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Mémoires secrets de Bachaumont/1769/Octobre

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Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome III (1769-1772)p. 49-61).
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Octobre 1769

3 Octobre. — Les Comédiens Français ont donné hier la première représentation d’Hamlet, tragédie en cinq actes, tirée du théâtre anglais. Ce sujet avait fait jusqu’ici le désespoir de nos plus grands maîtres, qui avaient vainement tenté de l’adapter à notre théâtre et de le circonscrire dans nos règles dramatiques. Quelques-uns, comme M. de Voltaire[1], s’étaient contentés d’en prendre les beautés de détail et de les transporter dans leurs pièces. M. Ducis s’est approprié cette carcasse et en a formé un drame régulier, mais qui, dénué de ces endroits neufs et terribles, dont on s’était emparé avant lui, n’a plus été qu’une tragédie ordinaire, dans laquelle l’auteur, ayant perdu tout le mérite de l’invention, se trouve réduit à quelques beaux vers, à des morceaux particuliers et n’offre qu’un ensemble médiocre. Le sieur Molé, qui a fait le rôle d’Hamlet, a excité une vive sensation par la chaleur de son jeu.

4. — L’Académie royale de Musique a remis hier l’acte de Psyché, dont les paroles sont de M. l’abbé de Voisenon et la musique de M. de Mondonville. Ce petit drame, où mademoiselle Arnould déploie tant de grâces, a reçu encore un nouveau mérite du jeu de cette actrice inimitable. Elle n’avait pas joué depuis long-temps, avait craint de la perdre, et l’on ne se flattait de la revoir que sur le nouveau théâtre. Elle a voulu se remettre un peu au courant avant de tenter de plus grands rôles. Elle a été reçue avec des transports indicibles. On a trouvé sa voix plus soutenue et non moins séduisante : ses attitudes, toujours belles et pleines d’intérêt, ont ému l’âme des spectateurs et l’ont vivement passionnée. Elle a été très-bien secondée par mademoiselle Rosalie, qui avait fait le rôle de l’Amour. Cette dernière se perfectionne de plus en plus dans son jeu naïf, gai et piquant en même temps.

9. — L’admiration qu’a excitée au salon le portrait en pied du roi de Prusse, a fait fermenter les beaux esprits ; plusieurs ont fait des vers à ce sujet. Voici un quatrain composé par M. Bacon, qu’on trouve le plus juste et le moins indigne de ce grand roi.


Si ce roi conquérant, fameux par mille exploits,
Apprit à ses sujets le grand art de la guerre,
En prince, en philosophe, il leur dicta ses lois :
En prRégner, c’est éclairer la terre.


11. — Madame Denis, nièce de M. de Voltaire, dont la séparation d’avec ce cher oncle avait occasioné tant de mauvais propos et de conjectures sinistres qui n’ont jamais été bien éclaircies, vient de partir ces jours-ci pour se réunir à lui, et ce retour va sans doute égayer la retraite du philosophe de Ferney, qui commençait à avoir beaucoup d’humeur et à broyer bien du noir. Les curieux trouveront de nouveau une femme aimable, qui fera les honneurs du château, et attirera les étrangers effarouchés par les caprices d’un vieillard isolé. On sait que M. de Voltaire, malgré son ardeur pour la célébrité, ne daignait pas toujours se montrer aux amateurs, qui, en faisant ce voyage, risquaient de revenir sans l’avoir vu.

12. — M. Le Mière vient de nous donner son poëme de la Peinture, annoncé depuis long-temps, qu’il avait déjà lu dans une assemblée publique de l’Académie de ce genre et qui avait reçu pour lors beaucoup d’applaudissemens, ainsi que dans différentes coteries particulières, où l’auteur l’avait récité. Tous ces éloges prématurés se sont évanouis à l’impression. Il est de beaucoup inférieur aux poëmes latins de Dufresnoy et de l’abbé de Marsy ; il est plus didactique, plus dur, plus obscur, que celui de M. Watelet[2], et à quelques morceaux près, en petit nombre, inintelligible d’un bout à l’autre. C’est un fatras de vers empruntés et d’expressions disparates, dont il a revêtu des préceptes arides, sans enchaînement et sans progression. Il paraît dans la préface, aussi barbarement écrite que le poëme, que l’auteur a senti toutes les difficultés de son entreprise ; mais qu’il s’est cru capable de les surmonter : et c’est en quoi il s’est trompé. Nous avons sur le même sujet une esquisse[3] peu connue de M. le baron de Saint-Julien, qui est infiniment meilleure, pleine d’harmonie, d’images nobles et naturelles : elle fait regretter que cet auteur n’ait pas traité plus en grand et plus en détail cette matière.

On sait aussi que feu M. le marquis de Choiseul, capitaine des vaisseaux du roi et doué du talent aimable de la poésie, a laissé manuscrit un poëme de la Peinture très-estimé des amateurs qui l’ont lu, et infiniment préférable à tout ce qui a été composé en pareil genre.

13. — Idée singulière d’un bon citoyen concernant les fêtes publiques qu’on se propose de donner à Paris et à la cour, l’année prochaine, pour le mariage de Monseigneur le Dauphin. Tel est le titre d’une feuille manuscrite, qui court dans le monde et qui est vraiment originale. L’auteur distribue d’abord son projet de fêtes publiques en quatre parties : 1° repas ; 2° spectacles ; 3° feux d’artifice, illuminations ; 4° bals. Il sous-divise chacune de ces parties en différens articles, qu’il détaille dans la plus grande étendue, avec une évaluation des dépenses dont il forme une récapitulation générale, par laquelle ce devis complet monte à un capital de vingt millions. Il ajoute : « Je propose de ne rien faire de tout cela, mais de remettre ces vingt millions sur les impôts de l’année et surtout sur la taille. C’est ainsi qu’au lieu d’amuser les oisifs de la cour et de la capitale par des divertissemens vains et momentanés, on répandra la joie dans le cœur des tristes cultivateurs, on fera participer la nation entière à cet heureux événement, et l’on s’écriera jusques aux extrémités les plus reculées du royaume : vive Louis le Bien-Aimé ! Un genre de fête aussi nouveau couvrirait le roi d’une gloire plus vraie et plus durable que toute la pompe et tout le faste des fêtes asiatiques, et l’histoire consacrerait ce trait à la postérité avec plus de complaisance que les détails frivoles d’une magnificence onéreuse au peuple, et bien éloignée de la grandeur d’un monarque, père de ses sujets. »

14. — Un caustique, comme il s’en trouve beaucoup à Paris, mécontent des opérations de M. le contrôleur général, que beaucoup de gens accusent d’ineptie, a rapproché ce caractère avec la conformation physique de la tête de M. Maynon, et en a formé l’épigramme suivante :


Midas avait des mains qui changeaient tout en or :
Que notre contrôleur n’en a-t-il de pareilles !
Pour l’État épuisé ce serait un trésor :
Mais, hélas ! de Midas il n’a que les oreilles !


15. — On parle beaucoup d’un bon mot de M. le duc de Choiseul à madame la comtesse Du Barry. On sait que la chronique scandaleuse a prétendu que, quoique cette dame soit née en légitime mariage, son père véritable et physique était un abbé Gomar, ci-devant Picpus et qui passait pour avoir été très-bien avec la mère : bruit fort accrédité par le grand soin que madame Du Barry prend de cet abbé. La conversation roulait sur les moines, de la destruction desquels on s’occupe essentiellement en France. Madame Du Barry était contre eux, et M. le duc de Choiseul en prenait la défense. Ce ministre, plein d’esprit et de finesse, mettait en avant tous les genres d’utilité de cet état et se laissait battre successivement en ruine sur tous les points ; enfin poussé à bout : « Vous conviendrez au moins, Madame, a-t-il ajouté, qu’ils savent faire de beaux enfans. » Cette épigramme charmante, enveloppée de toutes les grâces du madrigal, fut sentie par celle qu’elle regardait et ne lui déplut pas à la faveur du galant correctif qui la faisait passer.

16. — Pour égayer cette multitude d’ouvrages ennuyeux sur la Compagnie des Indes et que personne ne lit, un plaisant a fait une parodie de la dernière scène de Mithridate. On voit au milieu du théâtre la Compagnie des Indes nue en chemise ; elle est suspendue par des cordes sous les aisselles, elle tient en main son privilège. Le corps des actionnaires est représenté par deux d’entre eux, qui s’essuient les yeux de leur mouchoir.

Cette plaisanterie du moment n’est point assez méchante pour être bonne. On y attaque cependant quelques personnages qui ne se trouveront pas contens de se voir désignés. M. Boutin y est couché tout de son long. On le regarde depuis long-temps comme l’ennemi juré de la Compagnie, et l’on ne doute pas qu’il ne soit l’instigateur du Mémoire de l’abbé Morellet.

17. — M. Baron, secrétaire de l’Académie d’Amiens, a trouvé une anagramme assez heureuse des noms du Saint-Père actuel. La voici :


Laurentius Franciscus Ganganellius.
Franciscanus[4] Galli unus erit Angelus.


Il a pris la liberté d’en faire part à ce pontife en écrivant en latin une lettre[5] de félicitation sur son exaltation. Cette lettre est du 28 juillet. Dès le 9 août Sa Sainteté a fait répondre par le cardinal de Pallavicini, son secrétaire d’État. Ce prélat a accusé en italien à M. Baron la réception de sa lettre au Saint-Père, et lui a envoyé en reconnaissance, de la part du pape, sa bénédiction apostolique.

20. — Une affaire particulière, devenue presque une affaire générale entre les gens de lettres et les libraires, mérite d’être rapportée. On sait de quelle tyrannie usent en France les derniers avec les premiers, que le malheureux état de leurs affaires oblige ordinairement de se laisser subjuguer par ces messieurs. Cette tyrannie avait engagé quelques auteurs plus pécunieux et plus intelligens à faire imprimer leurs ouvrages à leurs frais, et à les faire débiter par des subalternes de confiance. M. Luneau de Boisjermain, connu par des ouvrages estimables de sa façon et plus encore par son édition et son commentaire des tragédies de Racine, avait suivi depuis plusieurs années cette méthode. Comme ses productions s’étendaient et que ce genre de commerce prospérait entre ses mains, les libraires en ont conçu de la jalousie, et le 31 août 1768 ont fait une saisie chez lui, sous prétexte qu’il faisait un commerce en contravention des réglemens de la librairie. M. Luneau en a rendu plainte par-devant M. de Sartine, lieutenant-général de police et chef de la librairie ; ce qui a occasioné des Mémoires de part et d’autre. Dans son premier Mémoire, M. Luneau prouve : 1° qu’il n’a point vendu et débité de livres ; 2° qu’il ne les a point fait afficher pour les vendre ; 3° qu’il n’en a tenu boutique ni magasin ; 4° qu’il n’en a point acheté pour en revendre : au moyen de quoi il ne se prétend point infractaire du fameux réglement de 1723, qui interdit seulement aux étrangers la partie mercantile de la librairie. Dans le second, le sieur Luneau prend article par article le mémoire des libraires, sous le titre de Précis signifié par les syndics et adjoints des libraires de Paris, et le pulvérise entièrement : ce Mémoire est de Me Linguet, avocat connu au bareau et dans la littérature. Quant à M. Luneau, il a su jeter le plus grand intérêt sur cette matière aride, par la chaleur et l’éloquence de sa plume. Il s’élève avec force contre la tyrannie des libraires de France envers les gens de lettres, dont ils ne devraient être que les manouvriers et les colporteurs. Il les ramène au respect et à la subordination qu’ils doivent aux auteurs ; il objecte aux premiers des vérités fortes, mais nécessaires à sa cause et non des imputations injurieuses ou calomnieuses, comme ils le prétendent. M. de Sartine reçoit tous les jours des requêtes et représentations sur cet objet d’autres gens de lettres, qui font cause commune avec M. Luneau.

21. — Un anonyme vient de faire paraître une critique d’Hamlet[6]. Elle est fondée en raison sur quantité de choses ; on y relève les défauts de sens commun, et le jeu des acteurs n’est pas épargné. La pièce est censée interrompue par l’indisposition d’un acteur, expression d’adoucissement dont on se sert pour ménager l’amour-propre des auteurs. On prétend que M. Ducis, amèrement touché des fautes énormes qu’on lui reproche dans la contexture de son drame, se propose de le refondre pour le reproduire cet hiver dans un état plus supportable, et que le sieur Molé, sentant combien sa poitrine est insuffisante pour rendre son rôle, sera remplacé par le sieur Le Kain, dont la vaste corpulence et les poumons formidables répondent mieux au personnage du frénétique Hamlet.

22. — Un anonyme[7] répand depuis quelque temps un ouvrage périodique sous le nom d’Observateur Français à Londres, ou Lettres sur l’état présent de l’Angleterre, etc. Quoique nous ayons une infinité d’ouvrages sur les mœurs, la politique et l’administration des finances d’Angleterre, l’ardeur que nous avons aujourd’hui pour tout ce qui concerne nos célèbres rivaux, nous fait courir avidement à tout ce qui a quelque rapport à eux. Cette espèce de journal contient des anecdotes intéressantes, si elles sont vraies. Du reste, l’auteur a voulu se singulariser par une orthographe bizarre, qui rend la lecture de ce livre très-pénible ; il enchérit encore sur M. de Voltaire ; mais si l’on passe à ce grand littérateur quelques innovations fantasques, on doit être plus sévère vis-à-vis d’un écrivain qui n’a encore aucun titre sur la complaisance du lecteur, et qui doit commencer par les moyens reçus.

22. — Extrait d’une lettre de Fontainebleau.
Du 21 octobre.

« Hier il a été joué sur le théâtre de la ville une pièce nouvelle en un acte et en prose, ayant pour titre le Cri de la Nature. Elle est du sieur Armand, fils du fameux comédien de ce nom et concierge de la Comédie Française. Cet auteur, quoique enfant de la balle, n’ayant pu depuis plus d’un an obtenir une lecture de son drame à l’assemblée des Comédiens, a été conseillé de le donner ici. Il s’est muni avant du suffrage des pages, qu’il a suppliés d’assister à une répétition, et qui ont merveilleusement soutenu sa pièce : en sorte qu’elle a été aux nues. Il paraît sur le théâtre un petit enfant en maillot. On craignait que cette innovation ne révoltât les gens délicats ; elle a produit le plus grand effet ; on a pleuré à chaudes larmes, et toute la cour veut voir la nouveauté. Il est à espérer pour le sieur Armand qu’on fera représenter sa comédie d’emblée au théâtre de Paris. »

23. — On a fait ces jours derniers l’épreuve d’une machine singulière qui, adaptée à un chariot, devait lui faire parcourir l’espace de deux lieues en une heure, sans chevaux : mais l’événement n’a pas répondu à ce qu’on promettait : elle n’a avancé que d’un quart de lieue en soixante minutes. Cette expérience s’est faite en présence de M. de Gribeauval, lieutenant-général, à l’arsenal.

25. — Le Tableau parlant, qu’on joue aux Italiens avec tant de succès, a allumé la bile d’un auteur satirique anonyme[8] : il vient de l’exhaler dans une Épître qu’il adresse à son digne ami, M. Nicolet. À cette occasion il fronde le mauvais goût du jour, il passe en revue une infinité de nos auteurs modernes, qu’il réduit à leur juste valeur. On a joint au texte des notes encore plus cruelles, et toute la littérature est en mouvement pour découvrir ce critique, contre lequel la tourbe des petits auteurs fait cause commune. On a attribué cette Épître à M. l’abbé de Voisenon, parce que Favart, un des poètes de la scène si à la mode, y est absolument épargné.

27. — Il paraît une nouvelle plaisanterie relative à la Compagnie des Indes, qui est aujourd’hui l’objet des facéties de Paris. C’est une espèce de Placet au roi, en dialogue entre M. l’Héritier et M. de Moracin, deux députés des actionnaires.

29. — Extrait d’une lettre de Fontainebleau.

« La Rosière, opéra comique dont les paroles sont, comme vous savez, du sieur Favart, et dont la musique est du sieur Philidor, a été jouée, mercredi 25 de ce mois, devant le roi et toute sa suite, sans succès. Il paraît qu’en général on ne raffole point ici de ce genre de spectacle comme à la ville. L’opéra d’Iphise et Yante, du sieur Laujon, n’a pas eu un meilleur sort. Le Cri de la Nature, dont je vous ai parlé, reçoit de nouveaux éloges à mesure qu’on le voit. Cette indulgence du public a encouragé l’auteur à mettre aussi sur la scène son Honnête homme, comédie en cinq actes et en vers comme la première, que je vous ai mal-à-propos annoncée être en prose. Celui-ci doit être joué le jour des Morts, et les partisans de l’auteur ne lui promettent pas moins de gloire. »

30. — On écrit d’Allemagne que les Jésuites de Coblentz et de Bamberg, ayant trouvé dans l’Évangile de Nicodéme (que l’on sait n’être pas reçu comme orthodoxe, mais un des cinquante évangiles répudiés comme apocryphes) que le bon larron s’appelait Dixmare, ils ont jugé à propos d’en faire un saint, de l’invoquer sous ce nom, de lui bâtir une chapelle, de lui composer des litanies, et de lui faire faire des miracles. Dans les diverses invocations qu’on lui adresse, et dans les prières rédigées par ces benoîts Pères, ils l’y appellent Saint voleur, Saint meurtrier, Saint assassin, le tout avec permission de leurs supérieurs. Les réflexions de l’auteur de la lettre sont, qu’il en résulte que les plus grands criminels peuvent être érigés en saints, pourvu que sur l’échafaud ils aient un bon moment.

Quoique cette relation soit fort circonstanciée et regardée comme certaine, il est à présumer que c’est une calomnie des ennemis de la Société, ou du moins que le fait est prodigieusement exagéré, ou que c’est une invention de quelque plaisant : cette espèce de rieurs n’est pourtant pas commune en Allemagne.
31. — Copie d’une lettre du pape Clément XIV au roi de France, présentée par son nonce.

« Je m’attends que les ambassadeurs de la maison de Bourbon vont faire les plus vives instances pour m’engager à acquiescer à leurs demandes. Il est donc à propos que je prévienne Votre Majesté sur cet objet et que je lui déclare mes sentimens :

« 1° J’ai envoyé au duc de Parme les dispenses de mariage qu’il m’a demandées ; j’ai suspendu à cet égard les effets du Bref dont il se plaint, des bulles qui y sont relatives, et je lui donne cordialement ma bénédiction apostolique.

« 2° Pour ce qui regarde les Jésuites, je ne puis ni blâmer ni anéantir un institut loué et confirmé par dix-neuf de mes prédécesseurs, et je le puis d’autant moins, qu’il a été authentiquement confirmé par le saint concile de Trente, et que, selon vos maximes françaises, le concile général est au-dessus du pape. Si l’on veut, j’assemblerai un concile, où tout sera discuté avec justice et égard, à charge et à décharge, dans lequel les Jésuites seront entendus pour se défendre, car je dois aux Jésuites, comme à tous les ordres religieux, justice et protection. D’ailleurs, le roi de Sardaigne et le roi de Prusse même m’ont écrit en leur faveur ; ainsi, je ne puis par leur destruction contenter quelques princes qu’au mécontentement des autres.

« 3° Je ne suis point propriétaire, mais administrateur des domaines du Saint-Siège ; je ne puis céder ni vendre Avignon, le Comtat et le duché de Bénévent. Tout ce que je ferais à cet égard serait nul, et mes successeurs pourraient réclamer comme d’abus.

« Au reste, je céderai à la force, et je ne la repousserais pas par la force, quand je le pourrais ; je ne veux pas répandre une seule goutte de sang pour des intérêts temporels. Vous êtes, Sire, le fils aîné de l’Église ; je connais la droiture de votre cœur, et je travaillerai volontiers seul à seul avec Votre Majesté sur les intérêts que nous avons à démêler ensemble. Je prie tous les jours pour votre prospérité, et je vous donne cordialement ma bénédiction apostolique. »

  1. Nous ne croyons pas que Voltaire ait jamais rien emprunté à l’Hamlet de Shakspeare : peut-être a-t-on voulu parler d’Othello. — R.
  2. L’Art de peindre, poëme. Paris, 1760, in-4° et in-8°. — R.
  3. La Peinture, poëme. 1755, in-12. — R.
  4. Clément XIV avait été Franciscain. — R.
  5. On la trouve dans le Mercure de France, décembre 1769, p. 143. Elle est suivie de la réponse du cardinal Pallavicini. — R.
  6. Lettre d’un jeune homme à l’auteur de la tragédie d’Hamlet. Paris, Delalain, 1769, in-8°. — R.
  7. Damiens de Gomicourt. — R.
  8. Palissot. Voyez la Correspondance littéraire de Grimm, lettre du 1er novembre 1769. — R.