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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur la résolution des équations numériques

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SUR LA RÉSOLUTION
DES
ÉQUATIONS NUMÉRIQUES[1].


(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, t. XXIII, 1769.)


Séparateur


Viète est le premier qui ait tâché de donner une méthode générale pour résoudre les équations numériques ; mais, quoique cette méthode ait été ensuite perfectionnée et simplifiée a quelques égards par Harriot, Ougtred, Pell, etc., elle est encore si compliquée et si rebutante par le grand nombre d’opérations qu’elle demande, que les Géomètres paraissent l’avoir entièrement abandonnée. Celle que l’on suit communément est due à Newton, et elle est très-facile et très-simple. Il faut supposer seulement qu’on ait déjà trouvé la valeur de la racine qu’on cherche, approchée au moins jusqu’à sa dixième partie près ; alors on égale cette valeur, plus une nouvelle inconnue, à celle de l’équation proposée, et, faisant la substitution, on a une seconde équation dont la racine est ce qu’il faudrait ajouter à la première racine approchée pour avoir la racine exacte ; mais comme, par l’hypothèse, ce qui reste à ajouter à la première valeur de la racine est moindre qu’un dixième de cette racine, on peut, dans l’équation dont il s’agit, négliger le carré et les puissances plus hautes de l’inconnue ; de sorte que, l’équation étant ainsi réduite au premier degré, on aura sur-le-champ la valeur de l’inconnue en décimales ; cette valeur nessera qu’approchée, mais on pourra s’en servir pour en trouver une tau⅛plus exacte en faisant sur la seconde équation la même opération que sur la première, et ainsi de suite. De cette manière, on trouve à chaque opération de nouvelles décimales à ajouter ou à retrancher de la valeur de la racine déjà trouvée, et l’on a par conséquent cette racine d’autant plus exactement qu’on pousse le calcul plus loin.

On peut aussi, comme l’a pratiqué Halley, revenir toujours à la première équation proposée, en y substituant à la place de l’inconnue la valeur de la racine de plus en plus approchée et augmentée d’un reste inconnu, ce qui paraît en quelque façon plus simple et plus commode.

Telle est la méthode usitée pour résoudre les équations numériques par approximation. Plusieurs savants Géomètres se sont appliqués à la rendre encore plus exacte et plus facile, soit en ayant égard aux termes où l’inconnue est au second degré, soit en donnant des formules générales à l’aide desquelles, on puisse trouver sur-le-champ, la valeur de la fraction qui est le reste à ajouter à la racine approchée ; mais aucun d’eux ne paraît avoir fait attention aux inconvénients ou plutôt aux imperfections qui se trouvent encore dans cette méthode ; du moins personne, que je sache, n’a donné jusqu⅛ présent les moyens d’y remédier.

La première et la principale de ces imperfections consiste en ce qu’il faut supposer qu’on ait déjà trouvé la valeur de la racine cherchée, approchée jusqu’à sa dixième partie près ; car, comme on n’a point encore de règle générale et sûre pour trouver, dans une équation quelconque, la valeur approchée de chacune de ses racines réelles, la méthode dont il s’agit n’est proprement applicable qu’aux cas où l’on connaît d’avance à peu près la valeur de la racine qu’on cherche. Il est vrai que Rolle a donné une méthode, qu’on appelle des cascades, pour approcher des racines des équations numériques aussi près que l’on veut ; mais cette méthode n’est pas toujours sûre, surtout lorsqu’il y a dans l’équation des racines imaginaires, auquel cas elle laisse toujours en doute si ces racines sont réelles ou non. (Voyez l’Algèbre de Rolle, chap. III et VI du livre II.)

Une seconde imperfection regarde la nature même de la méthode par laquelle on approche de la valeur de la racine cherchée ; suivant cette méthode, on néglige, à chaque opération, des termes dont on ne connaît pas la valeur ; de sorte qu’il est impossible de pouvoir juger de la quantité de l’approximation, et de s’assurer du degré d’exactitude qui doit résulter de chaque correction.

D’ailleurs, ne pourrait-il pas arriver que la série qui donne la racine cherchée fut très-peu convergente, ou même qu’elle devînt divergente après avoir été convergente dans ses premiers termes ? Au moins, il n’est pas démontré que cela ne puisse jamais avoir lieu dans la méthode dont nous parlons.

Enfin, quand même la série serait toujours convergente, il est clair qu’elle ne donnerait jamais qu’une valeur approchée de la racine dans le cas même où elle serait égale à un nombre commensurable. Il est vrai que l’on a des méthodes particulières pour trouver les racines commensurables ; mais c’est toujours une grande imperfection de la méthode dont il s’agit de ne pas donner la valeur exacte de ces racines.

§ I. — Méthode pour trouver, dans une équation numérique quelconque, la valeur entière la plus approchée de chacune de ses racines réelles.

1. Théorème I. — Si l’on a une équation quelconque, et que l’on trouve deux nombres tels, qu’étant substitués successivement à la placede l’inconnue de cette équation, ils donnent deux résultats de signe contraire, l’équation aura nécessairement au moins une racine réelle dont la valeur sera entre ces deux nombres.

Ce théorème est connu depuis longtemps, et l’on a coutume de le démontrer par la théorie des lignes courbes ; mais on peut aussi le démontrer directement par la théorie des équations, en cette sorte. Soient l’inconnue de l’équation, et ses racines ; l’équation se réduira, comme on sait, à cette forme :

Or, soient et les nombres qui, substitués par donneront des résultats de signe contraire, il faudra donc que ces deux quantités


soient de signes différents ; par conséquent, il faudra qu’il y ait au moins deux facteurs correspondants comme et qui soient de signes contraires ; donc il y aura au moins une des racines de l’équation, comme qui sera entre les nombres et c’est-à-dire plus petite que le plus grand de ces deux nombres, et plus grande que le plus petit d’entre eux ; donc cette racine sera nécessairement réelle.

2. Corollaire I. — Donc, si les nombres et ne diffèrent l’un de l’autre que de l’unité ou d’une quantité moindre que l’unité, le plus petit de ces nombres, s’il est entier, ou le nombre entier qui sera immédiatement moindre que le plus petit de ces deux nombres, s’il n’est pas entier, sera la valeur entière la plus approchée d’une des racines de l’équation. Si la différence entre et est plus grande que l’unité, alors, nommant les nombres entiers qui tombent entre et il est clair que si l’on substitue successivement, à la place de l’inconnue, les nombres

on trouvera nécessairement deux substitutions consécutives qui donneront des résultats de signes différents ; donc, puisque les nombres qui donneront ces deux résultats ne diffèrent entre eux que de l’unité, on trouvera, comme ci-dessus, la valeur entière la plus approchée d’une des racines de l’équation.

3. Corollaire II. — Toute équation dont le dernier terme est négatif, en supposant le premier positif, a nécessairement une racine réelle positive, dont on pourra trouver la valeur entière la plus approchée en substituant, à la place de l’inconnue, les nombres jusqu’à ce que l’on rencontre deux substitutions qui donnent des résultats de signe contraire.

Car, en supposant le premier terme et le dernier ( étant un nombre positif), on aura, en faisant le résultat négatif et en faisant le résultat positif donc on aura ici et donc les nombres entiers intermédiaires seront tous les nombres naturels donc, etc. (Corollaire précédent).

De là on voit :

1o Que toute équation d’un degré impair, dont le dernier terme est négatif, a nécessairement une racine réelle positive ;

2o Que toute équation d’un degré impair, dont le dernier terme est positif, a nécessairement une racine réelle négative ; car, en changeant en le premier terme de l’équation deviendra négatif ; donc, changeant tous les signes pour rendre de nouveau le premier terme positif, le dernier deviendra négatif ; donc l’équation aura alors une racine réelle positive ; par conséquent, l’équation primitive aura une racine réelle négative ;

3o Que toute équation d’un degré pair, dont le dernier terme est négatif, a nécessairement deux racines réelles, l’une positive et l’autre négative ; car premièrement elle aura une racine réelle positive ; ensuite, comme en changeant en le premier terme demeure positif, la transformée aura aussi une racine réelle positive ; donc l’équation primitive en aura une réelle et négative.

4. Remarque. — Comme on peut toujours changer les racines négatives d’une équation quelconque en positives en changeant seulement le signe de l’inconnue, nous ne considérerons dans la suite, pour plus de simplicité, que les racines positives ; ainsi, quand il s’agira d’examiner les racines d’une équation donnée, on considérera d’abord les racines positives de cette équation, ensuite on y changera les signes de tous les termes où l’inconnue se trouvera élevée à une puissance impaire, et l’on considérera de même les racines positives de cette nouvelle équation ; ces racines prises en moins seront les racines négatives de la proposée.

5. Théorème II. — Si, dans une équation quelconque qui ait une ou plusieurs racines réelles et inégales, on substitue successivement à la place de l’inconnue deux nombres dont l’un soit plus grand et dont l’autre soit plus petit que l’une de ces racines, et qui diffèrent en même temps l’un de l’autre d’une quantité moindre que la différence entre cette racine et chacune des autres racines réelles de l’équation, ces deux substitutions donneront nécessairement deux résultats de signes contraires.

En effet, soient une des racines réelles et inégales de l’équation, et les autres racines quelconques ; soit de plus la plus petite des différences entre la racine et chacune des autres racines réelles de l’équation : il est clair qu’en prenant et les quantités seront de signes contraires, et que les quantités seront chacune de même signe que sa correspondante car, si et étaient de signes contraires, il faudrait que fût aussi compris entre et ce qui ne se peut. Donc les deux quantités

c’est-à-dire les résultats des substitutions de et à la place de l’inconnue (1), seront nécessairement de signes contraires.

6. Corollaire I. — Donc, si dans une équation quelconque on substitue successivement à la place de l’inconnue les nombres en progression arithmétique

(A)

les résultats correspondants formeront une suite dans laquelle il y aura autant de variations de signes que l’équation proposée aura de racines réelles positives et inégales, mais dont les différences ne soient pas

moindres que la différence de la progression. De sorte que, si l’on prend égale ou moindre que la plus petite des différences entre les différentes racines positives et inégales de l’équation, la suite dont il s’agit aura nécessairement autant de variations de signe que l’équation contiendra de racines réelles positives et inégales.

Donc, si la différence est en même temps égale ou moindre que l’unité, on trouvera aussi par ce moyen la valeur entière approchée de chacune des racines réelles positives et inégales de l’équation (2).

Si l’équation ne peut avoir qu’une seule racine réelle et positive, ou si elle en a plusieurs, mais dont les différences ne soient pas moindres que l’unité, il est clair qu’on pourra faire c’est-à-dire qu’on pourra prendre les nombres naturels pour les substituer à la place de l’inconnue ; mais, s’il y a dans l’équation des racines inégales dont les différences soient moindres que l’unité, alors il faudra prendre moindre que l’unité et telle qu’elle soit égale ou moindre que la plus petite des différences entre les racines dont il s’agit ; ainsi, la difficulté se réduit à trouver la valeur qu’on doit donner à en sorte qu’on soit assuré qu’elle ne surpasse pas la plus petite des différences entre les racines positives et inégales de l’équation proposée. C’est l’objet du Problème suivant.

7. Corollaire II. — Toute équation qui n’a qu’un seul changement de signe ne peut avoir qu’une seule racine réelle positive.

Il est d’abord clair que l’équation aura nécessairement une racine réelle positive, à cause que son dernier terme sera de signe différent du premier (3).

Or, soient (en supposant le premier terme positif comme à l’ordinaire) la somme de tous les termes positifs de l’équation, et la somme de tous les négatifs, en sorte que l’équation soit et, puisqu’il n’y a par l’hypothèse qu’un seul changement de signe, il est clair que les puissances de l’inconnue du polynôme seront toutes plus hautes que celles du polynôme de sorte que, si est la plus petite puissance de dans le polynôme et qu’on divise les deux polynômes et par la quantité contiendra que des puissances positives de et la quantité ne contiendra que des puissances négatives de d’où il s’ensuit que, croissant, la valeur de devra croître aussi, et, diminuant, diminuera aussi, à moins que le polynôme ne contienne que le seul terme auquel cas sera toujours une quantité constante ; au contraire, croissant, la valeur de diminuera nécessairement, et, diminuant, ira en augmentant. Or, soit la racine réelle et positive de l’équation, on aura donc, lorsque donc aussi donc, en substituant au lieu de des nombres quelconques plus grands que on aura toujours et par conséquent égal à un nombre positif ; et, en substituant au lieu de des nombres moindres que on aura toujours et par conséquent égal à un nombre négatif ; donc il sera impossible que l’équation ait des racines réelles positives plus grandes ou plus petites que

8. Problème.Une équation quelconque étant donnée, trouver une autre équation dont les racines soient les différences entre les racines de l’équation donnée.

Soit donnée l’équation

(B)

On sait que peut être indifféremment égal à une quelconque de ses racines ; or, soit une autre racine quelconque de la même équation, en sorte que l’on ait aussi

et soit la différence entre les deux racines et de manière que l’on

ait substituant cette valeur de < dans la dernière équation, et ordonnant les termes par rapport à on aura une équation en du même degré laquelle, en commençant par les derniers termes, sera de cette forme

les coefficients étant des fonctions de telles que

c’est-à-dire

Donc, puisque par l’équation donnée (B) on a l’équation précédente étant divisée par deviendra celle-ci

(C)

Cette équation, si l’on y substitue pour une quelconque des racines de l’équation (B), aura pour racines les différences entre cette racine et toutes les autres de la même équation (B) ; donc, si l’on combine les équations (B) et (C) en éliminant on aura une équation en dont les racines seront les différences entre chacune des racines de l’équation (B) et toutes les autres racines de la même équation ; ce sera l’équation cherchée.

Mais, sans exécuter cette élimination qui serait souvent fort laborieuse, il suffira de considérer :

1o Que étant les racines de l’équation en celles de l’équation en seront

d’où l’on voit que ces racines seront au nombre de et que de

plus elles seront égales deux à deux, et de signes contraires ; de sorte que l’équation en manquera nécessairement de toutes les puissances impaires de Donc, en faisant

, l’équation dont il s’agit sera de cette forme

(D)

2o Que étant les différentes valeurs de dans l’équation (D), le coefficient sera égal à leur somme, le coefficient à la somme de tous leurs produits deux à deux, etc. Or il est facile de voir que

mais on sait que

donc on aura

savoir

et l’on pourra de la même manière trouver la valeur des autres coefficients

Pour y parvenir plus facilement, supposons

et l’on aura, comme on sait,

Supposons de plus

il est facile de voir que l’on aura

ou bien

et en général

Les quantités étant ainsi connues, on aura sur-le-champ les valeurs des coefficients de l’équation (D) par les formules

Ainsi l’on pourra déterminer directement les coefficients de

l’équation (C) par ceux de l’équation donnée (B). Pour cela on cherchera d’abord par les formules ci-dessus les valeurs des quantités jusqu’à ensuite, à l’aide de celles-ci, on cherchera celles des quantités jusqu’à et enfin par ces dernières on trouvera les valeurs cherchées des coefficients

9. Remarque. — Il est bon de remarquer que l’équation (D) exprime également les différences entre les racines positives et négatives de l’équation (B), de sorte que la même équation aura lieu aussi lorsqu’on changera x en-x pour avoir les racines négatives (4).

De plus il est clair que l’équation (D) sera toujours la même, soit qu’on augmente ou qu’on diminue toutes les racines de l’équation proposée d’une même quantité quelconque ; donc, si cette équation a son second terme, on pourra le faire disparaître, et cherchant ensuite l’équation en qui en résultera, on aura la même équation qu’on aurait eue si l’on n’avait pas fait évanouir le second terme ; mais l’évanouissement de ce terme rendra toujours la recherche des coefficients un peu plus facile, parce qu’on aura et par conséquent aussi de sorte que les formules du numéro précédent deviendront

10. Corollaire I. — Puisque les racines de l’équation (D) sont les carrés des différences entre les racines de l’équation proposée (B), il est clair que si cette équation (D) avait tous ses termes de même signe, auquel cas elle n’aurait aucune racine réelle et positive, il est clair, dis-je, que, dans ce cas, les différences entre les racines de l’équation (B) seraient toutes imaginaires ; de sorte que cette équation ne pourrait avoir qu’une seule racine réelle, ou bien plusieurs racines réelles et égales entre elles ; si ce dernier cas a lieu, on le reconnaîtra et on le résoudra par les méthodes connues (voyez aussi plus bas le § II) ; à l’égard du premier cas, il s’ensuit du no 6 qu’on pourra prendre

11. Corollaire II. — Si l’équation (B) a un ou plusieurs couples de racines égales, il est clair que l’équation (D) aura une ou plusieurs valeurs de égales à zéro, de sorte qu’elle sera alors divisible une ou plusieurs fois par cette division faite, lorsqu’elle a lieu, soit l’équation restante disposée à rebours de cette manière

(E)

étant ou qu’on fasse et ordonnant l’équation par rapport à on aura

(F)

Qu’on cherche par les méthodes connues la limite des racines positives de cette équation, et soit cette limite, en sorte que surpasse chacune des valeurs positives de donc sera moindre que chacune des valeurs positives de ou de et par conséquent moindre que chacune des valeurs de à cause de (Problème précédent).


Donc sera nécessairement moindre qu’aucune des valeurs de c’est-à-dire qu’aucune des différences entre les racines réelles et inégales de l’équation proposée (B).

Donc :

1o Si alors on sera sûr que l’équation (B) n’aura point de racines réelles dont les différences soient moindres que l’unité ; ainsi dans ce cas on pourra faire sans scrupule (6) ;

2o Mais si ou alors il peut se faire qu’il y ait dans l’équation (B) des racines dont les différences soient moindres que l’unité ; mais, comme la plus petite de ces différences sera toujours nécessairement plus grande que on pourra toujours prendre égal ou (numéro cité).

En général, soit le nombre entier qui est égal ou immédiatement plus grand que et l’on pourra toujours prendre

12. Scolie I. — Quant à la manière de trouver la limite des racines d’une équation, la plus commode et la plus exacte est celle de Newton, laquelle consiste à trouver un nombre dont les racines de l’équation proposée étant diminuées, l’équation résultante n’ait aucune variation de signe ; car alors cette équation ne pourra avoir que des racines négatives ; par conséquent le nombre dont les racines de la proposée auront été diminuées surpassera nécessairement la plus grande de ces racines.

Ainsi, pour chercher la limite des racines de l’équation

(F)

on y mettra au lieu de et ordonnant l’équation résultante par rapport à elle deviendra

dans laquelle

et il n’y aura qu’à chercher une valeur de qui, étant substituée dans les quantités les rende toutes positives ; en commençant par la dernière de ces quantités, laquelle n’aura que deux termes, et remontant successivement aux quantités précédentes, on déterminera facilement le plus petit nombre entier qui pourra être pris pour et qui sera la limite la plus proche cherchée.

Si l’on voulait éviter tout tâtonnement, il n’y aurait qu’à prendre pour le plus grand coefficient des termes négatifs de l’équation (F) augmenté d’une unité ; car il est facile de prouver qu’en donnant à cette valeur, les quantités seront toujours positives.

Cette manière d’avoir la limite des racines d’une équation quelconque est due, je crois, à Maclaurin ; mais en voici une autre qui donnera le plus souvent des limites plus approchées.

Soient

les termes négatifs de l’équation (F) ; on prendra pour la somme des deux plus grandes des quantités

ou un nombre quelconque plus grand que cette somme. Cette proposition peut se démontrer de la même manière que la précédente ; ainsi nous ne nous y arrêterons pas.

Au reste, il faut observer que les limites trouvées de l’une ou de l’autre de ces deux manières seront rarement les plus prochaines limites ; pour en avoir de plus petites on essayera successivement pour des nombres moindres, et l’on prendra le plus petit de ceux qui satisferont aux conditions que soient des nombres positifs.

13. Scolie II. — Ayant donc trouvé la limite des racines de l’équation (F), et pris égal ou immédiatement plus grand que on fera (10), et l’on substituera successivement dans l’équation proposée, à la place de l’inconnue, les nombres

les résultats venant de ces substitutions formeront une série dans laquelle il y aura autant de variations de signe que l’équation proposée contiendra de racines réelles positives et inégales, et de plus chacune de ces racines se trouvera entre les deux résultats consécutifs qui seront de signe different, de sorte que si les nombres et et donnent des résultats de signe contraire, il y aura une racine entre et par conséquent le nombre entier qui approchera le plus de sera la valeur entière approchée de cette racine (2).

Ainsi l’on connaîtra, par ce moyen, non-seulement le nombre des racines positives et inégales de l’équation proposée, mais encore la valeur entière approchée de chacune de ces racines.

Au reste, il est clair que si l’on trouvait un ou plusieurs résultats égaux à zéro, les nombres qui auraient donné ces résultats seraient des racines exactes de l’équation proposée.

Pour faciliter et abréger ce calcul, on fera encore les remarques suivantes :

1o Si l’on cherche par les méthodes des numéros précédents la limite des racines positives de l’équation proposée, il est clair qu’il sera inutile d’y substituer à la place de l’inconnue des nombres plus grands que cette limite ; en effet, il est facile de voir qu’en substituant des nombres plus grands que cette limite on aura toujours nécessairement des résultats positifs. Ainsi, nommant la limite dont il s’agit, le nombre des substitutions à faire sera égal à et par conséquent toujours limité.

En général, sans chercher la limite \lambda, il suffira de pousser les substitutions jusqu’à ce que le premier terme de l’équation, ou la somme des premiers termes, s’il y en a plusieurs consécutifs avec le même signe soit égale ou plus grande que la somme de tous les termes négatifs ; car il est facile de prouver, par la méthode du no 7, qu’en donnant à l’inconnue des valeurs plus grandes on aura toujours à l’infini des résultats positifs.

2o Au lieu de substituer à la place de l’inconnue les fractions on y mettra d’abord à la place de ou, ce qui revient au même, on multipliera le coefficient du second terme par celui du troisième terme par et ainsi des autres, et l’on y substituera ensuite à la place de les nombres naturels jusqu’à la limite de cette équation, ou bien jusqu’à ce que le premier terme, ou la somme des premiers, quand il y en a plusieurs consécutifs avec le même signe, soit égale ou plus grande que la somme des négatifs ; par ce moyen, les résultats seront tous des nombres entiers, et les racines de l’équation proposée se trouveront nécessairement entre les nombres consécutifs qui donneront des résultats de signe contraire, ces nombres étant divisés par comme nous l’avons vu plus haut.

3o Soit le degré de l’équation dans laquelle il s’agit de substituer successivement les nombres naturels je dis que, dès qu’on aura trouvé les premiers résultats, c’est-à-dire ceux qui répondent à on pourra trouver tous les suivants par la seule addition.

Pour cela, il n’y aura qu’à chercher les différences des résultats trouvés, lesquelles seront au nombre de ensuite les différences de ces différences, lesquelles ne seront plus qu’au nombre de et ainsi de suite jusqu’à la différence ième.

Cette dernière différence sera nécessairement constante, parce que l’exposant de la plus haute puissance de l’inconnue est ainsi, on pourra continuer la suite des différences ièmes aussi loin qu’on voudra, en répétant seulement la même différence trouvée ; ensuite, par le moyen de cette suite on pourra, par la simple addition, continuer celle des différences ièmes et, à l’aide de celle-ci, on pourra continuer de même la suite des différences ièmes, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on arrive à la première suite, qui sera celle des résultats cherchés. Il est bon d’observer ici que, si les termes correspondants des différentes suites dont nous parlons étaient tous positifs, les termes suivants dans chaque suite seraient tous aussi positifs. Or, puisque la dernière différence est toujours positive, il est clair qu’on parviendra nécessairement dans chaque suite à des termes tous positifs ; ainsi, il suffira de continuer toutes ces suites jusqu’à ce que leurs termes correspondants soient devenus tous positifs, parce qu’alors on sera sûr que la série des résultats, continuée aussi loin qu’on voudra, sera toujours positive, et que par conséquent elle ne contiendra plus aucune variation de signe.

Pour éclaircir ceci par un exemple, soit proposée l’équation

on trouvera d’abord que les résultats qui répondent à sont d’où l’on pourra tirer les différences premières les différences deuxièmes et la différence troisième ainsi, on formera les quatre séries suivantes

dont la loi est que chaque terme est égal à la somme du terme précédent de la même série et de celui qui y est au-dessus dans la série précédente ; de sorte qu’il est très-facile de continuer ces séries aussi loin qu’on voudra.

Or, la dernière de ces quatre séries sera, comme on voit, celle des résultats qui viennent de la substitution des nombres naturels à la place de dans l’équation proposée, et comme les termes de la septième colonne, savoir sont tous positifs, il s’ensuit que les termes suivants seront tous aussi positifs, de sorte que la série des résultats, continuée aussi loin qu’on voudra, n’aura plus aucune variation de signe.

14. Remarque. — On avait déjà remarqué que l’on pouvait trouver la valeur approchée de toutes les racines réelles et inégales d’une équation quelconque en y substituant successivement, à la place de l’inconnue, différents nombres en progression arithmétique ; mais cette remarque ne pouvait pas être d’une grande utilité, faute d’avoir une méthode pour déterminer la progression qu’on doit employer dans chaque cas, en sorte que l’on soit assuré qu’elle fasse connaître toutes les racines réelles et inégales de l’équation proposée. Nous en sommes heureusement venu à bout à l’aide du Problème du no 8.

Au reste, nous verrons encore ci-après d’autres usages de ce même Problème par rapport aux racines égales et imaginaires.

§ II. — De la manière d’avoir les racines égales et imaginaires des équations.

15. Nous n’avons considéré dans le paragraphe précédent que les racines réelles et inégales de l’équation proposée (B) ; supposons maintenant que cette équation ait des racines égales ; dans ce cas, il faudra (11) que l’équation (D) soit divisible autant de fois parc qu’il y aura de combinaisons de racines égales deux à deux ; par conséquent, il faudra qu’il y ait dans cette équation (D) autant des derniers termes qui manquent ; ainsi, on connaîtra d’abord par ce moyen combien de racines égales il y aura dans la proposée.

Or, puisque dans le cas des racines égales on a nécessairement (8), l’équation (C) du même numéro donnera pour ce cas ainsi, il faudra que les deux équations en et aient lieu en même temps lorsque est égal à une quelconque des racines égales de l’équation (B).

On cherchera donc, par les méthodes connues, le plus grand commun diviseur des deux polynômes et et, faisant ensuite ce diviseur égal à zéro, on aura une équation qui ne sera composée que des racines égales de la proposée, mais élevées à une puissance moindre de l’unité.

Soient le plus grand commun diviseur de et de et le quotient de divisé par il est facile de voir que l’équation contiendra toutes les mêmes racines que l’équation proposée avec cette différence que les racines multiples de cette équation seront simples dans l’équation ainsi, l’équation sera dans le cas des méthodes précédentes.

On peut encore, si l’on veut, trouver deux équations séparées, dont l’une contienne seulement les racines égales de l’équation et dont l’autre contienne les racines inégales de la même équation. Pour cela, il n’y aura qu’à chercher encore le plus grand commun diviseur des polynômes et et, nommant ce diviseur on prendra le quotient de divisé par lequel étant nommé on fera ces deux équations

La première contiendra seulement les racines inégales de l’équation et la seconde contiendra seulement les racines égales de la même équation, mais chacune une seule fois ; de sorte que les deux équations et n’auront que des racines inégales, et par conséquent seront susceptibles des méthodes du paragraphe précédent.

16. Connaissant ainsi le nombre des racines réelles tant inégales qu’égales de l’équation proposée, si ce nombre est moindre que le degré de l’équation, on en conclura que les autres racines sont nécessairement imaginaires.

En général, pour que l’équation (B) ait toutes ses racines réelles, il faut que les valeurs de soient réelles aussi ; donc il faudra que les valeurs de ou de soient toutes réelles et positives ; par conséquent, l’équation (D) du no 8 doit avoir toutes ses racines réelles et positives ; donc il faudra, par la règle connue, que les signes de cette équation soient alternativement positifs et négatifs ; de sorte que, si cette condition n’a pas lieu, ce sera une marque sûre que l’équation (B) a nécessairement des racines imaginaires.

Or, on sait que les racines imaginaires vont toujours en nombre pair, et qu’elles peuvent se mettre deux à deux sous cette forme

et étant des quantités réelles ; donc on aura

et par conséquent

d’où l’on voit que l’équation (D) aura nécessairement autant de racines réelles négatives qu’il y aura de couples de racines imaginaires dans l’équation (B).

Donc, si l’on fait ce qui changera l’équation (D) en celle-ci

(G)

cette équation aura nécessairement autant de racines réelles positives qu’il y aura de couples de racines imaginaires dans l’équation (B).

Donc, si dans l’équation (G) il n’y a qu’un seul changement de signe, l’équation (B) n’aura que deux racines imaginaires (7).

17. Il suit du numéro précédent que, pour avoir la valeur des racines imaginaires de l’équation (B), il n’y a qu’à chercher les racines réelles positives de l’équation (G). En effet, soient ces racines, on aura d’abord pour les valeurs de ensuite, pour trouver les valeurs correspondantes de on substituera, dans l’équation (B), à la place de et l’on fera deux équations séparées des termes tous réels et de ceux qui seront multipliés par de cette manière on aura deux équations en de cette forme

(H)

dans lesquelles les coefficients seront donnés en et en

Donc, si l’on donne à quelqu’une des valeurs précédentes, il faudra nécessairement que ces deux équations aient lieu en même temps, et par conséquent il faudra qu’elles aient un diviseur commun. On cherchera donc leur plus grand commun diviseur, et, le faisant égal à zéro, on aura une équation en et par laquelle, étant connu, on trouvera

Il est bon de remarquer que si toutes les valeurs de tirées de l’équation (G) sont inégales entre elles, alors à chaque valeur de il ne pourra répondre qu’une seule valeur de donc, dans ce cas, les deux équations (H) ne pourront avoir qu’une seule racine commune, et par conséquent leur plus grand commun diviseur ne pourra être que du premier degré.

On poussera donc la division jusqu’à ce que l’on parvienne à un reste où ne se trouve plus qu’à la première dimension, et l’on fera ensuite ce reste égal à zéro, ce qui donnera la valeur cherchée de

Mais si, parmi les valeurs de tirées de l’équation (G), il y en a, par exemple, deux d’égales entre elles, alors, comme à chacune de ces valeurs égales de il peut répondre des valeurs différentes de il faudra qu’en mettant cette valeur double de dans les équations (H) elles puissent avoir lieu par rapport à l’une et à l’autre des valeurs de qui y répondent ; ainsi, ces deux équations auront nécessairement deux racines communes, et par conséquent leur plus grand commun diviseur sera du second degré. Il faudra donc, dans ce cas, ne pousser la division que jusqu’à ce qu’on arrive à un reste où se trouve à la seconde dimension seulement, et alors on fera ce reste égal à zéro, ce qui donnera une équation du second degré par laquelle on déterminera les deux valeurs de lesquelles seront, nécessairement toutes deux réelles.

De même, s’il y avait trois valeurs égales de il faudrait, pour trouver les valeurs de qui répondraient à cette valeur triple de ne pousser la division que jusqu’à ce que l’on parvînt à un reste où la plus haute puissance de fût la troisième ; et alors, faisant ce reste égal à zéro, on aurait une équation en du troisième degré, laquelle donnerait les trois valeurs réelles de correspondantes à la même valeur de et ainsi de suite.

§ III. — Nouvelle méthode pour approcher des racines des équations numériques.

18. Soit l’équation

et supposons qu’on ait déjà trouvé par la méthode précédente ou autre-

ment la valeur entière approchée d’une de ses racines réelles et positives ; soit cette première valeur en sorte que l’on ait

on fera

et, substituant cette valeur dans l’équation proposée, à la place de on aura, après avoir multiplié toute l’équation par et ordonné les termes par rapport à une équation de cette forme

Or, comme, par hypothèse, et on aura donc l’équation (b) aura nécessairement au moins une racine réelle plus grande que l’unité.

On cherchera donc par les méthodes du § I la valeur entière approchée de cette racine, et, comme cette racine doit être nécessairement positive, il suffira de considérer comme positif (4).

Ayant trouvé la valeur entière approchée de que je nommerai on fera ensuite

et, substituant cette valeur de dans l’équation (b), on aura une troisième équation en de cette forme

laquelle aura nécessairement au moins une racine réelle plus grande que l’unité, dont on pourra trouver de même la valeur entière approchée.

Cette valeur approchée de étant nommée on fera

et substituant on aura une équation en qui aura au moins une racine réelle plus grande que l’unité, et ainsi de suite.

En continuant de la même manière, on approchera toujours de plus en plus de la valeur de la racine cherchée ; mais, s’il arrive que quelqu’un des nombres soit une racine exacte, alors on aura ou et l’opération sera terminée ; ainsi, dans ce cas, on trouvera pour une valeur commensurable.

Dans tous les autres cas la valeur de la racine sera nécessairement incommensurable, et l’on pourra seulement en approcher aussi près qu’on voudra.

19. Si l’équation proposée a plusieurs racines réelles positives, on pourra trouver, par les méthodes exposées dans le § I, la valeur entière approchée de chacune de ces racines ; et nommant ces valeurs on les emploiera successivement pour approcher davantage de la vraie valeur de chaque racine ; il faudra seulement remarquer :

1o Que si les nombres sont tous différents l’un de l’autre, alors les transformées (b), (c), … du numéro précédent n’auront chacune qu’une seule racine réelle et plus grande que l’unité ; car si, par exemple, l’équation (b) avait deux racines réelles plus grandes que l’unité, telles que et on aurait donc

de sorte que ces deux valeurs de auraient la même valeur entière approchée contre l’hypothèse ; il en serait de même si l’équation (c), ou quelqu’une des suivantes, avait deux racines réelles plus grandes que l’unité.

De là il s’ensuit que, pour trouver dans ce cas les valeurs entières approchées des racines des équations (b), (c), …, il suffira de substituer successivement à la place de les nombres naturels positifs jusqu’à ce que l’on trouve deux substitutions consécutives qui donnent des résultats de signe contraire (6) ;

2o Que s’il y a deux valeurs de qui aient la même valeur entière approchée alors, en employant cette valeur, les équations (b), (c), … auront chacune deux racines réelles plus grandes que l’unité, jusqu’à ce que l’on arrive à une équation dont les deux racines plus grandes que l’unité aient des valeurs entières approchées différentes ; alors chacune de ces deux valeurs donnera une suite particulière d’équations dont chacune n’aura plus qu’une seule racine réelle plus grande que l’unité.

En effet, puisqu’il y a deux valeurs différentes de qui ont la même valeur entière approchée ces deux valeurs seront représentées par de sorte qu’il faudra que ait nécessairement deux valeurs réelles plus grandes que l’unité ; or, si ces deux valeurs de ont la même valeur approché e il faudra de nouveau qu’en faisant ait deux valeurs différentes plus grandes que l’unité, et ainsi de suite.

Mais, si les valeurs entières approchées de étaient différentes, alors, nommant ces valeurs et on ferait et et il est clair que dans l’une et l’autre de ces deux suppositions, n’aurait plus qu’une seule valeur réelle plus grande que l’unité ; autrement les valeurs de au lieu d’être seulement doubles, seraient triples ou quadruples, etc.

Donc, quand on sera parvenu à une transformée dont les deux racines plus grandes que l’unité auront des valeurs entières différentes, alors les autres transformées résultantes de chacune de ces deux valeurs n’auront plus qu’une seule racine plus grande que l’unité ; par conséquent on pourra trouver la valeur entière approchée de ces racines en y substituant simplement les nombres naturels jusqu’à ce que l’on ait deux substitutions qui donnent des résultats de signes contraires (6).

On peut faire des remarques analogues sur le cas où il y aurait dans l’équation (a) trois racines ou davantage, qui auraient la même valeur entière approchée.

20. Nous avons supposé (18) que les racines cherchées étaient positives ; pour trouver les négatives, il n’y aura qu’a mettre à la place de dans l’équation proposée, et l’on cherchera de même les racines positives de cette dernière équation ; ce seront les racines négatives de la proposée (4).

Quant aux racines imaginaires, qui sont toujours exprimées par nous avons donné, dans le § II, le moyen de trouver les équations dont et sont les racines ; ainsi il n’y aura qu’a chercher les racines réelles de ces équations, et l’on aura la valeur de toutes les racines imaginaires de l’équation proposée.

21. Pour faciliter les substitutions (18) de au lieu de de au lieu de il est bon de remarquer que les coefficients de la transformée (b) peuvent se déduire immédiatement de ceux de l’équation (a) en cette sorte

On aura de même ceux de la transformée (c) par ceux de la transformée (b) en mettant dans les formules précédentes à la place de à la place de et à la place de et ainsi de suite.

De là il est évident que le premier coefficient ou ou ne sera jamais nul, à moins que le nombre ou ou ne soit une racine exacte, auquel cas nous avons vu que la fraction continue se termine à ce nombre (18). En effet, si ou ou on aura ou ou donc ou ou

22. Soient donc les valeurs entières approchées des équations (a), (b), (c), …, en sorte que l’on ait

et, substituant successivement ces valeurs dans celle de on aura

Ainsi la valeur de c’est-à-dire de la racine cherchée, sera exprimée par une fraction continue. Or, on sait que ces sortes de fractions donnent toujours l’expression la plus simple, et en même temps la plus exacte qu’il est possible, d’un nombre quelconque soit rationnel ou irrationnel.

M. Huygens paraît être le premier qui ait remarqué cette propriété des fractions continues, et qui en ait fait usage pour trouver les fractions les plus simples, et en même temps les plus approchantes d’une fraction quelconque donnée (voyez son Traité De Automato planetario).

Plusieurs habiles Géomètres ont ensuite développé davantage cette théorie, et en ont fait différentes applications ingénieuses et utiles ; mais on n’avait pas encore pensé, ce me semble, à s’en servir dans la résolution des équations

23. Maintenant, si l’on réduit les fractions continues

en fractions ordinaires, on aura, en faisant

on aura, dis-je, cette suite de fractions particulières

lesquelles seront nécessairement convergentes vers la vraie valeur de et dont la première sera plus petite que cette valeur, la seconde sera plus grande, la troisième plus petite, et ainsi de suite ; de sorte que la valeur cherchée se trouvera toujours entre deux fractions consécutives quelconques ; c’est ce qu’il est aisé de déduire de la nature même de la fraction continue d’où celles-ci sont tirées.

Or, il est facile de voir que les valeurs de

sont toujours telles que

d’où il s’ensuit :

1o Que ces fractions sont déjà réduites à leurs moindres termes ; car, si et par exemple, avaient un commun diviseur autre que l’unité, il faudrait, en vertu de l’équation

que l’unité fût aussi divisible par ce même diviseur ;

2o Qu’on aura

de sorte que les fractions

ne peuvent jamais différer de la vraie valeur de c que d’une quantité respectivement moindre que

d’où il sera facile de juger de la quantité de l’approximation.

En général, puisque on aura

d’où l’on voit que l’erreur de chaque fraction sera toujours moindre que l’unité divisée par le carré du dénominateur de la même fraction ;

3o Que chaque fraction approchera de la valeur de non-seulement plus que ne fait aucune des fractions précédentes, mais aussi, plus que ne pourrait faire aucune autre fraction quelconque qui aurait un moindre dénominateur. En effet, si la fraction par exemple, approchait plus que la fraction étant il faudrait que la quantité se trouvât entre ces deux et donc

donc

ce qui ne se peut.

24. Les fractions peuvent être appelées fractions principales, parce qu’elles convergent le plus qu’il est possible vers la valeur cherchée ; mais, quand les nombres diffèrent de l’unité, on peut encore trouver d’autres fractions convergentes vers la même valeur, et qu’on appellera, si l’on veut, fractions secondaires.

Par exemple, si est on peut entre les fractions et qui sont toutes deux moindres que la valeur de insérer autant de fractions secondaires qu’il y a d’unités dans en mettant successivement au lieu de De cette manière, à cause de et on aura cette suite de fractions

dont les deux extrêmes sont les deux fractions principales et dont les intermédiaires sont des fractions secondaires.

Or, si l’on prend la différence entre deux fractions consécutives quelconques de cette suite, comme entre et on trouvera de sorte que cette différence sera toujours positive et ira en diminuant d’une fraction à l’autre ; d’où il s’ensuit que, comme la dernière fraction est moindre que la vraie valeur de la fraction continue, les fractions dont il s’agit seront toutes plus petites que cette valeur, et seront en même Lemps convergentes vers cette même valeur.

On fera le même raisonnement par rapport à toutes les autres fractions principales, et si l’on ajoute à ces fractions les deux fractions et dont la première est toujours plus petite, et dont la seconde est plus grande que toute quantité donnée, on pourra former deux séries de fractions convergentes vers la valeur cherchée, dont l’une contiendra toutes les fractions plus petites que cette valeur, et dont l’autre contiendra toutes les fractions plus grandes que la même valeur.

Fractions plus petites.
Fractions plus grandes.

Quant à la nature de ces fractions, il est facile de prouver, comme nous l’avons fait par rapport aux fractions principales : 1o que chacune de ces fractions sera déjà réduite à ses moindres termes ; d’où il s’ensuit que, comme les numérateurs et les dénominateurs vont en augmentant, ces

fractions se trouveront toujours exprimées par des termes plus grands à mesure qu’elles s’éloigneront du commencement de la série ; 2o que chaque fraction de la première série approchera de la valeur de plus qu’aucune autre fraction quelconque qui serait moindre que cette valeur, et qui aurait un dénominateur plus petit que celui de la même fraction ; et que, de même, chaque fraction de la seconde série approchera plus de la valeur de que ne pourrait faire toute autre fraction qui serait plus grande que cette valeur, et qui aurait un dénominateur plus petit que celui de la même fraction.

En effet, s’il y avait une fraction comme plus petite que la valeur de et en même temps plus approchante de cette valeur que la fraction par exemple, en supposant il faudrait (à cause que la fraction est plus grande que la valeur dont il s’agit) que la quantité se trouvât entre les deux quantités

donc la quantité

devrait être

donc il faudrait que fût ce qui ne se peut.

Au reste, il peut arriver qu’une fraction d’une série n’approche pas si près qu’une autre de l’autre série, quoique conçue en termes moins simples ; mais cela n’arrive jamais quand la fraction qui a le plus grand dénominateur est une fraction principale (23).

§ IV. — Application des méthodes précédentes à quelques exemples.

25. Je prendrai pour premier exemple l’équation que Newton a résolue par sa méthode, savoir

Je commence par chercher par les formules du no 8 l’équation en qui résulte de cette équation ; je fais donc

j’aurai

donc

et, de là,

de sorte que l’équation cherchée sera

Or, puisque cette équation n’a pas les signes alternativement positifs et négatifs, j’en conclus sur-le-champ que l’équation proposée a nécessairement deux racines imaginaires, et par conséquent une seule réelle (16).

Ainsi, les nombres à substituer à la place de seront les nombres naturels (6).

Je suppose d’abord positif, et je cherche la limite des valeurs de par les méthodes du no 12 : je trouve ainsi, sera la limite cherchée en nombres entiers, de sorte qu’il suffira de faire successivement ce qui donnera ces résultats d’où l’on voit que la racine réelle de l’équation proposée sera entre les nombres et et qu’ainsi sera la valeur entière la plus approchée de cette racine (2).

Je fais maintenant, suivant la méthode du § III, j’ai, en substituant et ordonnant les termes par rapport à l’équation

dans laquelle j’ai changé les signes pour rendre le premier terme positif.

Cette équation aura donc nécessairement une seule racine plus grande que l’unité (19), de sorte que, pour en trouver la valeur approchée, il n’y aura qu’à substituer les nombres jusqu’à ce que l’on trouve deux substitutions consécutives qui donnent des résultats de signe contraire.

Pour ne pas faire beaucoup de substitutions inutiles, je remarque qu’en faisant j’ai un résultat négatif, et qu’en faisant le résultat est encore négatif ; je commence donc par le nombre et je fais successivement Je trouve d’abord les résultats d’où je conclus que la valeur approchée de est donc

Je fais donc j’aurai l’équation

et, supposant successivement j’aurai les résultats donc

Je fais encore j’aurai

et, supposant j’aurai les résultats donc et ainsi de suite.

En continuant de cette manière, on trouvera les nombres

de sorte que la racine cherchée sera exprimée par cette fraction continue

d’où l’on tirera les fractions (23)

lesquelles seront alternativement plus petites et plus grandes que la valeur de

La dernière fraction est plus grande que la racine cherchée ; mais l’erreur sera moindre que (23, 2o), c’est-à-dire moindre que donc, si l’on réduit la fraction en fraction décimale, elle sera exacte jusqu’à la septième décimale ; or, en faisant la division, on trouve ainsi, la racine cherchée sera entre les nombres et

Newton a trouvé par sa méthode la fraction (voyez sa Méthode des suites infinies), d’où l’on voit que cette méthode donne dans ce cas un résultat fort exact ; mais on aurait tort de se promettre toujours une pareille exactitude.

26. Quant aux deux autres racines de la même équation, nous avons déjà vu qu’elles doivent être imaginaires ; néanmoins, si l’on voulait en trouver la valeur, on le pourrait par la méthode du no 17.

Pour cela, on reprendra l’équation en trouvée ci-dessus, et, en y changeant en on aura

et il ne s’agira plus que de chercher une racine réelle et positive de cette équation. Or, puisqu’elle a son dernier terme négatif, elle aura

nécessairement une telle racine, dont on pourra trouver la valeur entière la plus approchée (3) par la substitution successive des nombres naturels En effet, en faisant on aura le résultat et en faisant on aura ainsi, la valeur entière la plus approchée de la racine positive de cette équation sera

On fera donc maintenant et, en substituant, on aura, u après avoir changé les signes,

Faisant successivement on aura les résultats donc sera la valeur entière approchée de

On fera donc et l’on aura, en substituant et changeant les signes,

En faisant successivement on trouvera des résultats négatifs jusqu’à la supposition de qui donne pour résultat, de sorte que sera la valeur entière approchée de

On fera donc

De cette manière, on approchera de plus en plus de la valeur de laquelle sera exprimée par cette fraction continue

d’où l’on tire les fractions particulières

Connaissant ainsi on aura (17) ainsi l’on connaîtra

On substituera maintenant à la place de dans l’équation proposée, et faisant deux équations séparées des termes tout réels et de ceux qui sont affectés de on aura les deux équations

On cherchera le plus grand commun diviseur de ces deux équations, et l’on poussera seulement la division jusqu’à ce que l’on arrive à un reste où ne se trouve qu’à la première puissance (numéro cité) ; ce reste sera

lequel, étant fait donnera

Ainsi l’on aura la valeur des deux racines imaginaires et de l’équation proposée.

27. Prenons pour second exemple l’équation

On aura encore ici et par conséquent ensuite,

d’où

et, de là,

et enfin

de sorte que l’équation en sera

Puisque les signes de cette équation sont alternatifs, c’est une marque que la proposée peut avoir toutes ses racines réelles (16), et comme d’ailleurs cette équation n’est point divisible par il s’ensuit que l’équation en n’aura point de racines égales (15).

On fera maintenant (11) et, ordonnant l’équation par rapport à on aura

Le plus grand coefficient négatif étant on pourrait prendre ( 12), mais on peut trouver une limite plus proche en cherchant le plus petit nombre entier qui rendra positives ces trois quantités

et l’on trouvera que satisfait à ces conditions, de sorte qu’on aura (11), et par conséquent

On mettra donc (13, 2o), dans l’équation proposée, à la place de ce qui la réduira à celle-ci

dans laquelle il n’y aura plus qu’à substituer les nombres naturels à la place de Or, suivant la méthode (13, 3o), on trouve que la série des résultats ne contient que deux variations de signes, lesquelles répondent à de sorte que l’équation proposée n’aura que deux racines positives, lesquelles tomberont, l’une entre les nombres et et l’autre entre les nombres et d’où l’on voit que la valeur entière la plus approchée de l’une et de l’autre sera (2).

Faisons maintenant négatif pour avoir aussi les racines négatives (4), et l’équation se changera en

laquelle, ayant son dernier terme négatif, aura sûrement une racine positive (3), et il est clair qu’elle n’en aura qu’une seule, puisque nous

avons déjà trouvé les deux autres ; ainsi l’on pourra d’abord trouver la valeur entière approchée de cette racine en substituant, à la place de les nombres jusqu’à ce que l’on rencontre deux substitutions qui donnent des résultats de signe contraire (3) ; or, on trouve que ces substitutions sont et de sorte que sera la valeur entière la plus approchée de dans l’équation précédente, et par conséquent de dans la proposée.

Ayant ainsi trouvé que l’équation a trois racines réelles, deux positives et une négative, et ayant trouvé en même temps leurs valeurs entières approchées, on pourra approcher autant qu’on voudra de la vraie valeur de chacune d’elles par la méthode du § III.

Considérons d’abord les racines positives, et faisons dans l’équation

elle deviendra celle-ci

laquelle, à cause que est la valeur approchée de deux racines, aura nécessairement (19, 2o) deux racines plus grandes que l’unité.

J’essaye d’abord si je peux trouver les valeurs approchées de ces deux racines par la substitution des nombres entiers et, comme il n’y a que le terme de négatif, il suffira (13, 1o) de pousser les substitutions jusqu’à ce que l’on ait ou c’est-à-dire jusqu’à or, en faisant j’ai les résultats d’où je conclus que les racines cherchées sont, l’une entre les nombres et et l’autre entre les nombres et de sorte que les valeurs approchées de seront et

On fera donc :

1o et l’on aura

équation qui n’aura plus qu’une racine réelle plus grande que l’unité (19, 2o) ; ainsi l’on supposera successivement jusqu’à ce que l’on trouve deux substitutions consécutives qui donnent des résul-

tats désigné contraire ; or, on trouve que donne et donne donc sera la valeur entière approchée de

On fera donc et, substituant, on aura, en changeant les signes,

On supposera de même et l’on trouvera que la valeur entière approchée de sera

On fera et ainsi de suite ;

2o On fera et, substituant dans l’équation précédente en on aura, après avoir changé les signes,

cette équation n’aura, comme la précédente en qu’une seule racine réelle plus grande que l’unité ; de sorte qu’il n’y aura qu’à faire ce qui donne les résultats d’où l’on conclut que est la valeur entière approchée de

On fera donc et l’on aura, en changeant les signes,

d’où l’on trouvera, de la même manière que ci-dessus, que la valeur entière approchée de sera

Ainsi l’on fera et ainsi de suite.

Donc les deux racines positives de l’équation proposée seront

D’où l’on tirera, si l’on veut, des fractions convergentes, comme dans l’Exemple précédent (23 et 24).

Pour trouver maintenant la valeur approchée de la racine négative, on reprendra l’équation

dans laquelle on a déjà trouvé que la valeur entière approchée est ainsi l’on fera ce qui donnera, en changeant les signes,

et, comme cette équation ne peut avoir qu’une seule racine réelle plus grande que (19, 2o), on en trouvera la valeur approchée en faisant jusqu’à ce que l’on rencontre deux résultats consécutifs de signe contraire, ce qui arrivera lorsque de sorte que la valeur dont il s’agit sera

On fera donc

De cette manière, la racine négative de l’équation proposée sera


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  1. Lu à l’Académie le 20 avril 1769.