Mémoires extraits des recueils de l’Académie des sciences de Paris et de l’Institut de France/Sur l’équation séculaire de la Lune

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SUR
L’ÉQUATION SÉCULAIRE DE LA LUNE[1].


Nec cum fiducià inveniendi, nec sine spe.
Senec., Nat., quæst. vii, 29.

[Mémoires de l’Académie royale des Sciences de Paris, Savants étrangers,
t. VII ; 1773. (Prix pour l’année 1774.)]


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La question proposée par l’Académie Royale, des Sciences pour le sujet du Prix de l’année 1774 est double et renferme, à proprement parler, deux questions différentes.

Dans la première, on demande par quel moyen on peut s’assurer qu’il ne résultera aucune erreur sensible des quantités qu’on aura négligées dans le calcul des mouvements de la Lune.

Et, dans la seconde, on demande si, en ayant égard non-seulement à l’action du Soleil et de la Terre sur la Lune, mais encore, s’il est nécessaire, à l’action des autres planètes sur ce satellite, et même à la figure non sphérique de la Lune et de la Terre, on peut expliquer, par la seule Théorie de la gravitation, pourquoi la Lune paraît avoir une équation séculaire, sans que la Terre en ait une sensible.

Le Mémoire suivant est destiné uniquement à répondre à la seconde de ces deux questions. On y verra : 1o que l’équation séculaire de la Lune ne saurait être expliquée par la seule Théorie de la gravitation, du moins en prenant cette équation telle que les astronomes l’ont adoptée d’après feu M. Mayer ; 2o que les preuves que l’on a de l’existence de cette même équation ne sont pas, à beaucoup près, aussi solides et aussi convaincantes qu’on pourrait le désirer. Je serai suffisamment récompensé de mon travail si l’illustre Compagnie, à qui j’ai l’honneur de le présenter, daigne l’honorer de quelque attention, et surtout s’il peut exciter d’autres plus habiles que moi à le pousser plus loin, et à décider irrévocablement l’importante question de l’équation séculaire de la Lune.

Quant à la première question, j’avoue que, après y avoir médité longtemps et avec toute l’attention dont je suis capable, je n’ai rien trouvé qui pût me satisfaire, ou qu’on pût du moins ajouter à ce que M. d’Alembert a déjà dit sur ce sujet dans les derniers volumes de ses Opuscules. J’ai donc cru pouvoir me dispenser de traiter cette question, et je me flatte que l’Académie voudra bien ne pas m’en savoir mauvais gré ; en récompense, j’ai tâché de m’étendre d’autant plus sur l’autre question, et d’entrer dans des détails astronomiques que cette illustre Compagnie n’a pas demandés, mais que j’ai crus indispensables dans la matière dont il s’agit.

1. Quoique la Théorie de la gravitation universelle ait jusqu’ici parfaitement rendu raison des inégalités périodiques qu’on observe dans les mouvements des Corps célestes et surtout de la Lune, elle n’a cependant pas encore fourni d’explication de l’équation séculaire de cette planète. M. Halley est le premier qui ait soupçonné une accélération dans le moyen mouvement de la Lune, comme on le voit par ce passage de la seconde édition des Principes mathématique Et collatis quidem obser- vationibus eclipsium babylonicis cum iis Albategnii et cum hodiernis, Halleyus noster motum medium Lunæ cum motu diurno Terræ collatum paulatim accelerari, primus omnium, quod sciam, deprehendit, page 481. Mais, soit que ce grand Astronome n’ait pas cru pouvoir entièrement compter sur l’exactitude des observations qui lui avaient donné l’accélération de la Lune, soit qu’il ait regardé cette accélération comme trop peu sensible pour qu’on dût en tenir compte dans le calcul du lieu de cette planète, il est certain qu’il n’y a eu aucun égard dans les Tables qu’il en a publiées depuis. Cependant la remarque de M. Halley n’est pas demeurée infructueuse deux savants Astronomes, MM. Dunthorne et Mayer, ayant entrepris d’examiner de nouveau ce point important de la Théorie de la Lune, ont non-seulement reconnu l’existence de l’équation séculaire de cette planète, ils en ont de plus déterminé la quantité le premier l’a fixée à secondes pour le premier siècle, et le second à secondes dans ses premières Tables, et ensuite à secondes dans les dernières ; et comme les Tables de la Lune de M. Mayer ont été généralement adoptées par les Astronomes, l’accélération du mouvement de la Lune est maintenant regardée comme un fait dont il semble qu’il ne soit presque pas permis de douter.

M. de la Lande a néanmoins remarqué, dans son Astronomie, qu’il restait encore quelque incertitude sur les observations qui ont servi à déterminer ce nouvel élément de la Théorie de la Lune, et qui se réduisent à deux éclipses de Soleil observées en et près du Caire, par Ibn Jonis, Astronome du calife d’Égypte Aziz ; comme ces observations sont les seules que nous ayons pour servir de terme de comparaison entre les anciennes observations des Babyloniens et celles de ces derniers temps, il faut avouer que, si l’on était obligé de les rejeter, on perdrait les principales et même les uniques preuves décisives que l’on ait de l’accélération du moyen mouvement de la Lune ; car je ne puis croire, avec M. Mayer, que cette question puisse se décider par la simple comparaison des observations du siècle passé avec celles de ce siècle, les variations qui peuvent se trouver dans le mouvement moyen de la Lune, dans le court espace d’un siècle, étant nécessairement trop petites pour pouvoir être attribuées à d’autres causes qu’aux erreurs des observations et à l’incertitude qui a encore lieu dans quelques-unes des équations de la Lune.

Quoi qu’il en soit, en attendant que le temps et les reclierches des astronomes nous apportent de nouvelles lumières, la Théorie est, ce me semble, le seul moyen que nous ayons pour décider un point d’Astronomie si important. Il s’agit donc d’examiner, le plus soigneusement qu’il est possible, si la gravitation universelle peut produire, dans le mouvement moyen de la Lune, une altération sensible et conforme aux observations ; c’est la question que je me propose de traiter dans ces Recherche.

2. Pour que le moyen mouvement de la Lune soit assujetti à une altération croissante comme le carré du temps, ainsi qu’on le suppose dans les Tables, il faut que la formule générale du lieu vrai de cette planète renferme, outre le terme qui représente le mouvement moyen, encore un terme de la forme étant un coefficient positif et très-petit ; ce dernier terme représentera donc l’équation séculaire, qui sera toujours additive au mouvement moyen avant et après l’époque qu’on aura fixée pour le commencement de cette équation, et qui, dans les Tables de Mayer, tombe au commencement de ce siècle. Donc, nommant le rapport de la circonférence au rayon, on aura pour la valeur de l’équation dont il s’agit au bout d’une révolution de la Lune ; et, nommant ensuite le rapport du mouvement moyen de la Lune à celui du Soleil, on aura pour la quantité de la même équation au bout de la première année après l’époque ; enfin, multipliant cette quantité par on aura la quantité de l’équation pour le premier siècle, laquelle étant, suivant M. Mayer, de secondes, on aura cette équation

c’est-à-dire, en réduisant aussi les degrés en secondes,

d’où l’on tire

or on a à très-peu près et donc on aura environ

3. Telle doit donc être la valeur du coefficient de l’équation séculaire, dans l’hypothèse que cette équation soit réelle et croisse constamment comme le carré du temps ; mais, comme il peut se faire aussi qu’elle ne soit qu’apparente, et que ce ne soit dans le fond qu’une équation périodique, mais dont la période soit très-longue, il est bon de voir en particulier quelle devrait être sa valeur dans ce cas ; car, quoique l’effet de l’équation séculaire puisse être sensiblement le même dans l’un et dans l’autre cas, pendant un intervalle de temps peu considérable, il deviendra cependant fort différent au bout d’un grand espace de temps ; de sorte que, si cette équation, au lieu d’être réelle, n’est qu’apparente, elle devra nécessairement avoir une tout autre valeur que celle que nous venons de trouver, pour pouvoir répondre à la fois aux observations babyloniennes et arabes qui ont servi de données dans la détermination de cet élément. Mais pour cela il est nécessaire de commencer par examiner, en peu de mots, comment on peut accorder ces observations par l’introduction d’une équation séculaire réelle ; ensuite nous verrons ce qui doit en résulter dans l’hypothèse que l’équation séculaire ne soit qu’apparente.

4. Comme les observations les plus distantes entre elles sont celles qui peuvent fournir les déterminations les plus exactes des mouvements moyens des planètes, on a employé dans la détermination de celui de la Lune la plus ancienne éclipse dont la mémoire nous ait été conservée, et qui est celle que Ptolémée rapporte avoir été observée à Babylone le 19 mars 720 avant J.-C. (Almageste, Livre IV, Chapitre VI). M. Cassini ayant comparé cette observation avec celle d’une éclipse de l’année 1717, où la Lune s’est trouvée à peu près dans les mêmes circonstances, a trouvé le mouvement séculaire de la Lune de or, si le mouvement moyen de la Lune était tout à fait uniforme, il est clair qu’on devrait toujours trouver le même résultat en comparant ensemble d’autres observations ; mais on a reconnu dans ces derniers temps que les observations arabes, dont on a parlé ci-dessus, comparées avec les observations de ce siècle, donnent environ de plus pour le mouvement séculaire de la Lune. M. de la Lande, dans les Mémoires de l’Académie, année 1757, trouve qu’en employant le mouvement moyen qui résulte des observations arabes, la longitude de la Lune dans l’éclipse de 720 avant J.-C. est moindre de que l’observation ne l’a donnée ; or, comme M. de la Lande suppose le milieu de cette éclipse minutes plus tôt que M. Cassini, il s’ensuit qu’il faut ôter de le mouvement relatif de la Lune au Soleil pendant minutes, lequel est de ainsi l’on aura qui, étant partagés en nombre des siècles écoulés entre l’observation dont il s’agit et 1700, donne dont le mouvement moyen séculaire est plus grand, parce que, comme en remontant on avance contre l’ordre des signes, une longitude moindre indique un plus grand espace parcouru. C’est ce qui a engagé les Astronomes à appliquer au mouvement moyen une équation séculaire propre à sauver cette différence.

5. En effet, soit le mouvement séculaire moyen dont la marche est uniforme, et l’équation séculaire, que nous supposerons d’abord proportionnelle au carré du temps ; et, prenant le commencement de ce siècle pour époque, on aura, après siècles, le mouvement moyen par conséquent, en faisant négatif, on aura, pour siècles comptés en arrière, le mouvement moyen Soit maintenant le mouvement séculaire moyen trouvé par M. Cassini d’après l’éclipse de 720 avant J.-C. et le mouvement séculaire moyen trouvé d’après les observations arabes de 977 et 978 ; et comme, entre les années 720 avant J.-C. et 1700, il s’est écoulé siècles, et que, entre les années 978 et 1700, il s’est écoulé environ siècles, on aura et pour les mouvements moyens qui se rapportent aux années 720 avant J.-C. et 978 donc, si l’on veut que la formule satisfasse à la fois aux observations de ces années, il n’y aura qu’à supposer successivement et former ensuite les équations

c’est-à-dire,

d’où l’on tire

Or on a trouvé et donc on aura

ce qui s’accorde à très-peu près avec les éléments que M. Mayer a employés dans ses dernières Tables, où il fait le mouvement séculaire moyen de et l’équation séculaire de secondes pour le premier siècle, à compter depuis 1700.

6. Supposons maintenant que l’équation séculaire ne soit pas constamment proportionnelle au carré du temps, mais qu’elle dépende du sinus d’un angle qui varie peu, en sorte qu’elle ne suive la loi du carré que pendant un certain espace de temps ; soit cet angle, étant, comme ci-dessus, le mouvement moyen de la Lune, et étant un coefficient très-petit, de manière que l’angle demeure encore très-petit vis-à-vis de l’angle fini ; et comptant au bout d’un grand nombre de révolutions de la Lune, on aura pendant cet intervalle de temps

à très-peu près ; d’où l’on tire

de sorte que l’équation séculaire apparente sera véritablement représentée par la formule

et par conséquent s’éloignera à la longue de la loi du carré du temps.

7. Voyons donc quelle doit être, dans cette hypothèse, la valeur du coefficient pour satisfaire aux mêmes données du no 4. Soit la quantité de l’angle au bout d’un siècle, on aura au bout de siècles donc

ainsi l’équation séculaire sera, pour siècles,

lorsque cette quantité devient (à cause de très-petit) qui sera donc la quantité de l’équation séculaire pour le premier siècle. Nommons donc, comme ci-dessus, cette valeur de l’équation séculaire et le mouvement séculaire moyen ; on aura, après siècles, le mouvement moyen égal à

Faisant donc successivement et pour avoir les mouvements moyens qui répondent aux années 720 avant J.-C. et 978, on formera ces deux équations

c’est-à-dire, en changeant les signes,

d’où l’on tirera aisément et quand on connaîtra et ensuite on aura, comme dans le no  2,

d’où l’on tirera

8. Supposons, par exemple, que l’angle soit égal au double de la longitude de l’apogée du Soleil (on verra plus bas, aux nos 30 et suivants, pourquoi nous choisissons cette hypothèse) ; on aura donc, en prenant toujours le commencement de ce siècle pour époque, égal au double de la longitude de l’apogée du Soleil en 1700, et au double du mouvement séculaire de cet apogée ; ainsi l’on aura, par les nouvelles Tables de Mayer,

(en parties du rayon)

Substituant ces valeurs dans les équations précédentes, on aura

c’est-à-dire,

ou bien, en réduisant,

d’où

et, à cause de et (no 5),

d’où l’on voit que la valeur de doit être négative et égale à environ deux tiers de la valeur qu’elle doit avoir dans le cas de l’équation constamment proportionnelle au carré du temps ; quant au mouvement séculaire moyen, il ne diffère que de de celui qu’on a trouvé dans le cas dont nous venons de parler.

Dans l’hypothèse présente, on aurait donc pour l’équation séculaire, qui devra être ajoutée au mouvement moyen au bout de siècles comptés depuis 1700,

et, pour les siècles qui précèdent 1700, il n’y aura qu’à prendre négatif.

Et la valeur du coefficient sera

environ.

9. On trouverait des résultats différents si l’on adoptait d’autres hypothèses à l’égard de l’angle et il est clair que, tant qu’il ne s’agira que de satisfaire aux données du no 4, on sera le maître de donner telles valeurs qu’on voudra à et à de sorte que le Problème de l’équation séculaire de la Lune, envisagé sous ce point de vue, est entièrement indéterminé et ne peut être résolu par le secours des observations seules. Il est vrai que les Astronomes supposent communément que les équations séculaires des planètes ne peuvent être que proportionnelles aux carrés des temps ;. mais il paraît que la simplicité et la facilité de cette hypothèse sont les seuls motifs qu’ils aient de l’embrasser.

Ce n’est donc que par la Théorie qu’on peut se flatter de déterminer la forme de l’équation séculaire des planètes et de la Lune en particulier ; et la question est de savoir si, parmi les inégalités qui résultent de l’attraction mutuelle des Corps célestes, il doit yen avoir de l’espèce de celles que nous avons supposées ci-dessus dans le mouvement de la Lune, et dont l’effet ne doit être sensible qu’au bout de plusieurs siècles ; or, pour ce qui regarde la Lune, quoiqu’il soit démontré que ses inégalités périodiques sont entièrement et uniquement dues à l’action du Soleil combinée avec celle de la Terre, cependant il paraît très-diflicile et presque impossible de déduire de la même cause l’inégalité séculaire de cette planète ; du moins aucun de ceux qui ont travaillé jusqu’à présent à la solution du Problème des trois Corps n’a pu trouver dans la formule du lieu de la Lune des termes propres à produire une altération vraie ou même seulement apparente dans son mouvement moyen sur quoi on peut voir surtout les judicieuses et fines remarques de M. d’Alembert dans les volumes V et VI de ses Opuscules.

Mais il y a une circonstance à laquelle on n’a point encore fait attention jusqu’ici dans les calculs des mouvements de la Lune c’est la nonsphéricité de la Terre, laquelle produit une petite altération dans la force qui pousse la Lune vers la Terre, en sorte qu’il en résulte une nouvelle force perturbatrice de l’orbite de la Lune, laquelle, étant combinée avec celle qui vient de l’action du Soleil, pourrait peut-être produire des termes qui donneraient l’équation séculaire de la Lune. Ce point mérite donc d’être discuté soigneusement ; c’est ce que nous allons faire avec tout le détail que la difficulté et l’importance de la matière exigent.

10. Soit le rayon vecteur de l’orbite qu’un Corps décrit dans un plan fixe en vertu de deux forces, l’une dirigée vers le centre des rayons vecteurs, et l’autre toujours perpendiculaire à ces rayons ; nommant l’angle parcouru pendant le temps on aura, comme l’on sait, les deux équations

(I.)
(II.)

La seconde, étant multipliée par et ensuite intégrée, donne

étant la valeur de lorsque est nul ; et de là on tire d’abord

(III.)

Ensuite, substituant cette valeur dans la première équation et prenant constant, on aura

(IV.)

Donc, si la force est composée d’une force et d’une force perturbatrice on aura, en faisant

(V.)

Et, si les forces perturbatrices et sont très-petites par rapport à la force principale on aura à très-peu près

VI.
VII.

Ces formules sont assez connues, mais nous avons cru devoir les rappeler ici pour épargner à nos lecteurs la peine de les aller chercher ailleurs.

11. Pour appliquer maintenant ces formules au mouvement de la Lune, nous supposerons d’abord que cette planète se meuve dans l’écliptique, c’est-à-dire, que nous ferons abstraction de l’inclinaison de son orbite, qu’on sait toujours être fort petite ; il sera ensuite aisé d’y avoir égard si on le juge à propos. Dans cette supposition donc, si l’on nomme le rayon vecteur de l’orbite du Soleil, sa masse et la distance ou l’élongation de la Lune au Soleil, on trouve que l’action du Soleil sur la Lune produit deux forces perturbatrices, l’une dans la direction du rayon vecteur de l’orbite de la Lune autour de la Terre, laquelle est

l’autre perpendiculaire au même rayon vecteur, et qui est

étant la distance rectiligne entre la Lune et le Soleil, en sorte que

Or, comme est environ quatre cents fois plus grand que on aura, avec une approximation suffisante,

donc, substituant cette valeur, et faisant attention que

on aura, par l’action du Soleil sur la Lune :

Force perturbatrice dans la direction du rayon,

Force perturbatrice perpendiculaire au rayon,

12. À ces forces provenant de l’attraction du Soleil, il faut maintenant ajouter celles qui viennent de l’attraction de la Terre ; et comme on veut avoir égard à la non-sphéricité de sa figure, il est nécessaire de considérer en particulier l’attraction de chaque particule de la Terre sur la Lune et d’en chercher les forces résultantes.

Pour faciliter cette recherche, nous commencerons par établir cette proposition préliminaire, qui est assez facile à démontrer et qui peut être aussi utile dans d’autres occasions :

Si un point attire un autre point avec une force quelconque et qu’on propose de décomposer cette force suivant trois directions données perpendiculaires entre elles ; soit la distance entre les deux Corps, et soit l’accroissement de cette distance en supposant que le Corps attiré parcoure, suivant l’une des directions dont il s’agit, l’espace infiniment petit on aura pour la partie de la force qui agit suivant cette même direction.

De là il s’ensuit que, si l’on détermine la position du point par rapport au point par trois variables dont les différentiellcs soient dans les directions suivant lesquelles il s’agit de décomposer la force en sorte que la distance soit une fonction de et qu’on dénote, comme à l’ordinaire, par les coefficients de dans la différentielle de on aura

pour les trois forces résultantes de la force

Si est proportionnelle à ce qui est le cas de l’attraction céleste, on aura

par conséquent, les trois forces dont il s’agit pourront se représenter par les coefficients de dans la différentielle de en sorte qu’il suffira de trouver la valeur de et de la différentier par les méthodes ordinaires.

Si le point est attiré en même temps vers différents points dont les distances à soient et dont les attractions soient

il est visible qu’il n’y aura qu’à chercher la valeur de la quantité

et la différentier suivant les coefficients de dans cette différentielle donneront immédiatement les forces cherchées. Donc, en général, si le point est attiré par un Corps de figure quelconque et dont la masse soit en considérant chaque élément de ce Corps comme un point attirant, il faudra prendre d’abord la somme de tous les en faisant varier uniquement les quantités qui se rapportent aux

éléments et regardant les comme constantes ; dénotant cette somme par on y fera varier ensuite les quantités relatives à la position du point et l’on aura

pour les trois forces suivant auxquelles se réduira l’effet de l’attraction totale du Corps sur le point

13. Cela posé, pour pouvoir appliquer avec facilité cette méthode à la recherche des forces qui résultent de l’attraction de toutes les parties de la Terre sur la Lune, nous considérerons le centre de la Terre, ainsi que le plan de son équateur, comme fixes ; et nous y rapporterons, tant la position de chaque particule de la Terre que celle du centre de la Lune, on ayant attention d’employer, pour déterminer la position de ce centre des lignes variables, dont les différentielles aient les mêmes directions qu’on veut donner aux forces résultantes de l’attraction totale de la Terre sur la Lune.

Nous supposerons de plus que l’axe de la Terre soit un de ses trois axes naturels de rotation, et que, par conséquent, les deux autres se trouvent dans le plan de l’équateur ; car, quelle que soit la figure de la Terre et la disposition intérieure de ses parties, la rotation constante et uniforme qu’elle a autour de son axe suffit pour nous convaincre que cet axe est nécessairement un de ses axes naturels de rotation ; de sorte que, comme les deux autres doivent être perpendiculaires à celui-là, ils ne peuvent être placés que dans le plan de l’équateur.

Donc, si l’on nomme la distance d’une particule quelconque de la Terre au plan de l’équateur, et les distances de cette même particule aux plans des méridiens qui passent par le deuxième et par le troisième axe naturel de rotation de la Terre, on aura d’abord, par les propriétés du centre de gravité,

et, par les propriétés des axes naturels de rotation, on aura en mêmes temps

14. Dans le cas où les deux hémisphères de la Terre sont supposés semblables et de densité uniforme, il est facile de voir qu’on aura de plus, en général,

étant un nombre impair quelconque, et une fonction quelconque de et de et, si la Terre est un sphéroïde de révolution, on aura

étant une fonction quelconque de et et une fonction quelconque de et mais ces quantités ne seront plus nulles dès qu’on voudra abandonner ces hypothèses et regarder la Terre comme ayant une figure quelconque.

15. Soient maintenant l’obliquité de l’écliptique, la longitude de la Lune comptée depuis l’équinoxe du printemps, et sa latitude ; nommant son ascension droite et sa déclinaison, on aura par la Trigonométrie ces deux équations

d’où il est facile de tirer

De plus, il est aisé de voir que, si l’on nomme le rayon de l’orbite lunaire, et que soit la distance de la Lune au plan de l’équateur, sa distance au plan passant par le colure des équinoxes, et celle au plan

qui passe par le colure des solstices, il est aisé de voir, dis-je, que l’on aura

et par conséquent

Ainsi l’on connaîtra les coordonnées rectangles de la Lune, rapportées au plan de l’équateur.

16. Or il est clair que l’ordonnée est toujours parallèle à l’ordonnée mais les autres ordonnées et ne peuvent être parallèles aux ordonnées et que dans le cas où le deuxième axe de rotation de la Terre passerait par les équinoxes ; ainsi il faudra encore changer les coordonnées et en deux autres qui soient toujours parallèles aux coordonnées et ou bien on changera ces dernières en deux autres parallèles à celles-là ; ce qui est d’ailleurs plus convenable, à cause que la ligne des équinoxes est à peu près fixe, au lieu que le deuxième et le troisième axe naturel de rotation de la Terre changent continuellement de position, à cause de sa révolution diurne autour du premier axe.

Soit donc l’angle que le deuxième axe de rotation de la Terre fait avec la ligne des équinoxes, c’est-à-dire, la distance du premier méridien à l’équinoxe, en nommant, ce qui est permis, premier méridien celui qui passe par ce même axe ; et qui est, par conséquent, fixe sur la surface de la Terre ; on verra aisément que, si l’on désigne par et les nouvelles coordonnées dont l’une serait perpendiculaire et l’autre parallèle à la ligne des équinoxes dans le plan de l’équateur, on aura

Et, comme les coordonnées qui répondent à la particule de la Terre sont respectivement parallèles aux coordonnées, qui ré-

pondent au centre de la Lune, il est clair que la distance de cette particule à la Lune sera exprimée par la formule

17. Soit, pour abréger, ( étant la distance de la particule au centre de la Terre) ; on aura aussi et, comme on a déjà on aura, en substituant les valeurs de et développant les termes,

où l’on remarquera que le rayon de l’orbite de la Lune est infiniment plus grand que les quantités en sorte qu’on pourra exprimer commodément la valeur de par une série fort convergente.

Pour cela je suppose

ou bien, en substituant les valeurs de et

en sorte que l’on ait

et, regardant les quantités et comme très-petites du même ordre vis-à-vis de on aura

c’est-à-dire, en ordonnant les termes par rapport aux puissances de et

ne poussant la précision que jusqu’aux infiniment petits du troisième ordre,

18. Faisons encore, pour abréger,

de manière que la valeur de soit représentée par et, substituant cette quantité à la place de dans l’expression précédente de on aura, à cause de

[2].

Donc, multipliant cette quantité par et intégrant en ne faisant varier que les quantités on aura la valeur de ou de (no 12) ; ainsi, en faisant attention que (no 13)

et supposant, pour plus de simplicité,

on aura

19. Or, comme est la distance du centre de la Lune au centre de la Terre, et que sont deux angles dont l’un représente la longitude de la Lune sur l’écliptique et l’autre sa latitude, il est clair qu’en faisant varier ces trois quantités à la fois on aura et pour les trois petits espaces que le centre de la Lune parcourra suivant la direction du rayon et suivant deux autres directions perpendiculaires à celle-ci, dont l’une parallèle au plan de l’écliptique et l’autre dans un plan perpendiculaire à l’écliptique. Ainsi, prenant ces trois quantités pour les différences (no 12), on aura

pour les expressions des forces résultantes de l’attraction de toutes les

parties de la Terre sur la Lune, et dont les directions seront les mêmes que celles des petits espaces

Si, au lieu du rayon de l’orbite réelle de la Lune, on introduisait le rayon de son orbite projetée sur l’écliptique, et qu’au lieu de la latitude on introduisît la distance perpendiculaire de la Lune au plan de l’écliptique ce qui ne demande que de mettre partout, dans l’expression de ,

à la place de , et à la place de et alors, en faisant varier les trois quantités et prenant et pour on aurait les trois forces

qui seraient équivalentes aux précédentes, mais dont la première agirait suivant la direction du rayon la seconde perpendiculairement à ce rayon et parallèlement à l’écliptique, la troisième perpendiculairement à ces deux-là.

Comme cette dernière manière d’envisager les forces qui proviennent de l’action de la Terre sur la Lune est beaucoup plus convenable, lorsqu’on ne veut pas considérer l’orbite réelle de la Lune, mais son orbite projetée sur l’écliptique, ainsi que nous l’avons fait plus haut, nous nous y tiendrons dans la recherche présente, et nous remarquerons d’abord qu’on peut faire abstraction de la latitude de la Lune qui étant toujours assez petite, et étant d’ailleurs tantôt positive, tantôt négative, ne saurait influer que très-peu sur son mouvement moyen ; c’est pourquoi on pourra simplifier nos formules en y supposant d’avance et ce qui donnera

et l’on n’aura plus qu’à considérer les deux forces

parallèles à l’écliptique et dirigées, la première suivant le rayon et la seconde perpendiculairement à ce rayon ; de sorte que si l’on fait, pour abréger,

on aura, pour la force qui agit suivant la direction du rayon cette expression

et, pour celle qui agit perpendiculairement au rayon, celle-ci

La première de ces deux forces sera donc celle qui pousse la Lune vers le centre de la Terre, en vertu de l’attraction de toutes les parties de la Terre ; et il est visible que le premier terme de l’expression de cette force représentera l’attraction de la Terre sur la Lune, lorsqu’on n’a point d’égard à sa figure et qu’on la suppose toute concentrée dans un point ; de sorte que les autres termes de la même formule exprimeront la force perturbatrice de la Lune, dans la direction du rayon vecteur, provenant de la non-sphéricité de la Terre ; ainsi, joignant cette force à celle qu’on a trouvée plus haut (no 11) suivant la même direction, on aura la valeur de la force totale perturbatrice (no 10).

La seconde des forces trouvées ci-dessus, agissant perpendiculairement au rayon vecteur de l’orhite de la Lune, devra être pareillement ajoutée à celle qu’on a trouvée suivant la même directions, en vertu de l’action du Soleil, et l’on aura la valeur de l’autre force perturbatrice (numéros cités).

20. Si la Terre était sphérique et composée de couches concentriques de densité uniforme, il est facile de voir qu’on aurait nécessairement (no 18)

par conséquent les deux forces ci-dessus se réduiraient à

mais on a

comme on peut s’en convaincre par les valeurs de donc la première des deux forces précédentes, celle qui agit dans la direction du rayon vecteur, se réduira à c’est-à-dire, à ce qu’elle serait si la Terre était concentrée dans un point ; et la seconde deviendra entièrement nulle, ce qui s’accorde avec ce que l’on sait d’ailleurs.

Au reste les conditions de

peuvent avoir lieu d’une infinité de manières différentes, et sans que le Corps soit sphérique et de densité uniforme dans chaque couche ; mais, quoique ces conditions suffisent pour rendre nulles les forces perturbatrices que nous venons de trouver, cependant, comme les expressions précédentes ne sont qu’approchées, il est clair que les forces perturbatrices ne seront réellement nulles que lorsque tous les autres termes qu’on a négligés s’évanouiront aussi en même temps. Il n’y a peut-être que le seul cas où le Corps est sphérique, et de densité uniforme dans chaque couche, dans lequel les forces perturbatrices soient exactement et rigoureusement nulles ; mais c’est ce qui paraît assez difficile à démontrer.

Si l’on suppose que la Terre soit un solide quelconque de révolution, en sorte que tous ses méridiens aient la même figure, et que de plus toutes les parties de même densité y soient distribuées de manière qu’elles forment des couches semblables, supposition qui paraît la plus naturelle et la plus générale qu’on puisse faire, du moins, en tant qu’on regarde la Terre comme ayant été originairement fluide, on aura, dans cette hypothèse,

comme il est facile de s’en convaincre avec un peu de réflexion ; ainsi, à cause de

les deux forces perturbatrices provenant de la non-sphéricité de la Terre deviendront

dont la première agira suivant le rayon vecteur et l’autre perpendiculairement à ce rayon.

En supposant que la Terre soit un sphéroïde elliptique et homogène, on aura, en nommant le demi-axe et le demi-diamètre de l’équateur,

et le rapport de à est, par la Théorie de la figure de la Terre, égal à et par les observations égal à

En général, quels que soient la figure de la Terre et l’arrangement intérieur de ses parties, pourvu que on trouve, par la Théorie de la précession des équinoxes, que la précession moyenne annuelle des équinoxes, en vertu de l’action combinée du Soleil et de la Lune, est exprimée par

étant le rapport de la masse de la Lune à celle de la Terre, le rapport du mouvement de la Lune à celui du Soleil, et l’obliquité de l’écliptique. Or, par les observations, on sait que la précession moyenne, est de donc, exprimant aussi en secondes le mouvement diurne du Soleil, qui est de on aura, à cause de et

donc, si est suivant M. Daniel Bernoulli, on aura

à peu près.

21. Ayant donc trouvé les valeurs des forces perturbatrices et tant en vertu de l’action du Soleil que de celle de la Terre regardée comme non sphérique, il ne faudra plus que les substituer dans les équations VI et VII du no 10, pour pouvoir déterminer les inégalités de la Lune, qui résultent de ces deux causes ; mais, comme les effets de la première ont déjà été suffisamment examinés par les géomètres qui ont travaillé sur la Théorie de la Lune, et que notre objet n’est que de rechercher si la non-sphéricité de la Terre peut servir à expliquer l’équation séculaire de la Lune, il suffira d’avoir égard, dans les équations dont nous venons de parler, aux termes provenant de l’action de la Terre, soit seule, soit combinée avec celle du Soleil, et même, parmi ces termes, à ceux-là seuls qui paraîtront pouvoir produire une altération dans le mouvement moyen. Nous ferons, pour cet effet, les remarques suivantes.

22. Nous avons déjà vu que, pour que la Lune ait une équation séculaire réelle, il faut que l’angle du mouvement vrai renferme, outre l’angle du mouvement moyen qui est proportionnel au temps encore le terme (no 2) ; et si l’équation séculaire n’est qu’apparente, alors, au lieu du terme il faudra qu’il y en ait un de cette forme

étant un coefficient très-petit (no 6) ; donc on aura dans le premier cas, abstraction faite des autres inégalités,

d’où l’on tire à très-peu près

et, supposant

Dans le second cas, on aura

d’où l’on tire de même

et de là

Or l’équation VII donne

donc on aura dans le premier cas

et, différentiant, on trouvera

or, comme rayon vecteur de l’orbite de la Lune, est une quantité à très-peu près constante, il s’ensuit que la valeur de contiendra nécessairement un terme tout constant, qui sera exprimé par étant le terme tout constant de la valeur de

Dans l’autre cas, on aura l’équation

d’où l’on tire

de sorte que dans ce cas il faudra que la valeur de contienne un terme de la forme

étant un coefficient extrêmement petit.

On peut conclure de là, en général, que l’équation séculaire de la Lune ne peut avoir lieu à moins que la quantité ne contienne ou un terme tout constant, ou un terme qui renferme le sinus d’un angle qui varie infiniment peu, et qui soit par conséquent à très-peu près constant, au moins pendant un grand nombre de révolutions ; dans le premier cas, l’équation séculaire de la Lune sera réelle et ira en augmentant comme les carrés des temps ; dans le second, elle ne sera qu’apparente et ne différera des autres équations du mouvement de la Lune que par la longueur de sa période.

23. Tout se réduit donc à examiner si la quantité peut contenir des termes de l’espèce de ceux dont nous venons de parler, et pour cela il n’y aura qu’à considérer les différents angles dont les sinus ou cosinus entreront dans la valeur de et à voir s’il y a quelque combinaison de ces angles qui puisse donner un angle constant ou à peu près constant ; alors on n’aura égard qu’aux termes qui pourront donner de telles combinaisons dans les équations VI et VII, et il sera facile d’en déduire l’équation séculaire cherchée.

Je remarque donc d’abord que les forces perturbatrices de la Lune, qui dépendent de l’action du Soleil, ne renferment que les sinus ou cosinus de l’angle et de ses multiples, avec les deux variables ou et et que celles qui viennent de la non-sphéricité de la Terre ne contiennent que les sinus ou cosinus des angles et avec la variable car, pour ce qui regarde l’angle qui exprime l’obliquité de l’écliptique, on doit le considérer comme une quantité constante.

Je remarque en second lieu que, étant le rayon vecteur de l’orbite du Soleil, on aura, comme l’on sait,

étant la distance moyenne, l’excentricité et l’anomalie vraie ; de même, étant le rayon vecteur de l’orbite de la Lune, on aurait, sans les forces perturbatrices,

étant la distance moyenne de la Lune, l’excentricité de son orbite, et l’anomalie vraie ; mais, à cause des forces perturbatrices, on aura

étant une variable très-petite et dépendant uniquement de ces forces. De là il est facile de conclure que les inégalités du mouvement de la Lune, abstraction faite de l’inclinaison de l’orbite, mais en ayant égard à la non-sphéricité de la Terre, ne pourront dépendre que de ces cinq angles et et il est facile de se convaincre_1, en particulier, que la valeur de se réduira à une suite de termes de la forme

étant des coefficients indéterminés exprimés par des nombres entiers positifs ou négatifs, en y comprenant zéro et l’unité ; or, si l’on se rappelle que l’on a

anomalie du Soleil,
anomalie de la Lune,
distance de la Lune au Soleil,
longitude de la Lune comptée depuis l’équinoxe,
distance du premier méridien de la Terre au colure des équinoxes,

et qu’on examine les rapports de ces angles entre eux, lesquels sont à

très-peu près connus par les observations, on verra aisément qu’il n’y a que cette combinaison et ses multiples qui puissent former des angles presque constants ; en effet, il est clair que sera égal à la longitude de la Lune moins celle du Soleil, plus la longitude de l’apogée du Soleil, c’est-à-dire, égal à la distance de la Lune au Soleil plus la longitude de l’apogée du Soleil ; par conséquent, nommant la longitude de l’apogée du Soleil, on aura

donc

Or on sait que est une quantité presque constante, qui ne varie que de par siècle, suivant les Tables de Mayer, de sorte que l’angle et ses multiples seront dans le cas dont il s’agit ; ainsi, dans la recherche de l’équation séculaire de la Lune, il suffira de tenir compte des termes qui renfermeront les trois angles d’où je conclus d’abord que, dans les expressions des forces perturbatrices provenant de la non-sphéricité de la Terre, on pourra rejeter les termes qui contiendront les sinus ou cosinus de l’angle ce qui servira beaucoup à simplifier ces expressions.

24. De cette manière on aura donc, d’après les formules du no 19,

et toutes les autres quantités seront nulles.

Et comme

on aura, par la différentiation,

toutes les autres quantités étant nulles.

Faisant donc ces substitutions dans les formules du no 19, et supposant, pour abréger,

on aura, à cause de la non-sphéricité de la Terre

Force perturbatrice dans la direction du rayon,

Force perturbatrice perpendiculaire au rayon,

25. Il faut maintenant reprendre les expressions des forces perturbatrices résultant de l’action du Soleil (no 11) et y substituer à la place de sa valeur mais il ne sera pas nécessaire de faire cette substitution en entier ; car, par ce que nous venons de remarquer dans le numéro précédent, il est visible qu’il suffira d’avoir égard aux termes qui contiendront des sinus ou des cosinus de l’angle ou de ses multiples. Or la valeur précédente de donne celles-ci

donc, substituant ces valeurs et rejetant tous les termes qui contiendraient d’autres angles que on aura, par l’action du Soleil

Force perturbatrice dans la direction du rayon,

Force perturbatrice perpendiculaire au rayon,

Joignant donc ces forces à celles du numéro précédent, on aura les valeurs des quantités et lesquelles, en mettant pour plus de simplicité à la place de se trouveront exprimées de la manière suivante

26. On substituera maintenant ces valeurs de et de dans l’équation VI de l’orbite de la Lune, laquelle deviendra par là, à cause de

J’ai supposé, dans cette équation, la masse de la Terre égale à l’unité ; de sorte que, si l’on suppose aussi (ce qui est également permis) que la distance moyenne de la Lune à la Terre soit on aura par conséquent, comme on a, par les Théorèmes de Huyghens, égal au rapport du temps périodique de la Lune au temps périodique de la Terre, ou (ce qui est la même chose) au rapport du mouvement moyen de la Terre à celui de la Lune, la quantité ou bien exprimera le rapport du mouvement moyen de la Lune à celui du Soleil, lequel est environ de ou plus exactement

27. De plus on aura, à cause de (no 23),

et il faudra que la quantité ne contienne ni aucun terme tout constant, ni aucun terme affecté de ainsi, après avoir substitué cette valeur dans l’équation précédente, on y fera disparaître tous les termes qui renfermeront ainsi que ceux qui ne contiendront aucun sinus ou cosinus ; ce qui donnera deux équations dont l’une servira à déterminer le rapport qui est supposé constant, et l’autre servira à déterminer la constante mais, comme l’équation VII n’est pas exacte, à cause des différents termes qu’on y a négligés comme inutiles dans la recherche de l’équation séculaire, on ne pourra déterminer de cette manière les deux quantités dont il s’agit ; ainsi l’on se contentera de rejeter les termes en question sans faire attention aux conditions nécessaires pour la destruction rigoureuse de ces termes, et l’on pourra prendre, sans erreur sensible, pour sa valeur approchée et pour sa valeur donnée par les observations.

Supposons donc et soient de plus en sorte que désigne le rapport du mouvement de l’apogée de la Lune à son mouvement moyen en longitude, le rapport du mouvement de l’apogée du Soleil au mouvement moyen de la Lune, et le rapport du mouvement des points équinoxiaux à ce même mouvement moyen (no 23) ; il est facile de voir que l’équation VII deviendra de cette forme

et sera composée de différents termes de la forme et l’on sait que chacun de ces termes donnera dans la valeur de le terme correspondant de sorte qu’on aura facilement par ce moyen la valeur complète de .

28. Pour avoir les termes qui doivent composer la valeur de , il n’y aura qu’à substituer dans les termes de l’équation VII, qui sont affectées de quelques sinus ou cosinus, à la place de parce qu’on peut négliger dans la première approximation la quantité très-petite on pourrait même négliger aussi le terme qui est fort petit vis-à-vis de la valeur de étant environ mais comme on sait que, dans la Théorie de la Lune, il se rencontre des termes qui augmentent beaucoup par l’intégration, il faut voir si de pareils termes ne peuvent pas venir du terme or, comme les coefficients et diffèrent peu de l’unité, il est d’abord clair que les deux termes qui contiennent et sous le signe étant multipliés par en donneront deux autres qui contiendront et et qui, étant multipliés par et intégrés ensuite, se trouveront augmentés dans les raisons de à et de à ainsi il sera bon de conserver ces termes.

De plus, les termes qui contiennent des sinus ou cosinus de et de étant multipliés par en donneront d’autres qui contiendront des sinus ou cosinus de et de et ces sortes de termes augmenteront beaucoup dans la valeur de puisqu’ils devront être divisés par les quantités très-petites et il faudra donc aussi avoir recours aux termes de cette espèce.

À l’exception des termes dont nous venons de parler, on pourra mettre partout ailleurs à la place de et l’on trouvera, toutes réductions faites,

où les coefficients auront les valeurs suivantes

Et de là on trouvera

29. Il ne s’agit plus maintenant que de substituer à la place de sa valeur dans la quantité c’est-à-dire (no 25), dans celle-ci étant

et de tenir compte uniquement des termes qui contiendront des sinus ou cosinus de l’angle ou de ses multiples quelconques (no 23) ; nous allons pour cela examiner séparément chacun des termes de la quantité dont il s’agit, et nous supposerons, pour abréger, l’angle égal à ainsi qu’on l’a déjà fait plus haut. Et :


1o Il est clair que le terme

pourra donner un terme de la forme pourvu que la quantité en contienne un de la forme or

ainsi l’on aura d’abord dans la valeur de en vertu du terme celui-ci

ensuite on trouvera, en vertu du terme cet autre-ci

de sorte que le terme dont il s’agit donnera le suivant

2o Le terme

donnera un terme de cette forme ou pourvu que la quantité en contienne de la forme ou or

et il est visible que le terme donnera d’abord celui-ci

et que le terme donnera celui-ci

ainsi le terme en question donnera le suivant

3o Le terme

donnera un terme de la forme ou pourvu que la quantité

en contienne de la forme ou mais

et l’on trouvera que le terme produira celui-ci

et que les autres termes n’en produiront aucun de cette espèce ; donc le terme dont il s’agit donnera simplement celui-ci

4o Le terme en donnera un de la forme si ou en contient un de la forme or le terme de cette forme qui est contenu dans est

ainsi l’on aura, pour le terme dont il s’agit, celui-ci

5o Le terme

en donnera de la forme si en contient de la forme mais

et l’on trouve que contient d’abord le terme

et que contiendra le terme

donc on aura, pour le terme en question, celui-ci

Enfin le terme

donnera un terme de la forme si en contient de la forme or on trouve que contient celui-ci

et que les autres termes de la valeur de n’en contiennent aucun de cette espèce ; ainsi l’on aura simplement le terme

Rassemblant donc tous les termes qu’on vient de trouver, on aura les trois suivants

qui seront contenus dans la valeur de et qui pourront par conséquent donner une équation séculaire ; et il est facile de se convaincre, avec un

peu de réflexion, que ces termes seront effectivement les seuls de cette espèce qui pourront entrer dans la valeur de du moins dans la première approximation ; ainsi il n’y aura qu’à voir si l’équation séculaire qui en résulte est conforme ou non aux observations.

30. J’observe d’abord que, si l’on suppose que les deux hémisphères de la Terre soient semblables, supposition à laquelle il n’est presque pas permis de renoncer, du moins sans les raisons les plus fortes et les plus décisives, on aura (nos 14 et 18)

donc (no 24)

et de là (no 28)

d’où il s’ensuit que, dans ce cas, les trois termes ci-dessus se réduiront à celui-ci unique

de sorte que, comme exprime la longitude de l’apogée du Soleil (no 23), on aura une équation séculaire apparente et analogue à celle que nous avons examinée dans le no 8 ; ainsi il n’y aura plus qu’à voir si le coefficient de cette équation est tel qu’il faut pour répondre aux observations.

Pour cela, je remarque que, suivant les observations, on a

ce qui, à cause de ne diffère pas beaucoup de ensuite on

a aussi par les observations

d’où l’on voit que les quantités et sont presque égales à l’unité ; du moins la différence en est si petite qu’il serait inutile d’en tenir compte dans les coefficients.

De plus on a déjà observé que la constante est aussi à très-peu près égale à l’unité ; du moins la différence ne peut être que de l’ordre de et de c’est pourquoi on aura, sans erreur sensible (no 27),

et, faisant ces substitutions dans le coefficient du terme trouvé ci-dessus, on verra que tout se détruira, en sorte que ce coefficient deviendra nul de lui-même.

31. Si les deux termes

ne se détruisaient pas, on aurait une quantité de l’ordre de de même, si les différents termes de la valeur de ne se détruisaient pas entre eux, cette quantité serait de l’ordre de et par conséquent, à cause de

le terme

serait de l’ordre c’est-à-dire, du même ordre que les autres termes, à cause que et sont à peu près des quantités du même ordre.

Ainsi le coefficient de dans la quantité serait de l’ordre de c’est-à-dire, de l’ordre de à cause de égal environ à et de égal environ à

Dénotons, pour plus de simplicité, ce coefficient par en sorte que la quantité renferme le terme et, si l’on regarde l’angle comme constant, on aura

donc (équation VII)

et, à cause que le terme tout constant de est à très-peu près égal à et que est aussi presque égal à on aura, en intégrant,

( étant l’angle du mouvement moyen répondant à l’angle du mouvement vrai ) ; d’où

donc (no 2)

[3],

et de là

c’est la valeur que doit avoir le coefficient pour pouvoir répondre aux observations. Or nous avons vu ci-dessus que, si les termes qui composent la valeur de ce coefficient ne se détruisaient pas entre eux, du moins à très-peu près, ce coefficient serait de l’ordre de d’où il

s’ensuit que l’on devrait avoir alors pour la valeur de une quantité de l’ordre ou bien (à cause de environ ) de l’ordre mais on a (no 24)

donc il faudrait que la quantité fût de l’ordre de

Si l’on suppose la Terre elliptique et homogène, on a (no 20), à cause que, la distance de la Lune à la Terre ayant été supposée égale à le rayon de la Terre est environ égal à on a, dis-je,

donc on aura à très-peu près, dans cette hypothèse,

or il est visible que cette quantité est à peu près du même ordre que la précédente, à cause de et d’où l’on peut d’abord conclure que, si les principaux termes du coefficient de ne se détruisaient pas, ce coefficient serait à peine suffisant pour donner une équation séculaire conforme aux observations.

En général, quelle que soit la figure de la Terre, pourvu qu’elle soit un solide de révolution, on a, par la Théorie de la précession des équinoxes,

à peu près ;

or il est bien aisé de se convaincre que la quantité est nécessairement moindre que le carré du rayon de l’équateur, c’est-à-dire, (la

distance de la Lune à la Terre étant prise pour l’unité) de sorte qu’on aura étant égal à

D’un autre côté, on a trouvé que, pour que le coefficient de répondît aux observations dans l’hypothèse où les principaux termes de ce coefficient ne se détruiraient pas, il faudrait que la même quantité fût de l’ordre de c’est-à-dire (à cause que est l’obliquité de l’écliptique et la longitude de l’apogée du Soleil), de l’ordre quantité qui est de beaucoup plus grande que la précédente ; d’où il s’ensuit que, même dans cette hypothèse, on aurait peine à expliquer l’équation séculaire de la Lune, par le moyen du terme dont il s’agit.

Mais, puisque nous avons trouvé que le coefficient de ce terme est à peu près nul, du moins aux quantités de l’ordre de près (car les valeurs de et de que nous avons prises égales à l’unité, n’en diffèrent réellement que par des quantités de ce même ordre), il est clair que la vraie valeur de ce coefficient sera nécessairement de l’ordre de par conséquent, le terme dont nous parlons sera tout à fait insuffisant pour produire l’équation séculaire de la Lune, telle que les Tables de Mayer la donnent.

On trouvera à peu près le même résultat, si l’on a égard à la variabilité de l’angle auquel cas l’équation séculaire ne sera qu’apparente et devra avoir la valeur déterminée dans le no 8.

On conclura donc de là que l’équation séculaire dont il s’agit ne saurait venir de la non-sphéricité de la Terre, tant qu’on y suppose les deux hémisphères semblables ; mais, avant de prononcer sur l’impossibilité d’expliquer cette équation par l’attraction de la Terre supposée non sphérique, il est à propos de voir ce que la dissimilitude des hémisphères peut donner sur ce point.

32. Pour cela, il ne s’agit que d’examiner l’effet des autres termes de la formule du no 29, c’est-à-dire, de ceux qui contiennent et et que nous avons vus devoir disparaître lorsque les deux hémisphères de la Terre sont semblables. Or on a (no 27), aux infiniment petits de l’ordre près,

où l’on remarquera que est une quantité très-petite, égale à environ (no 30). Substituant donc ces valeurs dans les deux termes dont nous venons de parler, ils se réduiront (en y négligeant ce qu’on doit y négliger) à celui-ci

lequel, comme l’on voit, disparaît de lui-même.

Il arrive donc de nouveau, par une fatalité singulière, que les deux principaux termes du coefficient de se détruisent. Si cela n’était pas, il est clair que ce coefficient serait de l’ordre c’est-à-dire, à cause de à très-peu près (no 27), de l’ordre de or distance du Soleil à la Terre, est environ égale à [4], puisque celle de la Lune à la Terre est supposée égale à donc sera de l’ordre de de plus il est facile de voir que les quantités et (no 24) doivent être, généralement parlant, plus petites que la quantité dans la raison du rayon de la Terre à la distance de la Lune, c’est-à-dire, dans la raison de parce que les quantités ne sont que de deux dimensions, au lieu que les quantités sont de trois (no 18). Ainsi on peut regarder les quantités de l’ordre de comme du même ordre que celles de l’ordre d’où il s’ensuit que, si les principaux termes du coefficient de ne se détruisaient pas, ce coefficient serait du même ordre que celui de dans le cas où les termes de celui-ci ne se détruiraient pas (no 31) ; ainsi on pourra faire ici le même raisonnement que nous avons fait dans le numéro précédent, et en tirer des conclusions semblables. Il est virai que, comme les quantités sont indéterminées, on pourrait les prendre telles, que les coefficients de et de eussent la valeur requise pour donner l’équation séculaire de Mayer ; mais il est facile de se convaincre qu’il faudrait, pour cela, supposer aux deux hémisphères de la Terre des figures trop dissemblables pour qu’on pût, les accorder avec les mesures des degrés et la Théorie de la précession des équinoxes et de la nutation de l’axe de la Terre.

33. Comme, dans les calculs précédents, nous avons toujours fait abstraction de l’inclinaison de l’orbite lunaire à l’égard de l’écliptique, on pourrait peut-être douter, au premier aspect, si cette circonstance ne doit pas apporter quelque changement à nos résultats ; mais, pour lever ce doute, il suffit de remarquer que l’inclinaison de l’orbite ne peut avoir d’autre influence dans nos calculs que d’introduire un sixième angle égal à la distance de la Lune au nœud, lequel se combinerait avec les cinq autres que nous avons considérés dans le no 23 ; or, comme le mouvement des nœuds est assez prompt, étant à celui du Soleil dans la raison de il est facile de se convaincre que cet angle ne saurait donner aucune nouvelle combinaison qui puisse servir à expliquer l’équation séculaire ; de sorte qu’on est, ce me semble, bien en droit de conclure que cette équation, si elle est réelle, ne peut être l’effet de la figure non sphérique de la Terre.

34. Après avoir examiné l’effet de l’action de la Terre sur la Lune, eu égard à la non-sphéricité de la Terre, il conviendrait aussi d’entrer dans un pareil examen, relativement à la figure non sphérique de la Lune ; car il est clair qu’il doit résulter aussi de cette circonstance de nouvelles forces perturbatrices de l’orbite de la Lune, et il pourrait \varpiriver que ces forces, combinées avec celles qui viennent de l’action du Soleil, pussent servir à expliquer l’équation séculaire. Aussi l’Académie demande+elle expressément, dans son Programme, qu’on ait égard à la figure non sphérique tant de la Terre que de la Lune. D’ailleurs l’examen dont il s’agit ne peut avoir de difficulté après ce que nous avons démontré jusqu’ici, puisqu’il doit être aisé d’appliquer à la Lune les formules que nous avons trouvées pour la Terre ; mais il ne sera pas même nécessaire d’entreprendre un nouveau calcul sur cet objet, pour décider la question de l’équation séculaire, et l’on pourra s’en dispenser par les considérations suivantes.

Il est clair que, pour avoir les forces perturbatrices de l’orbite de la Lune, provenant de la non-sphéricité de cette planète, il n’y aura qu’à prendre les formules des nos 19 et suivants en sens contraire, en appliquant à la Lune les quantités qui, dans ces formules, se rapportent à la Terre.

Ainsi sera l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, laquelle est d’environ degrés ; sera la longitude de la Terre vue de la Lune, et comptée depuis le nœud de son équateur ; de sorte que, comme on sait par les observations que les nœuds de l’équateur lunaire coïncident toujours, du moins à très-peu près, avec ceux de l’orbite de la Lune, l’angle sera égal à la distance de la Lune au nœud de son orbite, angle que nous avons déjà nommé ci-dessus (no  33) ; sera la distance du premier méridien de la Lune au nœud de son équateur ; et puisque la Lune présente toujours à la Terre la même face, à la libration près, qui est très-petite et périodique, si l’on prend, ce qui est permis, pour premier méridien celui qui est dirigé vers le centre de la Terre, lorsque la libration est nulle, et qu’on nomme l’angle de la libration, on aura Enfin la quantité exprimera la latitude de la Terre vue de la Lune, et aura par conséquent la même valeur que dans les formules citées, où elle dénote la latitude de la Lune vue de la Terre ; de sorte qu’on aura, en nommant l’inclinaison de l’orbite lunaire, ou, à très-peu près, à cause de très-petit, Quant à la quantité qui exprime la libration de la Lune, elle doit être proportionnelle à l’équation du centre de la Lune ou, plus exactement, à la somme de toutes les équations qui affectent le mouvement moyen de cette planète ; il pourrait, à la vérité, s’y joindre encore une équation provenant de la libration physique, supposé qu’elle ait véritablement lieu ; mais, comme il n’y a encore rien de bien constaté sur ce point, ni par la Théorie, ni par les observations, on pourra se dispenser d’y avoir égard et d’ailleurs, quand on en voudrait tenir compte, on trouverait aisément qu’il n’en pourrait rien résulter pour l’équation séculaire de la Lune, à moins de faire des suppositions trop forcées et trop peu admissibles sur la figure de cette planète.

On voit donc par là que l’expression des forces perturbatrices de la Lune, provenant de la non-sphéricité de sa figure, ne pourra renfermer que les mêmes angles qui composent les arguments des inégalités de la Lune, produites par l’action du Soleil, c’est-à-dire, les angles, (nos 23 et 33) ; or il n’y a aucune combinaison de ces angles ni de leurs multiples qui puisse donner un angle constant, ou à très-peu près constant, à moins d’admettre des multiples fort grands, auquel cas le coefficient, qui affecterait le sinus ou le cosinus d’un tel angle, serait d’autant plus petit, et par conséquent insuffisant pour l’explication de l’équation séculaire (sur quoi voir le VIe volume des Opuscules de M. d’Alembert) ainsi on peut être assuré d’avance que la nonsphéricité de la Lune ne peut être d’aucune utilité dans la recherche de cette équation.

35. Je n’entreprendrai pas maintenant d’examiner si l’équation séculaire de la Lune peut être l’effet de l’action des autres planètes cette discussion nous mènerait trop loin et demanderait même un Ouvrage particulier, auquel le défaut de temps et mes occupations actuelles m’empêchent de me livrer ; mais il ne paraît pas impossible de pouvoir décider la question à priori, par des considérations analogues à celles du numéro précédent. En effet, il est facile de voir que les expressions des forces perturbatrices de la Lune, produites par l’action d’une planète quelconque, ne peuvent dépendre que des angles relatifs à la Lune, et des angles analogues relatifs à la planète ( étant l’anomalie de la planète, son élongation à la Terre, et sa distance au nœud) ; de sorte que ces expressions ne renfermeront que des sinus ou cosinus d’angles formés par la combinaison de ceux-ci et de leurs multiples et l’on prouvera aisément que la quantité ne pourra être formée que de pareils sinus ou cosinus ; et si l’on veut avoir égard en même temps à l’action du Soleil, il se joindra encore à ces six angles celui de l’anomalie du Soleil, qu’on a nommé ci-dessus Tout se réduira donc à examiner si l’on peut trouver une combinaison des sept angle et de leurs multiples, laquelle donne un angle tout à fait, ou du moins à très-peu près, constant ; or, d’après les valeurs connues des rapports de ces angles, on pourra s’assurer aisément qu’il n’est guère possible de former de telles combinaisons, sans employer des multiples assez grands ; d’où l’on peut conclure que les termes qui pourront produire une équation séculaire ne se présenteront qu’après plusieurs corrections de l’orbite, et seront par conséquent d’un ordre beaucoup trop petit pour pouvoir donner une équation sensible et conforme aux observations.

36. Puis donc que l’équation séculaire de la Lune, telle que les Tables de Mayer la donnent, ne peut être l’effet de la non-sphéricité de la Terre, ni de celle de la Lune, ni de l’action des autres planètes sur la Lune, et par conséquent ne saurait être expliquée par le secours de la gravitation seule, il faut que, si cette équation est réelle, elle provienne de quelque autre cause, comme de la résistance que la Lune éprouverait de la part de quelque fluide très-rare, dans lequel elle serait mue ; mais comme, d’un autre côté, l’hypothèse d’un fluide très-subtil, dont la résistance altérerait sensiblement le mouvement des Corps célestes, n’est pas encore bien confirmée par les observations des autres planètes, que même elle paraît être contredite par celles de Saturne, dont le mouvement va en se ralentissant au lieu de s’accélérer, comme cela devrait être en vertu de la résistance de l’éther, il me semble qu’on ne doit pas admettre cette hypothèse uniquement dans la vue d’expliquer par son moyen l’équation séculaire dont il s’agit.

Je dis : si cette équation est réelle ; car il me paraît que les preuves que l’on en a jusqu’à présent ne sont pas bien décisives., puisqu’elles sont fondées uniquement sur quelques observations faites dans des siècles fort éloignés, et sur l’exactitude desquelles on ne saurait guère compter.

37. M. Dunthorn, le premier après M. Halley qui ait adopté l’hypothèse de l’accélération de la Lune, et le seul, ce me semble, qui soit entré là-dessus dans quelques détails, ne s’en est pas tenu à la simple comparaison des observations des années 720 avant J.-C. et 977, 978 après J.-C. avec les modernes, pour prouver la nécessité de cette accélération il a aussi discuté, dans le même objet, quelques autres observations faites dans les siècles intermédiaires (voir le volume XLVI des Transactions philosophiques) ; mais, quoique ces observations paraissent confirmer en gros l’accélération du mouvement moyen de la Lune, elles ne s’accordent cependant pas entre elles, à beaucoup près, ni sur la quantité de l’accélération séculaire, ni même sur la loi de cette accélération c’est ce que je vais faire voir en empruntant les résultats des calculs de ce savant Astronome.

Les observations qu’il a examinées sont, en les rangeant par ordre chronologique

1o Une éclipse de Lune observée à Babylone le 9 mars 720 avant J.-C. et rapportée par Ptolémée dans le IVe Livre de son Almageste, Chapitre VI. On ne sait d’autres circonstances de cette éclipse, sinon qu’elle a commencé plus d’une heure après le lever de la Lune, et qu’elle a été totale. M. Dunthorn, ayant fait à cette observation les réductions convenables, a trouvé que le commencement a dû être à ensuite, l’ayant calculée par ses propres Tables, qui n’ont jamais été publiées, que je sache, il a trouvé que le commencement aurait dû être à ce qui donne une anticipation de de l’observation sur les Tables, et par conséquent une erreur de minutes sur la longitude calculée.

2o Une éclipse de Lune observée à Babylone le 23 décembre 382 avant J.-C. (il faut remarquer que M. Dunthorn rapporte faussement cette éclipse à l’année 312). Le commencement en a été observé, au rapport de Ptolémée, une demi-heure avant la fin de la nuit ; d’où M. Dunthorn dit que ce commencement a été à du matin, tandis que les Tables ne le lui donnent qu’à ce qui fait une anticipation de et par conséquent une erreur de sur la longitude calculée.

3o Une éclipse de Lune observée à Alexandrie le 22 septembre 200 avant J.-C., et rapportée par Ptolémée d’après Hipparque. Cette éclipse a dû commencer une demi+eure avant le lever de la Lune, ce qui revient, suivant M. Dunthorn, à tandis que les Tables ne lui donnent que ce qui fait une anticipation de minutes, et par conséquent une erreur de sur la longitude calculée.

4o Une éclipse de Soleil observée par Théon, à Alexandrie, le 16 juin 364 après J.-C., et rapportée dans son Commentaire sur l’Amageste. Le commencement en a été à d’où M. Dunthorn conclut la distance de la Lune au Soleil de tandis que les Tables ne la lui donnent que de ce qui fait une différence de qui est l’erreur des Tables au temps de l’observation.

5o Une éclipse de Soleil observée au Caire le 13 décembre 977, et dont le commencement est arrivé lorsque le Soleil était haut de et la fin lorsque la hauteur du Soleil était de degrés. M. Dunthorn conclut de là que le commencement de cette éclipse a dû être à et la fin à du matin ; et il trouve que l’erreur de ses Tables sur la longitude de la Lune est de dont la Lune s’est trouvée plus avancée.

6o Une éclipse de Soleil observée dans le même endroit le 8 juin 978, et qui a commencé lorsque le Soleil était haut de degrés, et fini lorsqu’il était haut de degrés. M. Dunthorn trouve que le commencément de cette éclipse a dû être à et la fin à d’où il conclut l’erreur de ses Tables sur la longitude de dont la Lune était plus avancée.

Ces deux observations se trouvent dans l’Histoire céleste de Tycho et sont tirées d’un manuscrit arabe, qui renferme les observations de Ibn Jonis et qui se trouve dans la Bibliothèque de Leyde ; ce sont celles dont nous avons parlé au commencement de ces Recherches.

Enfin une éclipse de Soleil observée à Nuremberg par Walter, le 29 juillet 1478, laquelle donne une erreur de minutes sur la longitude calculée ; mais, comme il en résulte aussi une erreur en latitude de M. Dunthorn croit cette observation trop inexacte pour qu’on puisse s’y fixer.

Rassemblant maintenant ces résultats, on aura les éléments suivants

38. Il paraît, en général, par cette Table, que le mouvement de la Lune a dû s’accélérer continuellement depuis l’année 720 avant J.-C. jusqu’à présent ; voyons donc quelles doivent être la quantité et la loi de cette accélération, pour répondre aux observations que nous venons de rapporter.

Pour cela, je remarque qu’entre la première et la troisième observation il y a un intervalle de 520 ans ; qu’entre celle-ci et la quatrième il y a un intervalle de 563 ans ; qu’entre la quatrième et la cinquième il y a un intervalle de 613 ans ; qu’entin entre la cinquième et la septième il y a un intervalle de 500 ans ; d’où l’on voit que ces intervalles ne sont pas fort différents entre eux, en sorte qu’on pourra, sans craindre de grandes erreurs, les prendre et les traiter comme égaux.

De cette manière donc les erreurs des Tables de Dunthorn seront à peu près, dans des intervalles de temps égaux,

et, si l’on suppose que ces erreurs soient dues à une équation qui augmente comme les carrés des temps, et qu’il faille de plus changer l’époque et le mouvement moyen des Tables, il est clair que les différences secondes seront constantes, et que la moitié de la valeur de cette différence constante prise négativement sera l’équation séculaire pour un espace de temps égal à l’intervalle d’une observation à l’autre ; or je trouve, en prenant successivement les différences,

et comme les différences secondes sont trop inégales entre elles, je crois pouvoir en conclure qu’on ne saurait sauver les erreurs des Tables par un simple changement de l’époque et du mouvement moyen combiné avec une équation séculaire qui augmente comme les carrés des temps.

39. Mais voyons encore si l’on pourrait concilier les observations avec les Tables, en introduisant dans celles-ci une équation séculaire apparente, qui dépende du sinus d’un certain angle qui croisse ou décroisse uniformément.

Soient le changement qu’il faudrait faire à l’époque des Tables pour l’observation de 720 avant J.-C. ; le changement qu’il faudrait faire au mouvement moyen pour 550 ans environ, ce qui est l’intervalle moyen entre les observations ; l’argument de l’équation séculaire pour l’observation de 720 avant J.-C. ; le mouvement ou la variation de cet argument pour 550 ans, et le coefficient ou la plus grande valeur de l’équation on aura donc pour les erreurs des Tables dans les cinq observations dont il s’agit, supposées équidistantes, les quantités

donc

équations par lesquelles on pourra déterminer les cinq inconnues Pour cela, j’ajoute la première et la troisième : j’ai

mais

donc on aura, en divisant par

et de là

or la seconde équation donne

donc, comparant ces deux valeurs, on aura

d’où

De même, en ajoutant la seconde et la quatrième équation, on aura

savoir, à cause de

d’où l’on tire

et, comme la troisième équation donne

on aura, par la comparaison de ces valeurs,

et de là

On comparera de même entre elles les trois dernières équations ; et comme M. Dunthorn regarde l’observation de Walter, qui a donné minutes d’erreur, comme un peu suspecte, nous prendrons, en général, pour l’erreur de cette observation ; ainsi l’on aura d’abord, en ajoutant la troisième et la cinquième équation,

et, à cause de

d’où

mais la quatrième équation donne

donc

d’où

On a donc maintenant les trois équations

d’où l’on tire d’abord celles-ci

et par conséquent

d’où

On voit donc que cette équation ne saurait subsister, en adoptant minutes pour l’erreur des Tables sur l’observation de Walter ; car on aurait alors et ce qui donnerait

En général, comme doit être nécessairement il faudra que l’on ait donc et donc en sorte que l’erreur des Tables au temps de l’observation dont il s’agit, loin d’être moindre que celle que M. Dunthorn a trouvée, devrait être au contraire trois fois plus grande ; ce qui ne saurait être admis, puisqu’il faudrait que Walter se fût trompé d’environ une heure sur le temps de l’éclipse qu’il a observée.

40. Si l’on désigne par les erreurs en sorte que l’on ait les équations

on trouvera ces trois-ci

d’où l’on tire sur-le-champ

et de là

savoir

connaissant l’angle on connaîtra et et ensuite et par les équations ci-dessus ; cette solution peut être utile dans d’autres occasions, et c’est ce qui nous a engagé à la rapporter ici.

41. Au reste, comme M. Dunthorn n’a point publié ses Tables de la Lune, et que par conséquent on ne peut savoir quel degré de confiance elles méritent ; que d’ailleurs les Astronomes paraissent être convenus de regarder celles de Mayer comme les meilleures, j’ai cru qu’il était important de voir ce que ces dernières donneraient, et j’ai prié en conséquence un très-habile Astronome (M. B***) de vouloir bien calculer les lieux de la Lune, au temps des observations rapportées ci-dessus d’après les Tables de Mayer, pour en déduire les erreurs de ces Tables ; je l’ai même engagé à entreprendre ce travail deux fois, premièrement en adoptant l’époque et le mouvement moyen de la Lune de Cassini, et y appliquant les équations données par les Tables de Mayer, et ensuite en faisant le calcul uniquement d’après ces dernières Tables ; car, comme la différence de qui est entre les mouvements moyens séculaires de la Lune suivant Cassini et suivant Mayer, tient principalement à l’équation séculaire introduite par ce dernier, ainsi qu’on l’a vu au commencement de ce Mémoire, si l’on veut faire abstraction de cette équation, il paraît naturel qu’on rétablisse le mouvement moyen tel que Cassini l’a trouvé ; or il ne sera pas inutile, dans notre recherche, de connaître les erreurs des Tables dans cette hypothèse, et de les comparer à celles qui ont lieu dans l’hypothèse de l’équation séculaire.

Voici les résultats de ces calculs ; l’Auteur m’a assuré les avoir faits et revus avec beaucoup de soin, et de manière à pouvoir compter entièrement sur leur exactitude.


Il faut remarquer, à l’égard des deux premières observations de cette Table, qu’on a supposé dans le calcul, d’après M. de la Lande (Mémoires de l’Académie, année 1757), que la différence des méridiens entre Paris et Babylone n’est que de tandis que M. Dunthorn la fait de à cause que, suivant Ptolémée, Babylone est plus à l’orient qu’Alexandrie de minutes, et que la différence des méridiens entre cette dernière ville et Paris est fixée à

Si l’on voulait adopter la détermination de Dunthorn, alors les erreurs des Tables au temps des deux premières observations, c’est-à-dire, en 720 et 382 avant J.-C., deviendraient d’environ minutes plus grandes.

42. Si l’on prend les erreurs contenues dans la dernière colonne de la Table précédente, mais en omettant celle de l’année 382, et substituant à la place des deux dernières la valeur moyenne on a cette suite de nombres dont les différences premières sont et dont les différences secondes sont lesquelles sont trop inégales pour qu’on en puisse rien conclure directement pour la loi de l’équation séculaire (no 38) ; on pourrait cependant, en changeant seulement de quelques minutes les erreurs dont il s’agit, rendre leurs différences secondes constantes et égales à la valeur moyenne des précédentes ; alors on aurait minutes pour la quantité de l’équation séculaire dans l’espace d’environ ans, ce qui donnerait à peu près secondes pour l’équation séculaire au bout du premier siècle ; mais nous ne nous arrêterons pas davantage là-dessus, et nous passerons à examiner les erreurs des Tables mêmes de Mayer, qu’on voit dans la pénultième colonne.

Il est d’abord évident que le but de ce savant Astronome a été principalement de faire cadrer ses Tables avec les observations arabes de 977 et 978 ; mais on doit, ce me semble, être un peu surpris de ce que ses Tables ne représentent pas mieux l’observation de 720 avant J.-C., qui a toujours servi de base dans la détermination des moyens mouvements de la Lune ; cependant, si l’on fait attention que le calcul a été fait en prenant avec M. de la Lande pour le temps de l’opposition, tandis que suivant M. Cassini elle a dû arriver à on verra que cette différence de minutes en produira une d’environ minutes dans le lieu de la Lune (no 4 ci-dessus), ce qui réduira l’erreur des Tables de Mayer à environ minute.

Il paraît donc très-probable que cet Astronome a suivi le calcul de M. Cassini pour la détermination du lieu de la Lune dans l’éclipse de 720 avant J.-C., et qu’il a par conséquent tâché d’y accommoder ses Tables au moyen de l’équation séculaire qu’il a appliquée au mouvement moyen. Mais si la correction que M. de la Lande a faite au calcul de M. Cassini, et dont il rend raison dans son Mémoire sur les équations séculaires [Mémoires de l’Académie, année 1757), est fondée, il est clair que le mouvement moyen et l’équation séculaire de Mayer devront être un peu altérés pour que ses Tables puissent représenter également l’observation de 720 avant J.-C. et celles de 977 et 978 après J.-C.

Soit le nombre de minutes dont il faudrait augmenter le mouvement séculaire de Mayer, et celui dont il faudrait augmenter son équation séculaire pour le premier siècle, à compter depuis 1700 ; il est clair que, en gardant l’époque du lieu moyen pour 1700, le lieu moyen pour 978 se trouvera plus avancé de et pour 720 avant J.-C. de or, comme l’erreur des Tables de Mayer est presque nulle pour l’observation de 978, il faudra faire d’abord

pour que le lieu moyen ne change pas en 978 ; et l’on aura par là

ensuite, pour détruire l’erreur de que les Tables donnent pour l’observation de 720 avant J.-C., on fera

ce qui, à cause de donne à très-peu près

en sorte que l’équation séculaire devrait être, pour le premier siècle, de et le mouvement séculaire moyen de

43. Ce changement dans l’équation séculaire et dans le mouvement moyen diminuerait aussi beaucoup les erreurs des Tables dans les observations intermédiaires ; car le lieu moyen se trouverait plus avancé d’environ minutes pour l’observation de 382 avant J.-C., d’environ minutes pour celle de 200 avant J.-C., et d’environ minutes pour l’observation de 364 après J.-C., de sorte que les erreurs trouvées dans la dernière colonne de notre Table précédente en seraient diminuées d’autant.

Il est vrai qu’en changeant le lieu moyen les valeurs des équations doivent aussi changer un peu ; mais on peut ici négliger ces variations qui ne peuvent monter qu’à quelques secondes ; en effet, il est clair qu’il n’y aura que les trois principales équations de la Lune, savoir l’équation du centre, l’évection et la variation, qui puissent recevoir un changement tant soit peu sensible, tandis que le lieu moyen augmente ou diminue de quelques minutes ; or, à cause que dans les observations dont il s’agit la distance de la Lune au Soleil est ou degrés, la variation sera nulle, et l’évection aura pour argument la simple anomalie de la Lune ; de plus, comme toutes les éclipses rapportées dans notre Table ci-dessus, à l’exception des deux dernières, sont arrivées, la Lune étant assez éloignée de ses apsides, on trouvera aisément que la différence produite par le changement des équations dont nous venons de parler ne pourra guère monter à minute.

Il n’en serait pas de même pour les deux éclipses de 977 et 978, qui sont arrivées fort près des apsides de la Lune, où un degré de différence dans l’anomalie peut donner jusqu’à de variation dans l’équation du centre ; mais, puisque nous avons fait en sorte que les changements du mouvement moyen et de l’équation séculaire se compensent mutuellement au temps de ces éclipses, le lieu moyen de la Lune n’a point été altéré par ces changements.

44. Au reste, comme les observations qui nous ont été transmises par Ptolémée ne sont rapportées que d’une manière fort vague, et que d’ailleurs on sait qu’il est très-difficile de fixer le commencement ou la fin d’une éclipse de Lune, à cause de la pénombre et de l’atmosphère de la Terre, qui en rendent les phases douteuses et qui font que nos meilleurs Astronomes s’y trompent quelquefois de plusieurs minutes, malgré l’exactitude de nos instruments et les soins scrupuleux qu’on a coutume d’apporter à ces sortes d’observations, il s’ensuit qu’il y a très-peu de fond à faire sur les observations que nous venons de discuter ci-dessus pour en déduire l’équation séculaire de la Lune ; et si l’on joint à cette remarque celle que M. de la Lande a déjà faite sur l’incertitude des deux observations arabes de 977 et 978, au sujet desquelles feu M. Bevis, savant Astronome anglais, qui avait entre les mains une traduction du manuscrit arabe d’où elles sont tirées, lui dit qu’il avait de fortes raisons de douter si c’étaient de véritables observations ou de simples calculs (Astronomie, Article 1485), on conviendra sans peine que l’existence de cette prétendue équation séculaire est encore très-douteuse ; de sorte que, comme la Théorie y paraît en même temps contraire, le meilleur parti qu’il y aurait à prendre, du moins jusqu’à ce que le temps nous apporte là-dessus de nouvelles lumières, serait peut-être de rejeter entièrement cette équation, en conservant néanmoins le mouvement moyen, tel que Mayer l’a établi, lequel paraît assez bien d’accord avec les observations de ces deux derniers siècles, pour lesquelles l’équation séculaire est d’ailleurs presque insensible.

En effet le savant Astronome dont j’ai parlé ci-dessus, ayant comparé avec les Tables de Mayer les observations de quelques éclipses de Lune du xive et du xvie siècle, rapportées par Riccioli dans son Almageste, a trouvé les résultats suivants


La première de ces quatre éclipses a été observée à Mellicum, en Autriche, par Purbach et Regiomontanus, la seconde à Padoue par Regiomontanus, la troisième à Rome par Copernic, et la quatrième à Uranibourg par Tycho.

On voit d’abord que les erreurs des Tables de Mayer sont très-petites, et que, de plus, elles sont les unes positives et les autres négatives ; ce qui prouve que l’époque et le moyen mouvement sont assez bien établis ; il n’y a que l’observation de 1500 pour laquelle l’erreur des Tables est un peu sensible ; mais je crois qu’il faut la rejeter plutôt sur l’observation même, qui n’est rapportée par Copernic (De Revolutionibus orbium cœlestium, Livre Chapitre IV) que d’une manière un peu vague, d’autant plus que, cette éclipse n’ayant pas été totale comme les autres, il lui aura été difficile d’en fixer le temps du milieu.


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  1. Ce premier essai de Lagrange sur l’Équation séculaire de la Lune, qui a obtenu le Prix de l’Académie Royale des Sciences, pour 1774, est antérieur de dix-huit années au Mémoire sur le même sujet que l’Auteur présenta à l’Académie de Berlin (Œuvres de Lagrange, t. V, p. 687).

    C’est en 1787 que Laplace fit connaître sa mémorable découverte de la cause qui produit l’équation séculaire de la Lune ; mais, dès 1783, Lagrange avait reconnu que les moyens mouvements des planètes pouvaient être sujets à des variations séculaires dépendant des excentricités et des inclinaisons ; il avait même fait l’application à Jupiter et à Saturne, ce qui ne lui avait fourni que des variations presque insensibles (Œuvres de Lagrange, t. V, p. 381). Les formules qui se rapportent aux planètes sont applicables au cas de la Lune mais ce ne fut que plus tard, en 1792, que Lagrange s’occupa de cette importante application.

    (Note de l’Éditeur.)
  2. Lagrange a omis ici le terme qui est du même ordre que les derniers termes conservés.
    (Note de l’Éditeur.)
  3. La lettre qui vient d’être employée pour un autre usage, désigne ici, comme au no 2. le rapport de la circonférence au rayon.
    (Note de l’Éditeur.)
  4. Le texte primitif porte au lieu de c’est assurément une simple erreur typographique que nous avions le devoir de faire disparaître ; car, à l’époque où Lagrange publia son Mémoire, la parallaxe du Soleil était déjà connue avec une certaine précision.
    (Note de l’Éditeur.)