Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Nouvelle méthode pour résoudre les équations littérales par le moyen des séries

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NOUVELLE MÉTHODE
POUR
RÉSOUDRE LES ÉQUATIONS LITTÉRALES
PAR LE MOYEN DES SÉRIES[1].


(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, t. XXIV, 1770.)


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Je vais donner dans ce Mémoire une méthode très-simple et très-générale pour réduire les racines des équations littérales en suites infinies, matière sur laquelle plusieurs Géomètres se sont déjà exercés.

Ma méthode a, si je ne me trompe, de grands avantages sur toutes les méthodes connues pour le même objet :

1o Elle donne l’expression de chaque racine de l’équation proposée, au lieu que les autres méthodes ne donnent ordinairement que l’expression d’une seule racine ;

2o Elle donne les racines cherchées par des séries régulières, c’est-à-dire telles, que leurs termes suivent une loi générale et connue, de sorte qu’il est très-facile de les continuer autant que l’on veut ;

3o Ces séries sont de plus telles, qu’on peut aisément trouver la forme de leurs derniers termes, et en déduire les conditions qui les rendent convergentes ou divergentes ;

4o On peut aussi par la même méthode avoir l’expression d’une puissance quelconque de la racine cherchée, et même d’une fonction quelconque de cette racine ;

5o Enfin cette méthode s’applique également aux équations transcendantes qui renferment des logarithmes et des arcs de cercle, et peut servir à résoudre différents Problèmes importants de cette espèce d’une manière plus simple et plus exacte qu’on ne pouvait le faire jusqu’à présent.

§ I. — De la manière d’avoir La somme des puissances d’un degré
quelconque de toutes les racines d’une équations donnée.

Quoique la solution de ce Problème soit assez connue, je crois pouvoir la donner ici, tant à cause du rapport qu’elle a avec le sujet de ce Mémoire, que parce que la méthode dont je me sers est en quelque façon plus simple et plus générale que celles qu’on emploie ordinairement.

1. Soit une équation d’un degré quelconque

(A)

dont les racines soient on aura, par la théorie connue des équations,

(B)

Donc, en divisant par on aura

et, prenant les logarithmes de part et d’autre,

Or, on a, en général,

donc

Donc, si l’on développe la quantité

en une série de cette forme

on aura

2. Puisqu’on suppose

on aura, en prenant les différentielles de part et d’autre et divisant par

d’où, en multipliant en croix et comparant les termes, on tire

et ainsi de suite ; ce qui donne les formules connues de Newton.

De cette manière on ne peut déterminer chaque coefficient qu’à l’aide de tous les coefficients précédents ; mais si l’on voulait avoir tout de suite l’expression du coefficient d’une puissance quelconque coefficient que nous appellerons et qui sera par conséquent égal à

on pourra s’y prendre de la manière suivante.

3. On considérera que

Soit, pour abréger,

en sorte que l’on ait

Donc, réduisant ces deux derniers logarithmes en série, on aura

Or, on sait que

et ainsi de suite.

Donc, si l’on suppose, pour plus de simplicité,

il est facile de voir que le coefficient de la puissance dans la quantité développée suivant les puissances de sera représenté par

que celui de la même puissance dans la quantité sera

et que, dans la quantité il sera

et ainsi des autres.

De là il s’ensuit qu’on aura

Donc, puisque

on aura, en général,

4. Exemple I. — Soit l’équation du second degré

on aura, dans ce cas,

donc

donc

et toutes les autres quantités nulles ; donc, si et sont les racines de cette équation, on aura, en général,

en continuant cette série jusqu’à ce qu’on arrive à des puissances négatives de

5. Exemple II. — Soit encore l’équation générale du troisième degré

on aura, dans ce cas,

et, par conséquent,

Donc

Donc, nommant les trois racines de l’équation proposée, on aura,

en général,

cette série étant continuée jusqu’à ce qu’on parvienne à des puissances négatives de\frac{b}{a}.

6. Exemple III. — Soit l’équation

on aura

donc

donc

et toutes les autres quantités nulles ; donc

jusqu’à ce qu’on arrive à des puissances négatives de

7. Au reste, quoique nous n’ayons donné que la formule qui exprime la somme des puissances ièmes des quantités ( étant les racines d’une équation quelconque donnée), il est facile d’avoir aussi l’expression de la somme des puissances nième des racines mêmes pour cela il n’y aura qu’à changer les racines de l’équation proposée en leurs réciproques, en écrivant à la place de  ; car, nommant les racines de l’équation transformée, on aura

Puisque (3)

il est clair que si l’on fait et qu’on nomme la fonction de dans laquelle se changera, on aura

D’où il s’ensuit qu’on peut mettre la formule du numéro cité sous cette forme

pourvu qu’on y substitue, après les différentiations, à la place de et qu’on ait soin de rejeter tous les termes qui contiendraient des puissances négatives de ou de comme nous l’avons pratiqué dans les

Exemples précédents. De cette manière on pourra très-facilement trouver la somme des racines d’une équation quelconque élevées à telle puissance qu’on voudra.
§ II.— De la manière de trouver par les séries la racine
d’une équation quelconque.

8. Reprenons l’équation générale

(A)

dont on suppose que les racines soient et voyons comment on pourra trouver la valeur d’une de ces racines en particulier.

On aura d’abord, comme nous l’avons vu dans le § I.

(B)

Qu’on divise cette équation par et, en y changeant les signes, on aura

Donc, prenant les logarithmes de part et d’autre,

(C)

Donc faisant, pour abréger,

et réduisant en série les logarithmes de on

aura, après avoir changé les signes,
(D)

Or cette équation doit être identique, puisqu’elle vient de l’équation identique (B) ; donc, si l’on remet à la place de sa valeur

et qu’on suppose

on aura, par la comparaison des termes,

Ainsi l’on connaîtra non-seulement la valeur de la racine mais aussi celle de son carré, de son cube, etc., comme aussi celle de son logarithme, qui sera

9. Exemple I. — Soit l’équation du second degré

on aura donc

donc

et ainsi de suite : donc

et par conséquent, en mettant à la place de

et ainsi de suite ; de sorte qu’on aura, en général,

En effet, cette équation, étant résolue, donne

or, en réduisant en série le radical on a

ou bien

de sorte que les deux valeurs de seront

or, cette dernière est précisément la même que celle que nous ayons trouvée plus haut.

10. Comme toute la difficulté se réduit (8) à trouver les coefficients des puissances négatives de dans la série

tâchons de rendre la recherche de ces coefficients aussi facile et en même temps aussi générale qu’il est possible. Pour cela, je remarque que

de sorte que, comme

si l’on fait, pour abréger,

on aura

de sorte qu’en réduisant ces deux logarithmes en série on aura

et, par conséquent (8),

(E)

Or, nous avons déjà vu plus haut (3) qu’on a, en réduisant en série,

et ainsi de suite.

Donc, si l’on suppose, en général,

on trouvera, en faisant abstraction des termes qui renfermeraient des puissances positives de

et ainsi de suite.

Donc enfin, substituant ces valeurs dans l’équation (E) et comparant les termes affectés de à cause de on trouvera

et ainsi de suite.

11. Maintenant, puisqu’on a supposé

et ainsi de suite, il est facile de voir qu’on aura, en faisant

et, en général,

(F)

Ainsi, sera une des racines de l’équation

ou bien, à cause de

de l’équation

(G)

étant une fonction de

12. Exemple II. — Soit, par exemple, l’équation

on aura, dans ce cas,

et, par conséquent,

donc, en nommant une des racines de cette équation, on aura, en général,

en mettant, après les différentiations, à la place de ainsi l’on aura (en changeant en )

Si l’on fait en sorte qu’on ait l’équation

on aura ainsi il n’y aura qu’à faire négatif dans la formule précédente pour avoir

Je dois remarquer, à l’égard de cette dernière formule, qu’elle a déjà été trouvée par M. Lambert, qui me l’a communiquée il y a quelque temps sans démonstration.

13. Exemple III. — Soit l’équation à quatre termes

on fera

et, par conséquent,

donc

et ainsi de suite.

Donc, en mettant à la place de

14. Exemple IV. — Soit l’équation générale

on aura

et, par conséquent,

Donc

Si est égal à on aura

c’est la formule connue de Newton pour le retour des suites.

15. Considérons maintenant l’équation générale

étant une fonction quelconque de comparant cette équation avec l’équation

du no 11, ou bien

on aura

donc, si l’on dénote par une des racines de l’équation proposée, on aura, par la formule (F) du numéro cité,

en faisant, après les différentiations,

Or, puisque il est visible que la formule précédente peut se mettre sous cette forme

D’où il est facile de conclure qu’une fonction quelconque de comme sera exprimée de la manière suivante

pourvu qu’on change, comme nous l’avons dit, en après avoir exécuté les différentiations indiquées, ce qui fournit le théorème suivant, qui est très-remarquable par sa simplicité et par sa généralité.

16. Théorème.Soit l’équation

(H)

étant une fonction quelconque de Que soit une des racines de cette équation, c’est-à-dire une des valeurs de et qu’on demande la valeur d’une fonction quelconque de comme Qu’on dénote, pour plus de simplicité, la quantité par et je dis qu’on aura, en général,

(I)

où il faudra changer en après les différentiations.

17. Si l’on fait en sorte que l’équation (H) devienne

et que soit la valeur de on aura l’expression d’une fonction quelconque en mettant dans la formule (I) à la place de à la place de à la place de et faisant ensuite après les différentiations.

Donc, puisque on aura

(K)

où la variable doit être supposée égale à après toutes les différentiations.

18. Donc, comme si l’on prend la fraction

et qu’on la développe suivant les puissances de ce qui donnera

qu’ensuite on y change en en en en et ainsi des autres puissances de et qu’après avoir exécuté les différentiations indiquées de cette manière on fasse on aura la valeur de étant une des racines de l’équation (H),

Ainsi l’on pourra faire en sorte que la série qui représente la valeur de soit ordonnée par rapport à telle lettre qu’on voudra ; car pour cela il n’y aura qu’à ordonner, par rapport à cette même lettre, la série résultante de la fraction comme on va le voir dans les Exemples suivants.

19. Exemple V. — Reprenons l’équation générale de l’Exemple IV, savoir

et comparant avec l’équation (H), on aura, après avoir divisé par

Donc

de sorte que la fraction

sera

Réduisons cette fraction en série, et supposons d’abord que la série soit ordonnée par rapport à la lettre il est clair qu’à cause que les dimensions de et sont partout les mêmes, cette série sera de la forme suivante

de sorte qu’en multipliant en croix et comparant les termes, on trouvera

Or, si l’on développe ces valeurs en les ordonnant par rapport aux puis-

sances de il est facile de voir qu’elles seront exprimées de cette manière

et l’on trouvera

Donc, on aura,

Donc, changeant en en (18), on aura

où il n’y aura plus qu’à faire après avoir exécuté les différentiations qui ne sont qu’indiquées.

Or, comme les coefficients ne renferment point la lettre il est clair que cette série sera ordonnée relativement aux puissances négatives de

Si l’on fait ce qui donne on aura

Et si l’on fait d’où on aura

20. Les séries que nous venons de trouver sont ordonnées relativement aux puissances de si l’on voulait qu’elles le fussent relativement à celles de il n’y aura qu’à ordonner de cette manière la série résultante de la fraction

Or, comme chaque puissance de y est toujours multipliée par une pareille puissance de il est clair que la série aura cette forme

on trouvera

Or, en développant ces valeurs suivant les dimensions de elles se trouveront exprimées de cette manière

De sorte que l’on aura

Donc, on aura,

D’où l’on déduira (18) la formule générale

où il faudra faire

Soient, par exemple,

on trouvera

Donc, si on aura, en multipliant par

Et si l’on fait on trouvera, à cause de lorsque

Au reste, les valeurs de que nous venons de trouver dans ce numéro et dans le précédent sont les mêmes pour le fond que celle que nous avons déjà trouvée plus haut dans l’Exemple IV ; mais ces valeurs, et surtout la dernière, sont mises ici sous une forme plus simple et plus commode, par laquelle on voit clairement la loi de la série, en sorte qu’il est très-aisé d’en calculer les différents termes et de la continuer autant qu’on voudra.

21. Exemple VI. Soit proposée l’équation

en la comparant avec l’équation (H) du no 16, on aura

donc

et

Faisons, pour plus de simplicité,

et l’on aura la fraction

laquelle, étant développée suivant les puissances de deviendra

où l’on aura

et, développant de nouveau ces valeurs suivant les puissances de

les coefficients étant déterminés de la manière suivante

Ainsi, remettant à la place de sa valeur on aura

Donc, pratiquant les transformations enseignées dans le no 18, on aura la valeur de exprimée par la série suivante, dans laquelle il faudra se souvenir de faire après toutes les différentiations,

Si l’on fait et par conséquent on trouvera, en faisant

Et si l’on fait on aura à cause de

22. Exemple VII. Si l’on avait l’équation

on pourrait la ramener à celle de l’Exemple précédent en faisant ce qui la changerait en celle-ci

laquelle est, comme on voit, dans le cas dont nous parlons ; de sorte qu’il n’y aura qu’à changer dans les formules précédentes en en et en pour les appliquer à l’équation dont il s’agit ici.

Supposons, pour plus de simplicité, et l’on aura, en mettant à la place de et conservant les mêmes valeurs des coefficients

où il faudra faire après les différentiations.

Si l’on suppose on aura

donc on trouvera

Et si l’on suppose ce qui donne

on aura, en divisant par

23. Les formules que nous venons de trouver dans les deux derniers Exemples doivent être bien remarquées, tant à cause de leur généralité que parce qu’elles peuvent être très-utiles dans la recherche des différentes racines des équations ; ce qui fera l’objet du § III.

Mais, avant d’y passer, nous croyons devoir encore faire une observation touchant les coefficients c’est que ces coefficients ne dépendent nullement de la quantité, mais seulement des autres quantités de sorte que nos séries seront toujours d’elles-mêmes ordonnées relativement à la lettre quelle que soit la fonction de qu’elles expriment, puisque la variable doit toujours être supposée égale à l’unité.

De plus, ces coefficients, une fois trouvés, serviront pour toutes les fonctions possibles de et, comme leur loi est assez simple, il sera facile de les calculer aussi loin qu’on voudra ; on trouvera, par exemple,

§ III. — Manière de trouver par les séries toutes les racines
d’une équation quelconque.

24. Nous avons vu, dans le II, comment on peut trouver, par les séries, l’expression d’une des racines d’une équation de degré quelconque nous allons voir, dans celui-ci, de quelle manière on peut parvenir à trouver toutes les autres racines que la même équation peut renfermer. Pour cela, il est nécessaire de faire quelques observations générales sur la nature des différentes racines d’une même équation et sur la manière de les distinguer l’une de l’autre.

Considérons l’équation générale

laquelle soit d’un degré quelconque et qui ait tous ses termes, en sorte qu’aucun des coefficients ne soit nul ; supposons que l’on ait trouvé l’expression de chacune des racines de cette équation, dont le nombre sera il est clair que ces expressions seront des fonctions de

mais il faut voir à quel caractère on pourra distinguer ces différentes fonctions l’une de l’autre.

Je remarque d’abord que, si l’on suppose dans l’équation proposée, elle devient

de sorte qu’elle se décompose en ces deux-ci

d’où l’on voit que la supposition de doit rendre nulle une des racines de l’équation ; par conséquent, parmi les fonctions qui expriment ces racines il doit y en avoir une qui s’évanouisse en faisant et il est clair qu’il ne doit y en avoir qu’une seule qui ait cette propriété, puisque l’évanouissement de ne réduit à zéro qu’une seule racine.

En conservant la supposition de et faisant maintenant abstraction de la racine que nous avons déjà trouvée, les autres racines seront déterminées par l’équation

Supposons de plus et l’équation précédente se décomposera de nouveau en ces deux-ci

ainsi cette supposition fera évanouir une nouvelle racine ; de sorte que parmi les fonctions qui représentent ces racines, il faudra qu’il y en ait une qui s’évanouisse en faisant et

En continuant le même raisonnement, on verra que parmi les fonctions dont il s’agit il y en aura aussi une qui s’évanouira par la supposition de

une qui s’évanouira par la supposition de

et ainsi de suite.

25. Comme il est indifférent dans quel ordre les termes d’une équation soient disposés, nous supposerons toujours dans la suite qu’ils le soient de manière que les exposants de l’inconnue forment une progression arithmétique ascendante ; ainsi, par premier terme d’une équation il faudra entendre celui où l’inconnue ne se trouve pas, par second terme celui où l’inconnue se trouve au premier degré, et ainsi de "suite ; cela posé, nous appellerons en générale première racine d’une équation celle qui devient nulle lorsque le premier terme de cette équation est supposé nul ; seconde racine celle qui devient nulle lorsqu’on suppose nuls à la fois les deux premiers termes à la fois ; troisième racine celle qui devient nulle lorsqu’on suppose nuls à la fois les trois premiers termes ; et ainsi de suite.

De cette manière, on pourra toujours distinguer les différentes racines d’une équation entre elles ; et si l’on a plusieurs expressions des racines d’une même équation, on pourra reconnaître si ces expressions représentent la même racine ou des racines différentes.

26. Nous venons de voir que la supposition de et de doit rendre nulles deux des racines de l’équation proposée, lesquelles seront déjà par cette condition même distinguées de toutes les autres ; donc, si l’on suppose d’abord il est visible qu’en faisant ensuite les deux racines dont il s’agit s’évanouiront toutes deux en même temps ; or, voici comment on pourra, dans ce cas, distinguer ces mêmes racines l’une de l’autre. En faisant l’équation proposée devient

maintenant, au lieu de supposer a nul, supposons-le seulement infiniment petit, il est clair que les deux racines dont il s’agit devront aussi devenir infiniment petites (autrement elles ne s’évanouiraient pas lors-

que ) ; ainsi, en faisant infiniment petit et négligeant ce qu’il faut négliger en vertu de cette supposition, l’équation précédente deviendra

laquelle donne les deux racines

ce qui fournit un nouveau caractère pour distinguer les deux premières racines de l’équation proposée, tant entre elles que de toutes les autres. Ainsi, il faudra que les fonctions qui représentent ces deux racines soient telles, qu’en y faisant et infiniment petit, elles deviennent les deux racines de l’équation

On démontrera de même que les fonctions qui représentent les trois premières racines doivent être telles, qu’en y supposant à la fois et infiniment petit, elles deviennent les trois racines de l’équation et ainsi de suite.

De plus, comme la seconde et la troisième racine deviennent nulles en faisant et après avoir déjà supposé (numéro précédent), si l’on fait d’abord il est visible que la supposition de rendra nulles ces deux racines en même temps ; par conséquent, si l’on suppose seulement infiniment petit, ces mêmes racines deviendront aussi infiniment petites ; mais si dans l’équation

dont on a déjà séparé la première racine par la supposition de (numéro précédent), on fait et et infiniment petits, elle se réduit à celle-ci

ainsi, il faudra que les fonctions qui représentent la seconde et la troisième racine de l’équation proposée soient telles, qu’en y faisant et infiniment petit, elles deviennent les racines de l’équation

ce qui peut servir encore à reconnaître ces racines et à les distinguer de toutes les autres.

Pareillement, si l’on fait et infiniment petit ( étant toujours supposé nul), on verra que les fonctions qui représentent la seconde, la troisième et la quatrième racine de l’équation proposée doivent devenir les racines de l’équation

et ainsi de suite.

En procédant de la même manière, on prouvera aussi que la troisième et la quatrième racine de l’équation proposée doivent être exprimées par des fonctions telles, qu’en y supposant d’abord et ensuite et infiniment petit, elles deviennent les racines de l’équation

et ainsi des autres.

Cette méthode de distinguer les racines d’une équation est plus générale que celle du no 24, laquelle ne saurait être employée dans bien des cas, surtout lorsqu’il manque dans l’équation quelqu’un des termes intermédiaires, parce qu’alors l’évanouissementd’une seule lettre fait évanouir plusieurs racines à la fois, comme nous venons de le voir.

Après ces réflexions sur la manière de distinguer les différentes racines d’une équation, voyons la méthode qu’on peut employer pour les trouver ; pour la faire mieux comprendre, nous l’appliquerons d’abord aux équations que nous avons déjà examinées dans le § III.

Problème I.

27. On demande les deux racines de l’équation

Première Solution. — Nous avons déjà trouvé, dans le no 9, que l’une des valeurs de peut s’exprimer par cette série

or, avant de chercher l’autre valeur, il est bon d’examiner quelle est la

racine qui est représentée par cette série ; pour cet effet, je suppose d’abord, suivant la méthode du no 24, et comme je vois que cette supposition détruit tous les termes de la série dont il s’agit, j’en conclus que cette série exprime la première racine de l’équation proposée ; de sorte que c’est la seconde qui reste encore à trouver.

Pour y parvenir, je donne à la proposée cette forme

qui peut se rapporter, comme on voit, à l’équation du no 12 ; en y faisant et changeant en en et en De cette manière, on aura, par la formule du même numéro (en y faisant ), égal à la série

Or, en faisant d’abord cette suite se réduit à son premier terme lequel s’évanouit ensuite lorsqu’on suppose donc (25), cette série exprimera nécessairement la seconde racine de l’équation proposée ; c’est ce qui s’accorde avec ce que nous avons trouvé dans le no 9 par la résolution même de l’équation proposée.

Donc, en général, si l’on nomme et la première et la seconde racine de l’équation

on aura, par les articles cités,

et si l’on veut avoir les logarithmes de et on aura

Seconde Solution. — Je fais et par conséquent ce qui réduit l’équation proposée à celle-ci

laquelle peut se comparer de nouveau avec celle du no 12, en y changeant en en en et faisant ainsi, faisant pour plus de simplicité on aura

Or, étant égal à il n’y aura qu’à faire pour avoir

Mais, puisque il est clair que la valeur de sera également positive et négative ; de sorte qu’en substituant cette valeur on aura pour la double série

laquelle représentera par conséquent les deux racines de l’équation

En effet, en faisant les deux séries se réduisent à

ce qui montre (26) que ces séries représentent effectivement la première et la seconde racine de l’équation dont il s’agit. C’est aussi de quoi on peut se convaincre facilement à posteriori en résolvant en série le radical qui entre dans l’expression de (9), mais en prenant pour le premier terme du binôme et pour le second.

Donc, faisant

on aura, en général, dans l’équation

cette double valeur de savoir

Et si l’on veut avoir le logarithme de on trouvera

Remarque. — Les séries trouvées dans la première solution ont l’avantage de ne renfermer que des quantités rationnelles, au lieu que celles de la seconde solution renferment la quantité irrationnelle

laquelle devient même imaginaire lorsque et sont de même signe,

quoique d’ailleurs les racines de l’équation puissent être réelles ; de sorte qu’à cet égard les séries de la première solution paraissent préférables, puisqu’elles se présentent toujours sous une forme réelle ; cependant ni les unes ni les autres ne peuvent être regardées comme bonnes, à moins qu’elles ne soient convergentes ; c’est ce que nous examinerons plus bas, § IV.

28. Pour peu qu’on ait fait d’attention la manière dont nous avons résolu le Problème précédent, on verra qu’en général, quelle que soit l’équation proposée, on pourra toujours trouver autant de différentes séries pour exprimer les racines de cette équation, que l’on pourra faire de combinaisons deux à deux des termes de la même équation ; et que de plus chacune de ces séries sera simple, ou double, ou triple, etc., suivant qu’elle répondra à une combinaison où les exposants de dans les deux termes différeront l’un de l’autre de l’unité, ou de deux unités, ou de trois, etc.

En effet, il est évident qu’on peut trouver autant de séries pour la valeur de qu’il y a de manières de comparer l’équation proposée à la formule générale

du no 16 ; or, comme on peut prendre pour une fonction quelconque de il s’ensuit qu’on pourra prendre, pour les deux premiers termes de cette formule, deux quelconques des termes de la proposée à volonté ; et qu’ainsi la comparaison pourra se faire d’autant de manières différentes qu’il y aura de combinaisons possibles des termes de cette équation pris deux à deux.

29. Soient en général

deux termes quelconques de l’équation proposée ; et soit désignée par la totalité des autres termes, en sorte que l’équation soit mise sous cette forme

On divisera d’abord par ce qui la réduira à celle-ci

ensuite on fera et par conséquent

et désignant par la fonction de dans laquelle se changera la quantité par la substitution de à la place de on aura la transformée

laquelle rentre évidemment dans la formule générale

en faisant

On aura donc (16), en mettant ou à la place de

où il faudra faire après avoir exécuté les différentiations indiquées.

Donc, faisant et par conséquent

pour avoir on aura
(L)

C’est l’expression de la racine qui résultera de la combinaison des termes de l’équation proposée.

30. Maintenant il est visible que l’expression de que nous venons de trouver contiendra nécessairement le radical qui proviendra de la substitution de à la place de et il est facile de se convaincre que cette expression ne contiendra point d’autre radical ; car, puisque est une fonction rationnelle de sera aussi une fonction rafionnelle de et par conséquent toute la série qui exprime la valeur de sera une fonction rationnelle de c’est-à-dire de

Or, on sait que le radical a valeurs différentes qui sont les racines de l’équation

et qui (par le théorème connu de Cotes), peuvent se représenter, en général, par la formule

étant successivement égal à jusqu’à

Donc, si l’on substitue cette quantité à la place de la série qui représentera la valeur de se transformera en séries qui donneront autant de différentes expressions de

31. Je dis présentement que les séries ou expressions de qui résultent de la considération des termes de l’équation proposée, c’est-à-dire celles qu’on trouve en prenant ces deux termes pour les premiers de la formule générale (H), représentent nécessairement racines différentes de cette équation, et qu’en particulier (25) elles représentent les racines ième, ième, ième, …, jusqu’à la ième de la même équation.

Pour le prouver, il suffit de faire voir, suivant la méthode du no 26, qu’en supposant dans l’expression générale de de la formule (L) les coefficients des termes de l’équation proposée où les exposants de seraient moindres que chacun égal à zéro, comme aussi chacun des coefficients des termes intermédiaires entre les deux et et faisant en même temps infiniment petit, cette expression se réduira à celle-ci qui est la racine générale de l’équation

Or, après la destruction des termes dont nous venons de parler, il est clair que la quantité ne renfermera plus que des puissances de plus grandes que et qu’ainsi la quantité ne renfermera que des puissances de plus grandes que d’où il est facile de voir que les fonctions

de la formule (L) ne seront plus composées que des puissances de plus grandes que donc, faisant et supposant ensuite infiniment petit, c’est-à-dire infiniment petit, il est évident que toutes ces puissances de s’évanouiront vis-à-vis du premier terme de l’expression de laquelle se réduira par conséquent à ou à à cause de

32. De là il est aisé de conclure que, pour trouver toutes les racines d’une équation donnée, par le moyen de nos séries, il n’y aura qu’à combiner le premier terme de cette équation avec le dernier, ou immédiatement ce qui donnera une série qui renfermera toutes les racines, ou moyennant les termes intermédiaires, c’est-à-dire en combinant d’abord le premier terme avec quelqu’un des suivants, ensuite celui-ci avec le dernier, ou avec quelqu’un de ceux qui le précèdent, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive au dernier terme [par cette expression de combiner deux termes de l’équation proposée, nous entendons qu’il faut prendre ces deux termes pour les deux premiers de notre formule générale (H) ; nous nous servirons aussi dans la suite de cette même expression abrégée]. Chacune de ces combinaisons donnera une série simple, ou double, ou triple, etc., qui représentera par conséquent une, ou deux, ou trois, etc., racines, suivant l’intervalle qu’il y aura entre les deux termes ; de sorte que, quels que soient les termes que l’on comparera successivement ensemble, on obtiendra toujours autant de racines ni plus ni moins que l’équation en doit avoir.

33. Il est bon de remarquer que les séries qu’on trouvera en combinant deux termes quelconques de l’équation proposée auront autant de valeurs réelles et autant d’imaginaires qu’il y aura de racines réelles et d’imaginaires dans l’équation qu’on pourra faire en égalant ces deux termes à zéro (30) ; de plus, il est clair que l’on ne trouvera de séries toutes rationnelles que lorsqu’on combinera des termes tels que

ainsi, si l’équation a tous ses termes, on pourra, en combinant chaque terme avec celui qui le suit immédiatement, trouver des séries toutes rationnelles pour l’expression de chacune de ses racines ; mais s’il manque quelque terme dans l’équation, comme si l’on suppose que le terme soit suivi immédiatement du terme en sorte qu’il manque termes intermédiaires, alors la combinaison de ces deux termes consécutifs donnera une série qui renfermera le radical

et qui représentera par conséquent les différentes racines qu’on aurait trouvées par la considération de tous les termes intermédiaires si ces termes n’avaient pas manqué.

Donc on aura dans ce cas autant de séries imaginaires que le radical

aura de valeurs imaginaires, c’est-à-dire qu’il y aura de racines imaginaires dans l’équation

Or, on sait que dans une équation qui manque de quelques-uns de ses termes, il y a nécessairement autant de racines imaginaires qu’il y en aurait dans l’équation qu’on pourrait faire, en égalant à zéro la somme des deux termes de cette équation entre lesquels devraient se trouver les termes manquants ; de sorte qu’en supposant ; comme plus haut, qué le terme soit suivi immédiatement du terme il y aura nécessairement dans l’équation autant de racines imaginaires qu’il y en a dans l’équation

ou bien

De là il s’ensuit qu’en combinant deux à deux tous les termes consécutifs d’une équation quelconque, on ne trouvera jamais d’expressions imaginaires pour les racines que lorsqu’il y aura réellement des racines imaginaires dans l’équation. Il n’en est pas de même lorsqu’on combine des termes qui ne sont pas immédiatement consécutifs ; dans ce cas, il arrivera souvent que les racines se présenteront sous une forme imaginaire, quoiqu’elles soient d’ailleurs réelles, comme nous l’avons déjà vu dans la Remarque qui est à la fin du Problème précédent.

34. Enfin, il résulte de ce que nous avons dit dans le no 31, que les séries trouvées dans les différents Exemples du § II ne représentent que les premières racines des équations proposées, puisque toutes ces séries ont été trouvées par la combinaison des deux premiers termes des mêmes équations ; ainsi, pour trouver les autres racines, il n’y aura qu’à combiner le second terme, ou immédiatement avec le dernier, ou avec quelqu’un des intermédiaires, et ensuite celui-ci avec le dernier, comme nous l’avons expliqué dans le numéro cité.

Problème II.

35. On demande toutes les racines de l’équation

étant un nombre entier positif.

Première Solution. — En combinant d’abord les deux premiers termes de cette équation,

on trouvera pour la même série que nous avons déjà trouvée dans l’Exemple II du no 12 ; cette valeur de sera donc la première racine de l’équation proposée (numéro précédent) que nous nommerons ainsi l’on aura, en général,

Pour trouver maintenant les autres racines de la même équation, il faudra combiner les deux termes c’est pourquoi nous mettrons d’abord (29) l’équation sous cette forme

et ensuite sous celle-ci

en faisant et par conséquent

Or, cette équation étant de la même forme que la précédente en on pourra faire usage de la même formule pour en tirer la valeur de on mettra donc à la place de à la place de à la place de et changeant en et en on aura, en général,

Or, puisque mettons à la place de et faisant, pour plus de simplicité,

nous aurons

Or, puisque la quantité est égale à la racine ième de elle aura valeurs différentes, qui pourront s’exprimer en général de cette manière

étant égal à ou ou ou …, jusqu’à

Donc, substituant cette expression de dans la formule précédente, on aura valeurs différentes de ce seront les valeurs de et désignant par la seconde, la troisième, etc., jusqu’à la ième racine de l’équation proposée.

Ainsi l’on aura chacune des racines de cette équation, et même une puissance quelconque de ces racines. On pourra trouver aussi par nos formules une fonction quelconque de ces racines ; c’est sur quoi il ne paraît pas nécessaire d’entrer ici dans un plus grand détail.

Seconde Solution. — Prenons maintenant les deux termes extrêmes et cette combinaison nous donnera immédiatementtoutes les n racines de l’équation proposée.

Pour cela, on mettra l’équation sous cette forme

et l’on fera ensuite et par conséquent pour avoir celle-ci

Cette équation pouvant se rapporter à l’équation primitive

on pourra déduire aisément la valeur de de celle de trouvée ci-dessus, en changeant seulement en en en et en Ainsi l’on aura sur-le-champ

Or, donc, si l’on met

\frac{m}{n} à la place de et qu’on fasse, pour abréger,

on aura

Mais on a, en général

étant égal à ou ou ou …, jusqu’à donc, suhstituant cette valeur de dans l’expression précédente, on aura valeurs différentes de qui seront celles de

Problème III.

36. On demande toutes les racines de l’éguation

et étant des nombres entiers positifs, et

Première Solution. — 1o Puisque cette équation peut se rapporter à celle de l’Exemple VI du no 21, en faisant

il n’y aura qu’à faire ces substitutions dans les formules de cet Exemple, et l’on aura sur-le-champ l’expression d’une fonction quelconque de sera nécessairement la première racine de l’équation proposée (34).

2o Pour trouver maintenant les autres racines, on prendra les deux termes pour les premiers de la formule générale, en donnant à l’équation cette forme

On fera ensuite ce qui la ramènera à la même forme que celle de l’Exemple cité ; ou bien, ce qui revient au même, on comparera cette équation à celle de l’Exemple VII, en faisant

et l’on aura sur-le-champ la valeur d’une fonction quelconque de

ainsi, donnant à les valeurs que cette quantité peut avoir, et qui s’expriment, en général, de cette manière

étant égal à ou ou etc., jusqu’à on aura ou formules différentes qui se rapporteront à la seconde, ou à la troisième, etc., jusqu’à la ième racine inclusivement de l’équation dont il s’agit.

3o On prendra enfin les deux derniers termes pour les premiers, en écrivant l’équation ainsi

laquelle étant comparée de même à l’équation de l’Exemple VII, on aura

et l’on trouvera l’expression d’une fonction quelconque de

dans laquelle mettant successivement les ou valeurs différentes de on aura autant d’expressions différentes qui se rapporteront aux dernières racines de l’équation.

Ainsi l’on aura trois formules dont la première se rapportera à la première racine, la seconde comprendra les racines suivantes, et la troisième renfermera les dernières racines ; de sorte qu’on connaîtra par ce moyen, non-seulement la valeur de chacune des racines de l’équation proposée, mais aussi une fonction quelconque de chacune de ces racines.

Seconde Solution. — Dans la Solution précédente nous avons considéré deux à deux les termes consécutifs de l’équation proposée ; or, la combinaison des termes qui ne sont pas immédiatement voisins nous donnera encore d’autres Solutions.

Et d’abord il est clair qu’après avoir combiné les deux premiers termes comme nous l’avons fait ci-dessus pour avoir la première racine de l’équation, on peut combiner immédiatement le terme avec le dernier pour avoir les autres racines. Pour cela on regardera donc ces deux termes comme les premiers, en écrivant l’équation ainsi

laquelle, étant comparée à celle de l’Exemple VII, donnera

de sorte qu’en substituant ces valeurs, on aura l’expression générale d’une fonction quelconque de

donc, mettant pour chacune de ses valeurs particulières, qui sont au nombre de on aura autant d’expressions différentes qui se rapporteront aux racines cherchées.

Ainsi, en combinant la formule du 1o de la Solution précédente avec celle dont nous venons de parler, on trouvera la valeur d’une fonction quelconque de chacune des racines de l’équation proposée.

Troisième Solution. — Combinons maintenant le premier terme de l’équation avec le terme c’est-à-dire, prenons ces deux termes pour les deux premiers de notre formule générale, et rapportant l’équation sous ce point de vue à la formule de l’Exemple VII, on aura

ce qui, étant substitué, donnera une formule qui exprimera, en général, une fonction quelconque de

donc, introduisant à la place de chacune des valeurs différentes que cette quantité peut avoir, on aura autant de formules particulières qui se rapporteront aux premières racines de l’équation proposée.

Pour trouver les racines restantes, il faudra combiner le terme avec le dernier terme or, cette combinaison ayant déjà été faite dans le 3o de la première Solution, il n’y aura qu’à emprunter ici la formule trouvée dans cet endroit.

Donc on n’aura en tout que deux formules générales comme dans la Solution précédente ; et l’on pourra, par le moyen de ces formules, trouver non-seulement chaque racine en particulier, mais aussi une fonction quelconque de chaque racine.

Quatrième Solution. — Il reste encore une combinaison à faire, c’est celle des deux termes extrêmes et laquelle donnera immédiatement toutes les racines de l’équation.

En rapportant donc sous ce point de vue l’équation proposée à celle de l’Exemple VII, on aura

et l’on trouvera une formule générale pour l’expression d’une fonction quelconque de

de sorte qu’en y substituant successivement les valeurs de on aura autant de formules particulières, dont chacune se rapportera à une des racines de l’équation dont il s’agit. Ainsi une seule formule générale suffira dans ce cas pour trouver la valeur d’une fonction quelconque de chacune de ces racines.

Comme nous avons épuisé toutes les combinaisons possibles des termes de l’équation proposée, pris deux à deux, on ne pourra pas trouver d’autres solutions que celles que nous venons de donner, au moins par nos formules ; ainsi nous ne nous arrêterons pas davantage sur cette matière, les Exemples donnés ci-dessus nous paraissant suffisants pour faire voir clairement l’application de notre méthode.

§ IV. Sur la convergence ou divergence des séries qui représentent
des fonetions quelconques des racines des équations.

37. Il ne suffit pas de pouvoir exprimer les racines des équations, ou leurs fonctions quelconques, par des séries régulières, et dont la loi soit bien développée ; il faut surtout pouvoir reconnaître par la loi même de ces séries si elles sont convergentes à l’infini ou non ; car il est clair que pour qu’une série puisse être regardée comme représentant réellement la valeur d’une quantité cherchée, il faut qu’elle soit convergente à son extrémité, c’est-à-dire que ses derniers termes soient infiniment petits, de sorte que l’erreur puisse devenir moindre qu’aucune quantité donnée. Voyons donc comment on pourra reconnaître si cette condition a lieu ou non dans les séries des paragraphes précédents.

Pour rendre notre recherche aussi générale qu’il est possible, nous considéreronsl’équation générale (H) du no 16, savoir

laquelle donne en général (no 17, formule K)

la variable devant être faite égale à après les différentiations.

Soit donc

un terme quelconque de cette sériee dont le quantième soit et supposons que la fonction soit représentée par une suite quelconque de puissances de en sorte que l’on ait

étant des coefficients quelconques, et des exposants aussi quelconques ; on aura donc de même

par conséquent un terme quelconque de la puissance ième de cette quantité, c’est-à-dire de la valeur de sera, comme on sait,

étant des nombres entiers positifs, tels que

Supposons de plus que la fonction soit aussi représentée par une suite de termes tels que et multipliant la quantité précédente par on aura pour un terme quelconque de la valeur de l’expression

en faisant pour plus de simplicité

Donc, différentiant cette quantité fois, en faisant variable et constant, et divisant ensuite par on aura pour la valeur d’un terme quelconque de

après y avoir fait la quantité

Ainsi la difficulté se réduit maintenant à voir ce que cette quantité devient lorsqu’on suppose infiniment grand.

38. Pour cet effet, je remarque que l’on a, en prenant pour le rapport de la circonférence au rayon,

comme MM. Stirling, Moivre et d’autres Géomètres l’ont démontré (voyez surtout le Calcul différentiel de M. Euler) ; de sorte que, lorsque est

infiniment grand, on a, sans erreur sensible,

d’où, en passant des logarithmes aux nombres, on tire dans la même hypothèse

On a de plus, en général, quels que soient et

de sorte qu’en supposant et infiniment grands, on aura

et par conséquent, en passant des logarithmes aux nombres,

De là il s’ensuit, pour le dire en passant, que le coefficient du ième terme du binôme élevé à la puissance sera, lorsque et sont très-grands,

de sorte qu’en faisant ce coefficient deviendra, en divisant le

haut et le bas par

39. Cela posé, puisque

et

il est clair qu’en supposant infiniment grand, le seront aussi, de sorte qu’on aura

et ainsi des autres.

De plus en faisant, pour abréger, on aura

De sorte qu’on aura, lorsque

étant le nombre des quantités c’est-à-dire le nombre des termes de la fonction

Donc, faisant, pour abréger,

la quantité proposée

deviendra, lorsque

40. Supposons maintenant

et l’on aura, à cause de et

d’où l’on voit que les nombres seront des fractions plus petites que l’unité ; donc, faisant ces substitutions dans l’expression

elle deviendra, en divisant le haut et le bas par

ou bien, en négligeant le terme qui devient nul lorsque

Par les mêmes substitutions la quantité deviendra, en divisant le haut et le bas par

ou bien, en négligeant le terme infiniment petit et remettant pour sa valeur

41. Donc, si l’on fait

on aura, pour un terme quelconque de la valeur de

lorsque est infiniment grand, cette expression fort simple

dans laquelle est le nombre des termes de la fonction et où sont des nombres quelconques positifs, tels que

et

Ainsi cette quantité sera infinie ou nulle, suivant que aura une valeur, soit positive ou négative, plus grande que l’unité, ou non.

D’où il est aisé de conclure que la série qui représentera la valeur de (37), sera convergente si l’on a, abstraction faite du signe,

autrement elle sera divergente.

Or, comme la quantité dépend seulement des coefficients et des exposants qui entrent dans l’expression de la fonction et nullement de ceux qui appartiennent à la fonction et qui sont il s’ensuit que si la série qui exprime la valeur d’une fonction quelconque de est convergente, elle le sera aussi pour toute autre fonction de

42. Au reste, il est bon de remarquer que, quoique les coefficient puissent être positifs ou négatifs, ainsi que la quantité cependant, comme il ne s’agit ici que de la valeur absolue de la quantité (37)

il est indifférent de les prendre positivement ou négativement ; ainsi, pour éviter les imaginaires dans la valeur de nous supposerons que les coefficients soient pris positivement, à cause que doivent être positifs par leur nature, et à l’égard de nous supposerons qu’il soit pris en sorte que soit positif ; par ce moyen, quels que soient les nombres la valeur de sera toujours sous une forme réelle.

43. Supposons que la fonction ne renferme qu’un seul terme en sorte que l’équation soit

dans ce cas on aura

et

donc

donc

donc la série sera convergente si l’on a

Ce cas est celui du Problème II, § III ; or, dans la première Solution, on a d’abord

donc la première série de cette Solution, c’est-à-dire celle qui se rapporte à la première racine, sera convergente si l’on a

c’est-à-dire (abstraction faite des signes)

en prenant et positivement.

Soit on aura cette condition

c’est-à-dire ou or, c’est précisément la condition qui rend convergente la série provenant du développement du radical et qui est la même que celle que nous avons trouvée par notre méthode (9).

Dans la seconde série de la même Solution, on a, en comparant l’équation

à la formule générale ci-dessus,

donc là condition de la convergence de cette série sera (abstraction faite des signes)

ou bien

qui est la même condition que la précédente.

Dans la seconde Solution on aura, en comparant l’équation

à la même formule générale,

d’où la condition de la convergence des séries de cette Solution sera, abstraction faite des signes,

laquelle se réduit à celle-ci

qui est l’opposée de celle que nous avons trouvée pour la première Solution.

Donc :

1o Si dans l’équation

on a (abstraction faite des signes de )

il faudra employer la première Solution du Problème II, laquelle donnera toujours des séries convergentes, et par conséquent vraies pour toutes

les racines ; de sorte que ces racines seront réelles ou imaginaires, suivant que les séries qui les représentent le seront.

Donc (33) l’équation proposée aura dans ce cas autant de racines réelles et autant d’imaginaires qu’il y en aura de telles dans les équations qu’on pourra faire en combinant ensemble deux termes consécutifs de cette équation, et les égalant à zéro ; c’est-à-dire dans les équations

d’où l’on voit qu’il y en aura toujours au moins une de réelle.

2o Si l’on a

alors il faudra employer la seconde Solution dont les séries seront nécessairement convergentes ; de sorte que dans ce cas l’équation aura autant de racines réelles et autant d’imaginaires qu’il y en aura de telles dans l’équation qu’on fera en égalant à zéro le premier elle dernier terme de la proposée, c’est-à-dire dans l’équation

44. Si l’on avait l’équation

il n’y aurait qu’à faire, comme dans le no 22, ce qui la changerait en celle-ci

qui est dans le cas de l’équation du numéro précédent. Ainsi, mettant à la place de on trouvera que la première Solution sera bonne lorsqu’on aura

savoir, en élevant les deux membrés à la puissance

et que la seconde sera bonne lorsqu’on aura

de sorte que, dans le premier cas, l’équation aura autant de racines réelles et autant d’imaginaires qu’il y en aura de telles dans les deux équations

et que, dans le second, le nombre des racines réelles et dés imaginaires sera le même (33) que dans l’équation

45. Si l’on avait

alors les deux conditions seraient les mêmes ; de sorte qu’il faudrait dire que l’équation aurait dans ce cas autant de racines réelles et autant d’imaginaires qu’il y en aurait de telles dans les équations

et dans l’équation

donc, s’il arrive que le nombre des racines imaginaires de ces deux équations-là soit difl\delta rent de celui de cette équation-ci, il s’ensuivra qu’il y aura dans la proposée autant de racines égales qu’il y aura plus de racines imaginaires d’un côté que de l’autre ; car les racines égales étant les limites entre les racines réelles et les imaginaires, peuvent être regardées en quelque sorte comme appartenant aux unes ou aux autres.

46. Nous avons vu (41) que, pour que la série soit convergente, il faut que ne soit pas on cherchera donc dans chaque cas la plus grande valeur de en regardant les quantités comme variables, et si elle ne se trouve pas plus grande que l’unité, on en conclura que la série est convergente ; sinon elle sera divergente.

Faisons varier seulement et et l’on aura

mais il faut que

donc

d’où

donc, substituant ces valeurs, et égalant la différentielle à zéro, on aura

d’où l’on tire

On trouverait de même, en faisant varier et

et ainsi de suite ; de sorte que les conditions du maximum ou minimum seront renfermées dans ces équations

On aura donc, en prenant un coefficient quelconque,

donc, substituant ces valeurs dans les équations

on aura

d’où l’on tire, en chassant

équation par laquelle on déterminera après quoi on aura

et ensuite par les formules précédentes.

Ainsi l’on pourra toujours, par ce moyen, juger de la convergence ou de la divergence de chaque série.


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  1. Lu à l’Académie le 18 janvier et le 5 avril 1770.