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Mémoires extraits des recueils de l’Académie des sciences de Paris et de l’Institut de France/Recherches sur les équations séculaires des mouvements des nœuds et des inclinaisons des orbites des planètes

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RECHERCHES
SUR LES
ÉQUATIONS SÉCULAIRES DES MOUVEMENTS DES NŒUDS
ET
DES INCLINAISONS DES ORBITES DES PLANÈTES.


(Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris, année 1774.)


Séparateur


Ce Mémoire contient une nouvelle Théorie des mouvements des nœuds et des variations des inclinaisons des orbites des planètes, et l’application de cette Théorie à l’orbite de chacune des six planètes principales. On y trouvera des formules générales, par lesquelles on pourra déterminer dans un temps quelconque la position absolue de ces orbites, et connaître par conséquent les véritables lois des changements auxquels les plans de ces orbites sont sujets.

J’invite les Astronomes à faire usage de ces formules et à examiner si, par leur moyen, on peut rendre raison du peu d’accord que je trouve entre les observations anciennes et les modernes, les formules que d’autres Auteurs ont données pour cet objet étant insuffisantes, puisqu’elles ne représentent que les variations différentielles des lieux des nœuds et des inclinaisons ; de sorte que ces formules cessent d’être exactes au bout d’un certain nombre d’années, au lieu que les nôtres peuvent s’étendre à tant d’années qu’on voudra. Enfin on trouvera, dans ce Mémoire, des Tables des variations séculaires de l’obliquité de l’écliptique et de la longueur de l’année tropique, avec les formules nécessaires pour calculer les variations séculaires des étoiles fixes en longitude et en latitude ; ces Tables s’étendent jusqu’à vingt siècles, tant avant qu’après 1760.

Article Ier. — Formules générales du mouvement des nœuds, et de la variation de l’inclinaison de l’orbite que décrit un corps animé par des forces quelconques.

1. Soient les trois coordonnées rectangles qui déterminent dans chaque instant la position du corps par rapport à un plan fixe quelconque ; supposons que toutes les forces qui agissent sur le corps soient décomposées suivant les directions des lignes et soient réduites à ces trois on aura, en prenant l’élément du temps pour constant, les trois équations

qui serviront à déterminer le mouvement du corps.

2. De ces trois équations je tire celles-ci

lesquelles, étant multipliées par et ensuite intégrées, donnent, en faisant, pour abréger,

ces trois autres-ci

d’où je tire sur-le-champ cette équation finie

3. Si les quantités étaient constantes, ou du moins dans des rapports constants entre elles, il est visible que cette équation serait celle d’un plan fixe passant par le point qui est l’origine des coordonnées et dont la position dépendrait des mêmes quantités Et il est très-aisé de démontrer que, dans ce cas, l’intersection du plan dont il s’agit avec celui des coordonnées et c’est-à-dire, la ligne des nœuds de ces deux plans, fera, avec l’axe des abscisses un angle dont la tangente serait et que l’inclinaison mutuelle des mêmes plans serait égale à l’angle qui a pour tangente

4. Or les quantités ne peuvent être constantes qu’en faisant leurs différentielles nulles, ce qui donne

d’où l’on tire

étant une quantité quelconque ; ce qui fait voir que les trois forces se réduisent à une seule égale à

et toujours dirigée au point fixe qui est l’origine des coordonnées.

Mais, si l’on veut seulement que les rapports de ces quantités soient constants, en sorte que l’on ait

( et étant des coefficients quelconques), alors il faudra que l’on ait ces deux équations

Or, si dans l’équation

on met à la place de et leurs valeurs ci-dessus, elle devient

et si ensuite on substitue dans les deux équations précédentes au lieu de on trouve qu’elles se réduisent à cette équation unique

On aura donc, entre les forces une équation semblable à celle qui doit être entre les coordonnées et de là on conclura aisément que ces forces doivent être telles que leur résultante soit toujours dirigée dans le même plan qui est représenté par les coordonnées dont il s’agit c’est ce qui est d’ailleurs de soi-même évident ; mais nous avons cru qu’il n’était pas inutile de le déduire aussi de nos formules.

5. Voilà donc les seuls cas dans lesquels un corps puisse se mouvoir dans un plan fixe ; dans tout autre cas, c’est-à-dire, lorsque l’équation

n’aura pas lieu, le corps sollicité par les forces décrira nécessairement une courbe à double courbure.

Cependant, si l’on fait attention que les trois équations différentielles du no 2, d’où l’on a tiré celle-ci

donnent également cette autre-ci

qui n’est autre chose, comme l’on voit, que la différentielle de celle-là, dans la supposition où les quantités seraient constantes, ou au moins dans des rapports constants, on verra que, quoique les rapports

de ces mêmes quantités ne soient pas justement constants, ils pourront néanmoins être regardés comme tels pendant que le corps parcourt les espaces infiniment petits d’où il suit que le plan représenté par l’équation

sera celui dans lequel le corps se meut dans l’instant où il décrit ces espaces infiniment petits ; mais la position de ce plan, au lieu d’être fixe, changera d’un instant à l’autre, à cause de la variabilité des quantités

6. Nommant donc l’angle de la ligne des nœuds avec l’axe des abscisses et la tangente de l’inclinaison du plan de l’orbite avec celui des coordonnées et on aura, d’après les déterminations du no 3, ces formules fondamentales

qu’on peut réduire à celles-ci

7. Puisque, dans l’Astronomie, on a coutume de représenter le mouvement des planètes par les longitudes et les latitudes, nous supposerons que le plan des coordonnées soit celui de l’écliptique, en regardant l’écliptique non pas comme l’orbite réelle de la Terre, mais comme un plan fixe qui passe toujours par les mêmes étoiles, et nous prendrons l’axe des pour la ligne des équinoxes, ou plutôt pour la ligne qui passe par le premier point d’Aries supposé fixe, duquel nous compterons les longitudes ; nous nommerons ensuite la longitude du corps, la tangente de sa latitude, et le rayon vecteur projeté sur l’écliptique ; il est visible qu’on aura

ce qui, étant substitué dans l’équation

donnera celle-ci

laquelle servira à déterminer

Si, de plus, on met dans cette équation pour et leurs valeurs (6), on aura, en divisant par et réduisant,

équation qu’on peut aussi tirer immédiatement de la Trigonométrie sphérique.

8. Pour rendre nos formules plus simples et plus commodes pour le calcul, nous ferons

ce qui donnera (numéro précédent)

et les deux équations du no 6 deviendront

lesquelles étant différentiées pour faire disparaître les intégrations des quantités et deviendront celles-ci

équations qui serviront à déterminer les deux variables et d’où dépend la solution du Problème. En effet, ces deux quantités étant connues, on aura sur-le-champ le lieu du nœud et l’inclinaison par les formules

Pour faire usage des équations précédentes, il n’y aura qu’à y substituer à la palace des quantités leurs valeurs

et, comme dans la recherche du mouvement des nœuds et de la variation de l’inclinaison on peut regarder l’orbite projetée sur l’écliptique comme déjà connue, du moins à très-peu près, les quantités et seront données en et il ne restera d’inconnues que et

Il est bon de remarquer encore, à l’égard de la quantité qu’elle est égale à qui est ce que devient la quantité en y substituant, pour et leurs valeurs ci-dessus, de sorte qu’on pourra regarder aussi cette quantité comme déjà connue.

9. Tous les Géomètres qui se sont occupés, jusqu’à présent, de la recherche du mouvement des nœuds et des variations de l’inclinaison des orbites planétaires, ont cherché immédiatement les valeurs de la tangente et de l’angle leurs formules sont faciles à déduire des précédentes, mais nous ne nous y arrêterons pas, parce que d’un côté elles sont très-connues, et que de l’autre elles sont peu propres à la recherche dont il s’agit lorsqu’il est question de déterminer à la fois les mouvements des nœuds et des variations des inclinaisons de plusieurs planètes qui s’attirent mutuellement. [Voir plus bas (23).] C’est par cette raison que, dans les essais que j’ai donnés ailleurs sur la Théorie des satellites de Jupiter et de Saturne, j’ai fait abstraction des nœuds et des inclinaisons des orbites, et je n’ai considéré que les tangentes de la latitude[1] ; mais la méthode que nous proposons ici est préférable, parce qu’elle conduit à des équations beaucoup plus simples et plus faciles à résoudre.

Article II. — Application des formules précédentes à la recherche du mouvement des nœuds et des variations des inclinaisons des orbites des planète.

10. Il faut commencer par chercher les valeurs des forces qui agissent sur une planète quelconque en vertu de l’attraction du Soleil et des autres planètes Pour cela nous regarderons le Soleil comme immobile, et nous le prendrons pour l’origine des coordonnées qui déterminent la position de chaque planète par rapport à l’écliptique ; nous nommerons ces coordonnées pour la planète pour la planète pour la planète et ainsi des autres, et nous désignerons, pour plus de simplicité, les distances de ces planètes au Soleil par et celles des mêmes planètes entre elles par de sorte que l’on aura

11. Cela posé, le corps étant attiré vers les corps par les forces d’attraction

si l’on décompose ces forces suivant les directions des trois lignes

perpendiculaires entre elles, on aura celles-ci

Mais le corps est attiré de même par les corps avec les forces

lesquelles, étant décomposées suivant les mêmes directions, adonnent celles-ci

Retranchant donc ces forces des précédentes, on aura les véritables forces qui font décrire au corps son orbite autour du corps regardé comme immobile, c’est-à-dire, les valeurs des quantités on aura donc

et par conséquent

12. On substituera donc les quantités précédentes dans les deux équations du no 8 ; ensuite on mettra à la place de leurs valeurs

et à la place de les valeurs analogues

et ainsi des autres, en supposant généralement que les mêmes lettres, sans indice, ou avec l’indice ou représentent les mêmes quantités relativement à l’orbite du corps ou du corps ou du corps On aura donc, en développant les produits des sinus et des cosinus,

et ainsi des autres quantités semblables. Ensuite on aura (10)

13. On remarquera maintenant que, comme les orbites des planètes sont fort peu inclinées à l’écliptique, les quantités et par conséquent aussi les quantités (8) seront nécessairement des quantités très-petites ; de sorte qu’on pourra, du moins dans le premier calcul, négliger les termes affectés de ces quantités dans les expressions des distances l’erreur sera même d’autant moindre que les quantités à négliger sont très-petites du second ordre.

Les équations du no 8 deviendront donc par toutes ces substitutions et réductions

14. De plus on pourra regarder, du moins dans la première approximation, les orbites comme circulaires, et par conséquent les rayons comme constants, et les angles comme proportionnels au temps, en sorte que l’on ait

étant des constantes telles que soient les mouvements moyens des planètes qui répondent au temps

Donc, comme (8) on aura, dans cette hypothèse, et de même de sorte que ces quantités seront aussi constantes.

Enfin on sait que la quantité rompue et radicale

peut se réduire à une expression de cette forme

où les coefficients sont des fonctions de et qu’on peut trouver par différentes méthodes connues ; de même la quantité

se réduira à la série

et ainsi des autres quantités semblables.

Donc, si l’on fait ces substitutions dans les deux équations ci-dessus, et qu’on sépare les termes qui contiennent les variables et sans aucun sinus ou cosinus, de ceux où ses mêmes variables sont multipliées par des sinus ou cosinus, on aura deux équations de cette forme

dans lesquelles les quantités et dénotent la totalité des termes qui contiennent les variables et mêlées avec des sinus ou cosinus.

On aura des équations semblables pour chacun des autres corps il n’y aura pour cela qu’à marquer de l’indice ou les lettres qui n’en ont aucun, et d’effacer en même temps ceux des lettres qui sont marquées à la fois de l’indice ou

15. Pour intégrer les équations précédentes, on commencera par négliger les quantités et et l’on aura des équations linéaires en qu’on pourra intégrer par les méthodes connues ; ensuite on substituera, si l’on veut, ces premières valeurs de dans les différents termes des quantités et et l’on intégrer derechef, et ainsi de suite ; or, comme dans les quantités et il n’y a aucun terme qui ne soit multiplié par le sinus ou le cosinus d’un de ces angles il est clair que ces quantités ne pourront produire dans les valeurs de et de que des inégalités dépendant des lieux des planètes dans leurs orbites ; de sorte que, lorsqu’on voudra faire abstraction de ces sortes d’inégalités et chercher uniquement les mouvements des nœuds et les variations des inclinaisons en tant qu’ils sont indépendants des mouvements mêmes des planètes dans leurs orbites, ou pourra rejeter d’abord les quantités dont il s’agit, ce qui rendra les équations différentielles en très-simples et très-faciles à intégrer. C’est ainsi que nous en userons dans la suite de ces Recherches, dont l’objet n’est que de déterminer la loi des équations séculaires des mouvements des nœuds et des inclinaisons des orbites planétaires.

16. Supposant donc, pour plus de commodité,

et ainsi de suite, on aura les équations suivantes

C’est par l’intégration de ces équations qu’on pourra parvenir à une seule solution exacte du Problème qui concerne le mouvement des nœuds et la variation des inclinaisons des orbites de plusieurs planètes en vertu de leurs attractions mutuelles. Nous allons nous en occuper, après avoir fait quelques remarques qui serviront à jeter un plus grand jour sur cette matière.

Article III. — Remarques sur les équations qui donnent les mouvements des nœuds et les variations des inclinaisons des orbites planétaires.

17. Imaginons qu’il n’y ait que deux planètes et et que l’orbite de cette dernière soit fixe et immobile on pourra alors regarder le plan de cette orbite comme celui de l’écliptique, et y rapporter l’orbite mobile de la planète De cette manière, sera la tangente de l’inclinaison et la longitude du nœud de l’orbite de sur l’orbite de la tangente de l’inclinaison de cette dernière orbite sera null : par conséquent on aura et toutes les autres quantités seront aussi nulles, parce qu’on ne considère que les seules planètes et

Donc, dans cette hypothèse, les équations du no 16 se réduiront à ces deux-ci

d’où l’on tire sur-le-champ celle-ci

laquelle donne

et de là

donc

c’est-à-dire,

et sont deux constantes arbitraires.

On voit par là que l’inclinaison des deux orbites sera constante, et que le nœud de l’orbite mobile de la planète aura, sur l’orbite fixe de la planète un mouvement rétrograde dont la vitesse sera exprimée par la quantité

à cause de par les Théorèmes connus ; c’est ce qui s’accorde avec le résultat des méthodes ordinaires.

18. En appliquant le même raisonnement à toutes les orbites considérées successivement deux à deux, et supposées alternativement l’une mobile et l’autre fixe, on en conclura, en général, que les quantités ne sont autre chose que les vitesses rétrogrades des nœuds de l’orbite de la planète sur les orbites des planètes considérées comme fixes ; que, de même, les quantités expriment les vitesses rétrogrades des nœuds de l’orbite de la planète sur les orbites des planètes considérées comme fixes ; que les quantités expriment pareillement les vitesses rétrogrades des nœuds de l’orbite de la planète sur celles des planètes et ainsi de suite.

D’où il s’ensuit qu’il suffit de connaître les mouvements particuliers des nœuds de chaque orbite sur chacune des autres, regardée comme fixe, pour pouvoir déterminer les véritables mouvements des nœuds et les variations des inclinaisons des mêmes orbites, relativement à l’écliptique ; mais il faut pour cela intégrer deux fois autant d’équations de la forme de celles du no 16 qu’il y a d’orbites mobiles à considérer.

19. M. de Lalande a donné, dans les Mémoires de l’année 1758, le calcul du mouvement annuel des nœuds de l’orbite de chacune des six planètes principales sur les orbites de toutes les autres, regardées comme fixes ; on aura donc par là les valeurs des coefficients mais, comme M. de Lalande a adopté pour les masses des planètes les déterminations de M. Euler, lesquelles sont un peu différentes de celles qui résultent des dernières observations du passage de Vénus, nous avons cru devoir changer les valeurs des mouvements des nœuds, trouvées par M. de Lalande, en sorte qu’elles répondent aux valeurs des masses établies par ces observations, et qui se trouvent dans la Connaissance des Temps de l’année 1774.

Les logarithmes des fractions qui représentent les masses de Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter et Saturne (celle du Soleil étant prise pour l’unité), telles que M. de Lalande les a employées dans l’endroit cité, sont

mais, d’après la Connaissance des Temps, je trouve ceux-ci

Donc, comme les mouvements des nœuds sont (les temps périodiques et les rapports des distances au Soleil demeurant les mêmes) proportionnels aux masses des planètes qui les produisent (17), il faudra multiplier respectivement ceux que M. de Lalande a trouvés par les nombres dont les logarithmes sont les différences des précédentes, savoir

Supposant donc que le terme soit exprimé en années tropiques, et que soient les six planètes premières, suivant l’ordre de leur grosseur, savoir Jupiter, Saturne, la Terre, Vénus, Mars et Mercure, on aura les valeurs suivantes

Au reste, comme il n’y a que les masses de Saturne, de Jupiter et de la Terre qui soient bien connues, et que les autres n’ont été déterminées que d’après l’hypothèse que les densités sont comme les racines des moyens mouvements, on ne doit regarder comme vraiment exactes que les valeurs des quantités où, après la virgule, il y a un de ces chiffres entre les deux parenthèses.

20. Les mouvements particuliers de chaque orbite sur chacune des autres étant donnés, il est clair que c’est un Problème purement analytique de déterminer le changement de position des orbites au bout d’un temps quelconque. Les équations du no 16 renferment la solution complète de ce Problème dans l’hypothèse que les inclinaisons des orbites soient très-petites ; mais, comme ces équations ont été déduites immédiatement de la Théorie de la gravitation universelle, il ne sera peut-être pas inutile de faire voir comment on y peut parvenir directement, par la simple considération des mouvements particuliers des nœuds de chaque orbite sur chacune des autres, regardée comme fixe.

21. Considérons, pour cet effet, deux orbites seulement, pour lesquelles les lieux des nœuds sur l’écliptique soient et les tangentes des inclinaisons et supposons que la longitude du nœud de la première de ces orbites sur la seconde soit et que la tangente de l’inclinaison mutuelle de l’une à l’autre soit on sait que la tangente de la latitude correspondant à une longitude quelconque sera, pour la première orbite, égale à et, pour la seconde, égale à et de même, en rapportant cette orbite-là à celle-ci, la tangente de la latitude correspondant à la longitude comptée sur cette dernière orbite, sera exprimée par

Or, à cause que les deux orbites sont supposées très-peu inclinées à l’écliptique, il est clair que les tangentes des latitudes doivent être, à très-peu près, égales aux latitudes elles-mêmes ; de plus il est facile de voir que le cercle de latitude, correspondant à la longitude comptée sur l’écliptique, se confondra aussi, à très-peu près, avec le cercle de latitude correspondant à la même longitude mais comptée sur l’une des orbites. De là il est aisé de conclure que la tangente de latitude sera à très-peu près égale à la différence des deux tangentes de latitude et de sorte qu’on aura cette équation

laquelle devra avoir lieu, en général, quelle que soit la longitude on aura donc nécessairement ces deux équations particulières

lesquelles serviront à déterminer le lieu du nœud commun, et la tangente de l’inclinaison mutuelle de deux orbites dont on connaît les lieux des nœuds, et les inclinaisons sur l’écliptique. On aura, en effet, par les deux formules précédentes,

22. Cela posé, imaginons que la première des deux orbites, celle à laquelle répondent les éléments et se meuve sur l’autre orbite regardée comme fixe, en sorte que l’inclinaison demeure constante et que le nœud rétrograde avec une vitesse représentée par il est clair que, dans cette hypothèse, la quantité sera constante, et que l’angle variera de la quantité en sorte qu’on aura

mais, par le numéro précédent, on a

et, comme l’orbite à laquelle répondent les éléments et est regardée comme immobile, pendant que l’autre orbite est supposée rétrograder sur elle de la quantité il est clair qu’il faudra regarder, dans la différentiation, les quantités et comme constantes, et les quantités et comme seules variables ; c’est pourquoi on aura donc

Substituant donc ces valeurs dans les deux équations précédentes, elles deviendront

S’il y avait une troisième orbite pour laquelle le lieu du nœud fût et la tangente de l’inclinaison et qu’on supposât que la première orbite dût rétrograder sur celle-ci, regardée comme immobile, avec une vitesse égale à et en gardant la même inclinaison mutuelle, on aurait pareillement, en vertu de ce mouvement,

Donc, si l’on suppose que la même orbite soit mobile à la fois sur les deux autres, il est clair que les différentielles de et de auront pour valeurs la somme des valeurs particulières qui répondent aux vitesses par conséquent on aura, pour lors, en divisant par

Il est aisé maintenant d’étendre ces formules à tant d’orbites mobiles, à la fois, qu’on voudra, et, si l’on y met à la place de et à la place de suivant les dénominations établies plus haut, on en verra naître les équations du no 16.

23. Comme l’on a

il s’ensuit que, si l’on prend la différence et la somme des deux équations ci-dessus, après les avoir multipliées respectivement par et dans le premier cas, et par et dans le second cas, on aura

et l’on aura des équations semblables pour les valeurs de

Ces équations sont surtout utiles pour déterminer les changements instantanés dans les lieux des nœuds et dans les inclinaisons de plusieurs orbites mobiles les unes sur les autres ; mais elles seraient fort difficiles à intégrer sous cette forme.

24. Au reste on doit se ressouvenir que les équations précédentes sont fondées sur l’hypothèse que les inclinaisons des orbites à l’écliptique soient très-petites ; ainsi elles ne peuvent être regardées comme exactes qu’autant que cette hypothèse a lieu. Si l’on voulait résoudre le Problème, en général, pour des inclinaisons quelconques, il faudrait suivre un autre chemin, ainsi que nous l’avons fait dans un Mémoire particulier sur cette matière, que nous avons donné à l’Académie de Berlin, et qui renferme la solution complète du cas où il n’y a que deux orbites mobiles[2] ; quant au cas où il y aurait trois orbites mobiles, nous avons trouvé qu’il dépend de la rectification des sections coniques, de sorte que la solution de ce cas, et à plus forte raison celle des cas plus compliqués, échappe nécessairement à toutes les méthodes analytiques connues. Mais, comme les orbites des planètes sont toutes à peu près dans un même plan, et qu’il en est de même de celles des satellites de Jupiter et de Saturne, la solution générale du Problème dont il s’agit serait plus curieuse qu’utile dans le Système du monde.

Article IV. — Intégration des équations qui donnent les mouvements des nœuds et les variations des inclinaisons des orbites planétaires.

25. Les équations qu’il s’agit d’intégrer sont celles du no 16, dont le nombre est, comme l’on voit, double de celui des orbites mobiles ; or, pour peu qu’on considère la forme de ces équations, on verra aisément qu’on y peut satisfaire par les valeurs suivantes

et sont des constantes indéterminées. Les substitu-

tions faites, on aura ces équations de condition

dont le nombre est égal à celui des quantités et n’est par conséquent que la moitié de celui des équations différentielles, en sorte qu’il est égal au nombre des orbites mobiles.

Supposons que ce nombre soit on aura donc constantes indéterminées et équations entre ces constantes ; mais, en éliminant successivement ces mêmes constantes, on verra toujours que la dernière s’en ira d’elle-même, en sorte qu’il en restera nécessairement une d’indéterminée ; et l’on trouvera pour équation finale une équation en du degré ième, laquelle servira par conséquent à déterminer la constante .

Il restera donc deux constantes indéterminées par exemple, et et, comme l’équation qui doit donner est du ième degré, on en pourra tirer valeurs différentes de moyennant quoi on aura valeurs particulières de chacune des variables lesquelles satisferont toutes également aux équations différentielles données et il est facile de voir, par la nature même de ces équations, que, pour avoir la valeur complète de chacune des variables dont il s’agit, il n’y aura qu’à prendre la somme des valeurs particulières de la même variable, en donnant différentes valeurs aux constantes arbitraires.

Si donc on dénote par , les racines de l’équation en et qu’on prenne coefficients arbitraires et autant d’angles arbitraires on aura

les quantités devant être données par et et les quantités devant l’être par et et ainsi des autres, de la même manière et par les mêmes équations que les quantités le sont par et

26. Pour déterminer maintenant les constantes arbitraires il faudra supposer que l’on connaisse les valeurs des variables pour une époque quelconque, par exemple, lorsque et, désignant ces valeurs données par on aura les équations

lesquelles, étant aussi au nombre de serviront à déterminer toutes les constantes dont il s’agit.

Quoique cette détermination soit toujours facile dans les cas particuliers, au moyen des règles connues de l’élimination, cependant, si l’on voulait traiter la question, en général, pour un nombre quelconque d’orbites mobiles, on tomberait nécessairement dans des formules trèscompliquées et dont la loi serait difficile à apercevoir ; c’est pourquoi j’ai cru devoir chercher une méthode particulière pour remplir cet objet, et je me flatte que celle que je vais donner pourra mériter l’attention des Géomètres, tant par sa simplicité et sa généralité que par l’utilité dont elle pourra être dans plusieurs autres occasions.

27. Considérons les équations

Il est visible que toutes les opérations qu’on fera sur celles-ci pourront s’appliquer aussi aux autres équations, en changeant seulement les quantités en et en

On formera d’abord les quantités suivantes

dont la forme est, comme l’on voit, analogue à celle des équations différentielles proposées (16) ; il est aisé de prouver, en substituant les valeurs ci-dessus de et ayant égard aux équations de condition du no 25, lesquelles doivent avoir lieu également entre les quantités il est aisé de prouver, dis-je, qu’on aura

Ensuite, de la même manière que les quantités sont formées des quantités je forme les quantités de celles-ci et pareillement je forme les quantités des quantités précédentes et ainsi de suite ; j’aurai, en vertu des mêmes équations de condition, les équations suivantes

et ainsi de suite,

Il faudra continuer ces suites d’équations jusqu’à la ième inclusivement, laquelle sera donc représentée ainsi

Cela posé, je considère l’équation dont les racines sont et je la représente, en général, par

en mettant à la place de pour plus de généralité. J’élimine de cette équation une des racines, comme en la divisant par ce qui

me donne le quotient

Cette équation n’aura donc plus pour racines que les quantités de sorte que son premier membre ne deviendra égal à zéro qu’en faisant ou ou … ; mais, en faisant il deviendra

Si, dans l’équation précédente, on change en ou en ou … ; on aura une équation qui sera vraie pour toutes les racines, excepté ou

Je suppose maintenant que je veuille déterminer les valeurs des quantités je n’aurai qu’à prendre les équations

et les ajouter ensemble après les avoir multipliées respectivement par les coefficients de l’équation ci-dessus pris à rebours, c’est-à-dire, en commençant par le dernier

Il s’ensuit de ce que nous avons dit sur la nature de cette équation que le coefficient de la quantité deviendra

et que les coefficients des autres quantités deviendront tous nuls à la fois ; de sorte que, divisant toute l’équation par le

coefficient de on aura sur-le-champ la valeur de cette même quantité. Donc

divisée par

On trouvera de même les valeurs des quantités et il n’y aura pour cela qu’à changer, dans l’expression précédente de la racine successivement en

Si l’on traite d’une manière semblable les équations

on déduira les valeurs des quantités

et il est clair que ces valeurs ne différeront de celles de

trouvées ci-dessus, qu’en ce que, à la place des quantités il y aura les quantités

De là il est facile de conclure que, si dans les mêmes valeurs de

on met à la place des quantités les quantités

ou ou …, on aura les valeurs des quantités

ou

ou ….

Enfin, si dans les valeurs précédentes on change les quantités

en

(ces quantités étant formées des quantités de la même manière que les quantités le sont des quantités ), on aura les valeurs des quantités correspondantes

28. Au reste, dès qu’on aura trouvé les valeurs des quantités

on pourra d’abord déterminer celles des coefficients et des angles après quoi il suffira de chercher encore les valeurs des quantités

pour pouvoir déterminer celles des autres coefficients ou bien on pourra, si on l’aime mieux, employer les équations de condition du no 25 pour déterminer les quantités en et, comme les mêmes équations doivent avoir lieu entre les quantités ainsi qu’entre les quantités en changeant

seulement en ou en on aura également les valeurs de en de en et ainsi des autres.

29. S’il n’y a que deux orbites mobiles, les équations de condition du no 25 seront

d’où l’on tire cette équation en ou en (en changeant en )

laquelle est évidemment du second degré.

Si les orbites mobiles sont au nombre de trois, on aura ces trois équations de condition

d’où l’on tirera par les formules connues cette équation finale en ou en

laquelle est, comme l’on voit, du troisième degré.

S’il y avait quatre orbites mobiles, on aurait alors ces quatre équations de condition

lesquelles donneraient sur-le-champ celle-ci en ou en