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Mémoires secrets de Bachaumont/1767/Mars

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Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome II (1766-1769)p. 119-132).
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Mars 1767

1er Mars. — Il est des auteurs qui mettent tout à profit. M. Roger, ex-Jésuite, ayant eu une dispute avec le receveur de la capitation, a jugé à propos de donner au public cette contestation. Il en a fait une brochure, sous le titre de Dialogue entre un auteur et un receveur de la capitation. par madame D. L. R.[1].

2. — M. le chevalier de Boufflers s’est égayé sur le compte de Molé, par les couplets suivans :


Quel est ce gentil animal,
Qui dans ces jours de carnaval
Tourne à Paris toutes les têtes,
Et pour qui l’on donne des fêtes ?
Ce ne peut être que Molet[2],
Ou le singe de Nicolet[3].

Vous eûtes, éternels badauds,
Vos pantins et vos Ramponeaux[4] :
Français, vous serez toujours dupe.
Quel autre joujou vous occupe ?
Ce ne peut être que Molet,
Ou le singe de Nicolet.

Il faut le voir sur les genoux
De quelques belles aux yeux doux,
Les charmer par sa gentillesse,
Leur faire cent tours de souplesse.
Ce ne peut être que Molet,
Ou le singe de Nicolet.

L’animal un peu libertin
Tombe malade un beau matin,
Voilà tout Paris dans la peine ;
On crut voir la mort de Turenne.
Ce n’était pourtant que Molet,
Ou le singe de Nicolet.

La digne et sublime Clairon
De la fille d’Agamemnon
À changé l’urne en tirelire,
Et, dans la pitié qu’elle inspire,
Va partout quêtant pour Molet,
À la cour et chez Nicolet.

Généraux, ratios, magistrats,
Grands écrivains, pieux prélats[5],
Femmes de cour bien affligées,
Vont tous lui porter des dragées :
Ce ne peut être que Molet
Ou le singe de Nicolet.

Si la mort étendait son deuil
Ou sur Voltaire, ou sur Choiseul,
Paris serait moins en alarmes
Et répandrait bien moins de larmes,
Que n’en ferait verser Molet,
Ou le singe de Nicolet.

Peuple, ami des colifichets,
Qui portes toujours des hochets,
Rends grâces à la Providence
Qui, pour amuser ton enfance,
Te conserve aujourd’hui Molet
Et le singe de Nicolet.

3. — Dans l’assemblée de la Faculté de Théologie tenue avant-hier, le syndic a rendu compte du roman politique et moral de Bélisaire, de M. Marmontel. Après avoir parlé avec éloge des talens et du style, ainsi que de la réputation de l’auteur, il a relevé les écarts qu’il s’est permis contre la foi catholique dans le quinzième chapitre de cet ouvrage. Le syndic a fait ensuite lecture de la lettre[6] écrite par M. Marmontel à M. l’archevêque, pour lui déclarer qu’il signera la profession de foi qui lui sera proposée, et qu’il donnera toutes les explications qu’on voudra exiger.

La Faculté, qui a éprouvé par le passé que les explications données en pareil cas par M. de Montesquieu au sujet du livre de l’Esprit des Lois, et par M. de Buffon sur l’Histoire naturelle, avaient été insuffisantes pour réparer le scandale donné, insiste sur la censure de Bélisaire. En conséquence elle a nommé des commissaires pour faire agréer à M. l’archevêque le désir de la Faculté et lui faire connaître la nécessité de la censure, pour, sur la réponse de M. l’archevêque, prendre une détermination.

5. — Les Comédiens Italiens ont donné aujourd’hui la première représentation de l’Aveugle de Palmyre, avec des morceaux de musique par M. Rodolphe. La pièce est en vers et en deux actes. M. Desfontaines, en est l’auteur. Ce sujet est pris dans quelque roman de féerie. Il est fort mal traité, sans goût, sans délicatesse : beaucoup de grossièretés et de très‑mauvaises plaisanteries

ont révolté le parterre. La musique a eu quelque succès.

6. — Vers sur Bélisaire.

Bélisaire proscrit, aveugle, infortuné,
Ferme dans le malheur, simple, sublime et sage,
Instruisant l’empereur qui l’avait condamné,
De la terre attendrie eût mérité l’hommage.
De lOui, sans doute, chez des païens :
de lMais parmi nous, chez des chrétiens,
Peindre Dieu bienfaisant, exalter sa clémence,
Pour nous unir à lui par les plus doux liens ! …
Jusqu’où peut nous conduire une telle morale ?
Que ce blasphémateur soit puni par le feu ;
N’a-t-il pas dû savoir qu’il causait du scandale,
Quand, malgré la Sorbonne, il faisait aimer Dieu ?


7. — Nouveau Dictionnaire historique portatif, ou Histoire abrégée de tous les hommes qui se sont fait un nom par des talens, des vertus, des forfaits, des erreurs, etc. depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours : ouvrage dans lequel on expose, sans flatterie et sans amertume, ce que les écrivains les plus impartiaux ont pensé sur le génie, le caractère, et les mœurs des hommes célèbres dans tous les genres, etc. ; par une société de gens de lettres[7]. On ne pourrait qu’applaudir à ce projet, s’il était bien exécuté : mais il est fait avec la plus grande négligence. On attribue à un auteur les ouvrages d’un autre, on transpose les anecdotes, on les altère, on les controuve ; en un mot, on donne pour morts des gens[8] pleins de vie, et qui fournissent tous les jours des preuves de leur existence.

8. — M. de Voltaire s’occupe actuellement de la famille des Sirven. Ces infortunés, dans un cas à peu près semblable à celui des Calas, sont depuis quelques années sous sa protection. En attendant qu’il ait armé les lois en leur faveur, il écrit à toutes les puissances pour en obtenir des secours. Le roi de Danemark lui ayant envoyé pour eux quatre cents ducats, notre poète a répondu à cet envoi par ces beaux vers :


Pourquoi, généreux prince, âme tendre et sublime,
Pourquoi vas-tu chercher dans nos lointains climats
Des cœurs infortunés que l’injustice opprime ?
C’est qu’on n’en peut trouver au sein de tes États.
Tes vertus ont franchi, par ce bienfait auguste,
Les bornes des pays gouvernés par tes mains,
Et partout où le ciel a placé des humains,
Tu veux qu’on soit heureux, et tu veux qu’on soit juste.
Hélas ! assez de rois que l’histoire a faits grands,
Chez leurs tristes voisins ont porté les alarmes :
Tes bienfaits vont plus loin que n’ont été leurs armes ;
Ceux qui font des heureux sont les vrais conquerans !


11. — M. Araignon, avocat, vient de faire imprimer une comédie en cinq actes et en prose. C’est un drame romanesque qui offre le tableau, toujours attendrissant, de l’innocence persécutée et triomphante. Il a pour titre, le Vrai Philosophe[9]. Cette comédie est dédiée à MM. les maire et échevins de Saint-Malo, comme un témoignage de la reconnaissance de l’auteur, gratifié par ces magistrats d’un brevet de citoyen Malouin, ainsi que d’une médaille d’or, au sujet de sa tragédie du Siège de Beauvais[10].

12. — On débite une Lettre de M. de Voltaire à M. d’Olivet, sur la nouvelle édition de Prosodie. Cette lettre, datée du château de Ferney, le 5 janvier 1767, relève différentes locutions vicieuses devenues à la mode. En général, M. de Voltaire y paraît peu content du style de nos auteurs modernes, et surtout du nouveau genre d’éloquence qu’on a introduit ; il critique plusieurs mots usités dans ce qu’on appelle la bonne compagnie. « Dites‑moi si Racine a persiflé Boileau…, si l’un et l’autre ont mystifié La Fontaine… » On y lit aussi cette phrase remarquable, en parlant de M. de La Harpe : « Un jeune homme d’un rare mérite, déjà célèbre par les prix qu’il a remportés à notre Académie, et par une tragédie qui a mérité son grand succès…[11] » Il nous apprend enfin qu’il reçoit quelquefois des lettres du philosophe de Sans-Souci[12], qu’il a l’honneur d’être encore dans ses bonnes grâces, et que c’est une des consolations de sa vieillesse.

13. — On débite une comédie en un acte et en prose de M. Collé, intitulée le Galant Escroc, précédée des Adieux de la parade prologue en vers libres[13]. Cette comédie fait partie du Théâtre de société, et ne peut être jouée qu’en société. C’est la peinture malheureusement trop vraie de mœurs qui ne pourraient être présentées sur un théâtre public. La fable en est plaisante, et l’effet en doit être très-heureux.

15. — Suivant la délibération de la Faculté de théologie[14], le doyen, le syndic et les huit commissaires se sont rendus chez M. l’archevêque il y a quelques jours. Ce prélat leur a déclaré que, dans l’affaire de M. Marmontel, il ne cherchait que le plus grand bien de la religion, et qu’il s’en rapportait entièrement au jugement de la Faculté.

En conséquence, la Faculté a mis en délibération s’il convenait, pour parvenir au plus grand bien, de faire une censure en forme, ou de se contenter d’explications. Il a été décidé que ce dernier était le parti le plus expédient, et qu’on pourrait joindre au quinzième chapitre une explication très-théologique, qui corrigerait ce qui se trouve de contraire à la religion dans ce chapitre.

Les commissaires doivent s’assembler pour concerter et faire le projet de cette explication théologique, qui, après avoir été acceptée par M. Marmontel, sera présentée à l’assemblée de la Faculté du prima mensis[15].

16. — Nous allons donner un échantillon du style de M. Tronchin, ce médecin si célèbre. C’est une lettre qu’il a écrite de Versailles, le 8 février de cette année, à M. le pasteur Pictet, à l’occasion des troubles de la république de Genève. Il était alors auprès de madame la Dauphine.

« Monsieur, j’ai besoin de cette presse de travail pour n’être pas sans cesse occupé des malheurs de ma patrie. À portée, comme je le suis, de connaître les intentions du roi, instruit d’ailleurs du délire opiniâtre de mes insensés concitoyens, je vois avec la plus grande douleur les malheurs qu’ils se préparent. En faisant semblant de courir après la liberté, ces malheureux vont perdre leur patrie. Les extrêmes se touchent : ils étaient trop heureux. La démarche qu’ils ont faite vis-à-vis M. le résident[16], a paru ici un persiflage. J’ai reçu de M. Vernet une lettre qui lui ressemble fort ; aussi ne lui ai-je pas répondu. C’est se moquer que de parler de dévouement et de respect, quand on manque si solennellement au respect et au dévouement qu’on doit à un monarque qui joue le rôle de père, et qui n’a cessé de faire ressentir les effets de sa bienveillance et de sa protection, L’orgueil ira toujours devant l’écrasement, de quelque manière qu’il se masque ; vous le voyez, mon cher Monsieur, sous bien des formes. Ils feront périr ma pauvre patrie ; car, quand l’orgueilleux délire du jour finirait, à moins qu’il ne finisse incessamment, les plaies qu’il a déjà portées à la prospérité et au commerce, laisseront après elles des cicatrices profondes. Oue sera-ce si, par un abandon du ciel, ces plaies subsistaient encore plusieurs mois ! Le commerce et la prospérité, semblables aux rivières qui changent de lit, n’y rentrent point. La fin du délire et la misère entraînent ordinairement le désespoir après elles. Les auteurs de tant de maux en seront les victimes. Le roi n’en démordra pas, je le tiens de sa bouche. Tout ce que je prévois brise jour et nuit mon âme. Je ne goûte pas un moment de repos, car j’aime avec passion ma patrie. Dites ceci à qui voudra l’entendre : au moins n’aurai‑je rien à me reprocher. Souvenez‑vous souvent, mon cher Monsieur, que je vous l’ai dit ; je vous appellerai en témoignage. En attendant je ferai des vœux, et je gémirai en silence. »

18. — On parle beaucoup d’une cassette, précieuse pour les papiers qu’elle contient, laissée par M. le Dauphin à madame la Dauphine, et dont cette princesse a fait gardien M. l’évêque de Verdun, son premier aumônier. On prétend que dans cette cassette sont différens mémoires, ouvrages et instructions du prince défunt, à remettre au duc de Berry, le Dauphin actuel, lorsqu’il sera en état d’en profiter.

19. — Un plaisant a répondu à M. Tronchin, au nom de M. Pictet ; on attribue même cette facétie à un grand poète[17], si bien accoutumé à tourner tout en ridicule.

« Monsieur, nous étions occupés, mon fils et moi, à relire les discours que je fis à Saint-Pierre aux dernières élections, et nous méditions sur le peu d’effet qu’ils ont produit, lorsque votre lettre nous est parvenue. Comme le travail ne nous enivre guère, mon fils ni moi, mon cher Monsieur, nous avons tout le loisir possible pour songer aux maux de l’État. Les bruits qui courent sur la suspension des rentes nous les font sentir vivement, et le ton pitoyable de votre lettre ajoute encore à notre affliction.

« Nous avons surtout été touchés de ces phrases où vous dites que vous avez l’âme brisée jour et nuit, que l’orgueil va devant l’écrasement, que vous gémissez en silence ; et mon fils proteste n’avoir jamais rien lu de si beau dans les sermons de son grand-père.

« Nous avons aussi admiré la noble hardiesse avec laquelle vous traitez vos concitoyens d’insensés, de malheureux, et leur démarche de persiflage. Mon fils approuve beaucoup la méthode d’insulter les gens ; mais il avoue que, depuis qu’il s’en est mal trouvé deux ou trois fois, il est résolu de ne plus la mettre en pratique, à moins qu’il n’ait, comme vous, le bonheur d’être à cent lieues des représentans. Incontinent après avoir fait nos commentaires, nous avons convoqué, mon fils et moi, les négatifs[18], au cercle des Trois rois, et nous leur avons fait lecture de votre lettre. Ils en ont été enchantés. Mais pour les représentans, le même délire, dont la fin doit être la misère et puis le désespoir, comme vous le dites si bien, et le délire orgueilleux qui fera périr ma pauvre patrie, ce délie opiniâtre enfin, qui leur fait déserter mes sermons, leur a fait désapprouver votre épître. Ce qui me désole, c’est qu’ils s’en moquent : l’un dit qu’elle n’est pas en français, qu’on ne dit pas porter des plaies, mais faire des plaies ; l’autre dit que vous vous êtes belousé lorsque vous avez dit que le roi jouait le rôle de père, que votre intention était sûrement d’exalter sa bonté ; et que cette expression, le roi n’en démordra pas, est tout aussi défectueuse ; un autre dit que les grandes phrases dont est remplie votre lettre indiquent une extrême disette d’idées ; un autre, qu’elles ressemblent à des lambeaux de faux galons appliqués sur de la futaine ; un autre, qu’elles sont pillées. Pour cela je ne puis plus y tenir, et je tape des pieds, en leur disant : « Hem ! ne voyez-vous pas bien que l’auteur de cette lettre est un homme que le travail rendait ivre ; et puis, croyez‑vous que M. Tronchin fût capable de piller les ouvrages d’autrui ? Cela est bon une fois. » Au reste, mon cher Monsieur et mon ami, M. Perdriau de la Rochelle la publiera à Saint‑Gervais, après avoir publié les annonces et disposé nos auditeurs par un remède préparatoire, soporifique et anodin, et un sermon de méditation. Mon fils et moi nous souffrons, nous vous aimons, et nous vous honorons. »

25. — M. Rousseau continue à garder un silence profond. De temps en temps quelqu’un élève la voix en sa faveur. On voit dans le numéro 35 du sieur Fréron un article intitulé : Sentimens d’un Anglais impartial sur la querelle de MM. Hume et Rousseau, extraits des papiers anglais du mois de novembre 1766 ; signé, un Anglais du vieux temps hospitalier et orthodoxe. Que ce jugement soit vrai ou controuvé par le journaliste, il est bien fait, et écrit avec une candeur qui plaira. Il est en faveur de M. Rousseau, sans déguiser les torts qu’il peut avoir. M. Walpole, l’auteur de la plaisanterie du roi de Prusse, y est surtout très-maltraité.

M. Rousseau doit, au reste, goûter quelque consolation par le plaisir de voir son Devin de village traduit en anglais. En outre, un auteur, nommé M. Burney, vient d’adapter des paroles en sa langue à la musique française. On a donné l’hiver cette pièce au théâtre de Drurylane, avec un succès partagé ; elle est soutenue par le parti anglais contre le parti écossais, qui avait entrepris de la faire tomber, et qui a interrompu les premières représentations par le bruit le plus affreux.

26. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation des Scythes. Cette pièce ne répond pas à ce que l’on pouvait attendre du pinceau sublime qui nous offrit jadis, avec tant de succès, les tableaux contrastés des mahométans et des chrétiens, des Américains et des Espagnols, des Chinois et des Tarares. M. de Voltaire a voulu mettre ici en opposition l’âpreté des mœurs sévères des Scythes avec le faste orgueilleux des anciens Persans. Le sujet est absolument manqué, et lgon ne peut que s’écrier :

J’ai vu l’Agésilas,
J’ai vHélas[19] !


Il y a cependant, en divers endroits, des morceaux de la plus grande force, et l’on rencontre partout dans ce drame disjecti membra poetæ[20].

27. — Abrégé de l’histoire de Port‑Royal, par M. Racine, de l’Académie Française[21]. Cette histoire, écrite, à ce qu’on croit, vers 1693, a été long-temps ignorée. Il en parut en 1700 une partie, dont il fallut se contenter, parce qu’on ne put alors en découvrir la suite ; mais l’abbé Racine en avait une copie, d’après laquelle on a fait l’édition dont il est question. L’histoire de Port‑Royal est conduite ici jusqu’à l’affaire du Formulaire. L’auteur ne vit pas la destruction de Port-Royal des Champs. Boileau regardait cet ouvrage comme le plus parfait morceau d’histoire que nous eussions dans notre langue. Ce n’est malheureusement pas le plus intéressant.

28. — Le sieur Fréron, toujours acharné sur M. de Voltaire, et qui doit une partie de la célébrité de ses feuilles à la guerre qu’il a livrée à ce grand homme, pour réveiller l’attention de son lecteur vient de lâcher, suivant son usage, une nouvelle satire très-propre à piquer la malignité du cœur humain, et à réjouir les ennemis du sien. Il se fait écrire une lettre par un prétendu abbé M…, qui lui envoie la traduction d’une Épître persane à Saadi. Cette épître, très-bien faite, reproche à M. de Voltaire, sous le nom de Saadi, tous ses défauts et surtout son amour‑propre, son envie, son inquiétude. Il y est peint des couleurs les plus offensantes et malheureusement les plus vraies. Cette épître finit par une espèce d’épilogue en quatre vers :

Un miroir à nos yeux distraits
Vient-il offrir notre grimace ?
Il ne faut pas briser la glace,
Mais, s’il se peut, changer nos traits.

29. — M. de Voltaire, à force de s’intriguer et de se remuer en faveur des Sirven, commence à faire prendre couleur à cette affaire. On vient de publier sous son nom un Mémoire à consulter et une consultation, faits l’un et l’autre par main de maître. Le même sentiment qui a dicté les lettres pathétiques que l’on a lues et les divers écrits publiés au sujet des Calas à l’auteur du Traité de la Tolérance, lui a fait prendre la plume dans cette occasion, et on ne doute pas que le Mémoire à consulter ne soit de lui. La consultation paraît être de M. Élie de Beaumont, connu au barreau et célèbre surtout par des mémoires en faveur des Calas. Elle est signée de cet avocat, et souscrite de onze jurisconsultes fameux.

Nicole de Beauvais, ou l’Amour vaincu par la reconnaissance[22]. Ce roman est d’une madame Robert. qui a déjà donné : Voyage de mylord Céton dans les sept planètes, ou le nouveau Mentor[23], traduction vraie ou fausse. Nous ne faisons mention de ces ouvrages qu’en faveur de l’auteur. Madame Robert écrit quelquefois avec chaleur, mais d’un style en général faible et sans correction : elle a de l’imagination, mais peu de goût.

30. — Dans les Notes sur la lettre de M. de Voltaire on reproduit quelques fragmens de lettres de M. Rousseau à M. Du Theil, et l’on met à la tête de ces fragmens : Extrait des lettres du sieur J.‑J. Rousseau employé dans la maison de M. le comte de Montaigu, écrites en 1744 à M. Du Theil, premier commis des affaires étrangères. Ces Lettres ont été conservées par hasard chez M. Du Theil. Ce dernier, officier aux gardes, a fait insérer, en conséquence, dans l’Année Littéraire, une protestation contre cette assertion. Il y déclare qu’il a toujours ignoré l’existence de ces lettres, et paraît même la révoquer en doute. D’autre part, on appelle M. Rousseau employé dans la maison du comte de Montaigu, et l’on n’ignore pas qu’il était secrétaire de cet ambassadeur de France à Venise.

31. — Tandis que la Faculté de Théologie est occupée à dresser la rétractation que doit signer M. Marmontel, et que celui-ci attend avec une foi humble tout ce qu’on proposera à sa docilité, M. de Voltaire s’égaie et vient de répandre des Anecdotes sur Bélisaire[24], espèce de pamphlet, où il verse le ridicule a grands flots sur qui il appartient. Il y prodigue une foule de citations des pères de l’Église, des docteurs, des casuistes, qui appuient les assertions avancées dans le chapitre XV du Bélisaire tant critiqué, et qui a jeté un si grand scandale dans l’Église.

  1. Amsterdam, 1767, in-12 de 36 pages. — R.
  2. Il avait, dit M. Étienne, pris le nom de Molet dans les premières années de sa carrière théâtrale. — R.
  3. V. 23 février 1767. — R.
  4. Ramponeau, cabaretier de la Courtille qui eut une grande vogue en 1760. — R.
  5. V. 13 janvier 1767. — R.
  6. On ne la trouve point dans les Œuvres de Marmontel. — R.
  7. Par Chaudon, Amsterdam, 1767, 4 vol. in-8o. Ce Dictionnaire a été souvent réimprimé avec des additions et corrections. Chaudon, aidé par Delandine, en a publié une huitième édition à Lyon, en 1804, 13 vol. in-8o. — R.
  8. Entre autres Jean Castilhon, mort en 1760 suivant le Dictionnaire, et qui vécut jusqu’au 1er janvier 1799. — R.
  9. Paris, Panckouke, 1767, in-8o. — R.
  10. V. 6 mars 1766, — R.
  11. Warwick. — R.
  12. Le roi de Prusse. — R.
  13. La Haye (Paris, Gueffier), 1767, in-8o. — R.
  14. V. 3 mars 1767. — R.
  15. Cet article est emprunté au Journal Encyclopédique du 15 mars 1767, p. 164. — R.
  16. Heinning. — R.
  17. Cette lettre n’est point de Voltaire comme paraît le supposer l’auteur des Mémoires. — R.
  18. Les Négatifs étaient ceux qui refusaient au Magnifique Conseil de Genève le droit de mettre au néant les représentations du Conseil des Deux Cents. — R.
  19. Boileau. — R.
  20. Horace, de Art poet. — R.
  21. Vienne (Paris), 1767, in-12. — R.
  22. 1767, 2 vol. in-12. — R.
  23. Paris, 1765, 7 vol. in-12. — R.
  24. Par l’abbé Mauduit, qui prie qu’on ne le nomme pas ; in‑8° de 15 pages. Cette brochure forme le premier cahier des Pièces retalives à Bélisaire. — R.