Mémoires extraits des recueils de l’Académie des sciences de Paris et de l’Institut de France/Mémoire sur la Théorie des variations des éléments des planètes
MÉMOIRE SUR LA THÉORIE DES VARIATIONS DES ÉLÉMENTS DES PLANÈTES ET EN PARTICULIER DES VARIATIONS DES GRANDS AXES DE LEURS ORBITES[1].
(Mémoires de la première classe de l’Institut de France, année 1808.)
On entend, en Astronomie, par éléments d’une planète les quantités qui déterminent son orbite autour du Soleil, supposée elliptique, ainsi que le lieu de la planète dans un instant marqué, qu’on appelle l’époque. Ces quantités sont au nombre de cinq, dont deux, le grand axe ou la distance moyenne qui en est la moitié, et l’excentricité, déterminent la grandeur de l’ellipse dont le Soleil occupe l’un des foyers ; les trois autres, la longitude de l’aphélie, celle des nœuds, et l’inclinaison, déterminent la position du grand axe sur le plan de l’ellipse et la position de ce plan sur un plan qu’on regarde comme fixe par rapport aux étoiles.
Ces cinq quantités, jointes à l’époque, étant connues pour une planète, on peut trouver en tout temps son lieu dans le ciel par le moyen de ces deux lois, découvertes par Képler, que les aires décrites dans l’ellipse par le rayon vecteur croissent proportionnellement au temps, et que la durée de la révolution est proportionnelle à la racine carrée du cube du grand axe. Les Tables d’une planète, abstraction faite de ses perturbations, ne sont autre chose que des suites de valeurs particulières répondant à des intervalles de temps égaux, des fonctions du temps et des six éléments, par lesquelles la position de la planète est déterminée dans l’espace par rapport au Soleil. Ce n’est que par l’observation qu’on peut trouver les valeurs des éléments d’une planète, mais il faut beaucroup d’art pour les déduire des lieux observés ; ce travail occupe les Astronomes depuis Képler ; car, comme la précision des éléments dépend de celle des observations, de nouvelles observations plus exactes amènent toujours des corrections aux éléments qu’on avait déterminés.
Lorsque, dans le siècle dernier, on entreprit d’appliquer le Calcul différentiel à la solution des Problèmes que. Newton avait résolus par des constructions linéaires, on reconnut que le mouvement d’une planète attirée par le Soleil en raison inverse du carré de la distance dépend de trois équations différentielles du second ordre, qui demandent par conséquent six intégrations ; ces intégrations introduisent chacune dans le calcul une constante arbitraire ; de sorte que la solution du Problème renferme en dernière analyse six constantes arbitraires ce sont les éléments mêmes de la planète, ou des fonctions de ces éléments.
Mais les planètes ne sont pas seulement attirées par le Soleil, elles s’attirent encore mutuellement, et l’effet de cette action mutuelle est de déranger leur mouvement elliptique et d’y produire des inégalités qu’on nomme perturbations, dont le calcul est long et délicat, et fait depuis Newton l’objet des travaux des Géomètres qui s’occupent de la Théorie du Système du monde. En effet, les forces qui résultent de cette dernière attraction ajoutent aux équations différentielles de leurs mouvements des termes qui en rendent l’intégration impossible dans l’état actuel de l’Analyse, et qui forcent de recourir aux approximations. Heureusement ces termes sont très-petits vis-à-vis de ceux qui viennent de l’action directe du Soleil, parce qu’ils sont multipliés par les masses mêmes des planètes, ou plutôt par leur rapport à celle du Soleil ; et, si l’on intègre les équations différentielles comme s’ils n’existaient pas, il arrive que les constantes arbitraires que l’intégration ajoute à chaque intégrale se trouvent augmentées d’une petite partie variable due à ces mêmes termes, dont on ne peut, à la vérité, trouver la valeur finie et rigoureuse, parce qu’elle dépend d’une intégration qui est impossible, en général, mais dont on peut avoir, par des approximations successives, la valeur aussi approchée qu’on voudra. Ainsi les éléments du mouvement elliptique, qui par l’action seule du Soleil sont constants, deviennent sujets à de petites variations ; et quoique, à la rigueur, le mouvement ne soit plus elliptique, on peut néanmoins le regarder comme tel à chaque instant ; l’ellipse variable devient alors osculatrice de la véritable orbite de la planète, comme on peut le conclure de la Théorie générale de l’osculation que j’ai exposée ailleurs[2], et qui est fondée sur la variation des constantes. C’est de cette manière que j’ai considéré et calculé les variations des éléments des planètes dans la Théorie de ces variations, que j’ai donnée dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, années 1781, 1782 et suivantes[3].
Mais les variations dont il s’agit sont de deux sortes les unes ne sont composées que de termes périodiques dont la valeur dépend de la configuration des planètes, soit entre elles, soit à l’égard de leurs nœuds et de leurs aphélies, et redevient la même lorsque ces configurations reprennent la même forme ; les autres sont indépendantes des configurations des planètes et peuvent croître avec le temps, ou avoir aussi des périodes, mais extrêmement longues.
On nomme les premières inégalités périodiques, et leur calcul n’a guère d’autre difficulté que la longueur jointe à l’attention qu’il faut avoir aux termes qui, quoique très-petits dans l’équation différentielle, peuvent augmenter beaucoup par l’intégration. On peut détacher ces inégalités des éléments ; alors elles se simplifient en se fondant ensemble, et il en résulte des inégalités qui affectent immédiatement les lieux de la planète calculés dans l’ellipse c’est pourquoi il est presque plus simple de déduire directement ces inégalités des équations différentielles par les méthodes ordinaires d’approximation.
Les inégalités de la seconde espèce sont nommées séculaires, et demeurent attachées aux éléments qu’elles font varier à la longue et d’une manière insensible ; on les appelle séculaires parce que ce n’est qu’au bout de quelques siècles que leur effet peut se manifester.
L’observation a encore devancé sur ce point le calcul ; car les Astronomes avaient reconnu l’existence de ces variations relativement aux excentricités, aux aphélies et aux nœuds, longtemps avant qu’on connût la Théorie de l’attraction universelle.
Parmi les différentes inégalités séculaires, la plus importante est celle des grands axes des orbites, parce qu’elle affecte aussi la durée des révolutions, ou le moyen mouvement ; car il arrive par l’effet de l’intégration que, si le grand axe est sujet à une inégalité croissante comme le temps, le moyen mouvement en a une qui croit comme le carré du temps.
Or la première approximation donne dans les autres éléments des termes proportionnels au temps ; le grand axe seul en est exempt : c’est ce que M. de Laplace a reconnu le premier, par une analyse très-délicate, dans un Mémoire lu à l’Académie des Sciences en 1773 ; mais, comme dans ce résultat on n’avait tenu compte que des premières et des secondes dimensions des excentricités et des inclinaisons supposées très-petites, il était important de voir ce que pourraient donner les termes qui contiendraient les autres dimensions de ces quantités.
Dans un Mémoire lu à l’Académie de Berlin en 1776[4], je considérai d’une manière directe les variations auxquelles peut être sujet le grand axe d’une planète par les forces perturbatricesprovenant de l’action des autres planètes, et je réduisis ces variations à une formule générale et très-simple qui, ne dépendant que de la différentielle partielle d’une fonction finie relativement au mouvement moyen de la planète, fait voir tout de suite que le grand axe ne peut jamais contenir aucun terme proportionnel au temps, quelque loin qu’on continue l’approximation par rapport aux excentricités et aux inclinaisons des orbites, mais en s’arrêtant à la première approximation par rapport aux termes proportionnels aux masses des planètes.
On n’avait pas été plus loin sur ce point ; mais M. Poisson y a fait un pas de plus dans le Mémoire qu’il a lu il y a deux mois[5] à la Classe, sur les inégalités séculaires des moyens mouvements des planètes, et dont nous[6] avons fait le Rapport dans la dernière séance. Il a poussé l’approximation de la même formule jusqu’aux termes affectés des carrés et des produits des masses, en ayant égard dans cette formule à la variation des éléments que j’avais regardés comme constants dans la première approximation. En employant les méthodes et les formules connues pour la variation des éléments elliptiques, il a su donner aux termes qui forment la seconde approximation, et qui ne proviennent que des variations des éléments de la planète troublée, une disposition et une forme telles, qu’il est facile de prouver qu’aucun de ces termes, qui peuvent d’ailleurs être en nombre infini, ne peut jamais donner dans le grand axe des termes croissant comme le temps. À l’égard de ceux qui doivent provenir des variations des éléments des planètes perturbatrices, ils échappent à son analyse pour suppléer à ce défaut, il a recours à l’équation générale des forces vives sous la forme donnée par M. de Laplace dans le premier volume de sa Mécanique céleste, et il parvient d’une manière ingénieuse à faire voir que ces sortes de termes ne peuvent non plus produire dans le grand axe des variations proportionnelles au temps.
Cette découverte de M. Poisson a réveillé mon attention sûr un objet qui m’avait autrefois beaucoup occupé, et que j’avais ensuite totalement perdu de vue. Il me parut que le résultat qu’il venait de trouver par le moyen des formules qui représentent le mouvement elliptique était un résultat analytique dépendant de la forme des équations différentielles et des conditions de la variabilité des constantes, et qu’on devait y arriver par la seule force de l’Analyse, sans connaître les expressions particulières des quantités relatives à l’orbite elliptique.
En effet, en considérant sous un nouveau point de vue la variation des constantes arbitraires qui naîtraient de l’intégration des équations différentielles lorsqu’on n’y tient compte que de l’action du Soleil et qu’on néglige celle des planètes perturbatrices, j’ai obtenu des formules qui donnent les différentielles de ces variations sous une forme plus simple que celle des formules connues jusqu’à présent, parce qu’elles ont l’avantage de ne contenir que les différences partielles d’une même fonction du temps et des constantes arbitraires, prises par rapport à chacune de ces constantes, et multipliées par de simples fonctions de ces constantes ; de sorte que la fonction dont il s’agit étant développée, comme elle peut toujours l’être, tant que l’orbite est elliptique, en une série de sinus et cosinus d’angles proportionnels au temps, le terme indépendant du temps donnera sur-le-champ les équations des variations séculaires aussi exactes qu’on voudra par rapport aux puissances et aux produits des excentricités et des inclinaisons, au lieu que jusqu’ici elles étaient bornées aux premières dimensions de ces éléments. Ces formules ont de plus l’avantage que, étant appliquées aux variations du grand axe, on en voit naître tout de suite des expressions analogues à celles auxquelles M. Poisson n’est parvenu que par des réductions heureuses des formules déduites de la considération du mouvement elliptique.
De cette manière on démontre dans toute la généralité possible, et quelle que soit l’inclinaison de l’orbite primitive sur le plan fixe, que la variation du grand axe ne peut contenir aucun terme non périodique ni dans la première ni dans la seconde approximation, du moins en tant qu’on n’a égard dans celle-ci qu’aux variations des éléments de l’orbite troublée. Ce qui empêche que la même Analyse ne s’étende également aux termes provenant des variations des éléments des planètes perturbatrices, c’est que la fonction, dont la différence partielle relative aux coordonnées de l’orbite troublée donne la variation du grand axe, n’est pas la même pour les planètes perturbatrices, parce qu’elle n’est pas symétrique par rapport aux coordonnées de toutes les planètes ; c’est aussi ce qui a lieu dans l’Analyse de M. Poisson, qui dépend de la même fonction. Mais en rapportant les planètes, non au centre du Soleil, mais au centre commun de gravité du Soleil et des planètes autour duquel leur mouvement est presque plus régulier qu’autour du Soleil, j’obtiens des équations différentielles semblables, dans lesquelles la fonction dont il s’agit est symétrique, et demeure par conséquent la même pour toutes les planètes ; alors le calcul devient uniforme et général, et n’est plus sujet à aucune exception. On a de cette manière les variations des éléments de chacune des orbites rapportées au centre commun de gravité, et l’on démontre par une même Analyse que le grand axe de chacune de ces orbites ne peut avoir dans les deux premières approximations aucune inégalité croissant comme le temps. Or il est facile de passer du mouvement autour du centre de gravité au mouvement autour du Soleil, et, en regardant celui-ci comme elliptique, on trouve facilement, par la Théorie des osculations, les expressions variables des éléments. Par ce moyen je démontre la proposition générale de la non-existence des inégalités proportionnelles au temps dans les grands axes des planètes rapportées au Soleil.
L’objet de ce Mémoire est d’exposer les nouvelles formules que j’ai trouvées pour les variations des éléments des planètes, ainsi que leur application aux variations des grands axes, et de développer surtout l’Analyse qui m’y a conduit, et qui me paraît mériter l’attention des Géomètres par son uniformité et par sa généralité, puisqu’elle est indépendante de la considération des orbites elliptiques, et qu’elle peut, s’appliquer avec le même succès à toute autre hypothèse de gravitation dans laquelle les orbites ne seraient plus des sections coniques.
Ayant montré à M. de Laplace mes formules et mon Analyse, il me montra de son côté en même temps des formules analogues qui donnent les variations des éléments elliptiques par les différences partielles d’une même fonction, relatives à ces éléments. J’ignore comment il y est parvenu mais je présume qu’il les a trouvées par une combinaison adroite des formules qu’il avait données dans la Mécanique céleste[7]. Ainsi son travail et le mien, conduisant au même but par des chemins différents, peuvent servir également à l’avancement de l’Analyse et de l’Astronomie physique.
Formules générales pour la variation des éléments des planètes.
1. Je prends la masse du Soleil pour l’unité, et je désigne par les masses des différentes planètes. Ces quantités seront des fractions très-petites, et l’on pourra distinguer en différents ordres de petitesses les termes qui contiendront ces quantités à la première, ou à la deuxième, ou à la troisième, … dimension.
Je rapporte d’abord le mouvement des planètes au centre du Soleil par les coordonnées rectangles pour la planète pour la planète pour la planète etc., et je fais, pour abréger,
J’ai pour la planète les équations suivantes, dans lesquelles est le temps et où est constant,
Car, si l’on forme les différences partielles de la fonction suivant les variables on a les expressions des forces dues à l’attraction des planètes décomposées suivant les coordonnées
On aura de pareilles équations pour la planète en changeant en et en et réciproquement ; mais alors la fonction changera, et pourra être désignée par et ainsi pour les autres plahètes. Je crois avoir employé le premier les équations des planètes sous cette forme très-simple, qui est maintenant généralement adoptée.
2. Comme l’effet de l’action des planètes perturbatrices est contenu dans la fonction en rejetant les termes qui en dépendent, on a, pour le mouvement de la planète en tant qu’elle n’est attirée que par le Soleil, les trois équations
Les intégrales de ces équations sont assez connues, et donnent une ellipse décrite suivant les lois de Képler ; mais nous n’en avons pas besoin ici, et il suffit pour notre objet de faire les remarques suivantes
1o Que les valeurs des coordonnées sont des fonctions du temps et des six constantes arbitraires introduites par les six intégrations, et que nous désignerons par Elles déterminent la grandeur et la position de l’ellipse sur le plan de projection, ainsi que le lieu de la planète dans un instant donné, et on les nomme en Astronomie éléments de la planète ;
3o Que, si l’on dénote par le grand axe de l’orbite elliptique de la planète en sorte que soit la distance moyenne, son mouvement moyen, qui est proportionnel au temps, sera exprimé par en faisant
et que les coordonnées pourront être exprimées en séries de sinus et cosinus d’angles multiples de dont les coefficients seront des fonctions données des éléments
3. Considérons maintenant les perturbations dues à l’action des autres planètes, qui introduit dans les équations les termes dépendant de la fonction
\Omega.
Pour avoir égard à ces termes, la méthode la plus simple est celle de la variation des constantes arbitraires que j’ai employée depuis longtemps ; suivant les principes de cette méthode, que j’ai exposée d’une manière générale dans les Mémoires de l’Académie de Berlin de 1775, page 190[8], comme les équations différentielles auxquelles il s’agit de satisfaire sont du second ordre, on conservera les expressions elliptiques des coordonnées ainsi que celles des différentielles mais en y regardant les constantes comme variables, et l’on vérifiera les équations par la variation de ces constantes dans les différentielles secondes.
Désignons pour un moment par la caractéristique les différentielles provenant de la variation des constantes, tandis que la caractéristique ordinaire se rapporte à la variation de La différence première de aura pour valeur complète, en faisant tout varier, donc, supposant elle sera simplement ainsi la valeur complète de la différence seconde de sera mais la partie satisfait à l’équation en sans le terme qui en forme le second membre, quelles que soient les valeurs des constantes, puisque l’équation se vérifie identiquement ; donc l’autre partie doit vérifier le reste de l’équation. Ainsi l’on aura
de sorte que, relativement à l’équation en on aura par la variation
des constantes arbitraires les deux équations
On aura de même, relativement à l’équation en les deux équations
et, relativement à l’équation en les deux équations
Ainsi l’on aura en tout six équations différentielles du premier ordre entre les six constantes arbitraires devenues variables.
Maintenant, comme sont des fonctions supposées connues de il est facile de voir que l’on a
et, comme on aura pareillement
ainsi les deux équations et donneront ces deux-ci
et l’on aura de pareilles équations en et en en changeant seulement en et en
Ces six équations donneront les six différentielles par l’élimination ordinaire ; mais on aurait de cette manière des formules trèscompliquées. Heureusement j’ai trouvé une combinaison de ces équations qui conduit à des résultats simples et très-remarquables, et que je vais exposer.
4. Je retranche la première équation multipliée par de la seconde multipliée par j’ai
en faisant, pour abréger,
Mais, pour mieux conserver la signification de ces formules, nous emploierons à la place des lettres les symboles ainsi l’expression
sera représentée par parce qu’elle ne diffère de celle de que par l’échange des lettres et, comme elle est égale à il s’ensuit que l’on aura
Donc, en général, l’échange des lettres qui suivent la lettre ne fera que rendre la quantité négative ; et l’on voit aussi que
De cette manière j’aurai
Les mêmes équations étant multipliées, la seconde par et la première par et ensuite retranchées l’une de l’autre, donneront
équation qu’on peut déduire immédiatement de la précédente par l’échange des lettres et entre elles, et en se souvenant que
Par te même procédé, mais prenant et pour multiplicateurs, on aura
ce qui se déduit aussi dè la première en y changeant a en et en
Continuant ainsi, on aura encore trois autres équations qu’on pourra déduire successivement de la première, en y échangeant en en en et vice versâ.
On aura de pareilles équations pour les valeurs de et pour cela il ne faudra que changer dans les précédentes en et l’on en aura encore de pareilles pour les valeurs de en changeant simplement en dans celles qu’on vient de trouver.
Maintenant, si l’on ajoute ensemble les valeurs de et qu’on se rappelle que n’est fonction, que de et que les constantes ne sont contenues que dans il est visible qu’on aura
et par conséquent
5. Pour avoir les valeurs des coefficients de dans cette équation, il faudrait substituer dans les expressions de les valeurs elliptiques de en et et exécuter les différentiations partielles relatives à ces quantités ; et il est facile de voir qu’on aura pour les coefficients dont il s’agit les mêmes fonctions des quantités soit que les six dernières soient supposées variables ou constantes. En les supposant constantes, les valeurs de satisfont aux équations
quelles que soient ces constantes, puisqu’elles sont arbitraires. Donc les mêmes équations seront encore satisfaites si l’on donne à une de ces constantes, comme l’accroissement infiniment petit et constant Or il est clair que les accroissements correspondants de seront
et ces valeurs devront par conséquent satisfaire aux équations précédentes différentiées suivant la caractéristique Pour simplifier ces différentiations, je mets les équations dont il s’agit sous cette forme plus simple et équivalente
et, différentiant suivant j’ai, à cause que les caractéristiques et sont censées indépendantes entre elles, et que par conséquent est la même chose que
et ces équations seront satisfaites également par les valeurs
et par celles-ci
ou par
et ainsi de suite, en prenant pour des constantes infiniment petites.
Substituons les deux premiers systèmes de valeurs de dans la première équation ; elle donnera, en divisant par et
Soustrayons la première multipliée par de la seconde multipliée par on aura
Les mêmes systèmes de valeurs de étant substitués dans la seconde équation, il en résultera deux autres, dont la première, multipliée par et retranchée de la seconde multipliée par donnera
Enfin la troisième équation, traitée de la même manière, donnera celle-ci
Qu’on ajoute maintenant ces trois équations ensemble, le second membre s’évanouit, et l’on a simplement
Comme il n’y a proprement que le de variable dans cette équation, elle est évidemment intégrable, et son intégrale est
étant une constante qui pourra être fonction des constantes
Or il est visible que le premier membre de cette équation n’est autre chose que ce que nous avons représenté par
ainsi la valeur de cette expression qui forme le coefficient de dans la valeur de donnée ci-dessus (4), sera indépendante de et ne sera que fonction des six éléments et, pour avoir cette fonction, il n’y aura qu’à rejeter tous les termes dépendants de dans l’expression dont il s’agit, après la substitution des valeurs de déduites des valeurs elliptiques de
On trouvera par une analyse semblable, en faisant varier successivement les autres constantes des différences infiniment petites et constantes et employant des réductions analogues, que la valeur de l’expression
sera indépendante de ainsi que celle des autres expressions analogues qui forment les coefficients de dans la valeur de
6. Dénotons par les symboles les valeurs des expressions
lorsqu’on y fait disparaître tous les termes qui contiennent après les substitutions des différences partielles des valeurs de on aura cette formule très-remarquable
En procédant de la même manière, après avoir ajouté ensemble les trois quantités
dont la somme est égale à et fait des opérations analogues, on aura la formule
dans laquelle les symboles dénotent les valeurs des expressions
lorsqu’on en fait disparaître le temps après les substitutions.
Et l’on voit que cette formule peut se déduire de la précédente en y changeant entre elles les quantités et et observant que
comme cela se voit par les valeurs des symboles et et cela a lieu, en général, pour tous ces symboles.
On aura donc ainsi les quatre formules correspondantes
7. Il est bien remarquable que les différences partielles de la fonction relatives aux constantes arbitraires, puissent s’exprimer ainsi par des fonctions différentielles de ces mêmes constantes sans que le temps y entre. Il s’ensuit qu’on pourra également exprimer les différentielles par les différences partielles de la fonction relatives aux éléments multipliées par de simples fonctions de ces quantités sans car il n’y aura qu’à déduire les valeurs de ces différentielles des six équations précédentes par les méthodes ordinaires de l’élimination, et il est visible qu’elles seront toutes de la forme
dans laquelle les coefficients ne seront donnés que par les coefficients et ne seront par conséquent que de simples fonctions des éléments sans ce qui fournit un Théorème très-important et très-utile dans la Théorie des perturbations des planètes.
Il est bon de remarquer encore que la même analyse servirait également si l’attraction, au lieu d’agir en raison inverse du carré des distances, suivait la loi d’une autre fonction quelconque de la distance. Car soit, en général, la distance, et supposons que l’attraction, au lieu d’être proportionnelle à soit proportionnelle à il n’y aura qu’à mettre dans les équations différentielles les termes sous la forme
et remplacer ensuite par De même, dans la fonction il faudra mettre
à la place de et à la place de en supposant, pour abréger,
et ainsi pour les quantités affectées de deux traits, ….
Enfin, si l’on voulait aussi avoir égard à la figure des planètes perturbatrices, il n’y aurait qu’à substituer pour la planète à la place de les quantités en supposant que les rayons soient dirigés à chaque élément de la planète et que l’intégrale dénotée par la caractéristique soit prise pour toute la masse en ne faisant varier que les coordonnées qui déterminent la position de relativement au centre de la planète, et regardant comme constantes les coordonnées de ce centre ; et ainsi pour les autres planètes. Cela suit du Théorème que j’ai donné en 1774, dans l’Article XII de la Pièce Sur l’équation séculaire de la Lune. [Voyez le tome VII des Savants étrangers[9]].
8. Nous venons de montrer comment on peut obtenir les valeurs des différentielles de tous les éléments par les différences partielles de la fonction relatives à ces éléments. Mais, pour le grand axe, j’ai trouvé, il y a longtemps, que sa différentielle peut s’exprimer par la différence partielle de relative au temps en tant qu’il entre dans les valeurs elliptiques de On parvient à ce résultat par la considération suivante.
Soit une des intégrales des trois équations en dans les cas où les termes dépendant de sont nuls ; la quantité sera fonction de et de ou de quelques-unes de ces quantités seulement. En regardant comme constantes, l’équation devient identique par la substitution des valeurs de en et en mais en les regardant comme variables et dénotant par la caractéristique les différentielles relatives à ces variables, tandis que la caractéristique ordinaire se rapporte à la variable la différentiation complète de donnera l’équation et comme est identiquement nul par l’hypothèse, on aura simplement Or il est facile de voir que l’on a
Mais on a vu au commencement (3) que les conditions de la variation des éléments sont
donc on aura l’équation
Il s’ensuit de là que, si la fonction ne contient qu’une seule des constantes arbitraires on aura sur-le-champ par cette équation la valeur de a différentielle dégagée de toutes les autres.
Ainsi, en prenant l’intégrale connue
laquelle résulte immédiatement des trois équations fondamentales
multipliées respectivement par et ensuite ajoutées ensemble, et dans laquelle on démontre facilement que la constante arbitraire représente le grand axe de l’ellipse, la formule précédente donne tout de suite
et, comme ici les différentielles se rapportent uniquement à il est clair que cette équation peut être représentée plus simplement par
de sorte qu’on aura
J’écris dans la différentiation partielle de pour qu’on ne fasse varier le qu’autant qu’il sera contenu dans où il est multiplié par .
Telles sont les formules les plus simples pour la variation des éléments des planètes. Nous allons les employer d’abord pour la variation du grand axe.
Variation du grand axe.
Première approximation.
9. La variation du grand axe est la plus importante, parce que celle du moyen mouvement en dépend à cause de et le point principal est de déterminer si la différentielle peut contenir un terme constant, tel que car ce terme donnerait dans l’expression de d’où résulterait, un terme proportionnel à dans celle du mouvement moyen, lequel donnerait une équation séculaire croissant comme le carré du temps.
Comme les variations des éléments dépendent toutes des différentielles partielles de la quantité qui est une fonction algébrique des coordonnées des planètes il faut commencer par substituer, ou du moins supposer qu’on ait substitué dans cette fonction les valeurs elliptiques connues de ces coordonnées, lesquelles sont fonctions de et des éléments pour la planète et fonctions semblables de et des éléments pour la planète en faisant et ainsi pour les autres planètes.
De cette manière la quantité deviendra fonction de et de et, comme les valeurs des coordonnées peuvent être réduites en séries de sinus et cosinus d’angles multiples de ou ou il est facile de voir que la fonction pourra être réduite en une série de sinus ou cosinus d’angles tels que en dénotant par des nombres entiers ; ces sinus ou cosinus ayant pour coefficients des fonctions des éléments
La première approximation consiste à regarder dans la fonction tous ces éléments comme constants ; alors un terme quelconque de cette fonction sera de la forme
le coefficient étant une quantité constante.
Comme dans la différence partielle il ne faut différentier que par rapport au terme où est affecté de on voit que le terme dont il s’agit donnera dans la valeur de le terme
et par conséquent dans la valeur de le terme
d’où l’on voit qu’il ne peut jamais en résulter des termes proportionnels à à moins que l’on ait
ce qui est à peu près impossible, vu l’incommensurabilité des coefficients dans notre Système planétaire.
C’est ainsi que j’avais démontré, dans mon Mémoire de 1776, ce Théorème important, que les grands axes des planètes ne peuvent être sujets qu’à des variations périodiques, et non à des variations croissant comme le temps[10]. Mais ce Théorème ne pouvait encore être regardé comme exact qu’en se bornant à la première approximation, dans laquelle on fait abstraction des perturbations qui font varier tous les éléments
Seconde approximation.
10. Dans cette seconde approximation, nous aurons égard à la variation des éléments qui entrent dans la fonction et, comme ces variations sont fort petites parce qu’elles dépendent elles-mêmes des différences partielles des fonctions dont tous les termes sont multipliés par les masses qui sont des fractions très-petites, on simplifiera le calcul en décomposant chaque élément en une partie constante et une partie variable très-petite, qu’on pourra dénoter par la caractéristique et traiter comme on traite toutes les différences finies. De cette manière les éléments deviendront où seront dorénavant des quantités constantes, et seront les seules variables ; par conséquent les différentielles des éléments deviendront simplement
En faisant ces substitutions, et développant ensuite par la méthode connue suivant les puissances et les produits des différences la fonction deviendra et l’on aura
et la formule de la variation du grand axe deviendra
Dans ces formules la fonction et ses différences partielles ne contiendront plus que de variable, et les différences partielles relatives à ne devront être prises qu’en faisant varier dans
\Omega
le qui est affecté du coefficients .
Le premier terme est celui que nous avons considéré dans la première approximation. Dans celle-ci nous allons considérer le terme suivant dans lequel ne contient que les premières dimensions des différences
11. Je vais commencer par la partie qui ne renferme que les différences des éléments de la planète Cette partie est composée des termes suivants
Comme les différentielles sont remplacées par celles de il résulte de ce que nous avons démontré plus haut (7) que chacune de ces différentielles sera de la forme
dans laquelle sont de simples fonctions des éléments sans . Il faudrait donc substituer dans ces fonctions, ainsi que dans au lieu de mais cette substitution appartiendrait à l’approximation suivante ; ainsi on pourra ici regarder les quantités comme simplement constantes, et la fonction comme simple fonction de Par ce moyen il n’y aura de variable que la fonction et les valeurs des différences seront de la forme
qu’il faudra substituer dans la formule précédente.
Mais j’observe que, si au lieu de substituer ces valeurs on conserve au contraire les quantités et qu’on y substitue les valeurs des différences partielles de que nous avons trouvées plus haut (6), en y remplaçant les différentielles par la quantité
prend immédiatement cette forme élégante et symétrique
laquelle contient, comme l’on voit, toutes les combinaisons deux à deux des six éléments .
Ici la fonction est censée entrer dans les valeurs des différentielles de et par conséquent ce n’est que dans ces valeurs qu’il faudra faire varier le en tant qu’il sera affecté du coefficient puur avoir la différence partielle relative à de dans l’expression de
12. Si maintenant, dans les expressions données ci-dessus des différentielles on substitue la valeur de n série de sinus et cosinus, on aura des termes de la forme
qu’on peut réduire à
dans lesquels en donnant à toutes les valeurs entières y compris zéro.
Soit donc
un terme quelconque de la valeur de aura le terme correspondant
Il y aura de pareils termes dans les valeurs de et et il est facile de voir que la formule ne pourra donner de termes sans dans la différentielle partielle de à moins qu’on ne combine ensemble les termes de et de qui ont le même argument Ainsi l’on prendra pour et les termes
Substituons ces termes dans l’expression
elle deviendra
qui est évidemment nulle.
Donc l’expression dont il s’agit et toutes les expressions semblables dont est composée la partie de qui est due aux variations des éléments de la planète ne pourront jamais donner de termes constants par conséquent la variation du grand axe, en tant qu’elle dépend de ces mêmes variations, ne contiendra point de terme constant et indépendant de .
C’est de cette manière que M. Poisson a démontré l’absence des termes constants dans la variation du grand axe, due aux variations des éléments de la planète troublée, après avoir, par une combinaison ingénieuse des formules connues pour ces variations, ramené les différents termes de la variation du grand axe à la forme
13. Il reste à considérer les autres parties de la fonction dépendant des variations des éléments des planètes mais on n’y peut plus employer les mêmes réductions, parce que, la fonction n’étant pas symétrique par rapport aux coordonnées il arrive que les fonctions qui doivent entrer dans les équations différentielles en sont toutes différentes de la fonction comme nous l’avons remarqué au commencement (1).
Pour éviter cet inconvénient et pouvoir renfermer dans un même calcul la détermination de la variation complète du grand axe, il faut rapporter les planètes ainsi que le Soleil, à leur centre commun de gravité, autour duquel leurs mouvements sont plus réguliers à quelques égards.
Variation des éléments des orbites rapportées au centre commun de gravité du Soleil et des planètes.
14. Prenons pour les coordonnées du Soleil, et conservons les mêmes lettres pour celles des planètes, l’origine de ces coordonnées étant dans le centre commun de gravité ; nous avons d’abord, par la propriété du centre de gravité, les trois équations
Ensuite, si l’on fait, pour abréger,
on aura les équations suivantes, dans lesquelles je fais, pour agréger,
Ces équations sont, comme l’on voit, toutes semblables pour les différentes planètes, et en même temps semblables à celles où les coordonnées sont rapportées au Soleil ; mais la fonction est ici la même pour toutes les planètes, parce qu’elle est symétrique par rapport aux coordonnées
J’avais donné ces équations relatives au centre de gravité sous une forme un peu différente, mais qui est la même pour le fond, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin de 1777[11], et j’en avais déduit différents Théorèmes relatifs aux centres de gravité des planètes.
Il est bon de remarquer, à l’égard de la fonction qu’elle n’est composée que de termes du second ordre relativement aux masses car les quantités qui, dans cette fonction, ne sont multipliées que par sont déjà elles-mêmes du premier ordre, à cause que les sont du premier ordre, comme on le voit par les trois équations finies du centre de gravité. Ainsi les différences partielles
qui forment les seconds membres des équations différentielles, seront toutes très-petites du premier ordre, relativement aux masses
On pourra donc traiter ces équations comme nous avons fait à l’égard de celles qui se rapportent au centre du Soleil, et en tirer des résultats semblables.
15. Comme les quantités sont du premier ordre relativement aux masses on pourra les négliger dans la valeur de de la première approximation dans laquelle, en supposant les éléments constants, on néglige leurs variations, qui sont aussi du premier ordre.
Dans la seconde approximation, comme les différentes parties de relatives aux variations des éléments des planètes sont toutes semblables et dépendantes de la même fonction, elles donneront toutes le même résultat.
À l’égard de la partie de dépendante des coordonnées du Soleil, elle contiendra les termes
et l’on aura par les trois premières équations, lesquelles donnent
Comme les différences partielles de relatives à ne regardent que les coordonnées la variation du grand axe dépendante de ces termes sera exprimée par
On pourra faire, dans les expressions des différences partielles les nuls, parce que ce sont des quantités très-petites du premier ordre ; alors ces différences partielles ne seront plus que des fonctions de et par conséquent seront réductibles à des suites de termes de la forme
en supposant, comme ci-dessus,
Considérons dans un terme de cette forme ; il en résultera dans par la double intégration, le terme
Ce terme devant être multiplié par il est visible qu’il n’en pourra résulter de terme sans à moins qu’on ne prenne dans un terme qui ait le même argument et qui soit par conséquent de la même forme puisqu’on sait que tous les termes qui ont le même argument sont réductibles à un seul de cette forme ; ce terme deviendra
dans et le produit des deux termes sera
et par conséquent périodique.
On peut conclure de là que, dans les ellipses variables que les planètes peuvent être censées décrire autour du centre commun de gravité du Soleil et des planètes, les grands axes ne peuvent être sujets à des variations non périodiques, tant qu’on n’a égard qu’aux termes proportionnels aux masses et à leurs carrés ou produits de deux dimensions ; que par conséquent leurs mouvements moyens ne sauraient contenir des inégalités croissant comme les carrés des temps.
Mais, quand on connaît le mouvement d’une planète autour du centre commun de gravité, il est facile d’avoir son mouvement rapporté au Soleil ; car les coordonnées relatives à ce mouvement ne sont que les différences de celles de la planète et de celles du Soleil. Ainsi, étant les coordonnées de la planète et celles du Soleil, on aura
pour les coordonnées de la planète rapportées au Soleil. Or les équations données ci-dessus (14) pour le centre de gravité donnent
Ainsi les coordonnées autour du Soleil sont données par celles qui se rapportent au centre de gravité.
De plus, comme tous ces mouvements sont à peu près elliptiques, soit autour du centre commun de gravité, soit autour du Soleil, on peut aussi rapporter à des ellipses variables les nouvelles coordonnées
et, par la Théorie des osculations que j’ai exposée ailleurs, on aura les valeurs des éléments variables correspondants, en substituant ces coordonnées à la place des coordonnées dans l’expression de chaque élément en et relative au cas où l’on regarde les éléments comme constants.
Ainsi, comme on a, en général (8), pour le grand axe l’expression
on aura pareillement pour le grand axe de la planètes rapportée au centre commun de gravité
où et sont censés avoir leur origine au centre commun de gravité ; et cette valeur de deviendra celle de pour la même planète rapportée au Soleil, par la substitution de au lieu de [12].
17. Comme les quantités sont du premier ordre relativement aux masses, il suffira, dans cette substitution, d’avoir égard aux secondes dimensions de ces quantités. Ainsi