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Mémoires secrets de Bachaumont/1769/Janvier

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Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome II (1766-1769)p. 385-398).
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Janvier 1769

1769.

2 Janvier. Il paraît un nouveau conte intitulé : Apothéose du roi Pétau. On l’attribue à M. de Voltaire. C’est une allégorie satirique, réservée pour les ténèbres dans lesquelles elle a été enfantée.

3. — Les Étrennes de l’Amour[1], petite comédie jouée le premier jour de l’an, n’a reçu que très-peu d’applaudissemens : c’est une allégorie plate, triviale et misérable, qui ne mérite aucun détail.

5. — Les Comédiens Italiens ont donné aujourd’hui la première représentation de Lucile, comédie en un acte et en vers, mêlée d’ariettes. Tout le monde attribue les paroles à M. Marmontel, qui garde l’anonyme. La musique est du sieur Grétry. Cette pièce romanesque a produit à ce théâtre le rare spectacle d’un auditoire fondant en larmes. Le musicien a secondé le poète à merveille, et a brisé les cœurs par des ariettes passionnées. Chacun est sorti pleurant et enchanté ; en sorte qu’on regarde la pièce comme couronnée par le plus grand succès.

7. — Extrait d’une Lettre de Rennes du 2 janvier 1769.

« Il court ici une caricature dont il faut vous dire l’origine. Un avocat, nommé Du Parc Poulain, tout dévoué aux Jésuites et à leur cabale, a été le défenseur du prêtre Clémenceau dans l’affaire du poison, jugée définitivement le 5 mai 1768. Ce dernier, en reconnaissance, a fait, dit-on, tirer en grand le portrait de ce moderne Cicéron. Le jurisconsulte est représenté en robe, avec la croix de Saint-Michel par-dessus ; il tient d’une main ses Commentaires sur la Coutume de Bretagne, mauvais ouvrage, malgré les éloges de Fréron, et de l’autre sa première requête pour Clémenceau. Il fixe les yeux sur ses œuvres avec un air de complaisance. Des plaisans ont fait graver ce portrait et ont ajouté les deux quatrains suivans. De la bouche de l’orateur on fait sortir celui-ci en lettres d’or :

On dit mes ouvrages mauvais ;
Oui, quelques sages les rejettent ;
Mais plus de cent sots les achètent :
C’est pour eux que je les ai faits.


Et, au bas du portrait, on lit cet autre :

Efflanqué, long et plat, son style est son image :
Détestable copiste, insipide orateur,
DétesÀ l’auteur on connaît l’ouvrage,
DétesÀ l’ouvrage on connaît l’auteur.

»

8. — Une cause importante, portée à la grand’chambre, a donné lieu à un mémoire très-plaisant, répandu avec profusion, qui fait l’entretien du jour, et qu’on trouve également sur les bureaux poudreux des gens de lois et sur les toilettes élégantes des femmes. Il est intitulé : Pour les coiffeurs des Dames de Paris, contre la communauté des maîtres barbiers, perruquiers, baigneurs-étuvistes. Les perruquiers prétendent que c’est à eux seuls à coiffer les dames ; ils ont fait mettre à l’amende et emprisonner plusieurs de leurs adversaires. Ceux-ci se défendent et veulent que le privilège exclusif soit pour eux.

9. — Il paraît une deuxième Lettre d’un gentilhomme breton à un noble espagnol, datée de Rennes le 14 octobre 1768. Cette brochure, de plus de deux cents pages, imprimée en petits caractères, continue d’exposer les prévarications commises, suivant l’auteur, par le prétendu Parlement de Rennes dans le procès criminel commencé le 29 mai 1767, à l’occasion de l’imprimé qui a pour titre : Tableau des assemblées clandestines des Jésuites et de leurs affiliés à Rennes, et jugé définitivement par l’arrêt du 5 mai 1768, dans lequel se trouve impliqué l’incident de l’affaire appelée l’affaire du poison. On y discute en détail les différens mémoires et requêtes des Clémenceau, des Fourneau, etc. L’historique de tout cela est si noir, si atroce, si contradictoire, si incroyable, que le lecteur ne peut être que très en garde contre un pareil récit. Il faut voir comment l’appel sera reçu au Conseil. Ce procès, rempli d’irrégularités, pèche par tant d’endroits, que cet appel ne peut manquer d’être admis. Du reste, l’ouvrage est parsemé d’anecdotes scandaleuses, surtout contre les nouveaux membres de ce que l’historien appelle le bailliage d’Aiguillon ; et ce Parlement, l’aréopage de la province, ne serait, suivant lui, que le résultat de ce qu’il y aurait de plus vil et de plus méprisable.

10. — M. de Voltaire vient de perdre un de ses intimes amis, en la personne de M. Damilaville[2]. La correspondance de ce grand homme et quelques louanges dont il l’a honoré dans ses ouvrages, lui avaient donné une sorte d’illustration. Il avait acquis ainsi une consistance dans la littérature, et s’était trouvé lié avec les personnages les plus célèbres. On prétend même qu’il a fait quelques opuscules anonymes[3]. Quoi qu’il en soit, il est mort d’une maladie de langueur. M. Diderot a long-temps soutenu sa constance ; mais enfin on l’a déterminé à avoir recours aux consolations spirituelles, et le curé de Saint-Roch a remplacé près de lui l’encyclopédiste. Sans doute que M. de Voltaire versera des larmes sur son ami, et que le poète ornera de fleurs l’urne de ce philosophe.

12. — Le roi vient de donner quatre mille livres de pension au sieur Goldoni, appelé en France depuis plusieurs années par les Comédiens Italiens, pour soutenir leur théâtre, et depuis nommé pour apprendre à Mesdames la langue dans laquelle il a donné des drames si intéressans, et qui l’ont fait surnommer le Molière d’Italie. Il est certain que cet auteur, très-inférieur au Français du côté de la force des caractères, de l’énergie des situations, de la finesse de l’intrigue, de la gaieté soutenue de ses personnages, est admirable pour le naturel du dialogue, l’exactitude des détails et l’imbroglio que sa nation entend si bien.

13. — Le mémoire dont on a parlé[4], en faveur des coiffeurs de dames de Paris, a été supprimé, comme indigne de la majesté du tribunal où était portée l’affaire. Les coiffeurs ont gagné en plein contre les perruquiers, et cette fois-ci les Grâces ont triomphé du monstre de la Chicane. Toutes les élégantes de ce pays-ci avaient pris un grand intérêt au procès, et formé les sollicitations les plus puissantes.

14. — Quoique les diverses Remontrances du Parlement sur les édits bursaux, enregistrés au lit de justice, ne soient pas imprimées, Messieurs en laissent transpirer des copies pour que la nation apprenne au moins jusqu’à quel point s’est enflammé le zèle de cette compagnie dans une crise importante où il était si essentiel de ne pas prêter son ministère à cet enregistrement, et de conserver les bornes prescrites par son arrêté vigoureux. Les peuples lisent avec avidité ce double ouvrage, triste tableau des malheurs de la France et du désordre de ses finances. Les Itératives remontrances sont surtout remarquables par la multiplicité de faits qu’elles contiennent, dénués de tout l’accessoire d’une éloquence frivole et de ces lieux communs qui énervent la vérité, qu’on ne saurait montrer en pareille occasion avec trop de force et d’austérité. On attribue ces deux chefs-d’œuvre à M. l’abbé Terrai, qu’on a regardé jusqu’à présent comme un membre trop voué à la cour. Ce trait de vigueur et de patriotisme lui a valu un compliment qui court dans les cercles et que chacun répète avec plaisir. M. Pierron, premier substitut de M. le procureur-général, étant allé voir ce Démosthènes, peu après les phrases d’usage : « M. l’abbé, lui a-t-il dit, je viens vous demander votre amitié pour cette année, mais non votre protection. » M. l’abbé a senti la finesse de cet éloge, qui fait honneur à ces deux bons citoyens et serviteurs du roi.

15. — Le Procès de M. de La Chalotais[5], quoique proscrit avec la plus grande solennité et prohibé sous les peines les plus sévères, se répand malgré son volume. Les curieux le lisent avec avidité, non à raison du fond, très-sec, très-monotone, et ne roulant que sur des pièces de forme et de procédure qui ne prêtent à nulle éloquence, mais à cause de l’intérêt qu’on prend aux personnages, de la tournure nouvelle des interrogatoires, et d’un complot réfléchi, qu’on prétend y trouver, de convertir en coupables des gens innocens. On ne peut dissimuler que le procureur-général ne gauchisse quelquefois, et qu’il ne montre pas toute cette dignité que devraient lui donner, même sur la sellette, sa qualité et la pureté de sa conscience… Quelques lecteurs sont fâchés qu’il se répande en complimens, en suppliques, dans des circonstances ou son ame devrait se soulever d’indignation contre des juges qu’il ne reconnaît pas et qui semblent épuiser toutes les subtilités de leur art perfide pour le surprendre et le faire tomber en contradiction. Les partisans de M. de La Chalotais attribuent à modération et à douceur ce que les autres prennent pour un défaut de cette fermeté qu’il témoigne si grande dans ses Mémoires et lorsqu’il est calmé par la réflexion. Cela prouve combien cette qualité est rare, même dans les plus inflexibles personnages ; que l’innocence peut être intimidée, et qu’un grand cœur tremble quelquefois à la vue du tribunal le plus inique et le plus illégal. Du reste, les notes répandues dans cet ouvrage sont ce qu’il y a de plus sanglant. MM. de Flesselles, d’Aiguillon, de Calonne, Le Noir, etc., y sont traités d’une façon très-méprisante. Il y en a surtout une sur la naissance du premier, qu’il voudrait racheter pour bien de l’argent, mais encore moins infamante que les noirceurs et les atrocités qu’on attribue aux autres. Indépendamment des principaux agens de ce mystère d’iniquité, on attaque une infinité de méchans subalternes, qu’on accuse de s’être prêtés, par une complaisance criminelle et aveugle, à toutes les manœuvres qu’on a voulu faire jouer. Il ne parviendra peut-être pas à la postérité de monument plus effrayant que ce livre, de l’iniquité du siècle et de la dépravation du cœur humain.

16. — Une Épitre de M. Saurin à M. de Voltaire fait grand bruit par l’indignation des dévots soulevés contre lui. Ils se récrient contre son audace d’assimiler un poète à la Divinité, et la transsubstantiation du Fils de Dieu, aux faiblesses de l’humanité de M. de Voltaire. Il est certain qu’un Académicien n’aurait pas dû se permettre la hardiesse de cette métaphore, qui n’offre, à ceux qui lisent ce vers sans prévention, qu’une figure puérile, et qui ne valait pas la peine de se livrer à une plaisanterie. Il devait prévoir combien il serait aisé de la transformer en impiété et en blasphème[6].

18. — Le public est partagé sur Lucile, nouveauté qui fait grand bruit. Les uns la proscrivent comme un roman nul, froid, triste, et ne roulant que sur une intrigue remaniée dans plusieurs autres et dans diverses pièces de théâtre : d’autres en sont enchantés, y trouvent un intérêt pressant, en admirent le dialogue et les détails, où ils croient reconnaître le talent du courtisan le plus aimable. On s’intrigue beaucoup, au reste, pour en constater l’origine. Il paraît que cet ouvrage appartient décidément a M. Marmontel et au duc de Nivernois ; que le premier en a fait la charpente, qui n’est pas ce qu’on y trouve de plus merveilleux, et que le second l’a décoré de toutes les beautés qu’il sait prodiguer avec un goût et des grâces qui n’appartiennent qu’à lui. Ce n’est que comme cela qu’on peut expliquer la modestie des auteurs de ce drame qui, malgré son succès le plus décidé, s’obstinent à garder l’anonyme.

19. — M. de Trudaine, intendant des finances, vient de mourir, après une maladie de langueur longue et douloureuse. Les regrets du public sont le plus grand éloge qu’on en puisse faire. La partie des chemins et celle des manufactures du royaume lui doivent beaucoup. Il avait des vues étendues, de l’exactitude, de la constance au travail, une fermeté que les mécontens nomment dureté. Sa perte devient moins irréparable en ce qu’il a eu le temps de former un élève et un digne successeur en la personne de M. Trudaine de Montigny, son fils, qui, très-jeune encore, a déjà eu l’honneur d’imiter la modestie de son père, en refusant le contrôle-général, offert depuis long-temps au premier et tout récemment à celui-ci. Aux principes et à l’art de la manutention, M. de Montigny joint des connaissances théoriques de plusieurs sciences étrangères, en apparence, à son administration, mais très-utiles en effet, et qui lui ont valu une place à l’Académie des Sciences, dont M. Trudaine était aussi honoraire.

— Les libraires de Paris se proposent de faire une nouvelle édition du fameux dictionnaire de l'Encyclopédie. On ne peut qu’applaudir à cette grande entreprise, si les éditeurs savent profiter des justes critiques qu’on a faites de ce célèbre ouvrage, dépôt éternel des connaissances et des délires de l’esprit humain. On sait avec quelle négligence beaucoup d’articles ont été rédigés, combien d’autres ont été dictés par la passion et l’esprit de parti, comment la cupidité a introduit dans cette société une quantité de manœuvres inaptes à ce travail : en sorte que les deux tiers de cette compilation immense ont besoin d’être refondus ou du moins revus et corrigés. Mais le lieu de l’impression fait craindre qu’on ne laisse pas aux auteurs toute la liberté qu’exige un livre de cette espèce. L’impression de Paris est sujette a tant de gênes, tant de gens se mêlent de cette partie de la police, on y est si facile à donner accès aux plaintes des mécontens de tout genre, de tout ordre, de tout caractère, qu’il est presque impossible qu’une entreprise de cette étendue y arrive à sa perfection.

22. — Il paraît deux Lettres de M. le duc d’Aiguillon ; l’une, du 8 septembre, à M. de La Villeblanche, conseiller au Parlement de Rennes ; l’autre, en date du 6 octobre, à M. de Châteaugiron, avocat-général de l’ancien Parlement, faisant à celui-ci fonction de procureur-général. L’impression de ces lettres est d’autant plus extraordinaire, que, ne faisant honneur ni à celui qui les a écrites, ni à ceux qui les ont reçues, il n’est pas à présumer qu’ils en aient laissé transpirer des copies. D’ailleurs, on y trouve un esprit de faction et d’animosité, un plan réfléchi d’entretenir les troubles et les divisions de la province, qui ne caractérisent rien moins qu’un bon serviteur du roi, comme l’est à coup sûr l’ancien commandant de Bretagne. Toutes ces raisons rendent cette brochure très-suspecte, et l’on ne doute pas que M. le duc d’Aiguillon ne la désavoue et n’en réclame la lacération et la brûlure.

23. — Le séjour du roi de Danemark à Paris a donné lieu à tous nos poètes de s’exercer en sa faveur, et de lui prodiguer en vers les éloges que toute la nation lui a consacrés en prose. Depuis son départ, il en paraît quelques autres, qui ne sont pas marqués au même coin. On y trouve un esprit satirique qui annonce avec quelle liberté se donnent carrière, aujourd’hui, les malheureux auteurs que sa présence semblait gêner. De ce nombre sont les Adieux d’un Danois aux Français[7], et une pièce plus courte, intitulée : Vers non présentés au roi de Danemark[8], et qui, en effet, ne devaient pas être lus de cette Majesté.

24. — L’Académie royale de Musique a remis aujourd’hui Ernelinde sous le titre de Sandomir, nom d’un des principaux personnages de la pièce. Le poëme n’a pas paru beaucoup amélioré ; il est moins mauvais, cependant, en ce qu’il est plus court. Philidor se promettait le plus grand succès de la musique : il se flattait d’emporter tous les suffrages. L’amour-propre du musicien n’a pas réussi davantage, et le public est resté partagé comme il l’était à cet égard, c’est-à-dire que les partisans de la musique moderne en sont enchantés, et que ceux de l’ancienne la trouvent détestable.

25. — Quoique les fêtes pour le mariage de M. le Dauphin soient encore éloignées de près de deux ans, on se dispose de loin à les rendre aussi brillantes et aussi magnifiques que l’exige une pareille cérémonie. On travaille à force à la nouvelle salle de spectacle commencée depuis si long-temps à Versailles, et qui, restant à demeure, dédommagera bien de l’argent immense qu’elle doit coûter. Au lieu d’élever, à grands frais, des échafaudages mobiles et qui ne servent que pour le moment, on aura toujours dans cet emplacement un local orné et très-propre à tous les services qu’on voudra lui donner. On assure que le roi suit ces travaux avec plaisir, et voit de temps en temps leurs progrès. On répète aux Menus-Plaisirs divers opéras déjà projetés. Il paraît que rien ne contribuera de ce côté à faire manquer l’exécution des divertissemens arrêtés.

26. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation de l’Orphelin Anglais, drame en trois actes et en prose. Dans ce sujet romanesque et lugubre, l’auteur paraît avoir eu en vue de tracer ses deux principaux personnages d’après l’Émile et la Sophie de Rousseau ; mais ils n’y ressemblent que par des traits vagues et généraux. Ils sont bien loin de leur vérité, de leur naïveté, encore plus de leur force et de leur énergie. Les autres caractères sont plats et misérables, à l’exception d’un valet qui joint à ces qualités l’atrocité du plus infâme scélérat. Le style ne sent en rien l’homme de cour : c’est une prose dure, sans noblesse ; nulle légèreté, nulle vivacité dans le dialogue : en un mot, sans un tableau, vivement représenté par le sieur Molé, d’un père rapportant entre ses bras son enfant enlevé, l’auteur courait risque de sortir bredouille et sans aucun applaudissement marqué. Cette situation a produit le plus vif enthousiasme de la part des gens à imagination vive ; les autres, qui n’étaient point préparés à cet incident par aucune émotion précédente, n’ont vu que le Comédien et un bambin qu’il apportait sur la scène avec toutes les belles attitudes d’un acteur bien dessiné, échauffé d’un feu factice, dont il s’efforçait en vain d’embraser les spectateurs. M. le duc d’Orléans s’était fait annoncer sur l’affiche, et quoiqu’il ait la goutte, l’intérêt vif qu’il prend à l’auteur, M. de Longueil, attaché à sa personne, ne lui a pas permis de ne pas assister à ce spectacle ; mais il y était en loge grillée.

27. M. le comte d’Esseville, capitaine au régiment de Touraine, vient de recevoir de la cour une commission importante et flatteuse : il a été nommé pour visiter les communes du royaume et en faire faire le partage.

Sa réputation parmi les économistes, l’étendue et la profondeur de ses lumières dans ce qu’ils appellent la science, lui ont mérité cette distinction.

On sait que par communes on entend des terres restées en commun aux habitans des villages, bourgs, villes, etc. Il est question de les répartir par égale portion entre les habitans de chaque lieu, à qui chaque part appartiendra en propriété. On espère par-là exciter l’industrie et l’amour de l’agriculture, dont le gouvernement continue à s’occuper avec le plus grand soin ; et par contre-coup on espère augmenter l’impôt et étendre la taille. Les intendans ont ordre de seconder ce commissaire en tout ce qui dépendra d’eux, et de lui procurer les détails et les secours nécessaires. Il a commencé sa tournée.

30. — Il se répand au Palais une épigramme enfantée vraisemblablement dans son sein, mais qui jusqu’à présent y était restée dans l’obscurité. C’est une débauche d’esprit, très-condamnable, sans doute, de la part de l’auteur, mais où le cœur ne peut avoir eu de part. Il est question du discours de Me Gerbler au Parlement, en présentant les lettres de M. le chancelier[9] :


C’est à bon droit que l’on renomme
L’éloquent avocat Gerbier,
Puisqu’il a fait un honnête homme
De monseigneur le chancelier.


31. — Vers non présentés au roi de Danemark :


Dévoré par l’ennui, cette fièvre des rois,
DévoLe jeune prince des Danois
De climats en climats va cherchant un remède
DévoAu triste mal qui le possède.
DévoPartout les plaisirs enchanteurs

Unissent leurs efforts pour charmer ce monarque ; Il les trouve partout aussi vains que trompeurs ; Et sur le front royal l’ennui mortel se marque. Enfin, las de trouver tant de fleurs sous ses pas, Et tant de jolis vers qu’un Danois n’entend pas, Dans les bras du sommeil l’infortuné se plonge. L’auguste Vérité lui dit ces mots en songe : « Ami ! chez les Français mille vers séducteurs DévoFont payer cher leur existence, Tu répands ton argent et ramasses des cœurs : C’est bien fait ; mais le Nord gémit de ton absence. Un père vertueux quitte-t-il ses enfans ? Tu cherches le bonheur : ah ! connais mieux ton être ; La vertu le promet à des travaux constans : Les rois ne sont heureux, ne sont dignes de l’être, DévoQue quand leurs peuples sont contens. » À ces mots Christian, ennuyé de plus belle, S’éveille en appelant tout son monde à grands cris : « Partons, dit-il, partons ; mon trône me rappelle : Autant vaut m’ennuyer à ma cour qu’à Paris. »</poem>

  1. Par Cailhava d’Estandoux. — R.
  2. Damilaville mourut à Paris le 13 décembre 1768. — R.
  3. On a de lui un article Vingtième, imprimé sous le nom de Boulanger dans l’Encyclopédie, et une brochure intitulée : Honnêteté littéraire formant le second cahier des Pièces relatives à Bélisaire. C’est à tort que la Biographie universelle lui attribue le Christianisme dévoilé, qui est de d’Holbach. — R.
  4. V. 8 janvier 1769. — R.
  5. V. 24 décembre 1768. — R.
  6. L’Épître dont il s’agit fut adressée par Saurin à Voltaire à l’occasion des attaques dirigées par ce dernier contre Montesquieu dans l'A B C, Dialogue curieux, (V. 12 décembre 1768.) Elle n’a point été recueillie dans les Œuvres de Saurin. — R.
  7. Cette pièce satirique, attribuée à Marmontel par l’auteur du Dictionnaire des anonymes, n’a point été recueillie dans ses Œuvres. Ou la trouve dans la Correspondance littéraire de Grimm, ier janvier 1769. — R.
  8. V. 31 janvier 1769. — R.
  9. V. 24 novembre 1768. — R.