(Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris, année 1772.)
On s’occupe depuis longtemps à rechercher à priori les inégalités des mouvements des planètes d’après les principes de la gravitation universelle mais personne, que je sache, n’a encore entrepris de donner des méthodes directes et générales pour trouver ces mêmes inégalités à posteriori, c’est-à-dire, d’après les observations seules. C’est à remplir ce dernier objet dans toute son étendue qu’est destiné le Mémoire que j’ai l’honneur de présenter à l’Académie Royale des Sciences ; heureux si cette illustre Compagnie daigne recevoir avec indulgence ce fruit de mon travail sur une matière qui à la vérité, plus d’utilité que de difficulté, mais qui ne me paraît par là que plus digne de son attention.
HYPOTHÈSE.
1. Les inégalités des mouvements des planètes peuvent être représentées par une suite de termes de la forme étant un coefficient constant, et un angle qui augmente uniformément.
Remarque I.
2. C’est sur ce principe que sont fondées toutes les Tables des planètes chaque terme tel que s’appelle une équation, dont est le coefficient ou la plus grande valeur, et l’argument.
Les Anciens, qui ne voulaient admettre dans le Système du monde que des mouvements circulaires et uniformes, représentaient toutes les irrégularités des mouvements des Corps célestes par des cercles excentriques et par des épicycles ; or il est facile de prouver que, tant que l’excentricité est assez petite et que les rayons des épicycles sont aussi assez petits par rapport à celui du cercle principal, les irrégularités que l’on trouve par ce moyen peuvent toujours s’exprimer par une suite de termes de la forme
En effet, si l’on considère un cercle dont le rayon soit et qui soit chargé d’un épicycle dont le rayon soit et qu’on suppose que, tandis que le centre de cet épicycle se meut sur la circonférence du cercle principal en décrivant autour de son centre l’angle un corps se meuve sur la circonférence de l’épicycle en décrivant autour de son centre l’angle on trouvera que ce corps décrira autour du centre du cercle principal un angle où sera tel que
en sorte que l’angle exprimera l’inégalité du mouvement provenant de l’épicycle. Or, si l’on suppose le rayon fort petit par rapport au rayon on aura pour une fraction fort petite, et l’on aura par les séries
mais
Donc, substituant la valeur de et réduisant les puissances et les
produits de
et de
en sinus et cosinus d’angles multiples de
on aura pour
cette série assez simple
Si l’on imaginait un second épicycle dont le rayon fût et dont le centre décrivît la circonférence du premier épicycle, tandis que le mobile décrit la circonférence de ce second épicycle, en parcourant autour de son centre des angles dans le même temps que sont parcourus les angles et on trouverait que l’angle parcouru par le mobile autour du cercle principal serait où l’angle qui représente l’inégalité du mouvement, sera tel que
d’où, en supposant et fort petits, il est facile de tirer la valeur de exprimée par une suite de sinus.
S’il y avait un troisième épicycle dont le rayon fût et sur la circonférence duquel le mobile fût mû en parcourant autour de son centre des angles on trouverait que l’inégalité serait déterminée par l’équation
et ainsi de suite.
Si l’on suppose un cercle excentrique dont le rayon soit et l’excentricité on trouvera que, tandis que le mobile parcourt autour du centre du cercle l’angle il parcourra autour du point qui est pris pour le centre du mouvement apparent un angle en sorte que
d’où l’on voit que c’est la même chose que si le cercle était supposé homocentrique, et qu’il portât un épicycle dont le rayon fût et dont
la circonférence fût parcourue par le mobile d’un mouvement angulaire égal à celui dont le centre de cet épicycle parcourt la circonférence du cercle principal ; c’est ce qui a déjà été remarqué par Ptolémée.
De là on voit aussi que le cas d’un épicycle porté par un excentrique sera le même que celui d’un homocentrique qui portera deux épicycles, et ainsi de suite.
Remarque II.
3. Dans l’Astronomie moderne, on explique les principales inégalités des planètes par la figure elliptique de leurs orbites et par la loi des aires proportionnelles au temps, d’où résulte l’inégalité qu’on appelle équation du centre, et qui est, comme l’on sait, exprimée par la série
étant l’excentricité, et l’angle de l’anomalie moyenne qui est proportionnelle au temps. La loi de cette série n’est pas facile à trouver, surtout en employant la méthode ordinaire, suivant laquelle on cherche d’abord l’anomalie moyenne par la vraie, et ensuite on déduit celle-ci de celle-là par le retour de la série ; mais on peut y parvenir par la méthode que j’ai donnée ailleurs [Mémoires de Berlin, 1769[1]].
Quant aux autres inégalités des planètes, c’est par le principe de la gravitation universelle qu’on tâche de les déterminer, et les calculs faits d’après ce principe donnent toujours des équations dont les arguments dépendent des lieux moyens des planètes, de ceux de leurs aphélies et de leurs nœuds.
En général, la figure presque circulaire des orbites des planètes fait que les forces perturbatrices qui viennent de leur attraction réciproque peuvent être exprimées par des séries plus ou moins convergentes et composées uniquement de sinus ou cosinus ; circonstance sans laquelle il serait comme impossible de déterminer d’une manière générale l’effet de ces perturbations.
Remarque III.
4. Il y a cependant une espèce d’inégalités qui paraît faire une exception à la règle générale je parle des inégalités séculaires qui augmentent comme les carrés des temps ; mais, d’un côté, il paraît très-probable que ces sortes d’inégalités ne sont qu’apparentes et ne viennent que de quelques équations dont les arguments ne varient que très-peu, en sorte que leur période est très-longue ; de l’autre, elles ne sont, à proprement parler, que des cas particuliers de la formule générale, comme nous le ferons voir dans la suite de ce Mémoire. D’ailleurs il est toujours possible de se débarrasser d’avance de ces sortes d’inégalités, et nous fournirons pour cela des moyens aussi simples que commodes.
proposition I.
Théorème.
5. Toute série dont un terme quelconque est représenté par la formule
étant le nombre des termes précédents, est une série récurrente dont l’échelle de relation dépend uniquement des angles
Dénotons, en général, par
les termes de la série proposée, en sorte que l’on ait
et examinons la nature de la suite infinie
On sait que
étant lé nombre dont le logarithme hyperbolique est l’unité ; donc, faisant, pour abréger,
on aura
de même, si l’on fait
on aura
et le terme général prendra cette forme
D’où l’on voit que la suite
n’est autre chose que la somme de plusieurs séries géométriques, dont les premiers termes sont et dont les raisons sont de sorte qu’en sommant chacune de ces séries géométriques on aura la valeur de toute la série
On aura donc de cette manière l’équation identique
et il est clair qu’en réduisant au même dénominateur les fractions qui composent le second membre de cette équation, et dont nous supposerons que le nombre soit ce second membre se transformera en une fraction unique de la forme
où les nombres renfermés dans des crochets carrés ou ronds, désignent des coefficients différents qui dépendent des quantités Et, comme le dénominateur de cette fraction doit être égal au produit des dénominateurs il est d’abord évident qu’on aura
de sorte que les coefficients du dénominateur de la fraction dont il s’agit seront donnés uniquement par les quantités
Ainsi la série proposée sera égale à cette dernière fraction, que nous appellerons par conséquent fraction génératrice de la série ; d’où il est facile de conclure que la même série sera du genre de celles qu’on nomme récurrentes, et dont la propriété est qu’un terme quelconque se forme de l’addition d’un certain nombre de termes précédents, multipliés chacun par un coefficient donné ; car, en multipliant la série
par le dénominateur
et comparant les termes du produit avec le numérateur
on a les équations
et, en général,
où les coefficients
forment ce qu’on appelle, d’après M. Moivre, l’échelle de la série récurrente.
Corollaire I.
6. Puisque on aura
de même
et ainsi de suite ; donc on aura
Par conséquent le dénominateur
sera le produit de ces facteurs doubles
D’où il est facile de conclure qu’on aura nécessairement
c’est-à-dire, que les coefficients des termes extrêmes, ainsi que ceux des termes équidistants des extrêmes, seront les mêmes ce qui est la propriété des polynômes qu’on appelle réciproques.
Or, pour trouver facilement les valeurs des coefficients
on mettra le polynôme en question sous la forme suivante, en faisant, pour plus de simplicité,
ensuite on supposera
et l’on remarquera que
et, en général,
en ne continuant cette série que tant que l’on aura des puissances positives de .
On fera donc ces substitutions, et, divisant ensuite tous les termes par il viendra un polynôme en de la forme
où l’on aura
De même, si l’on substitue à la place de dans le produit des trinômes
et qu’on divise ce produit par on aura celui-ci
lequel devant être identique avec le polynôme précédent, on en conclura aisément les valeurs des coefficients et de là celles des coefficients
Quoique les formules précédentes soient connues depuis longtemps, j’ai cru devoir les donner ici, parce que j’aurai occasion d’en faire usage dans la suite.
Quant aux coefficients du numérateur, il est très-facile de les déterminer par le moyen des équations trouvées dans le numéro précédent, lesquelles donnent
Corollaire II.
7. On voit, par l’analyse du Problème précédent, que non-seulement toute suite composée de sinus d’angles qui croissent en progression arithmétique, mais, en général, toute suite composée de termes qui procèdent en progression géométrique, est récurrente d’un ordre égal au nombre de ces termes.
Il est facile de prouver de même que toute suite algébrique qui a des différences constantes d’un ordre quelconque, multipliée, si l’on veut, terme à terme par une série géométrique quelconque, est une suite récurrente d’un ordre supérieur d’une unité ; et qu’en général toute suite formée par l’addition de deux ou de plusieurs suites de cette espèce sera pareillement récurrente d’un ordre égal à la somme de ceux de chaque suite particulière.
En effet, on sait que la somme d’une suite infinie, dont le terme général, sera est exprimée par que celle dont le terme général sera est exprimée par que celle dont le terme général sera est exprimée par et ainsi de suite ; donc la somme de la suite qui aura le terme général
sera égale à
c’est-à-dire, à la fraction simple
d’où il s’ensuit que, si l’on a une série dont le terme général soit représenté par la formule
il n’y aura qu’à chercher les quantités en sorte que l’on ait l’équation identique
et l’on aura, pour la somme de la série, la fraction ci-dessus, dont le numérateur est, comme l’on voit, un polynôme du degré et dont le dénominateur est la puissance ième du binôme de sorte que la série proposée sera une série récurrente de l’ordre et dont l’échelle de relation sera
Quant aux coefficients
il est facile de les trouver de la manière suivante. Qu’on suppose, en général,
et qu’on dénote par les valeurs de lorsque on aura donc, en vertu de l’équation supposée,
d’où l’on tire
en sorte que les coefficients ne seront autre chose que les différences successives des quantités prises alternativement en et en
Enfin il est clair que, si la suite proposée est composée de plusieurs suites de la forme précédente, il n’y aura qu’à ajouter ensemble les fractions qui expriment la somme de chacune de ces suites continuées à l’infini, et l’on aura une fraction unique qui sera égale à la série proposée, et dont le dénominateur sera de la forme
De sorte que cette série sera récurrente de l’ordre
ayant pour échelle les coefficients pris négativement des puissances
du polynôme qui résultera du développement de la formule
En général, si l’on a une suite récurrente quelconque
et qu’en dénotant par une fonction rationnelle, et sans diviseur, d’une ou de plusieurs quantités, on forme les nouvelles séries
et ainsi de suite, toutes ces séries seront pareillement récurrentes, et l’on pourra en trouver l’échelle de relation, dès qu’on en aura formé le terme général à l’aide de celui de la série proposée ; et ces nouvelles échelles pourront toujours s’exprimer par les seuls termes de l’échelle de la proposée ; car la difficulté ne consistera qu’à chercher les coefficients d’une équation dont les racines dépendent de celles d’une équation donnée, Problème dont l’Algèbre fournit plusieurs solutions.
De plus, si dans la série proposée on ne prend les termes que de deux en deux, ou de trois en trois,…, les séries résultantes
seront aussi récurrentes et du même ordre que la proposée ; et il est facile de voir que, si l’échelle de relation de celle-ci est représentée par le polynôme
celles des séries dont il s’agit le seront par les polynômes
ainsi, mettant
à la place de
ou
les séries
seront récurrentes et auront pour échelles de relation les polynômes
Enfin, si l’on a différentes séries récurrentes, telles que
et que l’on en compose une nouvelle de la forme
celle-ci sera encore récurrente, et son échelle dépendra uniquement de celles des séries particulières d’où elle est formée ; et la difficulté de trouver cette échelle ne consistera qu’à trouver l’équation dont les racines seront des fonctions données de celles de quelques équations données, Problème toujours résoluble par les méthodes connues.
Corollaire III.
8. De même que, lorsqu’on connaît le terme général d’une série récurrente, on peut trouver la fraction génératrice de la série, de même, en connaissant cette fraction, on pourra en déduire l’expression du terme général ; car il n’y aura d’abord qu’à chercher tous les facteurs du dénominateur, et à décomposer ensuite, par les méthodes connues, la fraction proposée en autant de fractions partielles qu’il y a de facteurs, et dont chacune ait un de ces facteurs pour dénominateur, en observant cependant que, s’il y a des facteurs doubles ou triples,…, ou cuples, chacun de ces facteurs donnera fractions partielles, dont les dénominateurs seront successivement la première, la deuxième, la troisième,…, la ième puissance du même facteur.
De cette manière, la fraction dont il s’agit se trouvera décomposée en autant de fractions simples de la forme que le dénominateur aura de facteurs, et chacune de ces fractions donnera une série dont le terme général sera
de sorte que, en ajoutant ensemble tous ces différents termes, on aura la valeur du terme général cherché. Tout cela est trop connu pour que je doive m’y arrêter davantage ; je crois cependant qu’on me permettra de donner ici une formule générale et fort simple, pour trouver tout d’un coup, à l’aide du Calcul différentiel, la partie du terme général qui vient d’un facteur multiple quelconque du dénominateur de la fraction donnée.
Soit ce facteur, et dénotons par la fraction proposée, après en avoir retranché par la division le même facteur, en sorte que soit égale à la fraction donnés ; on cherchera, en faisant varier et regardant comme constante, la valeur de la quantité
ensuite on y mettra à la place de et la quantité résultante sera le coefficient de dans le terme général de la série provenant du facteur en question.
Je supprime la démonstration de ce Théorème, parce qu’elle n’est pas difficile à trouver d’après les principes connus.
Corollaire IV.
9. Concluons de là que chaque facteur simple du dénominateur de la fraction génératrice proposée, tel que donnera, dans l’expression du terme général de la série, le terme et que chaque facteur multiple, tel que y donnera les termes
Si est imaginaire, il sera réductible à la forme et il y aura nécessairement un facteur correspondant où sera de la forme de là on trouvera que les coefficients seront chacun de la forme
et les quantités correspondantes, provenant de l’autre facteur seront de la forme
Or soient
on aura
Donc
et les quantités correspondantes ne différeront de celles-ci que par le signe du radical
de sorte qu’en rassemblant toutes ces quantités on trouvera que les facteurs multiples imaginaires
donneront, dans l’expression du terme général de la série, les termes suivants
et chaque autre couple de facteurs imaginaires donnera des termes semblables.
Quoique toutes ces choses soient assez connues, j’ai cru devoir les rappeler à mes lecteurs, parce qu’elles donnent lieu à des conséquences importantes dans la matière qui fait l’objet de ce Mémoire. Une des principales, c’est que, quelque dérangement que les Corps célestes puissent éprouver en vertu de leur action mutuelle, et même de la résistance d’un fluide très-rare dans lequel ils nageraient, leurs mouvements en temps égaux seront toujours représentés par des séries du genre des récurrentes car les termes les plus compliqués que la Théorie puisse jamais donner dans l’expression du mouvement vrai d’une planète quelconque seront de la forme
étant l’arc du mouvement moyen et des coefficients constants quelconques ; or il est clair, par ce qu’on a vu ci-dessus, que toute série qui naîtra de cette formule ou de la somme de plusieurs formules semblables, en donnant successivement à des valeurs qui augmentent en progression arithmétique, sera toujours récurrente.
Donc, si l’on a une suite d’observations d’une planète quelconque, faites à des intervalles de temps égaux, on est en droit de regarder les résultats de ces observations comme formant une suite récurrente d’un ordre quelconque, et toute la difficulté se réduira à trouver la loi de la série ; c’est l’objet du Problème suivant.
PROPOSITION II.
Problème.
10. Étant donnée une suite de termes dont les valeurs soient connues, trouver si cette suite est récurrente, et déterminer dans ce cas la forme générale de ses termes.
Soient les termes donnés et connus
on en formera la série
que je supposerai égale à pour abréger ; et il n’y aura qu’à chercher si cette série peut résulter du développement d’une fonction rationnelle quelconque, où la plus haute puissance de dans le numérateur soit moindre que dans le dénominateur.
Supposons d’abord que la série proposée soit récurrente du premier ordre ; on aura, dans ce cas,
donc
d’où il s’ensuit que, si l’on divise l’unité par le polynôme en ordonnant dans l’opération les termes suivant les puissances de on trouvera nécessairement un quotient fini de deux termes
Supposons ensuite que la série proposée soit récurrente du second ordre ; on aura, dans ce cas,
donc
qu’on divise le numérateur trinôme
par le dénominateur binôme
on aura un quotient binôme
et un reste
donc
d’où je conclus d’abord que, si l’on divise l’unité par le polynôme et qu’on pousse la division jusqu’à ce que l’on ait dans le quotient deux termes tels que ce qui ne demande que deux opérations, on aura un reste qui sera nécessairement divisible par et que je représenterai par étant une nouvelle série de la forme
Donc
par conséquent
et de là
Donc, si l’on divise le polynôme par le polynôme on aura nécessairement un quotient fini de deux termes tels que
Supposons que la série proposée soit récurrente du troisième ordre, on aura alors
donc
qu’on divise le numérateur de cette fraction par son dénominateur, on aura un quotient de la forme et unreste de la forme donc
De là il s’ensuit aussi que, si l’on divise l’unité par le polynôme
et qu’on continue la division jusqu’à ce qu’on ait dans le quotient deux termes tels que
le reste sera tout divisible par
et pourra être représenté par
étant une série de la forme
On aura donc
donc
et de là
Or, en divisant le numérateur de cette fraction par le dénominateur, il est clair qu’on aura un reste de la forme en sorte que
Donc, si l’on divise le polynôme par le polynôme et qu’on pousse la division jusqu’à ce qu’on ait dans le quotient deux termes tels que le reste sera nécessairement divisible par et pourra être représenté par étant une nouvelle série de la forme
Ainsi on aura
d’où
et de là
D’où il s’ensuit qu’en divisant le polynôme par le polynôme on aura nécessairement un quotient fini, tel que
Si la série proposée était récurrente d’un ordre quelconque supérieur, on y pourrait faire des raisonnements et des opérations semblables. De là je conclus, en général, que, pour reconnaître si la série proposée est récurrente d’un ordre quelconque, il n’y a qu’à diviser d’abord l’unité par jusqu’à ce qu’on ait dans le quotient deux termes tels que et, dénotant le reste par on divisera ensuite par jusqu’à ce que l’on ait aussi dans le quotient deux termes comme dénotant de même le reste par on divisera encore par jusqu’à ce que l’on ait dans le quotient deux termes comme et ainsi de suite. Si la série est véritablement récurrente d’un ordre quelconque l’opération se terminera nécessairement à la ième division ; en sorte que le reste sera nul ; sinon l’opération ira à l’infini.
Lors donc qu’on sera parvenu à une division qui ne laissera aucun reste, on sera d’abord assuré que la série proposée est récurrente d’un ordre égal au quantième de cette division ; et, de plus, les quotients trouvés donneront la fraction même d’où la série tire son origine.
Car on a les équations suivantes
d’où
Donc
Ainsi il n’y aura plus qu’à réduire cette fraction continue en une franction ordinaire, qui sera par conséquent la fraction cherchée ; et il est clair que cette fraction aura pour numérateur un polynôme du degré et pour dénominateur un polynôme du degré dont les coefficients donneront l’échelle de relation de la série.
Ayant trouvé ainsi la fraction génératrice de la série, on en déduira aisément l’expression du terme général de la série par les méthodes connues.
Corollaire.
11. Pour faire avec facilité la réduction dont il s’agit, il n’y aura qu’à considérer la suite des quotients
et les disposer à rebours, de cette manière
ensuite on formera par leur moyen les quantités suivantes
et l’on aura pour la fraction génératrice de la série récurrente.
Exemple I.
12. Étant proposée la suite des nombres
dont on ignore la loi, on demande si cette suite est récurrente, et quelle est, dans ce cas, l’expression de son terme général.
Ayant formé la série
on divisera, par la méthode ordinaire, l’unité par cette série, et l’on trouvera le quotient et le reste qui est, comme l’on voit, tout divisible par ; on divisera donc ce reste par et l’on aura la nouvelle série
par laquelle il faudra maintenant diviser la série
la division faite, on aura le quotient
et le reste
lequel, étant divisé par
donnera la série
on continuera donc l’opération en divisant l’avant-dernière série par et l’on trouvera le quotient comme ensuite il ne reste rien, ce sera une marque que l’opération est terminée, et que la suite proposée est effectivement récurrente du troisième ordre.
Pour en trouver maintenant la fraction génératrice, on considérera les trois quotients qu’on vient de trouver, et on les rangera ainsi par ordre, en commençant du dernier,
ensuite on en formera les quantités de cette manière
et la fraction génératrice de la série sera savoir
d’où l’on voit d’abord que l’échelle de relation est
en sorte que, si
sont quatre termes consécutifs quelconques de la série proposée, on aura
Pour trouver maintenant l’expression du terme général, on cherchera d’abord les facteurs du quadrinôme
lesquels sont
et l’on décomposera ensuite la fraction
en ces trois-ci
d’où l’on tirera sur-le-champ le terme général
Remarque I.
13. Dans l’analyse du Problème précédent, nous avons observé que les restes des différentes divisions devaient être nécessairement divisibles par ce qui suit de la nature même de la division, et nous avons prescrit de diviser chacun de ces restes par pour avoir les polynômes qui doivent servir de diviseurs à leur tour. Or il peut arriver que quelqu’un de ces restes soit divisible par une puissance de plus haute que le carré, auquel cas, après la division par on aura un polynôme dont le premier terme contiendra encore en sorte que dans la division suivante il viendra des puissances négatives de au quotient, ce qui pourrait causer quelque embarras ; mais il sera aisé de l’éviter en divisant le reste dont il s’agit par la plus haute puissance de dont il est divisible, et mettant ensuite cette puissance à la place de dans les formules du no 2.
En général, soient
les restes provenant de la première, de la deuxième, de la troisième,…, de la ième division ; on divisera d’abord, pour plus de facilité, chacun de ces restes par les premiers termes
pour avoir des polynômes dont les premiers termes soient l’unité, et, ces polynômes étant nommés
on continuera l’opération comme on l’a enseigné dans le no 10.
De cette manière, on trouvera la série exprimée par la fraction continue
et, pour la réduire à une fraction ordinaire, on cherchera les valeurs
des quantités,
de la manière suivante
ensuite de quoi on aura pour la fraction génératrice de la série, où il est bon de remarquer que le polynôme sera du degré
en sorte que l’ordre de la série récurrente sera aussi marqué par ce même nombre.
Exemple II.
14. Soit proposée la série des nombres
dont la loi est assez claire ; on demande si cette série est du genre des récurrentes, et quelle doit être, en ce cas, l’expression de son terme général.
On formera pour cela la série
et l’on divisera d’abord par ce qui donnera le quotient et le reste
qu’on divise ce reste par le premier terme et l’on aura le polynôme
par lequel on divisera maintenant le polynôme
ce qui donnera le quotient
et le reste
on divisera donc ce reste par le premier terme pour avoir le polynôme
et ensuite on divisera le polynôme par le dernier polynôme ce qui donnera le quotient et un reste nul ; d’où l’on conclura d’abord que la série proposée est effectivement récurrente.
Pour en trouver maintenant la fraction génératrice, il n’y aura qu’à considérer les quotients et les premiers termes des restes et, prenant tant les uns que les autres à rebours, on en formera les quantités suivantes
dont les deux dernières donneront la fraction cherchée savoir
D’où l’on voit que la série proposée est récurrente du quatrième ordre, ayant pour échelle de relation les coefficients Or, comme le dénominateur
se résout dans les facteurs
et que ce dernier se résout encore dans ces deux facteurs imaginaires
ou bien
ou, ce qui revient au même,
on pourra décomposer la fraction génératrice en ces quatre-ci
et l’on trouvera
et de même
de là on trouvera le terme général
c’est-à-dire, en substituant les valeurs des coefficients et réduisant,
Remarque II.
15. Au reste il serait peut-être encore plus simple et plus commode d’employer dans Le calcul les restes tels qu’ils se trouvent, sans les diviser par leurs premiers termes, comme nous l’avons dit ci-dessus ; il est vrai que 1, de cette manière, les quotients renfermeront nécessairement des puissances négatives de mais il n’y aura alors qu’à faire disparaître les puissances négatives de la fraction génératrice en multipliant le haut et le bas par la plus haute puissance négative qui s’y trouvera.
Ainsi l’on peut réduire la solution du Problème précédent à cette règle fort simple :
Divisez l’unité par la série proposée et continuez la division jusqu’à ce qu’il y ait dans le quotients deux termes qui renferment deux puissances consécutives de comme divisez ensuite la série par le reste de cette division, et avec les mômes conditions ; divisez, après cela, le second reste par le premier, et continuez ainsi en divisant le nouveau reste par le précéclent, de manière qu’il y ait toujours dans chaque quotient deux termes de la forme précédente ; si la série est récurrente, on parviendra nécessairement à une division exacte ; et alors, nommant
les quotients trouvés dans les divisions, on aura
Donc, faisant
on aura
Exemple III.
16. Pour confirmer la règle précédente par un Exemple, soit proposée la série
on en formera la série
et l’on fera l’opération suivante, qui est analogue à celle qui sert à trouver le plus grand commun diviseur de deux quantités. Divisant d’abord par on trouvera le quotient et le reste
Divisant ensuite par on a le quotient et le reste
continuant ainsi à diviser par on aura le quotient et comme il ne reste rien de cette division, l’opération sera terminée ; en sorte qu’on sera assuré que la série proposée est véritablement récurrente.
Or, puisque les quotients trouvés sont
on fera
et l’on aura c’est-à-dire, en multipliant le haut et le bas par
pour la fraction génératrice de la série proposée. On voit par là que, comme le dénominateur de cette fraction est le cube de la série ne peut être autre chose qu’une série algébrique du second ordre ; c’est aussi ce que l’on aurait pu reconnaître d’abord, puisque les différences secondes sont constantes.
Remarque III.
17. Quoique, généralement parlant, dans la fraction génératrice le dénominateur doive être un polynôme d’un degré plus grand que celui du numérateur, cependant il peut arriver que-quelques-unes des plus hautes puissances de s’évanouissent dans le dénominateur, en sorte qu’il se trouve abaissé par là à un degré égal ou moindre que celui du numérateur ; dans ce cas, la série récurrente qui en résultera sera aussi d’un ordre moindre qu’elle n’aurait dû être ; mais elle contiendra au commencement un certain nombre de termes irréguliers, après lesquels seulement elle commencera à être véritablement récurrente. Ainsi notre règle sert également, soit que la série soit récurrente dès son commencement, ou qu’elle contienne d’abord quelques termes irréguliers. Éclaircissons ceci par un Exemple.
Exemple IV.
18. Soit proposée la série
on en formera d’abord celle-ci
et l’on procédera comme dans l’Exemple précédent. Divisant donc par on a le quotient et le reste
divisant ensuite par on a le quotient et le reste
divisant encore par on trouve le quotient et le reste
enfin, divisant par on a le quotient et il ne reste rien ; d’où il s’ensuit que la série proposée est nécessairement récurrente.
Ayant donc trouvé les quatre quotients
on en formera les quantités suivantes
dont les deux dernières donnent la fraction génératrice
or, comme est élevé à une puissance plus haute dans le numérateur que dans le dénominateur, il s’ensuit qu’en divisant celui-là par celui-ci, jusqu’à ce qu’on arrive à un reste où l’exposant de soit moindre que qui est le plus grand exposant du dénominateur, la fraction se réduira à
d’où l’on voit que la série n’est autre chose qu’une suite récurrente provenant de la fraction
à laquelle on a ajouté au commencement les deux termes arbitraires
de sorte qu’en retranchant ces deux termes de la série on aura celle-ci
qui sera récurrente dès le commencement ; ou bien on pourra diviser le numérateur
par le dénominateur
en commençant par le terme et, continuant la division jusqu’à ce que l’on arrive à un reste qui renferme un nombre de termes moindre d’une unité que le diviseur, on aura ainsi le quotient et le reste en sorte que la fraction deviendra
d’où il est facile de conclure qu’en retranchant de la série les deux premiers termes et divisant les autres par on aura une série récurrente régulière, dont la fraction génératrice sera
Remarque IV.
19. La solution du Problème précédent n’est, comme l’on voit, qu’une simple application de la Théorie des fractions continues ; mais, quoique cette Théorie ait déjà été traitée par plusieurs grands Géomètres, il paraît que l’application dont il s’agit peut néanmoins être regardée comme neuve à plusieurs égards, et surtout relativement au point de vue sous lequel nous venons de l’envisager. En effet on n’avait point encore de méthode générale pour reconnaître si une série proposée, dont on ne connaît que la valeur de uelques termes consécutifs, est du genre des récurrentes, et pour trouver en même temps la loi de ses termes. Le seul cas où l’on pût trouver à posteriori la loi d’une série était lorsque, en prenant les différences successives de ses termes, on parvenait à des différences constantes ; or il est clair que ce cas n’est qu’un cas particulier de notre Théorie générale, car on sait que toute série qui a des différences constantes d’un ordre quelconque n’est autre chose qu’une série simplement algébrique du même ordre ; par conséquent ce n’est qu’une espèce de séries récurrentes dont l’échelle, au lieu d’être un polynôme quelconque, est une puissance du binôme particulier (no 7). J’avoue que la méthode des différences est plus simple et plus commode que celle des fractions continues que nous venons d’exposer ; aussi est-elle préférable pour trouver la loi des séries qui ont des différences constantes d’un ordre quelconque ; mais, si en prenant les différences successives des termes d’une série on ne parvient jamais à des différences constantes, il faut alors avoir recours à notre méthode, pour voir si la série est au moins du genre des récurrentes.
Au reste il est bon de remarquer que, si l’on prend les différences successives des termes d’une série récurrente quelconque, ces différences formeront elles-mêmes une autre série récurrente du même ordre ; car soit la série récurrente
laquelle résulte de la fraction
qu’on mette, tant dans la série que dans la fraction, à la place de et qu’on divise ensuite l’une et l’autre par il est clair que la série deviendra celle-ci
laquelle, en développant les puissances de suivant les règles connues, et ordonnant les termes suivant se réduit à cette forme
c’est-à-dire, à
en marquant par
les différences successives des premiers termes de la série
c’est-à-dire, les différences première, deuxième, troisième, de ses termes, en sorte que l’on ait
Cette nouvelle série sera donc égale à la fraction
dont le numérateur et le dénominateur, étant développés et ordonnés suivant les puissances de seront aussi des polynômes, l’un du degré l’autre du degré comme ceux de la fraction génératrice de la série primitive ; d’où il est aisé de conclure que la série des différences
sera également une série récurrente du même ordre que la proposée
On pourra donc aussi appliquer notre méthode à la série des différences dont nous venons de parler, et dès qu’on en aura trouvé la fraction génératrice, si elle en a une, il n’y aura qu’à y substituer à la place de et la diviser en même temps par on aura sur-le-champ la fraction génératrice même de la série proposée.
Si la série proposée est purement algébrique de l’ordre alors on sait que les différences de l’ordre doivent être constantes, et par conséquent celles des ordres suivants nulles ; en sorte qu’on doit avoir dans ce cas
or c’est aussi ce qui résulte de l’analyse précédente ; car dans ce cas la fraction génératrice de la série aura pour dénominateur
et il est facile de voir qu’en y faisant les substitutions et les réductions indiquées pour avoir la fraction génératrice de la série des différences, cette dernière fraction ne contiendra plus
à son dénominateur, de sorte qu’elle deviendra un simple polynôme du degré
d’où il s’ensuit que les termes affectés de
dans la série des différences devront être nuls ; ce qui donnera donc
En général, si la série proposée
qu’on suppose toujours de l’ordre contient une partie purement algébrique de l’ordre le dénominateur de sa fraction génératrice aura nécessairement pour facteur la puissance laquelle s’évanouira par la substitution de à la place de en sorte que la série des différences se trouvera rabaissée d’elle-même à l’ordre mais elle aura au commencement termes irréguliers, après lesquels elle deviendra régulière de l’ordre comme on l’a expliqué ci-dessus (no 18).
Ainsi, en rejetant les termes irréguliers
laquelle sera donc récurrente de l’ordre et ne contiendra plus de partie algébrique.
Remarque V.
20. Il est encore bon de remarquer que l’on peut toujours simplifier une série récurrente et la rabaisser à un ordre inférieur, en y détruisant quelques-unes des séries partielles dont elle est composée, pourvu qu’on connaisse seulement l’échelle de relation de ces séries, c’est-à-dire, le dénominateur de leur fraction génératrice ; car, comme ce dénominateur doit être un facteur de celui de la fraction génératrice de la série totale, il s’ensuit que, si l’on multiplie cette série par le même facteur, la série résultante deviendra nécessairement plus simple, puisque sa fraction génératrice n’aura plus pour dénominateur que l’autre facteur, en sorte que les séries partielles dépendant du premier facteur se trouveront entièrement éteintes.
Il faut seulement observer que, dans ce cas, la nouvelle série contiendra, au commencement, autant de termes irréguliers qu’il y a d’unités dans le degré du multiplicateur ; de sorte qu’il faudra retrancher ces termes et diviser ensuite les autres par la plus haute puissance de