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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Additions au Mémoire sur la résolution des équations numériques

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ADDITIONS AU MÉMOIRE
SUR LA
RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES[1].


(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, t. XXIV, 1770.)


Séparateur


J’ai donné dans ce Mémoire une méthode générale pour résoudre les équations numériques de tous les degrés, matière sur laquelle on n’avait encore que des tentatives et des essais. Ma méthode ne laisse, ce me semble, rien à désirer : non-seulement elle fournit un moyen sûr de reconnaître combien de racines réelles positives ou négatives, égales ou inégales, il y a dans une équation quelconque ; elle donne encore le moyen d’approcher d’aussi près que l’on veut, et le plus qu’il est possible en nombres rationnels, de la vraie valeur de chaque racine ; et c’est à quoi se réduit, si je ne me trompe, tout ce qu’on peut souhaiter dans la résolution des équations.

Ayant eu occasion de penser encore à cette matière, j’ai fait de nouvelles réflexions qui peuvent servir à perfectionner et à simplifier ma méthode dans plusieurs cas ; ce sont ces réflexions que je vais exposer ici : elles me paraissent assez importantes pour mériter quelque attention de la part des Géomètres.

§ I. — Sur les racines imaginaires des équations.
Remarque I.
Sur la manière de reconnaître quand toutes les racines d’une équation
sont réelles.

1. Dans le no 8 de ee Mémoire, fai donné des formules générales pour déduire d’une équation quelconque une autre équation dont les racines soient les carrés des différences entre les racines de l’équation proposée. Or, si toutes les racines d’une équation sont réelles, il est évident que les carrés de leurs différences seront tous positifs ; par conséquent, l’équation dont ces carrés seront les racines, et que nous appellerons dorénavant, pour abréger, équation des différences, cette équation, dis-je, n’ayant que des racines réelles positives, aura nécessairement les signes de ses termes alternativement positifs et négatifs ; de sorte que, si cette condition n’a pas lieu, ce sera une marque sûre que l’équation primitive a nécessairement des racines imaginaires.

2. De plus, comme on sait (voyez les Mémoires de cette Académie pour l’année 1746 et ceux de la Société de Turin pour l’année 1760) que les racines imaginaires vont toujours deux à deux, et qu’elles peuvent se mettre sous la forme

et étant des quantités réelles, il s’ensuit que la différence de deux racines imaginaires correspondantes sera nécessairement de la forme de sorte que le carré de cette différence sera c’est-à-dire une quantité réelle et négative. Donc, si l’équation proposée a des racines imaginaires, il faudra nécessairement que l’équation des différences ait au moins autant de racines réelles négatives qu’il y aura de couples de racines imaginaires dans la proposée.

C’est ce que j’avais déjà remarqué dans le § II du Mémoire cité ; mais voici une conséquence qui m’avait échappé alors, et qui peut être d’une grande utilité dans la recherche des racines imaginaires.

3. Nous venons de voir que chaque couple de racines imaginaires de la proposée doit donner au moins une racine réelle négative dans l’équation des différences. Or, il est démontré (voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1741) qu’une équation quelconque ne saurait avoir plus de racines positives qu’elle n’a de changements de signes, ni plus de racines négatives qu’elle n’a de successions du même signe. Donc, le nombre des racines imaginaires dans une équation quelconque ne pourra jamais être plus grand que le double de celui des successions de signe dans l’équation des différences.

4. De là et de ce que nous avons dit ci-dessus il s’ensuit que, si l’équation des différences a tous ses termes alternativement positifs et négatifs, l’équation primitive aura nécessairement toutes ses racines réelles, sinon elle aura nécessairement des racines imaginaires. Ainsi l’on pourra toujours juger par ce moyen s’il y a ou non des racines imaginaires dans une équation quelconque donnée.

Remarque II.
Où l’on donne des règles pour déterminer le nombre des racines
imaginaires d’une équation.

5. Soient

les racines réelles d’une équation quelconque, et

les racines imaginaires ; les carrés des différences de ces racines seront

lesquels seront par conséquent les racines de l’équation des différences.

Soit le degré de l’équation proposée, qui est égal au nombre des racines

celui de l’équation des différences sera (no 8 du Mémoire cité)

or, soit le nombre des racines réelles et celui des racines imaginaires

en sorte que il est facile de voir par la table précédente que, parmi les racines de l’équation des différences, il y en aura nécessairement de réelles et positives, de réelles et négatives, et d’imaginaires.

6. Qu’on fasse maintenant le produit de toutes ces racines, et il est visible que le produit des racines positives sera toujours positif, que celui des racines négatives sera positif ou négatif, suivant que le nombre sera pair ou impair, qu’enfin le produit des racines imaginaires sera toujours positif ; en effet, ces dernières racines étant deux à deux de la forme

leurs produits deux à deux seront de la forme

et par conséquent positifs ; donc, le produit de toutes ces racines ensemble sera toujours aussi positif.

Donc le produit total sera nécessairement positif ou négatif, suivant que sera pair ou impair.

Mais le dernier terme d’une équation est, comme on sait, égal au produit de toutes ses racines avec le signe ou suivant que le nombre de ces racines est pair ou impair.

Donc le dernier terme de l’équation des différences dont le degré est sera nécessairement positif si et sont tous deux pairs ou tous deux impairs, et négatif si l’un de ces nombres est pair et l’autre impair.

7. Or, si et sont tous deux pairs ou impairs, sera nécessairement pair, et si et sont l’un pair et l’autre impair, sera nécessairement impair ; mais, à cause de

on a

de sorte que sera toujours pair ou impair, suivant que le sera.

Donc le dernier terme de l’équation des différences sera nécessairement positif ou négatif, suivant que le nombre sera pair ou impair, c’est-à-dire suivant que le nombre des combinaisons des racines réelles de la proposée prises deux à deux sera pair ou impair.

8. 1o Supposons que ce dernier terme soit positif, il faudra en ce cas que soit pair ; donc, ou

ou

d’où il s’ensuit que, dans ce cas, le nombre des racines réelles de la proposée sera nécessairement multiple de si ce nombre est pair, c’est-à-dire si le degré de l’équation est pair, ou multiple de plus si le degré de l’équation est impair. Ainsi, il sera impossible que l’équation ait ou ou ou racines réelles.

2o Supposons que le dernier terme de l’équation des différences soit négatif, il faudra alors que soit impair ; donc, ou

ou

d’où il s’ensuit que, dans ce cas, le nombre des racines réelles de la proposée sera nécessairement multiple de plus si le degré de l’équation est pair, ou multiple de plus si ce degré est impair. De sorte qu’il sera impossible que l’équation ait en ce cas ou ou ou ou racines réelles.

9. Ainsi, par l’inspection seule des signes de l’équation des différences, on sera en état de juger : 1o si toutes les racines de l’équation proposée sont réelles ou non ; 2o si le nombre des racines réelles est un de ceux-ci ou bien s’il est un de ceux-ci ce qui suffira pour déterminer le nombre des racines réelles et des racines imaginaires dans les équations qui ne passent pas le cinquième degré, et dans toutes les équations où l’en saura d’avance que les racines imaginaires ne sauraient être plus de quatre.

Peut-être qu’en poussant plus loin cette théorie on pourrait trouver des règles sûres pour déterminer le nombre des racines réelles dans les équations de degré quelconque, les méthodes qu’on a proposées jusqu’à présent pour cet objet étant ou insuffisantes, comme celles de Newton, Maclaurin, etc., ou impraticables, comme celles de Stirling et de l’abbé de Gua, qui supposent la résolution des équations des degrés inférieurs.

Remarque III.
Où l’on applique la théorie précédente aux équations du second,
troisième et quatrième degré.

10. Soit l’équation proposée du second degré comme

l’équation des différences sera du degré et l’on trouvera par la méthode du no 8 du Mémoire cité que cette équation sera

où l’on aura

Ainsi les racines seront toutes deux réelles ou toutes deux imaginaires suivant que l’on aura ou et elles seront égales lorsque

11. Soit proposée l’équation générale du troisième degré

l’équation des différences sera ici du degré

\frac{3.2}{2}=3, et l’on trouvera par la même méthode

Donc, pour que les racines soient toutes réelles, il faudra que l’on ait

1o
2o

Si l’une de ces deux conditions manque, l’équation aura deux racines imaginaires.

12. Soit maintenant proposée l’équation générale du quatrième degré

dont le second terme est évanoui pour plus de simplicité ; le degré de l’équation des différences sera de sorte que cette équation sera

où l’on trouvera par la même méthode

Donc si la quantité

est négative, la proposée aura nécessairement deux racines réelles et deux imaginaires ; mais, si cette quantité est positive, alors la proposée aura toutes ses racines réelles ou toutes imaginaires.

Or, toutes les racines seront réelles si les valeurs de tous les coefficients sont positives ; donc elles seront toutes imaginaires si, le dernier coefficient étant positif, quelqu’un des autres se trouve négatif.

Supposons donc le coefficient positif, en sorte que l’on ait

et l’on trouvera que tous les autres coefficients seront aussi positifs si l’on a en même temps

et qu’au contraire quelqu’un d’eux deviendra nécessairement négatif si

Ainsi, dans le premier cas, les quatre racines de l’équation seront toutes réelles, et dans le second cas elles seront toutes imaginaires.

On pourrait de même trouver les conditions qui rendent les racines des équations du cinquième degré toutes réelles, ou en partie réelles et en partie imaginaires : mais comme dans ce cas l’équation des différences monterait au degré le calcul deviendrait extrêmement prolixe et embarrassant.

Remarque IV.
Sur la manière d’avoir les racines imaginaires des équations.

13. Nous avons vu dans la Remarque II que chaque couple de racines imaginaires correspondantes donne nécessairement dans l’équation des différences une racine réelle négative d’où il s’ensuit qu’en cherchant les racines réelles négatives de cette équation, on trouvera nécessairement les valeurs de d’où l’on aura celles de à l’aide desquelles on pourra ensuite trouver les valeurs correspondantes de comme nous l’avons enseigné dans le no 17 du Mémoire cité ; de sorte qu’on aura par ce moyen l’expression de chaque racine imaginaire de l’équation proposée, ce qui est souvent nécessaire, surtout dans le calcul intégral. Voici seulement une observation qui peut servir à répandre un plus grand jour sur cette théorie, et à dissiper en même temps les doutes qu’on pourrait se former sur son exactitude et sa généralité.

14. Lorsque les parties réelles des racines imaginaires

sont inégales tant entre elles qu’avec les racines réelles il est évident par la table de la Remarque précédente que l’équation des différences n’aura absolument d’autres racines réelles négatives que celles-ci de sorte que le nombre de ces racines sera le même que celui des couples de racines imaginaires dans l’équation proposée.

Mais, s’il arrive que parmi les quantités il s’en trouve d’égales entre elles ou d’égales aux quantités alors l’équation des différences aura nécessairement plus de racines négatives que la proposée n’aura de couples de racines imaginaires.

En effet, soit et les deux racines imaginaires

deviendront et et par conséquent réelles négatives.

De sorte que, si l’équation proposée ne contient, par exemple, que les deux racines imaginaires

l’équation des différences contiendra, dans le cas de outre la racine réelle négative encore ces deux-ci égales entre elles.

D’où l’on voit que lorsque l’équation des différences a trois racines réelles négatives, dont deux sont égales entre elles, alors la proposée peut avoir ou trois couples de racines imaginaires ou un seulement.

Si la proposée contient quatre racines imaginaires

alors l’équation des différences contiendra d’abord les deux racines réelles négatives ensuite, si elle aura encore ces deux-ci si elle aura de même ces deux autres-ci enfin, si l’on avait alors les quatre racines imaginaires

deviendraient

c’est-à-dire réelles négatives et égales deux à deux.

15. De là il est facile de conclure :

1o Que lorsque toutes les racines réelles négatives de l’équation des différences sont inégales entre elles, alors la proposée aura nécessairement au tant de couples de racines imaginaires qu’il y aura de ces racines.

Et dans ce cas, nommant une quelconque de ces racines, on aura d’abord cette valeur étant ensuite substituée dans les deux équations (H) du no 17 du Mémoire cité, on cherchera leur plus grand commun diviseur en poussant la division jusqu’à ce que l’on parvienne à un reste où ne se trouve plus qu’à la première dimension ; et faisant ce reste égal à zéro, on aura la valeur de correspondante à celle de par ce moyen chaque racine négative donnera deux racines imaginaires

2o Que si, parmi les racines réelles négatives de l’équation des différences, il y en a d’égales entre elles, alors chaque racine inégale, s’il y en a, donnera toujours, comme dans le cas précédent, un couple de racines imaginaires ; mais chaque couple de racines égales pourra donner aussi deux couples de racines imaginaires, ou n’en donner aucun ; ainsi deux racines égales donneront ou quatre racines imaginaires ou aucune ; trois racines égales donneront ou six ou deux racines ; quatre racines égales donneront ou huit ou quatre racines imaginaires, et ainsi de suite.

16. Or, soient par exemple et deux racines égales négatives de l’équation des différences, on fera comme ci-dessus, et substituant cette valeur de dans les équations (H) du numéro cité, on cherchera leur commun diviseur en ne poussant la division que jusqu’à ce que l’on parvienne à un reste où ne se trouve qu’à la seconde dimension, à cause que la valeur de est double, comme nous l’avons déjà remarqué dans l’endroit cité.

Ainsi, faisant ce reste égal à zéro, on aura pour la détermination de une équation du second degré, laquelle aura par conséquent ou deux racines réelles ou deux imaginaires.

Dans le premier cas, nommant ces deux racines et on aura les quatre racines imaginaires

dans le second cas, les valeurs de étant imaginaires contre l’hypothèse, ce sera une marque que les deux racines égales ne donneront point de racines imaginaires dans la proposée.

17. S’il y avait dans l’équation des différences trois racines égales et négatives alors faisant on poussera seulement la division des équations jusqu’à ce que l’on parvienne à un reste où se trouve à la troisième dimension ; de sorte que, ce reste étant fait on aura une équation du troisième degré en d’où l’on tirera, ou trois valeurs réelles de ou une réelle et deux imaginaires : dans le premier cas on aura six racines imaginaires ; dans le second on n’en aura que deux, les valeurs imaginaires de devant toujours être rejetées comme contraires à l’hypothèse, et ainsi de suite.

§ II. — Sur la manière d’approcher de la valeur numérique
des racines des équations
.

18. On a vu dans le § III du Mémoire cité comment on peut réduire les racines des équations numériques à des fractions continues, et combien ces sortes de réductions sont préférables à toutes les autres : nous allons encore faire ici quelques remarques pour donner à cette théorie toute la généralité et la simplicité dont elle peut être susceptible.

Remarque I.
Sur les fractions continues périodiques.

19. Nous avons déjà remarqué dans le no 18 du même Mémoire que, lorsque la racine cherchée est égale à un nombre commensurable, la fraction continue doit nécessairement se terminer, de sorte que l’on pourra avoir l’expression exacte de la racine ; mais il y a encore un autre cas où l’on peut aussi avoir l’expression exacte de la racine, quoique la fraction continue qui la représente aille à l’infini. Ce cas a lieu lorsque la fraction continue est périodique, c’est-à-dire telle que les mêmes dénominateurs reviennent toujours dans le même ordre à l’infini ; par exemple, si l’on avait la fraction

il est clair qu’en nommant la valeur de cette fraction on aurait

ce qui donne cette équation

par laquelle on pourra déterminer il en serait de même si la période était d’un plus grand nombre de termes, et l’on trouverait toujours pour la détermination de une équation du second degré. Il peut aussi arriver que la fraction continue soit irrégulière dans ses premiers termes, et qu’elle ne cômmence à devenir périodique qu’après un certain nombre de termes ; dans ces cas on pourra trouver de la même manière la valeur de la fraction, et elle dépendra pareillement toujours d’une équation du second degré ; car soit, par exemple, la fraction

nommons toute la fraction et la partie qui est périodique, savoir

on aura

d’où l’on tire

mais on a

ce qui donne

donc, substituant pour sa valeur en on aura

équation qui, étant développée et ordonnée par rapport à montera au second degré.

20. On voit par ce que nous venons de dire que le cas dont il s’agit doit avoir lieu toutes les fois que dans la suite des équations transformées (a), (b), (c), (d), … du no 18 du Mémoire cité il s’en trouvera deux qui auront les mêmes racines ; car si la racine par exemple, de l’équation (c) était la même que la racine de l’équation (a), on aurait

ce qui est le cas que nous avons examiné ci-dessus, et ainsi des autres. Donc, quand on voit que dans une fraction continue certains nombres reviennent dans le même ordre, alors, pour s’assurer si la fraction doit être réellement périodique à l’infini, il n’y aura qu’à examiner si les racines des deux équations, qui ont la même valeur entière approchée, sont parfaitement égales, c’est-à-dire si ces deux équations ont une racine commune ; ce qu’on reconnaîtra aisément en cherchant leur plus grand commun diviseur, lequel doit nécessairement renfermer toutes les racines communes aux deux équations, s’il y en a ; or, comme nous avons vu que toute fraction continue périodique se réduit à la racine d’une équation du second degré, il s’ensuit que le plus grand diviseur commun dont nous parlons sera nécessairement du second degré.

21. Supposons donc qu’on ait reconnu que, parmi les différentes équations transformées, il s’en trouve deux qui aient la même racine ; alors la fraction continue cherchée sera nécessairement périodique à l’infini, de sorte qu’on pourra la continuer aussi loin qu’on voudra en répétant seulement les mêmes nombres. Mais voyons comment on pourra dans ce cas continuer aussi la suite des fractions convergentes du no 23 du Mémoire cité sur la résolution des équations numériques, sans être obligé de les calculer toutes l’une après l’autre par les formules données.

22. Pour cet effet, nous supposerons que l’on ait en général

en sorte que, étant la racine cherchée, soient celles des équations transformées que nous avons désignées ailleurs par et l’on aura

Donc, faisant, comme dans le numéro cité,

(A)

on aura ces fractions convergentes vers

23. Maintenant, l’équation

donnera

mettons, au lieu de dans le second membre de cette équation, sa valeur

et multipliant par on aura

on trouvera de même, en substituant dans le second membre de cette équation à la place de

et ainsi de suite.

Pareillement, l’équation

donnera

ensuite, substituant dans le second membre à la place de et multipliant par on aura

et ainsi de suite.

D’où il s’ensuit qu’on aura en général, quelle que soit la fraction continue, soit périodique ou non,

(B)

24. Cela posé, supposons qu’on ait trouvé, par exemple,

c’est-à-dire que la racine de la ième transformée soit égale à celle

de la transformée ième ; alors on aura aussi

et en général

donc aussi

et en général

de sorte qu’on aura

25. Maintenant, si l’on suppose en général

il est facile de voir que les deux équations (B) du numéro précédent deviendront

Or on a, en faisant dans les formules (B) du numéro précédent

De plus, à cause de

il est clair que si l’on fait
(C)

on aura en général

(D)

Donc on aura

et, à cause de (hypothèse),

26. De sorte qu’en faisant ces substitutions dans les deux équations ci-dessus, on aura

et

27. Or les équations (D), étant divisées l’une par l’autre, donnent

(E)

d’où l’on tire

Donc, faisant on aura

et, de là ;

mais il est facile de voir, par la nature des quantités que lon a

d’où l’on aura en général

le signe supérieur ayant lieu lorsque est un nombre pair, et l’inférieur lorsque est impair.

Donc, faisant ces substitutions dans les deux équations du no 26, on aura

les signes ambigus dépendant du nombre comme nous l’avons vu ci-dessus.

28. Maintenant, si dans l’équation (E) du numéro précédent on fait on aura, à cause de (hypothèse),

d’où l’on tire l’équation en

(F)

laquelle donne

Soit, pour abréger,

en sorte que l’on ait

et, substituant cette valeur dans les deux dernières équations du no 27, on aura

d’où, à cause de l’ambiguïté du radical on tirera quatre équations par lesquelles on pourra déterminer

29. En effet, supposons, pour abréger,

on trouvera ces quatre équations

Donc, si l’on ajoute la première multipliée par à la deuxième multipliée par et de même la troisième multipliée par à la quatrième multipliée par et qu’on fasse, pour abréger,

on aura, à cause de (27),

étant

30. Ainsi, lorsqu’à l’aide des quantités

on aura calculé, par les formules (A) et (C), les quantités

jusqu’à et et les quantités

jusqu’à et on pourra, par les formules précédentes, trouver les valeurs de et de c’est-à-dire les termes de la fraction quel que soit l’exposant du quantième car pour cela il n’y aura qu’à retrancher de et diviser la différence par le quotient sera le nombre qui entre dans les formules précédentes comme exposant, et le reste sera le nombre qui sera par conséquent toujours moindre que

31. Au reste, si l’on voulait trouver en général l’équation du second degré par laquelle peut être déterminée la racine de l’équation proposée, lorsqu’on a comme dans le no 24, il n’y aurait qu’à remarquer que les équations (B) du no 23, étant divisées l’une par l’autre, donnent en général

(G)

d’où l’on tire, en faisant

donc, substituant cette valeur de dans l’équation (E) du no 27, on aura celle-ci

c’est-à-dire

et cette équation sera nécessairement un diviseur de l’équation proposée.

Remarque II.
Où l’on donne une manière très-simple de réduire en fractions continues
les racines des équations du second degré.

32. Considérons l’équation générale du second degré

dans laquelle et sont supposés des nombres entiers, tels que pour que les racines soient réelles ; cette équation, étant résolue, donne

où le radical peut être pris positivement ou négativement. Supposons que la racine cherchée soit positive, et soit le nombre entier qui sera immédiatement plus petit que la valeur de on fera donc

et, substituant cette valeur dans l’équation proposée, on aura une équation transformée dont l’inconnue sera or si, après avoir fait la substitution, on multiplie toute l’équation par qu’ensuite on change les signes et qu’on suppose, pour abréger,

on aura la transformée

laquelle donnera

on cherchera donc le nombre entier qui sera immédiatement plus petit que cette valeur de et l’on fera

et ainsi de suite.

Maintenant, je remarque que la quantité qui est sous le signe dans l’expression de devient, en substituant les valeurs de et de et ôtant ce qui se détruit, celle-ci : qui est la même que celle qui est sous le signe dans l’expression de d’où il est facile de conclure que la quantité radicale sera toujours la même dans les expressions de

33. Donc si l’on fait, pour abréger,

et qu’on prenne (le signe dénote qu’il faut prendre le nombre entier qui est immédiatement moindre)

on aura

d’où

Quant au radical il faudra toujours lui donner le même signe qu’on lui a supposé dans la valeur de la racine cherchée

On peut observer encore que, comme on a trouvé

on aura

et, de même,


Ainsi l’on pourra, si on le juge plus commode, employer ces formules à la place de celles qu’on a données plus haut pour avoir les valeurs de

34. Maintenant je dis que la fraction continue qui exprime la valeur de sera toujours nécessairement périodique.

Pour pouvoir démontrer ce théorème, nous commencerons par démontrer en général que, quelle que soit l’équation proposée, on doit toujours nécessairement arriver à des équations transformées dont le premier et le dernier terme soient de signes différents. En effet, nous avons vu, dans le no 19 du Mémoire sur la résolution des équations numériques, qu’on doit toujours nécessairement arriver à une équation transformée qui n’ait qu’une seule racine plus grande que l’unité, après quoi chacune des transformées suivantes n’aura aussi qu’une seule racine plus grande que l’unité ; soit donc

une de ces transformées qui n’ont qu’une seule racine plus grande que l’unité, et soit la valeur entière approchée de on fera, pour avoir la transformée suivante, ce qui, étant substitué, donnera cette transformée, dans laquelle il est aisé de voir que le premier terme sera

et que le dernier sera Or, puisque la vraie valeur de /dans la transformée précédente tombe entre ces deux-ci : et entre lesquelles il ne se trouve aucune autre valeur de (hypothèse), il s’ensuit qu’en faisant ces deux substitutions dans l’équation en on aura nécessairement des résultats de signe contraire ; car il est facile de concevoir qu’il n’y aura en ce cas qu’un seul des facteurs de cette équation qui pourra changer de signe en passant d’une valeur de à l’autre (no 5, Mémoire cité). Mais la supposition de donne le résultat (tous les autres termes devenant nuls vis-à-vis de celui-ci), lequel est de même

signe que le coefficient donc il faudra que la supposition de donne un résultat de signe contraire à mais ce résultat est égal à

donc, puisque cette quantité est en même temps le coefficient du premier terme de l’équation transformée en dont le dernier terme est il s’ensuit que cette transformée aura nécessairement ses deux termes extrêmes de signes différents.

Et l’on peut prouver de la même manière que cela aura lieu à plus forte raison dans toutes les transformées suivantes.

35. Cela posé, puisque l’équation proposée

donne les transformées (32)

il s’ensuit de ce que nous venons de démontrer dans le numéro précédent qu’on parviendra nécessairement à des transformées comme

dont les premiers et derniers termes seront de signes différents ; de sorte que les nombres

seront tous de même signe. Or, on a (33)

donc, puisque sont de même signe, les produits seront nécessairement positifs ; d’où il s’ensuit :

1o Que l’on aura

c’est-à-dire (en faisant abstraction du signe)

et ainsi de suite à l’infini ;

2o Que l’on aura aussi, à cause que les nombres sont tous entiers,

et ainsi de suite. Donc, comme est donné, il est clair qu’il n’y aura qu’un certain nombre de nombres entiers qui pourront être moindres que ou que de sorte que les nombres

ne pourront avoir qu’un certain nombre de valeurs différentes, et qu’ainsi dans l’une et l’autre de ces séries, si on les pousse à l’infini, il faudra nécessairement que les mêmes termes reviennent une infinité de fois ; et, par la même raison, il faudra aussi qu’une même combinaison de termes correspondants dans les deux séries revienne une infinité de fois ; d’où il s’ensuit qu’on aura nécessairement, par exemple,

ou bien, en faisant

donc, à cause de

on aura aussi

mais on a

donc donc la fraction continue sera nécessairement périodique (24).

36. En effet, on voit, par les formules du no 33, que si l’on a

on aura

et ainsi de suite ; de sorte qu’en général les termes des trois séries

qui auront pour exposant seront les mêmes que les termes précédents dont les exposants seront en prenant pour un nombre quelconque entier positif.

Ainsi, chacune de ces trois séries deviendra périodique, à commencer par les termes et leurs périodes seront de termes, apres lesquels les mêmes termes reviendront dans le même ordre, à l’infini.

37. Nous venons de démontrer qu’en continuant la série des nombres on doit nécessairement trouver des termes consécutifs qui soient de même signe, et qu’ensuite la série doit nécessairement devenir périodique ; or, je dis que dès que, dans la même série, on sera parvenu à deux termes consécutifs, comme qui soient de même signe, on sera assuré que l’un de ces deux termes sera déjà un des termes périodiques, lequel reparaîtra nécessairement dans chaque période.

En effet, comme et sont de même signe, il est clair que la transformée

aura nécessairement une racine positive et l’autre négative, de sorte qu’elle n’en pourra avoir qu’une seule qui soit plus grande que l’unité ; donc toutes les transformées suivantes auront nécessairement leurs termes extrêmes de signes différents (34) ; par conséquent, tous les nom-

bres seront de même signe, de sorte que chacun d’eux sera moindre que et que chacun des nombres sera moindre que (35).

38. Or, comme on a

il est visible que les nombres seront, ou tous les deux moindres que ou que, si l’un est plus grand, l’autre en sera nécessairement moindre, de sorte qu’il y en aura au moins toujours un qui sera moindre que

Supposons que ce soit et je vais prouver que les nombres

seront tous nécessairement du même signe que le radical En effet, puisque les racines des équations transformées doivent être toutes plus grandes que l’unité par la nature de la fraction continue, on aura donc aussi et ainsi de suite ; donc

et, comme

on aura

et ainsi des autres ; donc aussi

Or, comme sont plus petits que il est clair que, quelque soit le signe de ces nombres les dénominateurs seront nécessairement du même signe que donc il

faudra que les numérateurs soient tous aussi du même signe que

Maintenant, supposons, pour-plus de simplicité, positif, en sorte que doivent être aussi tous positifs, et je dis que le seront aussi. Car soit, s’il est possible, ( étant un nombre positif), et, comme (hypothèse), on aura, à plus forte raison, donc

sera au lieu que cette quantité doit être donc doit être positif. Soit ensuite, s’il est possible, et comme on a, par les formules du no 33, on aura donc, à cause que et sont des nombres positifs moindres que et que est aussi un nombre entier positif, il est clair que devra être moindre que et, dans ce cas, on prouvera, comme ci-devant, que devra être positif ; et ainsi de suite.

Si était pris négativement, on prouverait de la même manière que devraient être négatifs ; et même, sans faire un nouveau calcul, il n’y aura qu’à remarquer que les formules du numéro cité demeurent les mêmes en y changeant les signes de toutes les quantités et du radical de sorte qu’on pourra toujours regarder ce radical comme positif, en prenant les quantités avec des signes contraires.

39. Cela posé, je dis que si deux termes correspondants quelconques des suites sont donnés, tous les précédents dans les mêmes suites seront nécessairement donnés aussi.

Supposons, par exemple, que et soient donnés (on verra aisément que la démonstration est générale, quels que soient les termes donnés), et voyons quels doivent être les termes qui précèdent ceux-ci, en vertu des formules du no 33, et des conditions du numéro précédent. On aura d’abord

donc

mais on doit avoir donc il faudra que l’on ait

On aura de même

d’où, à cause de on tirera

mais il faut, par la nature de la fraction continue, que soit un nombre entier positif ; donc il faudra qu’on ait

or, on a aussi

donc

savoir, en mettant pour sa valeur ci-dessus,

d’où

Donc, puisque le nombre doit être entier, il est clair qu’il ne pourra être égal qu’au nombre entier qui sera immédiatement plus petit que

ainsi sera donné, et de là le sera aussi, et comme

il est clair que sera aussi donné. Maintenant on aura

et par conséquent, à cause de

Donc, pour que soit entier positif tel qu’il doit être, il faudra que

par conséquent, à cause de

il faudra que

ou bien, en mettant pour sa valeur ci-dessus,


d’où l’on tire

De sorte que le nombre ne pourra être que le nombre entier qui sera immédiatement plus petit que la quantité donnée donc ce nombre sera donné, et par là les nombres et le seront aussi.

Enfin, puisque est (hypothèse) on aura à plus forte raison

et de là, à cause de

ou bien, en substituant pour sa valeur trouvée ci-dessus,

ce qui donne

Donc le nombre ne pourra être que le nombre entier qui est immédiatement moindre que la quantité donnée et par conséquent ce nombre sera entièrement donné, et par conséquent les nombres et le seront aussi.

40. Or, nous avons vu (35) qu’en continuant les séries il arrivera nécessairement que deux termes correspondants comme reparaîtront après un certain nombre d’autres termes, en sorte que l’on aura, par exemple,

Donc, par ce que nous venons de démontrer (39), on aura aussi en remontant

41. De là je conclus en général que, lorsque dans la série des nombres on en trouvera deux consecutifs de même signe, celui des deux qui sera moindre que sera déjà nécessairement périodique.

Ainsi, si dans l’équation proposée

les coefficients et étaient de même signe, alors la série serait périodique dès le premier ou le second terme.

42. Si l’on a en sorte que alors on aura d’où l’on voit que, des deux nombres le plus petit sera moindre que et le plus grand sera nécessairement plus grand que donc, dans ce cas, si le nombre dont il s’agit d’extraire la racine carrée est plus petit que l’unité, la série sera périodique dès le premier terme et s’il est plus grand que l’unité, la période ne pourra pas commencer plus bas qu’au second terme.

43. On avait remarqué depuis longtemps que toute fraction continue périodique pouvait toujours se ramener à une équation du second degré, mais personne que je sache n’avait encore démontré l’inverse de cette proposition ; savoir, que toute racine d’une équation du second degré se réduit toujours nécessairement en une fraction continue périodique. Il est vrai que M. Euler, dans un excellent Mémoire imprimé au tome XI des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg, a observé que la racine carrée d’un nombre entier se réduisait toujours en une fraction continue périodique ; mais ce théorème, qui n’est qu’un cas particulier du nôtre, n’a pas été démontré par M. Euler, et ne peut l’être, ce me semble, que par le moyen des principes que nous avons établis plus haut.

44. Nous avons donné plus haut des formules générales pour trouver aisément tous les termes des fractions convergentes vers la racine d’une équation donnée, lorsqu’on a reconnu que la fraction continue qui exprime cette racine est périodique.

Or, dans le cas où l’équation est du second degré, et où l’on se sert de la méthode du no 33, on pourra, si l’on veut, simplifier beaucoup les calculs des nos 24 et suivants pour trouver les termes et de chacune des fractions convergentes vers

En effet, avant

sont connus ( étant ), il n’y aura qu’a substituer ces valeurs dans les deux équations du no  26, et faisant, pour abréger,

on aura