Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur la force des ressorts pliés

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SUR LA
FORCE DES RESSORTS PLIÉS[1].


(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, t. XXV, 1771.)


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On sait que la force d’un ressort plié s’affaiblit toujours à mesure que le ressort se débande, mais on ignore la loi suivant laquelle se fait cet affaiblissement or, c’est de cette loi que dépend la figure des fusées que l’on applique aux montres et à la plupart des horloges à ressort, et dont la propriété est de maintenir l’action du ressort dans l’égalité au moyen de la différente grandeur des rayons qui forment la rainure spirale ; car, selon que la corde qui se désentortille se trouve appliquée à une plus grande distance de l’axe de la fusée, l’action du ressort devient aussi plus grande, et il faut que cette augmentation compense exactement la diminution de force que le ressort souffre en se déroulant. Dans les ressorts qui agissent en s’allongeant ou en se raccourcissant, il paraît que la force est proportionnelle à la quantité dont ils se dilatent ou se contractent, ou du moins à une fonction donnée de cette quantité ; mais ce principe n’a pas lieu dans les lames élastiques inextensibles et pliées en spirale telles que celles qu’on applique aux horloges : le seul principe qu’on puisse employer pour ces sortes de ressorts est que la force avec laquelle le ressort résiste à être courbé est toujours proportionnelle à l’angle même de courbure ; et c’est d’après ce principe que de très-grands Géomètres ont déterminé la courbe qu’une lame élastique doit former lorsqu’elle est bandée par des forces quelconques données. Or, voici le Problème qu’il faut résoudre pour pouvoir connaître la loi de la force des ressorts pliés :

Une lame à ressort de longueur donnée et fixe par une de ses extrémités étant bandée par des forces quelconques qui agissent sur l’autre extrémité, et qui la retiennent dans une position donnée, déterminer la quantité et la direction de ces forces.

Ce Problème n’a encore été résolu, que je sache, par aucun Géomètre ; c’est ce qui m’a déterminé à en faire l’objet de ce Mémoire. La seule restriction que j’y mettrai, c’est que la lame soit uniformément épaisse, et que sa figure primitive et naturelle soit la ligne droite. Ce n’est pas que le calcul ne puisse s’appliquer à des ressorts de figure et d’épaisseur quelconques, mais les équations qu’on aurait seraient trop compliquées pour qu’on en pût tirer quelque lumière.

§ I.

Le principe ordinaire d’après lequel on résout le Problème de la courbe élastique est, que la force du ressort à chaque point doit être proportionnelle à la somme des moments de toutes les puissances tendantes. Or, quoique ce principe paraisse n’avoir pas besoin de démonstration, cependant, comme un très-grand Géomètre a cru pouvoir le révoquer en doute par cette considération qu’un ressort ne devant être regardé ni comme un corps parfaitement flexible, ni comme un corps absolument inflexible, on ne saurait se former une idée nette des moments des forces tendantes, moments qui, selon lui, ne peuvent avoir lieu que dans des corps absolument inflexibles. Je vais tâcher d’abord d’établir la vérité de ce principe d’une manière aussi simple que rigoureuse.

Imaginons plusieurs verges droites et inflexibles (fig. 1), lesquelles soient jointes l’une à l’autre par des charnières à ressort aux points et dont la première soit fixée horizontalement au point et la dernière soit chargée au point d’un poids quelconque on propose de trouver la figure du polygone Pour cela, je remarque que, quelle que soit la manière dont le ressort en agit sur les deux verges pour les étendre en ligne droite, on peut toujours substituer à l’action de ce ressort celle d’un autre ressort qui serait attaché d’un côté au point de la verge et de l’autre au

Fig. 1.
poids suspendu à une lame d’acier courbée
poids suspendu à une lame d’acier courbée

point de la verge prolongée en en sorte que et qui aurait une force de contraction équivalente à la force du ressort de la charnière On pourra de même substituer aux ressorts des autres charnières des ressorts qui agissent sur les points des verges et sur les points des verges prolongées en de manière que Cela posé, soit et soit la force du ressort en en en soit la force du ressort celle du ressort celle du ressort enfin, soit l’angle l’angle l’angle et la distance du point fixe à la verticale suivant laquelle agit le poids tendant, la distance du point à la même verticale, la distance Il est évident que le ressort agissant obliquement sur les lignes ne fait sur chacune de ces lignes qu’un effort égal à pour les rapprocher l’une de l’autre, et

comme cet effort doit être égal à celui du ressort placé en on aura on prouvera de la même manière qu’on aura Considérons maintenant les deux verges comme mobiles en et tirées l’une vers l’autre par le ressort placé entre deux ; qu’on prolonge ces deux verges jusqu’à la ligne verticale et qu’on joigne les deux extrémités et par un ressort qui ait une force dilatative capable de faire équilibre à la force contractive du ressort il est aisé de prouver que si l’on nomme la force du ressort on aura (à cause de et perpendiculaire à ) donc, si l’on suppose que la force dilatative devienne contractive, le ressort sera équivalent au ressort et par conséquent aussi au ressort de la charnière pourvu que la force soit telle que

On peut prouver de même que l’on peut substituer au ressort un autre ressort qui agisse aux extrémités et des verges prolongées jusqu’à la verticale et que la force de ce ressort que je dénoterai par devra être déterminée par l’équation

Nommant pareillement la force d’un ressort qu’on imaginerait placé aux extrémités et des verges prolongées et qui serait équivalsent au ressort Ee, on trouverait l’équation

et ainsi de suite. On aura donc par ce moyen un assemblage de verges dont la première est fixe en et dont les autres sont mobiles autour des points et dont les extrémités sont unies par des ressorts disposés en ligne droite, et qui sont en équilibre tant entre eux qu’avec le poids Or il est visible que cet équilibre ne saurait subsister à moins que les forces des ressorts ne soient égales entre elles et égales aussi à la force du poids c’est pourquoi on aura nécessairement

donc

c’est-à-dire que les forces des ressorts qui agissent à chacun des angles du polygone doivent être proportionnelles aux moments du poids tendant par rapport à chacun de ces angles.

S’il y avait plusieurs puissances tendantes, alors on démontrerait par un raisonnement semblable que le ressort à chaque angle du polygone devrait être proportionnel à la somme des moments de toutes les puissances. Supposons maintenant que les verges qui forment le polygone élastique deviennent infiniment petites et que leur nombre augmente à l’infini, il est clair que le polygone se changera en une courbe continue, et que l’on aura le cas d’une lame élastique pliée, dans laquelle il faudra par conséquent que l’action du ressort à chaque point soit proportionnelle à la somme des moments des forces tendantes par rapport à ce point, comme on l’a toujours supposé.

À l’égard de l’action du ressort, c’est-à-dire de la force avec laquelle il tend à se débander, on convient généralement qu’elle est en raison de l’angle de courbure, c’est-à-dire en raison inverse du rayon osculateur ; ainsi il faudra que la somme des moments des forces tendantes par rapport à chaque point de la courbe élastique soit réciproquement proportionnelle au rayon osculateur lorsque l’élasticité absolue est partout la même, et lorsque l’élasticité est variable, il faudra que la somme des moments dont il s’agit soit en raison directe de l’élasticité absolue et en raison inverse du rayon osculateur.

§ II.

Soit donc (fig. 2) une lame élastique fixée par une de ses extrémités et courbée par des puissances quelconques qui agissent sur l’autre extrémité Ayant tiré par ce point la tangente et par un point quelconque de la courbe l’ordonnée perpendiculaire à la droite que nous prendrons pour l’axe des abscisses, on fera l’arc égal à le rayon de courbure en égal à l’angle que la tangente en fait avec la tangente c’est-à-dire l’amplitude de l’arc égal à l’abscisse égale à l’ordonnée égale à

Fig. 2.
lame d’acier courbée vers le haut
lame d’acier courbée vers le haut

l’arc c’est-à-dire la longueur de la lame, égal à et l’angle que la tangente en fait avec c’est-à-dire l’amplitude totale de l’arc égal à on. aura

par conséquent

ces intégrales étant prises de manière qu’elles soient nulles lorsque

Cela posé, on peut réduire, en général, toutes les forces qui agissent au point à deux forces uniques dont l’une, que j’appellerai agisse suivant la direction et l’autre, que j’appellerai agisse suivant perpendiculaire à or, il est clair que la force donne, par rapport au point le moment et que la force donne, par rapport au même point, le moment donc on aura, par la nature de la courbe élastique (paragraphe précédent), l’équation

étant un coefficient constant qui dépend de l’élasticité absolue de la lame.

Substituons dans cette équation à la place de et leurs valeurs en nous aurons

où l’on remarquera qu’en faisant on aura

et par conséquent aussi

Différentions maintenant cette équation en prenant constant, et l’on aura celle-ci

laquelle, étant multipliée par et ensuite intégrée, donnera

étant une constante arbitraire qu’on déterminera par la condition qu’en faisant on ait c’est pourquoi on aura

On aura donc

et de là

Maintenant, si l’on pouvait intégrer ces trois équations, il est évident qu’en faisant, après l’intégration, et on aurait trois équations par lesquelles on pourrait déterminer les forces et l’amplitude les quantités et étant données, et le Problème serait résolu ; mais il est aisé de voir que l’intégration dont il s’agit dépend en général de la rectification des sections coniques, et qu’ainsi elle échappe à toutes les méthodes connues.

Il y a cependant un cas où l’intégration réussit, c’est celui où nous allons l’examiner dans le paragraphe suivant.

§ III.

Supposons en sorte que la lame ne soit tirée au point que par la force suivant la direction de la tangente on aura, dans ce cas.

Faisons, pour plus de simplicité, et mettons à la place de on aura, à cause de on aura, dis-je,

d’où l’on tire par l’intégration

étant des constantes qui doivent être déterminées en sorte que et soient nuls lorsque ce qui donnera et c’est-à-dire

D’où l’on voit que ce cas ne saurait avoir lieu à moins que l’angle ne soit infiniment petit, pour que l’arc puisse être fini ; de sorte que la courbure de la lame sera infiniment petite.

Or, puisque donne il est clair que très-petit donnera aussi très-petit ; donc, faisant et supposant très-petit, les équations du paragraphe précédent deviendront, à cause de et à très-peu près,

équations intégrables par les logarithmes lorsque est positif, et par les arcs de cercle lorsque est négatif.

Considérons ce dernier cas, et faisons, pour plus de simplicité, on trouvera

d’où, en intégrant en sorte que et soient nuls lorsque on aura

où il faudra faire maintenant et tel que de sorte qu’on aura
§ IV.

Comme la position des coordonnées et (fig. 2) dépend de celle de la tangente au point de la courbe élastique il sera bon d’introduire à leur place la corde et l’angle qu’elle fait avec la tangente au point où la lame élastique est supposée fixe. Soient donc (fig. 3) et l’angle sera égal à la valeur

Fig. 3.
lame élastique dans un triangle
lame élastique dans un triangle

de au point c’est-à-dire égal à de sorte qu’on aura

et de là

Changeons aussi les deux forces et qui agissent suivant et en deux autres qui agissent suivant c’est-à-dire dans la direction de la corde prolongée et suivant perpendiculaireà et nommant la première de ces forces et la seconde on aura

ou bien, en faisant pour plus de simplicité

en sorte que

on aura

Ainsi il n’y aura qu’à faire ces substitutions dans les équations trouvées ci-dessus, et chassant ensuite on aura deux équations par lesquelles on pourra déterminer et c’est-à-dire et par et

§ V.

Pour rendre le calcul plus simple, nous remarquerons d’abord que devant être par l’hypothèse une quantité très-petite, il faudra aussi que soit très-petite ; donc on aura tant que très-petits : mais est aussi un angle très-petit du même ordre que donc les angles et seront tous très-petits du même ordre, de sorte qu’on aura à très-peu près

par conséquent, si l’on substitue ces valeurs dans les équations du § III et qu’on fasse, pour abréger,

on aura, en négligeant ce qu’on doit négliger,

Or, cette dernière équation donne, en négligeant les quantités très-petites au-dessus du second ordre,

de sorte que la seconde équation deviendra celle-ci

or la première donne

et cette valeur étant substituée dans l’équation précédente, on aura

donc, faisant ces substitutions dans l’équation qui donne la valeur de on aura

Ainsi, en supposant et donnés, la dernière équation donnera d’abord en d’où l’on connaîtra aussi en à cause de ensuite les deux autres équations donneront et

§ VI.

Puisque nous avons supposé très-petit, les deux forces et (§ IV) deviendront et c’est-à-dire

ainsi l’on connaîtra les deux forces et pour chaque angle.

Supposons que la force perpendiculaire soit nulle ; il faudra donc que donc aussi pourvu que ne soit pas égal à zéro ; autrement le dénominateur le deviendrait aussi ; donc on aura étant l’angle de degrés et un nombre quelconque entier positif ou négatif excepté zéro. Donc on aura, dans ce cas,

d’où il s’ensuit que si le ressort n’est tendu que par une seule force qui agisse dans la direction de la corde il faudra que cette force soit dirigée de vers et qu’elle ne soit pas moindre que c’est-à-dire moindre que pour qu’elle puisse produire dans le ressort une très-petite courbure quelconque ; et toute force qui sera moindre que ne produira absolument aucun effet dans la lame élastique. M. Euler a déjà fait cette curieuse remarque, et il en déduit des conséquences relatives à la force des colonnes dans un excellent Mémoire sur ce sujet, auquel nous nous contenterons ici de renvoyer. (Mémoires de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin, t. XIII, année 1757.)

Or, puisqu’en faisant la force disparaît, supposons étant un angle fort petit, et l’on aura

donc, en négligeant ce qu’on doit négliger dans les équations du § V, on aura

d’où l’on aura

et de là

donc

Ainsi, tant que l’angle sera égal à la force perpendiculaire (fig. 3, p. 86) sera nulle ; mais lorsqu’on augmentera ou diminuera cet angle c’est-à-dire l’angle le ressort exercera perpendiculairement à la corde une force qu’on pourra déterminer par la formule précédente, pourvu que soit fort petit.

§ VII.

Prenons maintenant dans la tangente un point quelconque (fig. 4) et, ayant tiré la ligne réduisons les forces et qui

Fig.4.
lame souple dans un triangle
lame souple dans un triangle

agissent au point (§ II), à deux autres et dont l’une tire sui-

vant la direction et l’autre suivant la direction perpendiculaire à il est facile de trouver par une méthode semblable à celle du § IV que, si l’on nomme l’angle et qu’on fasse

on aura

Soient, de plus, la ligne et la ligne donnée on aura d’abord

et

ainsi, ayant et en et on aura aussi et en et en substituant les valeurs de et dans les formules du § IV,

Or, comme les angles et sont supposés très-petits de l’ordre de la force il est clair que les trois angles et seront tous très-petits du même ordre ; ainsi l’on aura à très-peu près

et de là

De sorte qu’en faisant ces substitutions dans les équations du § III, et supposant, comme plus haut,

on aura

Supposons maintenant et les équations précédentes deviendront celles-ci

Les deux premières donnent d’abord

et ces valeurs étant substituées dans la troisième, on aura, à cause de

Ainsi, dans ce cas, l’angle sera donné par la seule quantité , et par conséquent la quantité deviendra aussi une fonction de et comme il s’ensuit que la force qui est à très-peu près égale à sera toujours exprimée par une fonction donnée de multipliée par

Donc, si l’on a une lame élastique fixée en (fig. 5), et dont la position naturelle et libre soit la droite et que l’extrémité de cette

Fig. 5.
secteur angulaire avec arc
secteur angulaire avec arc

lame soit forcée de décrire autour du point pris dans la droite l’arc très-petit en sorte qu’elle vienne dans la situation on fera et l’on trouvera par les formules précédentes les deux forces et que la lame, dans l’état forcé exercera à l’extrémité la première de ces forces agissant suivant la direction du rayon et la seconde suivant celle de la tangente en Et comme on a ici et constants pendant que varie, il s’ensuit que sera constant aussi, et qu’ainsi la force tangentielle sera toujours proportionnelle à l’arc d’où il s’ensuit que si un corps était attaché à l’extrémité ce corps ferait autour du point des oscillations isochrones, dont on pourra déterminer la durée par les équations ci-dessus.

On pourrait se servir utilement de cette propriété des lames élastiques dans les balancier des montres si l’on voulait se contenter de leur faire

Fig. 6.
cercle avec diamètre prolongé à droite
cercle avec diamètre prolongé à droite

faire des oscillations très-petites ; car, supposant (fig. 6) que

soit le balancier dont soit le centre, il n’y aura qu’à fixer une lame élastique d’une longueur quelconque d’un côté à un point fixe et de l’autre au point de la circonférence du balancier, et l’on sera assuré que ses vibrations seront isochrones, au moins tant qu’elles seront très-petites, ce que personne, que je sache, n’avait encore démontré en toute rigueur. (Voyez le XXXVIe Mémoire des Opuscules de M. d’Alembert.)

§ VIII.

Nous avons supposé jusqu’ici que la courbure du ressort devait être très-petite ; voyons maintenant comment on peut résoudre le Problème, en général, quelle que puisse être la figure de la lame élastique. Or, comme les équations trouvées dans le § II sont absolument inintégrables, il est impossible de déterminer les forces et en et ou bien les forces et en et (§ IV) par des équations finies ; mais peut-être pourrait-on les déterminer par des équations différentielles qui donneraient les variations de et de répondantes à celles de et c’est ce qu’il est bon d’examiner.

Reprenons donc les trois équations du § II, et, mettant d’abord à la place de et les valeurs trouvées dans le § IV, elles se changeront en celles-ci

La seconde de ces équations étant multipliée par et ensuite retranchée de la troisième multipliée par on aura

De même, en multipliant la seconde par et l’ajoutant à

la troisième multipliée par on aura

équation qui est absolument intégrale et dont l’intégrale, prise en sorte que et s’évanouissent lorsque est celle-ci

[2].

Ainsi il faudra combiner cette équation avec ces deux-ci

Soit, pour abréger, et supposons que les intégrales

prises en sorte qu’elles soient nulles lorsque deviennent et lorsque et l’on aura, en faisant et ces trois équations

ou bien, en substituant pour et les valeurs du § IV,

Maintenant, puisque l’on a

si l’on fait varier dans ces expressions tant que on aura

Or

Donc on aura

Supposons, pour plus de simplicité,

et comme on ne peut pas trouver les valeurs de et par l’intégration, il faut tâcher de les déterminer par le moyen des quantités

Pour cela, je remarque que l’on a

1o

d’où, en intégrant, on aura

2o

et

par conséquent

Donc, en intégrant, on aura

Ainsi, combinant cette équation avec la précédente

on tirera

Donc, substituant ces valeurs dans les expressions de et de trouvées ci-dessus, on aura

Donc, remettant à la place de sa valeur et faisant on aura

Donc, faisant pour plus de simplicité on aura enfin ces trois

équations
§ IX.

Telles sont les équations par lesquelles on doit déterminer les forces et que la lame élastique fixe en (fig. 3, p. 86), exerce à l’extrémité en supposant donnés la longueur de la lame la corde et l’angle Pour faciliter le calcul, on prendra la valeur de de la première équation et on la substituera dans les deux autres, lesquelles deviendront par là

Ces équations sont, comme on voit, trop compliquées pour qu’on puisse en tirer quelque lumière sur la loi des forces tendantes et cependant elles pourraient servir à déterminer la vraie figure de la fusée au moins par une équation différentielle.

Pour cela on supposera que (fig. 3, p. 86) soit le centre du barillet ou tambour, où le ressort est renfermé, et à la circonférence duquel l’extrémité mobile est attachée ; de cette manière sera le rayon du tambour qui est constant, et sera l’angle que le tambour aura parcouru en tournant autour de son axe pour bander le ressort ; de sorte que sera égal à la longueur de la corde désentortillée d’autour du tambour et entortillée autour de la fusée ; donc, si l’on considère la courbe qui, par sa révolution autour de son axe, produirait le solide dont on doit faire la fusée, et qu’on nomme l’ordonnée de cette courbe et l’élément de l’arc, on aura pour la portion de surface de la fusée qui sera couverte par la corde et qui devra par conséquent être égale à la longueur de la corde entortillée à la fusée, cette longueur étant divisée par le diamètre même de la corde ; ainsi, nommant le diamètre ou l’épaisseur de la corde, on aura d’abord

Maintenant il est clair que la corde ne sera tendue par le ressort qu’avec une force égale à l’autre force ne faisant que presser la surface du tambour au point où l’extrémité du ressort est attachée ; donc le moment de la force du ressort pour faire tourner la fusée sera lequel devant être constant, on aura l’équation

ainsi, il n’y aura qu’à substituer dans les deux équations précédentes à la place de et à la place de, et chassant ensuite la variable on aura une équation entre et qui déterminera la nature de la courbe de la fusée.

§ X.

Dans les recherches précédentes nous avons supposé que le ressort étant fixe par une de ses extrémités, l’autre était retenue dans une position donnée par deux forces appliquées à cette extrémité, et nous avons cherché la valeur de ces forces ; mais si l’on voulait que la tangente à cette même extrémité fût aussi donnée, alors il faudrait qu’une troisième force agit sur la lame, et qu’elle fût appliquée à quelque distance de l’extrémité dont il s’agit pour qu’elle pût avoir quelque moment par rapport à cette extrémité.

Ainsi l’on imaginera qu’une verge inflexible (fig. 2, p. 82) soit jointe à la lame élastique en et que cette verge soit tirée au point par une nouvelle force dont la direction soit perpendiculaire à c’est-à-dire parallèle à la force qui agit suivant (§ II) ; et il résultera de ces deux forces et une force unique agissant perpendiculairement à la verge et à une distance du point égale à Or la force donne, comme nous l’avons vu dans le paragraphe cité, le moment par rapport au point et la force donnera par rapport au même point le moment c’est-à-dire, en faisant et le moment d’où il s’ensuit qu’on aura pour l’équation de la lame élastique

Donc, faisant les mêmes substitutions que dans le § II, on aura

de sorte que lorsque on aura ici

Cette équation étant différentiée, et ensuite multipliée par et intégrée de nouveau, donnera

où la constante doit être déterminée par la condition qu’en faisant on ait ainsi l’on aura

donc

équations qui ne diffèrent de celles du § II que par le terme constant

§ XI.

Si les quantités et étaient nulles, c’est-à-dire si la force tangentielle s’évanouissait et que les deux forces perpendiculaires fussent égales entre elles et de direction contraire, alors la lame élastique prendrait la figure d’un cercle, car on aurait, dans ce cas,

d’où l’on tirerait par l’intégration

ce qui montre que la courbe est un cercle dont le rayon est

Donc, si les quantités et au lieu d’être nulles, étaient seulement très-petites vis-à-vis de la quantité la courbe serait à très-peu près circulaire, et elle ne serait autre chose qu’une espèce de spirale fort peu différente d’un cercle.

Comme ce cas mérite d’être examiné en détail, nous allons en faire l’objet, du paragraphe suivant.

§ XII.

Supposons donc et très-petites vis-à-vis de et la quantité radicale

deviendra à très-peu près

Soit, pour abréger,

et les équations du § X deviendront celles-ci

lesquelles étant intégrées en sorte que et soient nuls lorsque on aura

De sorte qu’en faisant et (§ II), on aura ces trois équations

§ XIII.

Maintenant, si l’on tire par les extrémités et (fig. 7) de la lame élastique les perpendiculaires et aux tangentes il est clair

Fig. 7.
lame élastique dans un trapèze
lame élastique dans un trapèze

que l’angle sera égal à de sorte que si l’on fait on aura

et les équations du paragraphe précédent donneront celles-ci

Si l’on fait et on a

d’où l’on tire

Donc, tant que et seront très-petits, on aura

et étant des quantités très-petites de l’ordre et Donc, si l’on substitue ces valeurs dans la seconde et la troisième des équations précédentes, et qu’après avoir multiplié en croix, en négligeant les quantités très-petites du second ordre, on fasse, pour abréger,

on aura

d’où, en faisant encore

on aura

et de là on trouvera aussi par la première équation.

Ainsi, connaissant et on aura

§ XIV.

Donc, si l’on suppose que (fig. 7, p. 104) soit le centre du tambour ou barillet dont le rayon soit et que le ressort soit fixé par l’extrémité d’une manière quelconque à l’axe du barillet, et que par l’autre extrémité il soit fixement appliqué à la circonférence du barillet, en sorte que la courbe du ressort touche la circonférence du barillet au point nommant l’angle parcouru par le barillet en tournant autour de son axe depuis la ligne fixe c’est-à-dire l’angle et faisant le rayon du barillet égal à la ligne égale à et l’angle égal à on aura

Ainsi, substituant ces valeurs dans les formules du paragraphe précédent, on trouvera la valeur de la force tangentielle en et de là on pourra déduire la figure de la fusée comme dans le § IX en faisant et

Il faut cependant observer que, comme nous avons vu dans le paragraphe cité que et doivent être à très-peu près égaux à il faudra que l’angle soit très-petit et que et soient à très-peu près égaux à d’où l’on voit que pour que ce cas ait lieu il faut que l’extrémité fixe du ressort soit fort près de la circonférence du barillet et que la tangente en soit presque perpendiculaire au rayon

§ XV.

Au reste, la condition que et soient presque égaux à ne serait pas nécessaire si l’on supposait que les quantités et fussent très-grandes du même ordre ; car alors les quantités et pourraient être supposées très-petites de l’ordre de et l’on aurait dans cette hypothèse (§ XIII) les équations

d’où l’on tire

de sorte que et seront des quantités fort petites, comme on l’a supposé dans les calculs du § XII.

Ce cas aura donc lieu lorsque le ressort sera fort long et qu’il fera un très-grand nombre de tours en forme de spirale. Ainsi, si l’on suppose qu’un pareil ressort soit appliqué à un balancier dont le centre soit (fig. 7, p. 104), et que l’une des extrémités du ressort étant arrêtée en l’autre soit fixée perpendiculairement au rayon du balancier, on nommera et comme dans le § XIV, les distances données et l’angle donné et l’angle variable et l’on aura

étant la circonférence du cercle et dénotant le nombre des tours que le ressort fait autour de et qui doit être fort grand.

Donc la force tangentielle qui tend à faire tourner le balancer, sera à très-peu près, en faisant

d’où l’on voit que cette force sera nulle lorsque

ainsi, dénotant par la valeur de qui répond à cette équation, en sorte que l’on ait

et supposant en général on aura

et le moment pour faire tourner le balancier sera

Donc, si l’on nomme le moment d’inertie du balancier, et qu’on fasse, pour abréger,

on aura, pour le mouvement du balancier, l’équation

qui est la même que celle du mouvement d’un pendule simple dont la longueur serait étant la force de la gravité ; de sorte que le balancier fera des oscillations semblables à celles d’un tel pendule, et le point de repos sera où c’est-à-dire où l’angle sera égal à

Ainsi, plus la longueur du ressort et le nombre de ses tours augmenteront, plus le mouvement du balancier approchera de celui d’un pendule simple circulaire, de sorte que le mouvement du pendule peut être regardé comme la limite, et l’asymptote de celui d’un balancier mû par un ressort spiral, pourvu que le ressort soit d’une épaisseur uniforme et que son état libre soit la ligne droite.

§ XVI.

Si l’on voulait que l’extrémité (fig. 7 p. 104) du ressort fût attachée à l’axe même du balancier, comme on le pratique ordinairement, alors les forces et (§ X) seraient détruites, et la force serait celle qui agirait sur le balancier pour le faire tourner avec un moment égal à

Ainsi, dans le cas du paragraphe précédent, ce moment serait par conséquent il serait presque constant, de sorte qu’il n’en résulterait point de mouvement oscillatoire. Cette manière de faire agir le ressort conviendraitdonc beaucoup au ressort moteur qui fait tourner le barillet ; car son action étant par ce moyen presque constante, la fusée ne serait plus nécessaire.

Au reste, il faut toujours se souvenirque ces conclusions sont fondées sur l’hypothèse que la lame du ressort soit naturellement droite et que sa longueur soit très-grande ; c’est ce qui fait qu’elles n’ont pas lieu dans les ressorts ordinaires qu’on applique aux horloges, mais il n’est pas impossible qu’elles puissent être d’usage dans quelques occasions.

§ XVII.

Si l’on ne voulait pas adopter l’hypothèse que nous avons faite ci-dessus, que les forces et soient très-petites, il faudrait revenir aux équations générales du § X et en déduire des équations différentielles entre les forces et par une méthode analogue à celle du § VIII.

Pour cela on fera

et, supposant ensuite

on trouvera, en ayant soin d’ajouter les constantes nécessaires pour que et s’évanouissent lorsque et faisant, pour plus de simplicité, on trouvera, dis-je, ces trois équations

dans lesquelles on pourra faire et comme dans le paragraphe cité.


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  1. Lu le 20 septembre 1770.
  2. Dans le texte primitif, le facteur se trouve placé au dénominateur de cette formule ; l’inadvertance commise ici par l’illustre Auteur a pour effet d’altérer les résultats qui suivent. Nous avons cru devoir faire les rectifications nécessaires pour l’exactitude des formules.
    (Note de l’Éditeur.)