Mémoires extraits des recueils de l’Académie de Turin/Recherches sur le mouvement d’un corps qui est attiré vers deux centres fixes

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RECHERCHES
SUR
LE MOUVEMENT D’UN CORPS
QUI EST ATTIRÉ VERS DEUX CENTRES FIXES.


(Miscellanea Taurinensia, t. IV, 1766-1769.)

PREMIER MÉMOIRE,

OÙ L’ON SUPPOSE QUE L’ATTRACTION EST EN RAISON INVERSE
DES CARRÉS DES DISTANCES.


Le Problème que je me propose de résoudre dans ce Mémoire l’a déjà été par M. Euler, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin pour l’année 1760, et dans le tome X des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg qui vient de paraître, mais pour le cas seulement où le corps se meut dans un plan passant par les deux centres des forces. La solution que j’en vais donner ici est générale, quelle que soit la courbe décrite par le corps, et la méthode sur laquelle elle est fondée a l’avantage de conduire directement à des équations où les indéterminées seront séparées d’elles-mêmes, sans qu’on ait besoin pour cela des transformations et des substitutions épineuses que M. Euler a employées.

Comme le Problème dont il s’agit a un rapport immédiat avec celui des trois corps, il ne serait pas impossible que la méthode de ce Mémoire ne fût de quelque utilité pour la solution de ce fameux Problème qui fait depuis si longtemps l’objet des travaux des plus grands Géomètres. Cette considération est même le principal motif qui me détermine à publier ces recherches ; je souhaite qu’elles puissent mériter au moins par là quelque attention de la part des Savants.

I.

Ayant pris trois axes fixes quelconques et perpendiculaires entre eux, soient les coordonnées rectangles de la courbe décrite par le corps et rapportée à ces axes ; et soient de même les coordonnées qui déterminent la position de l’un des centres des forces par rapport aux mêmes axes, et \alpha,\beta,\gamma \betai les coordonnées pour l’autre centre : il est clair que si j’appelle et les distances du corps à ces deux centres, on aura

de sorte qu’en exprimant par et leurs forces attractives à une distance égale à l’unité, on aura et pour les forces qui agissent sur le corps suivant les rayons vecteurs et

Ces forces étant décomposées chacune en trois autres suivant les directions des coordonnées on trouvera que la force totale suivant est égale à

que la force suivant est égale à

et que la force suivant est égale à

Donc, nommant le temps écoulé depuis le commencement du mouve-

ment, et prenant pour constant, on aura ces trois équations :
(A)

lesquelles renferment la solution du Problème.

II.

Si l’on multiplie la première de ces équations par ⅛ la seconde par la troisième par et qu’après les avoir ajoutées ensemble on en prenne l’intégrale, on aura, en ajoutant la constante

(B)

équation qui renferme, comme on le voit, le principe de la conservation des forces vives.

Si l’on multiplie de plus les mêmes équations par et qu’on les ajoute ensemble, on aura

Or,

et, de même

donc, si l’on dénote par la distance entre les deux centres, en sorte que

l’on ait

on aura

Donc, ajoutant cette équation à l’équation (B), on aura, à cause de

(C)

et l’on trouvera de la même manière

(D)

deux équations par lesquelles on connaîtra les valeurs de et en

III.

Je remarque maintenant que si l’on multiplie l’équation (C) par et l’équation (D) par et qu’ensuite on les ajoute ensemble, on a une équation intégrable, laquelle est

de sorte qu’on aura, en intégrant et en ajoutant une constante arbitraire

(E)

De plus, si l’on multiplie les mêmes équations (C) et (D) par et savoir, la première par et la seconde par et qu’on les ajoute ensemble, on aura

Cette équation étant multipliée par et ensuite ajoutée à l’équation (E) multipliée par on aura

dont l’intégrale est évidemment

(F)

étant une constante indéterminée.

Or, si à cette équation on ajoute l’équation (E) multipliée par ou qu’on l’en retranche, on aura ces deux-ci :

d’où, en faisant pour plus de simplicité

on tire

(G)
et, par conséquent,
(H)

ensuite on aura, à cause de

c’est-à-dire, en mettant pour sa valeur en

(I)

Ainsi on a deux équations dans lesquelles les indéterminées sont séparées, et qui serviront à déterminer en et en et c’est-à-dire en et en et

IV.

Les équations (H) et (I) que nous venons de trouver ont également lieu, soit que le corps se meuve dans un plan fixe passant par les deux centres des forces, comme M. Euler le suppose dans sa solution, soit qu’il décrive une courbe quelconque à double courbure ; mais dans ce dernier cas, il ne suffit pas de connaître à chaque instant les distances du corps aux deux centres ; il faut de plus connaître l’angle que le corps décrit autour de la ligne qui joint ces mêmes centres.

Or, si l’on imagine que et (fig. 1, page 73) soient les deux centres des forces, et que soit le lieu du corps, en sorte que l’on ait

et qu’ayant mené la perpendiculaire on nomme et l’angle que le corps parcourt autour de il est clair qu’on aura

pour le petit arc que le corps décrit dans le temps

de sorte qu’on aura

et, par conséquent,

Fig. 1.

Or, en considérant le triangle il est facile de trouver que

d’où

Donc

ou, en réduisant au même dénominateur et effaçant ce qui se détruit,

Donc, substituant ces valeurs dans l’équation précédente, et multipliant par on aura

Qu’on mette au lieu de de de et de leurs valeurs tirées des équations (B), Œ(E et (F), et l’on aura, en divisant par et réduisant et ôtant ce qui se détruit,

Donc, si l’on fait, pour abréger,

on aura, en extrayant la racine carrée et multipliant par

(K)

Supposons maintenant, comme nous avons fait ci-dessus,

c’est-à-dire

et nous aurons

Mais on a par l’Article III

donc on aura enfin

(L)

ce qui donnera en et c’est-à-dire en et

Ainsi, la solution du Problème est réduite maintenant à l’intégration de trois équations différentielles dans lesquelles les indéterminées sont toutes séparées.

Au reste, l’équation (K) donne

ce qui montre que le corps décrit autour de la ligne c’est-à-dire dans un plan perpendiculaire à cette ligne, des aires proportionnelles au temps.

V.

À l’égard des constantes elles sont entièrement arbitraires et ne dépendent que de l’état initial du corps. Pour les déterminer, supposons que quand on ait

et les équations (B), (E) et (F) donneront

d’où l’on tire

et comme on aura

Si, au lieu de la vitesse . on veut introduire la vitesse que le corps a pour tourner autour de la ligne des centres, on nommera cette vitesse l’équation (K) donnera

d’où l’on aura

donc

ainsi, il n’y aura qu’à substituer cette valeur dans celles des quantités que nous avons trouvées plus haut.

VI.

La solution du Problème est donc réduite à l’intégration des trois équations (H), (I) et (L). Or, comme les indéterminées sont séparées dans ces équations, il est clair qu’il n’y aura qu’à intégrer chaque membre comme une différentielle particulière qui, ne contient qu’une variable ; mais, en examinant ces différentielles, on reconnaîtra bient\delta t qu’elles dépendent en général de la rectification des sections coniques, et peut-être aussi de la quadrature de quelque courbe du troisième ordre ; de sorte qu’il est impossible d’arriver par ce moyen à des équations intégrales et finies. Cependant, si l’on suppose ou ce qui rend il est certain que le Problème ne dépendra que de la quadrature du cercle on de l’hyperbole, car alors on aura le cas d’un corps qui se meut en vertu d’une seule force tendant vers un centre.

Comme le développement de ce cas renferme des discussions délicates dont l’analyse pourra tirer quelque fruit, je crois devoir l’examiner un peu en détail.

VII.

Supposons d’abord et les équations du Problème deviendront, en mettant à la place de et de

(M)
(N)
(O)
Or, si l’on reprend l’équation (C) de l’Article II et qu’on y suppose B=0, on aura
(P)

laquelle, étant multipliée par et ensuite intégrée, donne, en ajoutant la constante

(Q)

d’où l’on tire

(R)

Or

donc, mettant au lieu de et leurs valeurs tirées des équations (G), on aura, à cause de et de

(S)

C’est l’intégrale de l’équation (M), dans laquelle est une nouvelle constante.

De plus, l’équation (R) donnera

(T)

de sorte qu’on aura en par les logarithmes ou par les arcs circulaires, et cette valeur de donnera (en mettant à la place de ) l’intégrale du second membre de l’équation (N).

VIII.

Pour trouver maintenant l’intégrale de l’équation (Oh j) reprends l’équation (K), et faisant (Art. IV),

j’ai

Or, en retranchant l’équation (D) de l’équation (C) et mettant au lieu de on a, à cause de

Soit et l’on aura

Mais l’équation (P) donne

et l’équation (Q) donne

de sorte qu’on aura

donc, substituant cette valeur dans l’équation précédente, elle deviendra celle-ci

laquelle, étant multipliée par et ensuite intégrée, donne

(U)
d’où l’on tire

mais à cause de on a

donc on aura

Pour mettre cette équation sous une forme plus simple, je fais

ce qui me donne

et, par conséquent,

(V)

d’où il est aisé de trouver la valeur de en après quoi il n’y aura plus qu’à substituer pour sa valeur tirée de l’équation

laquelle est

et faisant ensuite

ce qui donnera

on aura l’intégrale cherchée de l’équation (O).

IX.

Nous avons vu que la constante est entièrement arbitraire ; mais il n’en est pas de même de la constante en effet, si l’on reprend l’équation (U) et que l’on y substitue pour et pour leurs valeurs en et lesquelles sont

on aura, en multipliant par

c’est-à-dire

Mais

donc, on aura

Substituons maintenant, au lieu de leurs valeurs résultant des équations (Q) et (G), c’est-à-dire

ou bien, à cause de

et nous aurons l’équation

laquelle se réduit, en effaçant ce qui se détruit, à celle-ci :

Or, nous avons supposé plus haut-(Art. IV) donc on aura et, par conséquent,

Cette valeur de étant substituée dans l’équation (V), on aura

ou bien, en divisant le haut et le bas de la fraction par

mais

donc, si l’on fait, pour plus de simplicité,

en sorte que l’on ait

on aura

et, par conséquent,

étant une constante arbitraire.

X.

On aurait pu aussi tirer l’ntégrale de l’équation (M) de l’équation (U) ; car, en extrayant la racine carrée, on aura

mais

donc

donc, substituant cette valeur et mettant ensuite à la place des quantités et leurs valeurs tirées des équations (G), on aura

où l’on se souviendra que

Si l’on compare cette équation à l’équation (S) trouvée ci-dessus, on verra qu’elles s’accordent parfaitement, ce qui peut servir à confirmer la bonté de nos calculs.

XI.

Supposant toujours en sorte que l’orbite du corps soit (comme on sait) une section conique dont l’un des foyers tombe dans le centre on pourra placer l’autre centre partout où l’on voudra. Prenons ce centre dans le point d’où l’on suppose que le corps est parti, et l’on aura, dans les formules de l’Article V,

et par conséquent

ou bien, à cause de

Donc on aura, en substituant,

et, de même,

De sorte que les équations (M) et (N) de l’Article VII deviendront

Multiplions la première par et ajoutons-la à la seconde, on aura

c’est-à-dire

donc, si l’on fait pour plus de simplicité

on aura

Or, lorsque on a, par hypothèse, c donc ainsi il ne faudra point de constante dans l’intégration, pourvu que les intégrales des deux formules

soient prises de la même manière.

Cette expression du temps est remarquable en ce qu’elle ne contient qu’une seule constante dépendante de la nature de la section conique, au lieu que les expressions ordinaires en contiennent nécessairement deux. Pour voir ce que c’est que cette constante il n’y a qu’à considérer l’équation (T) de l’Article VII dans laquelle, étant le rayon vecteur, il est clair que les absides de l’orbite seront aux points où c’est-à-dire où d’où il s’ensuit que si l’on nomme et les valeurs de tirées de cette équation, on aura pour le grand axe, et pour l’excentricité ; mais, sans résoudre l’équation, on sait que

donc, si l’on nomme a grand axe de l’orbite, on aura

de sorte que \l’on aura

Donc, si (fig. 2) est une portion quelconque de la section conique décrite par le corps autour du foyer le temps employé à parcourir

Fig. 2.

l’arc sera donné par la somme des deux rayons vecteurs et par la corde et par le grand axe de la section ; car faisant on aura donc

et le temps cherché sera exprimé par

Au reste, ce théorème a déjà été démontré synthétiquement par M. Lambert dans son Traité sur les Orbites des comètes.

XII.

Comme la difficulté de l’intégration des équations (H), (I) et (L), qui renferment la solution du Problème général, ne vient que des radicaux et supposons que les constantes et dépendantes de l’impulsion primitive du corps, soient telles, que les quantités

contiennent chacune un facteur carré ; et il est clair que les radicaux dont il s’agit se réduiront aux formes

et

de sorte que les équations du Problème ne dépendront plus que de la quadrature du cercle ou de l’hyperbole.

Pour cela je fais et je substitue au lieu de dans la quantité j’ai, en ordonnant les termes par rapport à

Or, afin que cette quantité contienne le facteur il finit nécessairement que les deux derniers termes évanouissent ; ainsi l’on aura les deux équations

(X)

par le moyen desquelles on déterminera tant la quantité que la rela tion qui doit avoir lieu entre les constantes

De cette manière, la quantité dont il s’agit deviendra

ou bien, en remettant pour

de sorte que l’on aura

On trouvera de la même manière les deux équations en

(Y)

et ensuite

XIII.

En faisant et supposant que les deux équations (X) aient lieu en même temps, on aura

supposons infiniment petit, et le second membre de cette équation deviendra

dont l’intégrale est

étant une constante indéterminée.

Or, si l’on fait (ce qui est permis) et que l’on suppose aussi la quantité deviendra c’est-à-dire indéterminée ; d’où il s’ensuit qu’en faisant la valeur de

restera indéterminée, et qu’ainsi l’équation (H) aura toujours lieu quelle que soit d’ailleurs la valeur de .

Donc, lorsque les constantes sont telles, que les deux équations (X) aient lieu en même temps, on pourra supposer et les deux autres équations du Problème seront

Or, puisque il est visible que la courbe décrite par le corps sera une ellipse mobile autour de son grand axe, et dont les foyers tomberont dans les deux centres des forces.

On prouvera de la même manière que si les équations (Y) ont lieu et qu’on fasse l’équation (H) aura lieu quelle que soit la valeur de et que les deux autres équations du Problème deviendront

et comme on voit que la courbe ne sera autre chose qu’une hyperbole mobile autour de son axe, et ayant ses deux foyers dans les centres mêmes des forces.

XIV.

Si l’un des centres des forces s’éloignait à l’infini, alors la force tendant à ce centre infiniment distant deviendrait uniforme et agirait suivant des lignes parallèles ; ainsi l’on aurait le cas d’un corps attiré vers un centre fixe par une force réciproquement proportionnelle aux carrés des distances, et poussé en même temps par une force de valeur et de direction constantes.

Pour appliquer nos formules à ce cas, il est visible qu’il n’y a qu’à faire et ensuite si c’est le centre qui s’éloigne à l’infini, ou bien si c’était le centre qui fût infiniment distant.

Soient donc et et soit la différence de ces deux quantités, en sorte que

il est clair qu’en supposant que (fig. 3) soit le centre des forces la ligne suivant laquelle agissent les forces constantes et parallèles,

Fig. 3.





le lieu du corps dans un instant quelconque, et une perpendiculaire abaissée du point sur la ligne on aura et de sorte que les équations en et devront se changer en d’autres équations en et

Soit et en sorte que et soient les forces qui agissent sur le corps au commencement de son mouvement, la première de ces forces étant dirigée vers le centre et la seconde parallèlement à la ligne les constantes et déterminées dans l’Article V deviendront

Or, puisque est la valeur de au premier instant, si l’on suppose que soit alors la valeur de . on aura et les expressions précédentes deviendront, en ordonnant les termes par rapport à

où l’on aura

De plus, si l’on fait

on aura

Maintenant, puisque et on aura

soient donc et en sorte que

on aura, après toutes les substitutions,

Or,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Donc, puisque les coefficients des termes affectés de de et de sont nuls, et que ceux des termes affectés de ne le sont pas, il s’ensuit, à cause de que ces deux derniers termes sont les seuls qui doivent être conservés ; de sorte qu’on aura

De même, en changeant en et en et, par conséquent, en en et en en en on aura

Donc, si l’on fait, pour abréger,

on aura

et l’équation (H) de l’Article III deviendra

Ensuite, on aura

ou bien

Enfin, pour avoir la transformée de l’équation (L), on remarquera que est égal à ce que devient la quantité lorsque de sorte qu’à cause de il n’y aura qu’à faire dans la quantité pour avoir la valeur de laquelle sera par conséquent égale à mettant donc au lieu de et faisant les autres substitutions, on aura

XV.

Ce Mémoire a été composé en 1767, avant la publication du tome XI des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg. J’ai trouvé depuis dans ce tome de nouvelles recherches de M. Euler sur le Problème que nous venons de traiter, dans lesquelles ce savant résout aussi le cas où l’orbite du corps serait à double courbure, ce qu’il n’avait point fait dans ses premières recherches sur cette matière. Au reste, le lecteur peut comparer notre solution avec celle qu’on trouve dans le tonie cité, et juger laquelle des deux est la plus directe et la plus simple.

Séparateur

SECOND MÉMOIRE,

OÙ L’ON APPLIQUE LA MÉTHODE PRÉCÉDENTE À DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES D’ATTRACTION.


Nous avons supposé dans le Mémoire précédent que le corps était attiré par des forces réciproquement proportionnelles aux carrés des distances, et nous avons trouvé que dans cette hypothèse les équations du mouvement du corps étaient intégrables. Nous allons maintenant examiner en général s’il n’y aurait point d’autres hypothèses d’attraction où l’intégration réussirait aussi ; c’est une recherche qui peut, je crois, n’être pas sans utilité, soit dans le Calcul intégral, soit dans la Mécanique.

I.

Soient les coordonnées rectangles de l’orbite du corps, sa distance à l’un des centres et la force d’attraction de ce centre, la distance du corps à l’autre centre et la force d’attraction de ce second centre ; enfin, soient les coordonnées qui déterminent la position du centre des forces et les coordonnées qui répondent au centre des forces on aura, en prenant l’élément du temps pour constant, les trois équations suivantes

dans lesquelles

II.

Supposons que soit une fonction dep, et une fonction de et les équations précédentes donneront d’abord cette intégrale

(A)

Ensuite, nommant la distance entre les deux centres, en sorte que

on trouvera, par un raisonnement semblable à celui de l’Article II du Mémoire précédent, ces deux équations en et

Ou bien, si l’on fait, pour plus de simplicité,

[1],
on aura ces deux-ci :
(B)

dans lesquelles est une fonction de et une fonction de

Ainsi, la solution du Problème dépend maintenant de l’intégration de ces deux équations.

III.

Pour rendre nos recherches plus générales, proposons-nous les équations


et étant des fonctions de et voyons quelles sont les conditions de l’intégrabilité de ces équations.

Nous supposerons que ces deux équations étant multipliées l’une et l’autre par des quantités convenables, et ensuite ajoutées ensemble, forment une équation intégrable. Cette supposition est peut-être la seule qui convienne à la nature des équations proposées, et elle est d’ailleurs la plus naturelle, et en même temps la plus générale qu’on puisse faire. Or, comme les deux membres et sont des quantités finies, il est visible que les multiplicateurs ne sauraient être que des quantités différentielles du premier ordre. Prenons donc et pour les multiplicateurs dont il s’agit, et étant des fonctions de et et nous aurons l’équation

laquelle ne saurait être intégrable à moins que les deux parties (savoir

celle qui contient des différences secondes et celle qui ne contient que des différences premières) ne soient intégrables chacune en particulier.

Or il n’est pas dt\Piicile de voir que l’intégrale de la première ne peut être que de cette forme :

étant des fonctions de et donc, comparant la différentielle de la quantité qui est

avec la quantité

on aura

Les équations et donnent d’abord

ensuite les équations et donnent

d’où il est aisé de conclure que les quantités et ne peuvent être que de la forme suivante,

et étant des constantes.

Maintenant l’équation donnera

d’où, en intégrant,

mais l’autre équation donnera de même

de sorte qu’on aura

étant une constante arbitraire.

Ayant déterminé ainsi les quantités et on aura pour les multiplicateurs des équations proposées les deux quantités

et il ne restera plus qu’à rendre intégrable la formule

car alors, en nommant l’intégrale de cette formule, on aura l’équation du premier ordre

Or, pour qu’une quantité telle que

soit une différentielle exacte, il faut, comme on sait, que l’on ait

c’est l’équation de condition qui doit avoir lieu pour que les équations proposées admettent une intégrale du premier ordre.

Puisque

on aura

et par conséquent,

où l’on pourra prendre pour une fonction quelconque de et

Si l’on fait encore

( étant une fonction quelconque de et ), on aura

Or, à cause de

on trouvera

donc, on aura

Ainsi, toutes les fois que les quantités et pourront se ramener à cette forme, les équations

auront pour intégrale

À l’égard de la quantité on trouvera, en substituant les valeurs de et effaçant ce qui se détruit,

IV.

Pour appliquer la méthode de l’Article précédent aux équations (B), il est visible qu’il ne faut que faire

ce qui donnera

quantité qui devra donc être intégrable par elle-même.

Supposons que la quantité soit elle-même une différentielle exacte dont l’intégrale soit et faisant

on aura

de sorte qu’il ne s’agira plus que de rendre la quantité une différentielle complète.

Or, pour que la quantité soit une différentielle exacte, il faudra que l’on ait et dans les valeurs de moyennant quoi on aura

d’où

étant une constante arbitraire.

De cette manière, la quantité deviendra

laquelle étant supposée une différentielle complète, en sorte que V soit une quantité algébrique, on aura l’intégrale

(C)
V.

Je remorque d’abord qu’en faisant

la quantité devient

de sorte qu’on aura

Or, on a dans ce cas

donc, substituant ces valeurs dans l’équation (C), on aura, en ôtant ce qui se détruit et divisant par

(D)

étant une constante quelconque.

VI.

Cette intégrale a lieu en général quelles que soient les valeurs de et de ainsi, en donnant à ces quantités des valeurs particulières, on doit pouvoir encore trouver d’autres intégrales.

En effet, comme il ne s’agit que de rendre la quantité une différentielle exacte, on n’aura qu’a satisfaire à l’équation suivante :

(E)

en prenant pour une fonction de et pour une fonction de

Or, si l’on fait disparaître dans cette équation les termes qui renferment et en supposant et on aura, après avoir divisé par

c’est-à-dire

équation qui ne saurait subsister à moins que chaque membre ne soit égal à une quantité constante.


Soit donc, en prenant une constante quelconque

multipliant la première de ces équations par la seconde par et les intégrant, on aura

d’où l’on tire

étant des constantes quelconques.

Dans ce cas on aura donc, à cause de et

dont l’intégrale est

Ainsi, mettant cette quantité au lieu de dans l’équation (C), on aura une nouvelle intégrale ; de sorte que les deux équations différentielles du second ordre (B) se trouveront maintenant réduites à deux autres du premier seulement.

Puisque (Art. II.)

on aura dans le cas présent

VII.

Pour trouver encore d’autres cas d’intégrabilité, supposons


substituant ces valeurs dans l’équation de condition (E) et faisant pour plus de simplicité & on aura

ce qui donne

d’où l’on tire

ou bien

par où l’on pourra déterminer et

Ainsi l’intégration aura lieu encore dans les deux cas suivants :

1o Lorsque et ce qui donne

et étant des coefficients quelconques ;

2o Lorsque et c’est-à-dire,

et étant aussi des coefficients quelconques[2].

VIII.

Considérons plus particulièrement le cas de l’Article VI. dans lequel

et nous remarquerons d’abord que les deux parties et des forces et tendant vers les deux centres donnés peuvent se réduire à une force unique dirigée vers le point du milieu de la ligne qui joint les deux centres, et égale à étant la distance du corps à ce même point. De cette manière, le corps sera attiré vers trois centres fixes rangés en ligne droite et à égale distance l’un de l’autre, et la force d’attraction du centre du milieu sera proportionnelle à la distance, et celle des deux extrêmes sera réciproquement proportionnelle au carré de la distance.

Or, si l’on prend les deux centres extrêmes pour les foyers d’une section conique, en sorte que le troisième centre tombe dans le centre même de la section, il est clair que cette courbe pourra être décrite en vertu de chacune des trois forces et en particulier ; mais nous allons voir qu’elle peut l’être aussi par l’action combinée de deux quelconques de ces forces, et même par les trois forces agissantes à la fois, ce qui me paraît bien digne de l’attention des Géomètres.

IX.

Puisque

on aura

étant une constante arbitraire.

Ainsi l’équation (D) deviendra

(F)

Pour avoir maintenant l’autre équation intégrale, il ne s’agira que de faire dans l’équation (C) les substitutions indiquées dans l’Article VI ; et comme les quantités et sont encore indéterminées, on pourra faire, pour une plus grande simplicité, c’est-à-dire, moyennant quoi on aura

et l’équation (C) deviendra

ou bien, en prenant une constante quelconque et réduisant,

(G)

Et si l’on multiplie cette équation par et qu’ensuite on la retranche de l’équation (F), on aura celle-ci

(H)

étant égal à [3].

Ainsi, tout se réduit maintenant à intégrer ces deux équations, ou au moins à en séparer les indéterminées.

X.

Pour cela, je remarque que si l’on multiplie l’équation (G) par et qu’on l’ajoute ensuite à l’équation (H) multipliée par on aura celle-ci

De sorte que si l’on fait

ce qui donne

on aura, en tirant la racine carrée, les deux équations suivantes, dans lesquelles et

d’où il est aisé de tirer

(I)


et ensuite

(K)

équations où les indéterminées sont toutes séparées.

XI.

L’équation (I) étant intégrée donnera en et par conséquent en ensuite l’équation (H) donnera en et c’est-à-dire, et ainsi l’on aura et en ce qui servira à connaître à chaque instant la position du corps par rapport à la ligne des centres ; mais la position du corps dans l’espace absolu ne sera pas déterminée pour cela ; car, comme le corps peut tourner autour de cette ligne, il faut savoir de plus l’angle qu’il parcourt dans un temps quelconque.

Nommons donc cet angle et soient et les deux coordonnées rectangles qui déterminent la position du corps par rapport à la ligne des centres ( est la distance du corps à cette ligne, et est la partie de cette même ligne interceptée entre la perpendiculaire et le centre des forces ), en sorte que l’on ait

il est facile de voir que Con aura pour le carré de l’espace absolu parcouru par le corps dans un instant quelconque

ou en employant les trois coordonnées rectangles de l’Article II, ou, en vertu de l’équation (A),

de sorte qu’on aura

mais

en vertu de l’équation (D) ; donc, substituant ces valeurs, on aura

d’où

(L)

par conséquent

ce qui montre que le corps décrit autour de la ligne des centres des aires proportionnelles au temps.

Maintenant, puisque (Art. II)

on aura

mais on a, par l’Article X,

donc,

(M)

Ainsi l’on connaîtra en et c’est-à-dire, en et

À l’égard des constantes et elles dépendent du mouvement initial du corps, et l’on pourra les déterminer si l’on veut au moyen des équations (G), (H) et (L).

Si l’on avait alors serait égal à zéro, et par conséquent le corps se mouvrait dans un plan fixe passant par les centres des forces.

Au reste, si l’on fait on verra que les formules précédentes s’accordent avec celles qui ont été trouvées dans le Mémoire précédent.

XII.

Supposons étant une constante et une variable ; la quantité

se changera en celle-ci

dans laquelle

Donc le premier membre de l’équation (I) se changera en

expression qui, en faisant et devient celle-ci

Supposons infiniment petit, et l’on aura dont l’intégrale est étant une constante quelconque ; donc, si l’on fait et la valeur de l’intégrale du premier membre de l’équation (I) demeurera indéterminée, de sorte que l’équation aura lieu indépendamment de la quantité d’où il s’ensuit que l’équation satisfait au Problème, pourvu que les deux équations et aient lieu à la fois, et que la quantité n’évanouisse pas en même temps.

L’équation donne ce qui montre que la courbe décrite par le corps sera une ellipse ayant ses deux foyers dans les deux centres des forces et et tournant autour de son grand axe, à moins que l’on n’ait auquel cas le corps se meut dans un plan fixe.

En faisant de même

et supposant que les quantités et soient nulles à la fois, sans que le soit, on trouvera que l’équation c’est-à-dire satisfait au Problème, de sorte que la courbe pourra être aussi une hyperbole ayant ses foyers dans les mêmes centres des forces.

Ainsi, en réunissant les deux cas, on en conclura que le corps peut toujours décrire une section conique, pourvu qu’il reçoive une impulsion convenable.

XIII.

Si l’on fait de plus étant une constante et une variable, et qu’on substitue cette valeur dans la quantité

elle se changera en celle-ci

et la transformée

du premier membre de l’équation (I) deviendra

soient maintenant et et la différentielle se changera en

qui ne dépend plus que de la quadrature du cercle ou de l’hyperbole.

On trouvera de la même manière les conditions qui réduiront l’autre membre de l’équation (I) à la quadrature des sections coniques.

Ainsi l’on pourra toujours dans ces cas construire l’orbite que le mobile décrira en vertu des trois forces ⅛ et

XIV.

Mais outre les cas dont nous venons de parler, il est évident que l’équation (I) doit aussi être intégrable quand deux quelconques de ces trois forces s’évanouissent, parce qu’alors on a le cas d’un corps attiré vers un seul centre fixe par une force proportionnelle à la distance, ou réciproquement proportionnelle au carré de la distance.

Les cas où la force est nulle ayant déjà été examinés fort au long dans le Mémoire précédent, je me bornerai ici à examiner ceux où les deux autres forces et disparaissent à la fois, en sorte que le mobile ne soit assujetti qu’à la seule force proportionnelle à la distance.

Soient donc et on aura aussi et (Art. X), et les équations (I) et (K) deviendront

(N)
(O)

Or, si l’on reprend les équations primitives (B) et qu’on y substitue au lieu de et de (Art. IX), on aura

ou bien, en prenant la somme et la différence, et faisant

x-y=\xi,
(P)

d’où il est aisé de tirer

(Q)

étant des constantes arbitraires ; et ces deux équations seront nécessairement les intégrales des équations (N) et (O) ; il faudra seulement faire en sorte que les deux constantes et s’accordent avec les constantes ce qui est facile, car on n’aura qu’à effacer dans les équations (G) et (H) les termes affectés des quantités et et y substituer ensuite, au lieu de et leurs valeurs tirées des équations (Q), en y faisant, pour plus de simplicité, on aura par ce moyen deux équations par lesquelles on pourra déterminer deux quelconques des constantes et les deux autres demeureront arbitraires.

On pourrait encore, si l’on voulait, trouver l’intégrale de l’équation (N) d’une maniéré plus simple, que voici. La seconde des équations (P), étant multipliée par et intégrée, donne

étant une constante arbitraire ; d’où l’on tire

or

donc

mais on a, par les équations (N) et (O),

donc, substituant ces valeurs, on aura

XV.

Nous avons supposé dans l’Article IV que la quantité

était une différentielle complète ; et nous avons réduit par ce moyen la différentielle à la différentielle dont nous avons ensuite cherché les conditions d’intégrabilité. Considérons maintenant la quantité elle-même, et voyons quelles sont les valeurs les plus générales de et de qui peuvent la rendre une différentielle exacte.

Pour cela, on aura, suivant le théorème général, l’équation

Mais (Art. III)

donc l’équation précédente deviendra

Substituons pour et leurs valeurs

et nous aurons

ou bien, en ordonnant les termes et effaçant ce qui se détruit,

Or, à cause que doit être une fonction de x seul, et une fonction de y seul, il est facile de voir que cette équation ne saurait avoir lieu à moins que l’on n’ait

1o
2o
3o
4o

et étant des constantes quelconques.

Ainsi il faudra que les quantités et soient telles, qu’elles satisfassent à ces quatre équations à la fois ; autrement les équations (B) ne seront point intégrables, au moins par notre méthode.

Si l’on fait

et qu’on suppose

les quatre équations de condition se réduiront à ces deux-ci

par lesquelles on pourra déterminer et

Si l’on fait dans ces dernières équations et on aura le cas de l’Article V, qui est indépendant des valeurs de et de et si l’on fait seulement on aura celui de l’Article VI d’où l’on voit que ce dernier cas n’est qu’un cas particulier des valeurs de et de que fournira l’intégration des équations précédentes. Mais nous ne pousserons pas plus loin nos recherches sur ce sujet.

XVI.

Au reste, quelles que soient les valeurs de et de l’équation (D) donnera toujours (en faisant ) cette intégrale particulière

les radicaux pouvant être pris en ou en

Pour le faire voir, je suppose

ce qui donne

et l’équation dont il s’agit deviendra, après les substitutions,

Or

donc, si l’on fait

on aura

équation à laquelle satisfait évidemment dans le cas de

ainsi l’on aura cette intégrale particulière,

c’est-à-dire

or je dis que cette équation est la même que celle-ci

c’est de quoi l’on peut se convaincre aisément en faisant disparaître les radicaux par la méthode ordinaire ; ou bien il suffira de remarquer que

comme on peut s’en assurer aisément par la multiplication actuelle.

Maintenant, puisque et il est clair que l’intégrale dont il s’agit donnera

ce qui est le cas où le corps se meut dans la même ligne droite qui passe par les centres des forces ; ainsi cette intégrale ne nous apprend rien de nouveau touchant le mouvement du corps.

XVII.

Nous terminerons ce Mémoire par une remarque qu’il est bon de ne pas omettre. Le Problème du mouvement d’un corps attiré vers deux centres fixes ne peut s’appliquer à la Lune, en tant qu’elle est attirée à la fois vers la Terre et vers le Soleil, qu’en supposant que cet astre soit en repos par rapport à la Terre ; mais comme la force, qui altère le mouvement de la Lime autour de la Terre, ne vient que de la différence qu’il y a entre l’attraction du Soleil sur la Lune et son attraction sur la Terre, il ne suffira pas de regarder le corps comme attiré vers les deux centres fixes par des forces réciproquement proportionnelles aux carrés des distances ; il faudra de plus y ajouter une troisième force dirigée parallèlement à la ligne qui joint les deux centres, et dont la quantité pourra être supposée constante ; cette force représentera celle que le Soleil exerce sur la Terre, et qui doit être transportée à la Lune en sens contraire ; or, si l’on nomme cette force étant la distance des deux centres, et qu’on la décompose en deux autres dirigées vers ces mêmes centres, il est facile de voir qu’elles seront exprimées par et de sorte que les forces totales et seront

ce qui donnera

Telle est donc l’hypothèse qu’il faudrait adopter pour que la solution du Problème dont il s’agit donnât le mouvement de la Lune autour de la Terre regardée comme en repos, et abstraction faite du mouvement du Soleil ; mais en substituant les valeurs précédentes de et de dans les équations de condition de l’Article XV on verra d’abord qu’il est impossible de satisfaire à ces quatre équations à la fois, à moins que de supposer les coefficients tels, que chacun de leurs termes s’évanouisse en particulier, ce qui est le cas de l’Article V ; d’où il s’ensuit qu’on n’aura dans ce cas qu’une seule intégrale, et qu’ainsi le Problème ne pourra pas même se réduire aux premières différences.


Séparateur

  1. Il ne faut pas confondre les quantités, et que nous employons ici avec celles que nous avons déjà employées dans l’Article précédent.
  2. Cette conclusion n’est pas exacte ; les coefficients qui figurent dans les expressions des forces et ne sont pas tous arbitraires. Effectivement, dans le premier cas, où on a, non-seulement mais encore Dans le second cas, où l’on a les trois dernières des équations de condition écrites par Lagrange sont homogènes relativement à et l’élimination de ces quantités donne la relation (Note de l’Éditeur,)
  3. Le texte primitif porte au lieu de l’omission du terme altère toutes les formules de l’Article XI. Nous avons cru devoir faire la rectification nécessaire pour l’exactitude de ces formules. (Note de l’Éditeur.)