quantités et qui fussent données, alors les termes affectés de et s’évanouiraient, et il faudrait ensuite faire disparaître ceux qui sont affectés de et mais, comme ces termes ne renferment point les quantités indéterminées mais seulement les données il s’ensuit qu’il est impossible de les faire évanouir en général, ce qui est une marque qu’il n’y a point de maximum par rapport aux constantes en particulier.

3o S’il n’y avait de donné que les deux bases de la colonne, alors les valeurs de et seraient données (36) ; on prendrait donc les deux équations de ce numéro

et, les différentiant par en faisant constantes, et variables, on aurait ces deux-ci

à l’aide desquelles on pourra déterminer deux des quatre différentielles indéterminées par les deux autres. Cherchons et pour cela, on retranchera les équations précédentes l’une de l’autre après avoir multiplié : 1o la première par et la seconde par 2o la première par et la seconde par on aura

On substituera donc ces valeurs dans l’équation générale, et on fera ensuite égaux à zéro, séparément, les deux membres affectés de et ce qui donnera ces deux équations

qui serviront à déterminer les quantités et

En effet la première, ne contenant que la quantité donnera la valeur de cette quantité ; ensuite il faudra déterminer par la seconde équation, laquelle donnera ainsi la valeur de se réduira à celle-ci

où les constantes et devront se déterminer par les deux conditions

d’où l’on tire

et l’on remarquera que l’on peut prendre indifféremment pour l’une quelconque des deux racines de l’équation en de sorte que la solution sera double.

4o Enfin, s’il n’y avait rien de donné et qu’on cherchât absolument, entre toutes les courbes possibles, celle qui formera une colonne de la plus grande force, relativement à sa hauteur et à sa masse, comme nous l’avons supposé dans nos calculs, il faudrait alors, dans l’équation ci-dessus, égaler séparément à zéro les membres affectés des différentielles indéterminées ce qui donnerait ces quatre équations

comme la première ne contient que l’angle elle ne pourra servir qu’à

déterminer cette quantité, ensuite de quoi on ne pourra vérifier la seconde qu’en faisant de même, la troisième donnera la valeur de et la quatrième donnera nécessairement

On aura donc, dans ce cas,

et par conséquent

c’est-à-dire

ce qui donne un cylindre pour la figure de la colonne. D’où l’on doit conclure que la figure cylindrique est celle qui donne le maximum maximorum de la force.


Voici les modifications qu’il y a lieu de faire subir aux formules contenues dans la dernière partie de ce Mémoire, et que nous avons annoncées dans la Note qui se rapporte au no 29.

Dans les formules du no 30, il faut remplacer par le même changement doit être également fait au no 31 et les dernières formules de ce numéro sont alors

La deuxième des équations du no 33 doit être rectifiée de la manière suivante

et il faut prendre pour la valeur au lieu de Après ces changements, les équations différentielles qui déterminent les quantités sont

la seconde équation est bien différente de celle du texte ; on voit qu’elle ne contient pas la variable

En ajoutant les deux dernières équations on obtient

et en éliminant au moyen de la première équation, on a

ou

en faisant

Ainsi l’inconnue principale ne dépend que d’une équation différentielle du deuxième ordre, cette équation a pour intégrale générale

et étant deux constantes arbitraires.

La variable est déterminée ensuite par l’équation

dont l’intégrale générale est

et étant deux nouvelles arbitraires. Enfin, la quantité étant égale à on a

Ces résultats sont très-différents de ceux qu’on lit au nυ 34, et les développements contenus dans les nos 35 et suivants doivent être modifiés en raison des changements dont nous venons de montrer la nécessité. Il serait superflu, après cela, d’appeler l’attention du lecteur sur les nouvelles fautes de calcul que l’on rencontre aux nos 33 et 36. (Note de l’Éditeur.)


Séparateur

  1. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335 et t. II, p.37.
  2. Le terme devrait avoir ici le signe comme dans la formule précédente. Le changement de ce signe a pour effet d’infirmer tous les résultats qui suivent ; ces résultats sont d’ailleurs affectés de plusieurs autres erreurs de calcul. Nous avons reproduit exactement le texte primitif en nous bornant à corriger, comme nous l’avons toujours fait, les fautes typographiques ; on trouvera, à la fin du Mémoire, l’indication des modifications qu’il y a lieu de faire subir aux principales formules.
    (Note de l’Éditeur.)