NOUVELLE MÉTHODE
POUR
RÉSOUDRE LES ÉQUATIONS LITTÉRALES
PAR LE MOYEN DES SÉRIES[1].
(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin, t. XXIV, 1770.)
Je vais donner dans ce Mémoire une méthode très-simple et très-générale pour réduire les racines des équations littérales en suites infinies, matière sur laquelle plusieurs Géomètres se sont déjà exercés.
Ma méthode a, si je ne me trompe, de grands avantages sur toutes les méthodes connues pour le même objet :
1o Elle donne l’expression de chaque racine de l’équation proposée, au lieu que les autres méthodes ne donnent ordinairement que l’expression d’une seule racine ;
2o Elle donne les racines cherchées par des séries régulières, c’est-à-dire telles, que leurs termes suivent une loi générale et connue, de sorte qu’il est très-facile de les continuer autant que l’on veut ;
3o Ces séries sont de plus telles, qu’on peut aisément trouver la forme de leurs derniers termes, et en déduire les conditions qui les rendent convergentes ou divergentes ;
4o On peut aussi par la même méthode avoir l’expression d’une puissance quelconque de la racine cherchée, et même d’une fonction quelconque de cette racine ;
5o Enfin cette méthode s’applique également aux équations transcendantes qui renferment des logarithmes et des arcs de cercle, et peut servir à résoudre différents Problèmes importants de cette espèce d’une manière plus simple et plus exacte qu’on ne pouvait le faire jusqu’à présent.
§ I. — De la manière d’avoir La somme des puissances d’un degré
quelconque de toutes les racines d’une équations donnée.
Quoique la solution de ce Problème soit assez connue, je crois pouvoir la donner ici, tant à cause du rapport qu’elle a avec le sujet de ce Mémoire, que parce que la méthode dont je me sers est en quelque façon plus simple et plus générale que celles qu’on emploie ordinairement.
1. Soit une équation d’un degré quelconque
(A)
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dont les racines soient on aura, par la théorie connue des équations,
(B)
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Donc, en divisant par on aura
et, prenant les logarithmes de part et d’autre,
Or, on a, en général,
donc
Donc, si l’on développe la quantité
en une série de cette forme
on aura
2. Puisqu’on suppose
on aura, en prenant les différentielles de part et d’autre et divisant par
d’où, en multipliant en croix et comparant les termes, on tire
et ainsi de suite ; ce qui donne les formules connues de Newton.
De cette manière on ne peut déterminer chaque coefficient qu’à l’aide de tous les coefficients précédents ; mais si l’on voulait avoir tout de suite l’expression du coefficient d’une puissance quelconque coefficient que nous appellerons et qui sera par conséquent égal à
on pourra s’y prendre de la manière suivante.
3. On considérera que
Soit, pour abréger,
en sorte que l’on ait
Donc, réduisant ces deux derniers logarithmes en série, on aura
Or, on sait que
et ainsi de suite.
Donc, si l’on suppose, pour plus de simplicité,
il est facile de voir que le coefficient de la puissance dans la quantité développée suivant les puissances de sera représenté par
que celui de la même puissance dans la quantité sera
et que, dans la quantité il sera
et ainsi des autres.
De là il s’ensuit qu’on aura
Donc, puisque
on aura, en général,
4. Exemple I. — Soit l’équation du second degré
on aura, dans ce cas,
donc
donc
et toutes les autres quantités nulles ; donc, si et sont les racines de cette équation, on aura, en général,
en continuant cette série jusqu’à ce qu’on arrive à des puissances négatives de
5. Exemple II. — Soit encore l’équation générale du troisième degré
on aura, dans ce cas,
et, par conséquent,
Donc
Donc, nommant les trois racines de l’équation proposée, on aura,
en général,
cette série étant continuée jusqu’à ce qu’on parvienne à des puissances négatives de\frac{b}{a}.
6. Exemple III. — Soit l’équation
on aura
donc
donc
et toutes les autres quantités nulles ; donc
jusqu’à ce qu’on arrive à des puissances négatives de
7. Au reste, quoique nous n’ayons donné que la formule qui exprime la somme des puissances ièmes des quantités ( étant les racines d’une équation quelconque donnée), il est facile d’avoir aussi l’expression de la somme des puissances nième des racines mêmes pour cela il n’y aura qu’à changer les racines de l’équation proposée en leurs réciproques, en écrivant à la place de ; car, nommant les racines de l’équation transformée, on aura
Puisque (3)
il est clair que si l’on fait et qu’on nomme la fonction de dans laquelle se changera, on aura
D’où il s’ensuit qu’on peut mettre la formule du numéro cité sous cette forme
pourvu qu’on y substitue, après les différentiations, à la place de et qu’on ait soin de rejeter tous les termes qui contiendraient des puissances négatives de ou de comme nous l’avons pratiqué dans les
Exemples précédents. De cette manière on pourra très-facilement trouver la somme des racines d’une équation quelconque élevées à telle puissance qu’on voudra.
§ II.— De la manière de trouver par les séries la racine
d’une équation quelconque.
8. Reprenons l’équation générale
(A)
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dont on suppose que les racines soient et voyons comment on pourra trouver la valeur d’une de ces racines en particulier.
On aura d’abord, comme nous l’avons vu dans le § I.
(B)
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Qu’on divise cette équation par et, en y changeant les signes, on aura
Donc, prenant les logarithmes de part et d’autre,
(C)
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Donc faisant, pour abréger,
et réduisant en série les logarithmes de on
aura, après avoir changé les signes,
(D)
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Or cette équation doit être identique, puisqu’elle vient de l’équation identique (B) ; donc, si l’on remet à la place de sa valeur
et qu’on suppose
on aura, par la comparaison des termes,
Ainsi l’on connaîtra non-seulement la valeur de la racine mais aussi celle de son carré, de son cube, etc., comme aussi celle de son logarithme, qui sera
9. Exemple I. — Soit l’équation du second degré
on aura donc
donc
et ainsi de suite : donc
et par conséquent, en mettant à la place de
et ainsi de suite ; de sorte qu’on aura, en général,
En effet, cette équation, étant résolue, donne
or, en réduisant en série le radical
on a
ou bien
de sorte que les deux valeurs de seront
or, cette dernière est précisément la même que celle que nous ayons trouvée plus haut.
10. Comme toute la difficulté se réduit (8) à trouver les coefficients des puissances négatives de dans la série
tâchons de rendre la recherche de ces coefficients aussi facile et en même temps aussi générale qu’il est possible. Pour cela, je remarque que
de sorte que, comme
si l’on fait, pour abréger,
on aura
de sorte qu’en réduisant ces deux logarithmes en série on aura
et, par conséquent (8),
(E)
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Or, nous avons déjà vu plus haut (3) qu’on a, en réduisant en série,
et ainsi de suite.
Donc, si l’on suppose, en général,
on trouvera, en faisant abstraction des termes qui renfermeraient des puissances positives de
et ainsi de suite.
Donc enfin, substituant ces valeurs dans l’équation (E) et comparant les termes affectés de à cause de on trouvera
et ainsi de suite.
11. Maintenant, puisqu’on a supposé
et ainsi de suite, il est facile de voir qu’on aura, en faisant
et, en général,
(F)
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Ainsi, sera une des racines de l’équation
ou bien, à cause de
de l’équation
(G)
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étant une fonction de
12. Exemple II. — Soit, par exemple, l’équation
on aura, dans ce cas,
et, par conséquent,
donc, en nommant une des racines de cette équation, on aura, en général,
en mettant, après les différentiations,
à la place de
ainsi l’on aura (en changeant
en
)
Si l’on fait en sorte qu’on ait l’équation
on aura ainsi il n’y aura qu’à faire négatif dans la formule précédente pour avoir
Je dois remarquer, à l’égard de cette dernière formule, qu’elle a déjà été trouvée par M. Lambert, qui me l’a communiquée il y a quelque temps sans démonstration.
13. Exemple III. — Soit l’équation à quatre termes
on fera
et, par conséquent,
donc
et ainsi de suite.
Donc, en mettant
à la place de
14. Exemple IV. — Soit l’équation générale
on aura
et, par conséquent,
Donc
Si est égal à on aura
c’est la formule connue de Newton pour le retour des suites.
15. Considérons maintenant l’équation générale
étant une fonction quelconque de comparant cette équation avec l’équation
du no 11, ou bien
on aura
donc, si l’on dénote par une des racines de l’équation proposée, on aura, par la formule (F) du numéro cité,
en faisant, après les différentiations,
Or, puisque il est visible que la formule précédente peut se mettre sous cette forme
D’où il est facile de conclure qu’une fonction quelconque de comme sera exprimée de la manière suivante
pourvu qu’on change, comme nous l’avons dit, en après avoir exécuté les différentiations indiquées, ce qui fournit le théorème suivant, qui est très-remarquable par sa simplicité et par sa généralité.
16. Théorème. — Soit l’équation
(H)
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étant une fonction quelconque de Que soit une des racines de cette équation, c’est-à-dire une des valeurs de et qu’on demande la valeur d’une fonction quelconque de comme Qu’on dénote, pour plus de simplicité, la quantité par et je dis qu’on aura, en général,
(I)
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où il faudra changer en après les différentiations.
17. Si l’on fait en sorte que l’équation (H) devienne
et que
soit la valeur de
on aura l’expression d’une fonction quelconque
en mettant dans la formule (I)
à la place de
à la place de
à la place de
et faisant ensuite
après les différentiations.
Donc, puisque on aura
(K)
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où la variable doit être supposée égale à après toutes les différentiations.
18. Donc, comme si l’on prend la fraction
et qu’on la développe suivant les puissances de ce qui donnera
qu’ensuite on y change en en en en et ainsi des autres puissances de et qu’après avoir exécuté les différentiations indiquées de cette manière on fasse on aura la valeur de étant une des racines de l’équation (H),
Ainsi l’on pourra faire en sorte que la série qui représente la valeur de soit ordonnée par rapport à telle lettre qu’on voudra ; car pour cela il n’y aura qu’à ordonner, par rapport à cette même lettre, la série résultante de la fraction comme on va le voir dans les Exemples suivants.
19. Exemple V. — Reprenons l’équation générale de l’Exemple IV, savoir
et comparant avec l’équation (H), on aura, après avoir divisé par
Donc
de sorte que la fraction
sera
Réduisons cette fraction en série, et supposons d’abord que la série soit ordonnée par rapport à la lettre il est clair qu’à cause que les dimensions de et sont partout les mêmes, cette série sera de la forme suivante
de sorte qu’en multipliant en croix et comparant les termes, on trouvera
Or, si l’on développe ces valeurs en les ordonnant par rapport aux puis-
sances de
il est facile de voir qu’elles seront exprimées de cette manière
et l’on trouvera
Donc, on aura,
Donc, changeant en en (18), on aura
où il n’y aura plus qu’à faire après avoir exécuté les différentiations qui ne sont qu’indiquées.
Or, comme les coefficients ne renferment point la lettre il est clair que cette série sera ordonnée relativement aux puissances négatives de
Si l’on fait ce qui donne on aura
Et si l’on fait d’où on aura
20. Les séries que nous venons de trouver sont ordonnées relativement aux puissances de si l’on voulait qu’elles le fussent relativement à celles de il n’y aura qu’à ordonner de cette manière la série résultante de la fraction
Or, comme chaque puissance de y est toujours multipliée par une pareille puissance de il est clair que la série aura cette forme
on trouvera
Or, en développant ces valeurs suivant les dimensions de
elles se trouveront exprimées de cette manière
De sorte que l’on aura
Donc, on aura,